• Types et formes de phrases

    Types et formes de phrases
    Merci à Gabriel Grossi, du blog Littérature Portes ouvertes, qui m'a un peu plus convaincue
    de ce que je souhaite dire sur le sujet. 

    À l'école primaire, le but central est l'expression, orale et écrite, et la compréhension du discours, oral ou écrit. Tout ce qui est nomenclature ne sert qu'à permettre aux enfants de pouvoir nommer ce qu'ils font et comprendre un peu mieux les propos des autres en leur donnant les mots nécessaires à l'analyse du discours.

    Au CP :

    Types et formes de phrases

    Quand les enfants entrent au CP, tous ou presque ont acquis à la fois pratique et compréhension de l'intonation. Lorsque nous les écoutons parler entre eux ou avec nous, nous comprenons tout de suite à l'intonation s'ils déclarent, interrogent, intiment un ordre ou s'exclament. Nous remarquons aussi qu'ils savent, au moins partiellement, exprimer une négation ou une affirmation.

    Le CP va leur apprendre à la fois à traduire et comprendre ces nuances dans le discours écrit grâce à la ponctuation.

    C'est un fait à prendre en compte dans le choix d'une méthode d'apprentissage de l'écriture-lecture. Si toutes les phrases sont déclaratives, si la négation n'est qu'à moitié exprimée, sous prétexte de « coller au langage oral », l'enfant aura plus de peine à intégrer ce nouveau système et à s'en servir lorsqu'il lit ou écrit.

    Dans le cadre d'une méthode bien faite, c'est-à-dire donnant de nombreuses occasions de lire et d'utiliser les signes de ponctuation, les enseignants ont de multiples occasions de parler et de faire parler de points d'interrogation, grâce auxquels nous interrogeons, de points d'exclamation, grâce auxquels nous nous exclamons et de points (normaux, tout simples, ...) qui nous servent à déclarer quelque chose. Ils introduisent ainsi un vocabulaire indispensable à la communication autour des écrits lus et surtout produits par la classe ou, vers la fin d'année, par les enfants.

    Cette notation écrite de l'intonation mène parfois hélas certains enseignants désemparés à faire travailler la ponctuation en lecture de manière mécaniste, à l'aide de leçons à appliquer sans comprendre (comme, à titre d'exemple à ne surtout pas suivre : « Quand je vois un point d'interrogation, je « monte la voix » et je compte mentalement jusqu'à trois avant de continuer à lire. » et autres billevesées du même style) ou de flèches tracées au-dessus des mots, pour « aider les élèves »... à n'acquérir d'autonomie que s'ils ont la chance d'avoir autre chose que l'école pour apprendre à bien lire et aimer lire !

    Aux CE1 et CE2 :

    Partant de cela, le CE1, puis le CE2, suite du CP au niveau de la lecture, continueront à travailler cette compréhension sensible des types/formes/genres/classes/espèces/sortes/états/tournures/aspects/tours/styles de phrases.

    Si cela n'a pas déjà été entamé au CP, l'enseignant pourra commencer à travailler l'écriture de la phrase déclarative : « Quand je veux déclarer quelque chose, je commence ma phrase par une majuscule et je la termine par un point. »

    Il pourra le faire à l'aide de phrases à remettre en ordre dans lesquelles les mots de début et de fin de phrase sont déjà marqués de leur majuscule ou de leur point (ex : Le - la - la - leurs - forêt. - bûcheron - enfants - bûcheronne - dans - et - abandonnent). Il pensera à systématiquement signaler ou faire signaler par les enfants dans toutes les phrases qu'il dictera ou qu'ils écriront ensemble au tableau.

    Chaque jour, au cours de la lecture collective à voix haute, il fera remarquer l'intonation qu'a prise, ou n'a pas prise, l'élève qui a lu telle phrase exclamative ou interrogative, emploiera le vocabulaire découvert au CP ou mis en place de manière systématique depuis le début de l'année : ponctuation, point (normal), point d'interrogation, point d'exclamation, phrase déclarative, phrase interrogative, phrase exclamative ; marque de la négation (les lunettes de Petit Non), phrase négative, phrase affirmative.

    Si l'enseignant s'attache à faire lire chaque jour à ses élèves, à voix haute, des textes signifiants, ce vocabulaire grammatical sera bien vite enregistré. Il sera complété par :

    ⇒ des séances de grammaire-conjugaison pendant lesquelles on travaillera explicitement : la forme négative, la forme affirmative, la forme interrogative

    ⇒ des travaux collectifs de production d'écrit, en français (créations de contes, récits, comptines, poèmes collectifs, rédaction de lettres collectives, comptes-rendus), mais aussi en QLM (rédaction de résumés, de comptes-rendus) et pourquoi pas mathématiques (résolution et invention de de problèmes, description de figures complexes) permettant à l'enseignant de réemployer le vocabulaire grammatical acquis pour en faire un vocabulaire vivant, utile à la vie de tous les jours

    C'est ainsi que nos élèves devraient arriver au Cycle 3 et aborder (ou pas) ces fichus types et formes de phrases !

    Aux CM1 et CM2 :

    C'est là qu'à la page 22 du programme de Cycle 3, quatre malheureuses demi-lignes ont mis le feu aux poudres :

    Types et formes de phrases

    complété quelques pages plus loin par l'utilisation des mots types et formes dans la liste de la terminologie utilisée (et non, nuance, à utiliser) :

    Types et formes de phrases

    Et là, que faire ?

    ♥ Pour commencer lire très attentivement l'article en lien : Types et formes de phrases : quelles différences ?).

    Il explique très clairement ce qui s'est passé et pourquoi on a chamboulé quelque chose qui donnait toute satisfaction à beaucoup de monde.

    ♥ Et ensuite, trois voies sont possibles :

    ◊ Adopter Picot (et John L. Austin) et utiliser désormais l'approche énonciative même si nous n'avons pas l'impression de vraiment comprendre comment nous expliquerons aux enfants que telle phrase qui se termine par un point d'interrogation est une phrase de type interrogatif mais de forme exclamative

    ◊ Ou se dire, avec Gabriel Grossi (et Noam Chomsky) que pour l'école primaire, après tout, l'approche syntaxique, qui se base sur l'étude de la ponctuation reste quand même bien plus simple

    ◊ Ou enfin, troisième voie, toute simple, ne pas employer le mot type et n'utiliser le mot forme que lorsqu'on parle de faire passer une phrase de la forme négative à la forme affirmative ou encore de mettre tel ou tel verbe à la forme interrogative ?

    J'avoue honnêtement que c'est de loin la troisième voie que je choisirais.

    En effet, sachant que dans la plupart des documents qu'on trouve sur Internet, et que les professeurs de collège utilisent, c'est l'approche syntaxique qui est utilisée dans la distinction entre types et formes de phrases, que les manuels de 6e (Fleurs d'encreInvitation au voyageL'Attrape Livres) que j'ai consultés en ligne n'abordent carrément pas cette distinction ou n'y consacrent qu'une leçon, très brève et visant clairement plus l'expression orale qu'autre chose, rien ne sert de chercher à obtenir de nos élèves de Primaire qu'ils apprennent par cœur, sans rien y comprendre, les thèses de l'approche énonciative.

    Cette dernière, beaucoup plus proche, comme le souligne Gabriel Grossi dans son article, de l'analyse de l'acte de langage que d'une analyse grammaticale, pourra par ailleurs, toujours sans parler de type ni de forme être abordée en lecture lorsque nous analyserons avec nos élèves les propos des protagonistes du récit : « Que pensez-vous de la phrase où le maître demande aux élèves « Pouvez-vous baisser les stores ? » Les interroge-t-il vraiment ou leur donne-t-il un ordre poli ?... Et là, lorsque les parents s'étonnent de retrouver la cuisine sens dessus dessous et qu'ils disent : « Comment cela a-t-il pu se produire ? » en regardant leurs enfants d'un œil soupçonneux, ne croyez-vous pas qu'ils ont déjà une petite idée et que cette phrase est plus un cri de colère qu'une véritable question ?...»

     Le temps que nous gagnerons à ne pas dresser de liste exhaustive des types et formes de phrases pourra alors être utilisé à faire pratiquer aux élèves :

    ⇒ l'interrogation avec inversion du sujet, aux temps simples, qui est souvent encore délicate pour les enfants les plus éloignés de la culture littéraire

    Exemples : Manges-tu de bon appétit ? Serez-vous chez vous ce week-end ? Soprano est-il votre chanteur préféré ?

    ⇒ cette même interrogation avec inversion du sujet aux temps composés, ce qui est souvent délicat pour tout le monde, même au CM2

    Exemples : Avez-vous remarqué cet oiseau ? Étiez-vous souvent sortis de votre quartier ? Les chevaliers français furent-ils vaincus par les archers anglais ?

    ⇒ l'interro-négation, encore plus compliquée, même pour certains adultes

    Exemples : N'aimeriez-vous pas nous rejoindre à la plage cet après-midi ? N'as-tu jamais envisagé de faire contrôler ta vue ?

    ⇒ et, cerise sur le gâteau, parce que nos élèves auront beaucoup lu à voix haute et commenté leurs lectures, l'interrogation indirecte où là, nous retrouverons un concept où l'approche énonciative trouve toute son utilité

    Exemples :

    Je me demande si cet article vous a rendu service.

    J'aimerais savoir ce qui vous semble peu clair dans l'enseignement de la grammaire.


  • Commentaires

    1
    Mardi 7 Mai à 03:05
    Dr. Gabriel Grossi
    Merci beaucoup pour cet article intéressant qui fait un utile prolongement au mien !
      • Mardi 7 Mai à 10:45

        Merci à vous de m'avoir fait comprendre l'origine de ce revirement subit de classification.

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