• Science sans confiance.

    « Le décret précisant les nouvelles modalités d’évaluation des acquis scolaires au primaire et au collège, est paru au Journal officiel ce dimanche. Cette nouvelle évaluation entrera en vigueur dès la rentrée 2016 », lit-on dans cet article.

    Bien. Allons donc voir les nouvelles modalités... En commençant par le commencement, l'École Maternelle.

    Art. D. 111-3. - Les parents sont tenus régulièrement informés de l'évolution des acquis scolaires de leurs enfants et du respect par ceux-ci de leurs obligations scolaires définies à l'article L. 511-1. « Cette information se fait notamment par l'intermédiaire du carnet de suivi des apprentissages à l'école maternelle, du livret scolaire à l'école élémentaire et au collège, ainsi que du bulletin et du livret scolaires dans les lycées. « Cette information est transmise plusieurs fois par an, selon une périodicité définie par le conseil des  maîtres pour l'école maternelle et élémentaire et par le conseil d'administration, en prenant en compte le nombre de réunions du conseil de classe, pour les établissements du second degré. « L'école ou l'établissement scolaire prend toute mesure adaptée pour que les parents ou le responsable légal de l'élève prennent connaissance de ces documents.

    Eh bien, dites-donc, ils vont être examinés de près ces tout-petits ! Et leurs maîtres, donc ! Le « carnet de suivi » des apprentissages, rien que ça... Une sorte de « carnet de santé » de l'éveil de l'enfant ? Que non pas : il s'agit de suivre les apprentissages ! Et ça, hélas, nous savons ce que cela veut dire... L'évaluable, le quantifiable, on le connaît :
    - récite l'alphabet à l'endroit, à l'envers, en sanscrit et en breton
    - chantonne la comptine numérique jusqu'à quarante-douze
    - récite les jours de la semaine, les mois de l'année et les saints du calendrier (ou la liste des sous-préfectures dans les écoles laïques)
    - compte les syllabes des mots « ornithorynx » (sic) et « métempsychose»
    le tout suivi de la kyrielle des « commence à ...», depuis « commence à abattre les aberrations qui l'abrutissent » jusqu'à « commence à zinzinuler mieux qu'une alouette » !

    Les ordinateurs, les smartphones, les tablettes numériques et même les deux-chevaux et les brouettes, quand on les fabrique, c'est facile. Ce sont toujours les mêmes pièces, exactement dans le même ordre. On ne peut pas se tromper. Et lorsque, en fin de chaîne, on vérifie la conformité du produit, c'est très simple : ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas, en raison de telle ou telle pièce, tel ou tel composant, défectueux ou mal relié au reste, qu'il convient de remplacer.

    Avec les enfants, c'est très différent. Ces petites choses-là ne sont absolument pas fiables et ont plutôt tendance à se comporter comme des organismes vivants au développement foisonnant que comme des objets stéréotypés au montage strictement linéaire.

    D'abord, ils ne se développent pas tous exactement dans le même ordre, en respectant le cahier des charges mis en place par le chef de projet. Et aucun ordre préétabli n'est plus prédicateur de réussite que les autres : l'un commencera par développer les roues, l'autre le châssis alors qu'un troisième privilégiera l'ordinateur de bord, le confort des amortisseurs ou l'étanchéité du toit, pour que, finalement, tous se retrouvent enfin au volant d'un véhicule, ne ressemblant parfois que de très loin à une deux-chevaux mais tout ce qu'il y a de plus fonctionnel quand même !

    Ensuite, il est très difficile d'évaluer leur conformité tellement les possibilités de développement peuvent se décliner seules mais aussi se combiner à l'infini. Tant et si bien que ce qui peut paraître une tare a priori se transforme parfois en un don si exceptionnel qu'il n'était encore pas répertorié dans le domaine des possibles.

    Enfin, et c'est sans doute l'une des conséquences les plus graves dans cette galéjade bientôt trentenaire : ces jolies compétences à la mode managériale ont la détestable habitude d'être d'autant plus conditionnées par l'ambiance du moment que l'enfant est jeune et influençable.
    Ce sont elles, la pédagogie qu'elles ont imposée et la médicalisation à outrance des troubles qu'elles pouvaient laisser éventuellement subodorer qui ont précipité l'école, dès la maternelle, dans la détection, la normalisation et parfois même... j'en tremble en l'écrivant... la justification sociale de l'échec scolaire.

    L'école maternelle, jusqu'alors, accueillait les enfants tels qu'ils étaient et, par des programmes et des méthodes propres à encourager leurs infinies possibilités de développement, les amenait tous, à quelques très rares exceptions près, en pleine possession de leurs moyens à l'aube de l'école élémentaire. Sommée pour se rentabiliser d'adopter ces « livrets scolaires » qui ne disent pas leur nom, elle a perdu son âme, sa fraîcheur et son rôle de « mère attentive et dévouée » que lui avait assigné sa fondatrice

    En perdant tout cela, c'est la confiance qu'elle a perdue.

    Tout d'abord, ce qui est le plus grave, la confiance de ses maîtres, et de leur hiérarchie, envers leurs tout jeunes élèves. On leur demande sans doute d'évaluer avec bienveillance mais on leur parle a priori, comme quelque chose d'inévitable, de différenciation, d'aide personnalisée ou de prise en compte des besoins particuliers et cela à un âge où, sauf cas très lourd, tous les enfants sont susceptibles de réussite, dès lors qu'on adopte des méthodes basées sur la confiance et le respect des intérêts et des schémas individuels de développement.

    Ensuite, et c'est très ennuyeux aussi, la confiance de la société civile et en premier lieu, celle de tous ceux qui gravitent autour des jeunes enfants : parents, médecins, personnel des crèches et des haltes-garderies.
    Devenant une école primaire qui note, évalue, établit des progressions et des programmations, elle s'est coupée des plus jeunes, ceux qui n'avaient que deux ans révolus.
    Aujourd'hui, devant l'urgence sociale, elle essaie de leur rouvrir ses portes, au moins dans les zones de relégation ; hélas, elle ne sait plus trop qui elle est et, bien que réintroduisant le jeu, sauf en quelques très rares lieux2 , elle n'arrive toujours pas à faire confiance aux tout-petits pour savoir comment et à quoi ils ont envie de jouer pour apprendre à grandir. Ce nouveau décret sur l'évaluation le prouve bien, lui qui, à nouveau, fait passer la communication entre école et familles par le truchement d'un livret scolaire.

    C'est dans l'article D. 321-10 que nous pouvons mesurer à quel point ce manque de confiance de la société envers ses enseignants est encouragé, institutionnalisé par notre Ministère de tutelle :

    Art. D. 321-10. - Les modalités d'évaluation des apprentissages des élèves au regard des objectifs des programmes sont définies par les enseignants en conseil de cycle. L'évaluation des acquis de l'élève est réalisée par l'enseignant. Elle a pour fonction d'aider l'élève à progresser et de rendre compte de ses acquis. Les élèves ainsi que les parents ou le responsable légal sont informés des objectifs, des modalités et des résultats de cette évaluation. « A l'école maternelle, un carnet de suivi des apprentissages permet de rendre compte des progrès de l'élève. Il est régulièrement renseigné par l'enseignant de la classe, selon une fréquence adaptée à l'âge de l'élève. Ce document suit l'élève en cas de changement d'école au cours de sa scolarité en cycle 1.
    « Au terme de la dernière année de scolarisation à l'école maternelle, une synthèse des acquis scolaires de l'élève est établie, selon un modèle national fixé par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale. Cette synthèse est renseignée en conseil de cycle par les enseignants du cycle 1. Elle est transmise à l'école élémentaire lors de l'admission de l'élève en première année du cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux, et communiquée aux parents ou au responsable légal de l'élève.

    Là-dedans, bien peu de latitudes et de possibilités d'adapter au quotidien s'il le faut ses méthodes à ses observations, dans sa classe, en fonction de ses élèves. De quels acquis faudrait-il rendre compte que les parents n'auraient pas remarqué eux-mêmes ?
    Quand il s'agit de résoudre un problème de proportionnalité par la règle de trois ou d'accorder des participes passés avec un COD antéposé, je veux bien qu'il faille signaler à la famille où en est le petit dernier... Mais quand il s'agit du développement physique, social, langagier et cognitif d'un enfant de deux à six ans, excusez-moi, les parents ne sont pas imbéciles. Si on les encourage à faire confiance à l'école, ils savent très bien constater eux-mêmes, sans que ceci soit matérialisé par une pastille verte, que Bébichou bavarde maintenant à en saouler son entourage, qu'il nomme les couleurs, enfile seul son manteau, marche sur une poutre sans appui, dessine des bonshommes et les habille, s'intéresse aux livres, chante des comptines et reconnaît les panneaux de signalisation routière.

    Pour redonner la confiance aux familles, aux médecins qui ne conseillent plus l'école maternelle, aux équipes de direction des crèches qui gardent certains enfants jusqu'à l'aube de leur quatrième anniversaire, il aurait fallu mettre le paquet sur la formation des maîtres, d'autant plus délicate qu'elle nécessite de persuader certains d'effectuer un virage à 180°. On aurait dû supprimer tout ce fatras de paperasses et encourager les enseignants à bavarder avec ces gens-là comme le ferait une mère intelligente et dévouée, avec qui l'on sympathise tant elle est de bon conseil.
    À la place, on en rajoute dans la mise en cases du tout-petit et la nécessité de convaincre les familles de l'importance de micro-compétences détaillées une à une en fonction des objectifs généraux des programmes.

    Tout cela pour finir, comme d'habitude, par demander à la montagne de compétences acquises, en voie d'acquisition, à renforcer et non acquises répertoriées pendant trois à quatre années d'école maternelle d'accoucher d'une toute  petite souris totalement muette sur les capacités réelles de l'élève à l'entrée au CP. 
    En effet, la synthèse des acquis scolaires à la fin de l'école maternelle se contente de dire, en dehors de tout critère facilement objectivable, que l'enfant, appelé par son prénom, bienveillance oblige, est un être humain comme tous les autres, pas plus, ni moins.
    Ce qui le condamne, selon l'exigence de l'évaluateur à l'instant où il remplit le bulletin du très lointain bachelier, à ne pas encore réussir, être en voie de réussite ou réussir souvent à : communiquer, s'exprimer, comprendre, écrire, s'engager, coopérer, produire, se repérer dans le temps et l'espace, utiliser les nombres, manipuler des objets ou encore maintenir son attention, persévérer dans une activité, prendre en compte des consignes et des règles de vie et participer à des activités ! 

    Voilà ce qui arrive lorsqu'on prend des petits êtres humains pour des smartphones ou des deux-chevaux. Qu'on ne s'étonne pas ensuite que les écarts se creusent, quand on les fige dès la Petite Section. Qu'on ne s'offusque pas de voir que certains en sont réduits à se vouer à des méthodes qui, bien que créées par des personnes avec lesquelles il est bon de marcher sur des œufs en terme de confiance, ont le mérite de montrer qu'elles croient à l'enfant en lui offrant le milieu riche et sain qui l'amènera nécessairement à se développer sans passer son temps à le mesurer sur toutes les coutures. 
    Enfin, hélas, qu'on n'espère pas que cette ultime étape de la Grande Refondation de l'École permettra à nos enfants et petits-enfants de se sentir accueillis, entourés, choyés et instruits ainsi qu'ils le souhaitent tous lorsqu'ils arrivent à l'école maternelle !

    D'autres pistes existent. Elles s'inspirent de ce qu'il y a de meilleur chez tous les grands pédagogues. Elles accueillent avec bienveillance, entourent avec sollicitude, accompagnent avec confiance. Elles apprennent pas à pas aux enfants à vivre en collectivité avec tout ce que cela sous-entend de respect, d'empathie, de confiance mutuelle. Elles les encouragent à coopérer avec leurs camarades et leurs maîtres, à aimer les jeux, les travaux, les découvertes qu'ils font ensemble. Elles les amènent à acquérir des connaissances solides, multiples et variées sur lesquelles ils pourront réellement s'appuyer lorsqu'ils arriveront à l'école élémentaire. Elles leur enseignent comment prendre la mesure de ce qu'ils savent, au jour le jour, sans pour cela les contraindre sans cesse à descendre de vélo pour se regarder pédaler.
    Elles se refusent enfin à les considérer comme des objets à l'intelligence artificielle qui téléchargeraient comportements et attitudes pour les régurgiter ensuite à la demande. De ce fait, elles ne demandent pas de concevoir et remplir pendant trois années mille petites cases débouchant, en fin de chaîne, sur vingt-deux items définissant vaguement les critères nécessaires à un apprentissage en milieu scolaire.

    Ces méthodes, d'autres que moi en ont parlé, bien sûr. Ils répondent aux noms de Kergomard, Freinet, Montessori, Pape-Carpantier et même le sulfureux Steiner... Pour ma part, je les ai recensées dans ce livre3 que je vous encourage à lire si, comme moi, vous pensez qu'une autre école maternelle est possible et qu'il est urgent qu'on y travaille.

    Science sans confiance.

    Notes :
    1 Mon smartphone enfant interagit en respectant les rôles de chacun ; restitue des chants et des poèmes ; réalise des productions personnelles...
    2 Voir par exemple, mais ce n'est qu'un exemple, le blog Classe maternelle Gennevilliers
    .
    3 Vous pouvez vous le procurer en cliquant directement sur l'image de la couverture ou en me contactant, via l'onglet contact.


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  • Tous mes vœux au dernier né

    Ce qui est amusant quand on met au monde des manuels scolaires, c'est qu'on commence toujours par les plus jeunes et qu'on ne peut pas s'arrêter tant que tous les aînés ne sont pas nés...

    C'est pourquoi, après la naissance et la petite enfance d'Écrire et Lire au CP, je me devais de préparer l'avènement du premier de ses frères.
    Le petit bonhomme étant à peine sorti des limbes, il n'a pas encore de nom. Ses illustrations sont factices et personne ne peut dire si, un jour, on le trouvera dans les bacs des libraires.

    Il n'empêche qu'il est là, déjà présent dans mon esprit, prêt à accompagner quelques enfants de six ans et demi à huit ou neuf ans sur les chemins de la lecture. Tellement petit qu'il a encore, au lieu de sa page de garde, quelques idées jetées en vrac pour ne pas le perdre avant de l'avoir commencé.

    Il part d'un seul principe, celui qui suppose qu'un enfant qui entre au CE1 sait au moins déchiffrer rapidement syllabe par syllabe et comprend à peu près les phrases qu'il articule à voix haute et qu'il en sort en lisant, de manière fluide, toujours à voix haute, des textes longs sur lesquels il s'est entraîné toute l'année à prendre des repères et à établir des liens entre les mots, les phrases, les idées, les domaines du savoir et de la réflexion.
    Pour que ce principe unique soit compris des maîtres qui l'utiliseront, le manuel de l'élève sera accompagné d'un livre du maître qui expliquera, commentera, donnera des pistes de travail nombreuses et modulables afin qu'elles s'adaptent à toutes les situations, à toutes les configurations de classe, à tous les principes...

    Mais, en cette veille de nouvelle année, tout cela, c'est encore du blabla et je ne vous fais pas languir plus longtemps. Voici l'enfant !

    ♥ Le livre de l'élève :

    Édité le 14/08/20, coquille texte "La vieille maison". Merci à Muriel G. de me l'avoir signalée.

    Édité le 16/09/20, image qui avait disparu dans "La drôle de maison" 2. Merci à Magali H.G. de me l'avoir signalé.

    Télécharger « chapitre 1.pdf »

    ♥ Le guide pédagogique :

    Télécharger « LDM module 1.pdf »

    ♥ La progression en couleur :

    Bleu : Texte destiné plutôt à des élèves de CE1 (ou CE2 faibles) - Gris : Texte destiné aussi bien à des élèves de CE1 que de CE2 (lecture en groupe-classe dans les classes à deux niveaux) - Orange : Texte destiné à des élèves de CE2 (ou CE1 de très bon niveau).

    Télécharger « Progression couleur .pdf »

    Dans la même série :

    A) Lecture Année 1 :

    ...

    Modules 2 et 3

    Modules 4 et 5

    Module 6

    Modules 7 et 8

    Module 9

    Module 10

    Module 11

    Module 12

    Module 13

    Module 14

    Et le mode d'emploi !

    Annexe 2 : Rédaction collective d'une phrase

    B) Lecture Année 2 :

    Lecture et Expression, Année 2 (1) ; En cours de rédaction

    C) Dictées :

    CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (1) ; CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (2) ; CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (3)

    D) Foire aux questions :

    CE : Utiliser Lecture et Expression (FAQ 1)

     


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  • Intelligence et pluriel

    Joey, 5 ans : « Pour écrire bulle, il faut B... et puis U... et puis L... Ça fait BUL, bulle !
    - Oui, c'est ça. Ensuite, on met encore un L et un E. C'est comme ça, c'est l'orthographe.
    - D'accord, B...U...L...L...E, et c'est tout. Ça fait bulle !
    - Oui. Sauf s'il y en a plusieurs. Là, on rajoute un S.
    - Ah d'accord. Quand il y en a plusieurs, tu dis ? BULLÈSS, BULLÈSS, BULLÈSS ! Voilà, j'en ai dit plusieurs alors j'ai mis un S ! »

    Et là, la grande sœur, royale : « J'ai l'impression que ça y est. Maintenant, il va bientôt devenir intelligent !"


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  • Sciences C : Le système nerveux

    Ce n'est pas parce que j'ai arrêté d'exercer que je dois aussi interrompre la réactualisation des leçons de choses, destinées aux élèves de Cycle 31.

    Voici donc la huitième fiche, tirée du manuel Leçons de choses, Cours Moyen; de M. Orieux et M. Everaere, édité par Hachette, en 1957.

    En fin d'article, les personnes intéressées trouveront les liens qui leur permettront de télécharger les leçons antérieures car, comme nous l'avions précisé dans l'article Qu'importe le flacon, il vaut toujours mieux suivre une méthode que butiner à droite à gauche des documents, des séances, des exercices qui ne feraient pas système et, parfois même, déstabiliseraient les élèves par des techniques ou des méthodes se contrariant les unes les autres.

    Ici, il s'agit de mettre à l'honneur l'observation méthodique, la description orale précise accompagnée d'une traduction par le schéma des objets ou phénomènes que l'on étudie.
    Cela sous-entend une éducation sensorielle fine et complète, qui ne va pas sans rappeler les écrits de M. Montessori, un appel appuyé à la curiosité naturelle de l'enfant, celle qu'a exposée C. Freinet, une recherche constante d'instruction globale de nos élèves, telle que la concevaient F. Buisson ou P. Kergomard.

    Le schéma de la leçon est toujours le même : agir, réfléchir, conclure, retenir.

    1. Agir :
    Dans l'idéal, le professeur apporte, en complément de la leçon présentée dans le livre, un matériel, toujours simple à se procurer. Les élèves découvrent alors ce matériel ou, à défaut, l'illustration du livre et l'observent avec attention.
    Le questionnaire mis en regard des schémas et illustrations ne doit pas être conçu comme un dialogue pédagogique restreint au cours duquel un élève plus rapide que les autres répond à la question lue par le maître, mais comme une aide à conduire un dialogue collectif basé sur les règles redéfinies par Pierre Péroz, dans sa conférence "Apprentissage du langage à l'école maternelle. Pour une pédagogie de l'écoute."  sans s'égarer toutefois dans des fausses-pistes innombrables où les savoirs perdent souvent leur caractère scientifique au profit des opinions ou de ce qu'il est convenu de qualifier de sentiments.

    Lorsque cela est possible et ne présente aucun danger, l'élève expérimente lui-même. Dans tous les cas, il manipuleobserve et décrit les faits. La langue française se précise de nouveaux mots, appartenant tant au vocabulaire scientifique qu'à celui des sens. L'argumentation se construit, enrichie par les savoirs accumulés qui, en se croisant, forment une toile au tissage de plus en plus serré. 

    2. Réfléchir:
    La leçon se doit d'être active afin que les élèves restent attentifs. Le schéma de la leçon permet, par le guidage de l'activité qu'il procure, par l'appel constant à la réflexion, stimulée par ces observations fouillées, d'éviter la confusion entre activité et agitation
    Les élèves, déjà préparés par leurs années d'école maternelle et élémentaire, ont à nouveau l'occasion de considérer l'activité mentale comme une activité à part entière. Nous sommes ici loin des faux-semblants d'une action à tout prix, se soldant bien souvent par des jeux-travaux du type « Découpe et colle », « Colorie » ou « Entoure ». Ici, c'est plutôt le travail apprécié comme un jeu qui est favorisé. Il est mis à l'honneur comme une méthode à employer en toute circonstance lorsqu'on se trouve confronté à un nouveau domaine à découvrir et conquérir.

    À l'issue de cette réflexion, les élèves en arrivent naturellement à une conclusion commune qu'ils expriment, aidés par leur maître, le plus précisément et le plus clairement possible.
    Ce ne sera qu'après avoir montré ainsi leur compréhension individuelle puis collective des phénomènes observés que le maître les amènera à lire leur manuel ou la fiche qui en tient lieu.

    3. Conclure :
    Les élèves, déjà préparés par leur propre décryptage attentif, leurs expérimentations et l'expression personnelle de leur compréhension, lisent sans peine
    la conclusion. Elle arrive comme une deuxième confirmation des réflexions de chacun unifiées lors de l'étape précédente par l'énonciation de la conclusion collective .
    Il ne reste plus qu'à la fixer durablement dans la mémoire afin de la rendre réutilisable.

    4. Retenir
    Les élèves vont pour cela copier une courte phrase qu'ils illustreront ensuite à leur manière. Ainsi, ils s'approprient les nouvelles connaissances, les entremêlent solidement à celles assimilées précédemment, en sciences ou dans les autres disciplines.

    Seulement voilà, tout ce travail constructif d'observation, de conversation à bâtons rompus autour d'un même objet d'intérêt, ces conclusions qui s'élaborent sûrement mais si lentement, ce retour sur la compréhension de chacun par l'intermédiaire du schéma, cela prend du temps, beaucoup de temps !
    Lorsque MM. Orieux et Everaere rédigèrent leur ouvrage, le temps scolaire comptait 6 heures hebdomadaires de plus ! Plus d'une journée de classe actuelle, chaque semaine ! Pas étonnant, me direz-vous, qu'ils avaient le temps de solliciter régulièrement leurs élèves sur des contenus ambitieux... Alors, à part militer pour moins de temps hors la classe pour les enseignants et plus de temps réellement scolaire pour les enfants, que faire ? Je ne sais pas...
    Peut-être condenser le temps consacré aux fondamentaux, sachant que ce sont les enfants les moins accompagnés hors l'école qui en pâtiront le plus, ce qui ne saurait nous satisfaire. Peut-être utiliser des outils moins dispendieux en temps tout en assurant l'acquisition des connaissances, fichiers bien faits, exercices pré-remplis, travaux oraux lorsque l'écrit n'est pas indispensable ?  Toujours aussi peu satisfaisant pour assurer le plus à ceux qui ont le moins.

    Alors, se résoudre à se dire que nous ne pourrons jamais faire autant et aussi bien, dans tous les domaines, en 24 heures de scolarisation qu'en 30. Mais continuer à se dire que l'enseignement des bases des fondamentaux, s'il est absolument nécessaire, n'est pas notre but ultime et que nos élèves méritent que ces bases soient largement agrémentées de tout ce qui fera la richesse de leur culture et la finesse de leur réflexion, grâce à la leçon de choses, « conçue comme un procédé d'enseignement, une des applications de la méthode intuitive » utilisable en sciences, bien sûr, mais aussi, selon Ferdinand Buisson2, pour « la lecture courante avec les explications qu'elle comporte, la géographie avec les promenades et le matériel qui s'y rattache, le système métrique avec les poids et les mesures, l'arithmétique et la géométrie enseignées au moyen des objets sensibles, des solides et des figures en relief, le dessin appliqué aux objets usuels.
    L'instituteur habituera les élèves à voir, à observer, à se rendre compte. Il les exercera à dégager l'idée abstraite, à comparer, à généraliser, en un mot à passer insensiblement de l'intuition des sens à l'intuition intellectuelle. »

     

    Télécharger « 8. Le système nerveux.odt »

        

    Autres leçons 

    1. L'air 

    2. L'eau et la glace

    3. La vapeur d'eau 

    4. Les propriétés dissolvantes de l'eau

    5. Notre corps

    6. Les os

     7. Notre squelette et nos muscles

    Notes :
    1 Pour moi, cela reste CE2/CM1/CM2. Aux professeurs de SVT de voir si ce léger « vernis » de biologie peut suffire aux élèves de 6e
    2 L'article mis en lien est passionnant et tout à fait actuel. Je vous encourage vivement à le lire.


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  • Service public, vous avez dit ?

    J'ai rencontré par hasard l'autre jour, au cours d'une promenade, l'employé des services techniques  d'une des communes environnantes. Nous échangeâmes quelques banalités puis, alors que je m'apprêtais à reprendre ma route et lui sa bêche, je lui lançai : « Quand tu y passeras, donne le bonjour de ma part aux copines de l'école, s'il te plaît.
    « Oui, ce sera fait... oh bah... demain !
    - Ah bon, tu sais déjà que tu y iras demain ?
    - Oh sûrement... Elles ne peuvent pas se passer de moi. Ce matin, j'y étais pour un radiateur qui ne chauffait plus et demain, ce sera sans doute autre chose. Il y a toujours un truc qui déconne, là-bas.
    - C'est un peu normal que l'école, ce soit l'endroit où tu sois le plus souvent appelé, si on y réfléchit bien.
    - Ah bon ? Et pourquoi donc ?
    - Eh bien dans le village, c'est quand même la plus grosse... entreprise (j'avais de la peine à trouver un terme qui désigne ce truc bâtard qui... mais vous verrez bien). La seule où plus d'une cinquantaine de personnes sont présentes de six à dix heures par jour, cinq jours par semaine. Quand cinquante personnes utilisent du matériel quotidiennement, il s'use plus rapidement.
    - Ah oui. Tu as raison. Je n'y avais pas pensé... Enfin, c'est une drôle d'entreprise, quand même.
    - Oui, quand j'ai dit une entreprise, c'était pour rire. C'est plutôt un ...- Ouais, parce que quand même, une entreprise, ça rapporte. Alors que là, à part coûter des sous, ça ne sert pas à grand-chose ! De toute façon, ils la fermeront tôt ou tard, cette école, et pour la commune, ce sera vraiment un poids en moins. »

    Je suis à la retraite... Et ce charmant monsieur ne vote pas dans la commune où il est employé. Je n'avais pas envie de me battre en pure perte avec quelqu'un qui considère que l'école coûte cher et qu'il vaudrait mieux essayer l'ignorance.
    J'ai dévié la conversation sur la diminution des effectifs, les emménagements récents, le fait que, dans des communes toutes proches, le nombre d'enfants allait croissant. Pour lui, à trois ou quatre kilomètres de distance, c'était dû au chômage et au vieillissement de la population. Bientôt, l'école du village ne servirait plus à rien de toute façon.

    Alors, en continuant ma promenade, j'ai pensé à cette école de la République qui dut vaincre toutes les résistances, pendant ses trente premières années... Celles des parents qui avaient besoin de la main-d'œuvre enfantine pour faire bouillir la marmite, celle des élus qui trouvaient que, malgré les aides de l'État, cela coûtait cher de condamner un terrain constructible pour bâtir, chauffer et entretenir ces "palais scolaires" en pierre de taille, celle des religieux qui voyaient d'un mauvais œil l'école sans Dieu qui se profilait puis s'affirmait.

    Elle avait néanmoins réussi à faire son trou, petit à petit, parfois avec l'aide des DDEN, bénévoles délégués par l'État, chargés de vérifier que les communes et les familles respectaient leurs devoirs quant à l'instruction des enfants.
    Si bien que finalement, les familles, les communes et même bien des cultes la vantèrent, la flattèrent, la remercièrent. En fin d'année scolaire, la distribution des prix rassemblait toute la commune, même les grincheux, autour du maire, de l'instituteur et des enfants des écoles. Tous y allaient de leur discours et un vin d'honneur clôturait la cérémonie, sous les platanes, les marronniers ou les tilleuls de la cour.
    Une fois le temps des hostilités passé, on y voyait même parfois monsieur le curé venu féliciter ses élèves du catéchisme, entraînant derrière lui, les quelques bigots du village qui tiquaient toujours un peu devant les rouges de la laïque et leur école propre à former des révolutionnaires prêts à sortir de leur condition.

    L'aisance venant, on se flatta même d'aller plus loin que le strict nécessaire. Aux salles de classe bien aérées et convenablement aménagées, on ajoutait des salles de sport, des bibliothèques bien garnies, des services de restauration scolaire, des études du soir, un patronage du jeudi et même des séances de cinéma et des arbres de Noël. Le tout rendu possible par un soutien appuyé aux œuvres laïques qui cherchaient à rendre l'école plus culturelle encore...
    Plus tard, ce furent les classes de neige. Puis celles de mer et de nature.On emmena les enfants des villes passer un mois au bon air et découvrir les joies du sport et de l'aventure.

    Les bâtiments vieillissant et les usages changeant, on rénova tout cela. On isola, on mit aux normes, on changea le mobilier, on ajouta peu à peu tous les trésors de la technologie rendus incontournables par les programmes et les habitudes scolaires.
    Avec l'aide de l'État toujours, qui finançait encore jusqu'à 80 % des travaux de construction ou de rénovation lorsque j'ai débuté, en 1986, dans l'école dont nous parlions avec mon ami, l'employé communal.
    C'était l'époque où les villages réclamaient eux aussi des classes maternelles. Ils acceptèrent pour cela de payer, sans barguigner, en plus des travaux d'aménagement indispensables, le salaire d'une ATSEM.
    Les rares personnes qui, à mots couverts, osaient dire que l'école coûtait cher se voyaient envoyer sur les roses d'un « Mais puisque c'est pour les enfants ! Rien n'est trop beau pour nos enfants puisqu'ils représentent l'avenir ! Il ne manquerait plus que la commune mégote pour eux, pauvre imbécile !... »

    Et puis, et puis... qu'a-t-il bien pu se passer pour que, sans vergogne, on ose dire à une ancienne institutrice que l'école, ma foi, ça coûte bien cher pour le peu que ça rapporte ? Pour qu'une institutrice soit obligée d'écrire une lettre ouverte dénonçant la dégradation des écoles où elle exerce ?
    Plus de DDEN pour alerter. Plus d'IEN, de DASEN, de Préfets ou de Sous-Préfets qui n'hésitent pas à réprimander et même sanctionner un maire qui ne satisferait pas à ses obligations. Presque plus de subventions pour aider à la construction, à l'entretien, et à l'aménagement des locaux...
    Et puis peut-être une école qui s'est perdue jusqu'à devenir, même dans l'esprit des familles et des élus, un lieu de loisirs, souvent coûteux ?

    Alors, lorsque tout va bien et qu'on a les moyens, offrir des balades en car, des visites, des sorties à la neige ou la mer, des intervenants sportifs et culturels, des cours de guitare sur poney, du matériel sophistiqué, des fournitures scolaires chatoyantes de couleurs, c'est un plaisir et une fierté, sans doute.
    Mais lorsque tout va mal et qu'on commence à grappiller par ci par là sur les horaires de l'employé du service postal, le papier et l'encre du secrétariat de mairie, la débroussailleuse neuve de l'employé des services techniques, les fleurs des massifs et les décorations de Noël lumineuses des rues, on finit par se dire que l'école est le plus gros... service public du village − c'était cela, le terme que je cherchais tout à l'heure – et que c'est elle qui coûte de loin le plus cher !

    Et l'on se retrouve, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, dans la situation des trente premières années de l'École Publique, Laïque, Gratuite et Obligatoire... Et au lieu de demander sa réorientation vers sa mission première, instruire, on préfère la bazarder, toute entière, arguant qu'elle coûte trop cher.

    Combien de temps encore pour que les familles à leur tour se voient contraintes de déscolariser leurs enfants et ferment la boucle en les renvoyant aux champs et à l'usine ?... Protégez-moi, s'il vous plaît, Cassandre n'arrête pas de me harceler.


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