• Lettre de rentrée 2023

    Les gens qu'on nomme grands

    Je vous fais une lettre

    Que vous ne lirez certes pas

    Car vous n'avez pas l'temps

     

    Je viens de regarder

    Tout ce que vous nous promettez

    J'ai beaucoup ricané

    Mais je n'ai pas aimé...

    Bon, allez hop, j'arrête ! Je ne suis décidément pas Boris Vian... et je préfère continuer en prose, par le petit bout de la lorgnette, celui d'une instit' de terrain qui a tracé sa route comme elle a pu pendant toute sa carrière. La seule gloire dont j'accepte de me targuer, ce sont tous ces enfants qui étaient heureux dans ma classe, toutes ces familles qui étaient contentes des progrès de leur progéniture, tous ces collègues qui me disaient récupérer avec plaisir des élèves ayant le niveau requis pour suivre sans trop de difficultés dans leurs classes. Et ma seule légitimité, c'est d'avoir, en quarante années de carrière, tâté à peu près tous les milieux sociaux, toutes les localisations d'établissements scolaires maternelles et élémentaires, tous les niveaux de la TPS au CM2, toutes les structures, de la classe unique en milieu rural à la classe à un seul cours dans une école à vingt classes dont il fallait fermer les portes à clé lorsqu'on descendait ses élèves en récréation pour éviter la fauche et les dégradations.

    Et maintenant, la lettre de rentrée que j'aurais voulu lire à la place de toutes vos annonces... Uniquement pour l'école primaire, puisque c'est le seul domaine que je maîtrise à peu près.

    1. La reconnaissance sociale

    Priorité sur les salaires !

    Un métier valorisant pour ses personnels, tant au niveau du travail à fournir que de l'image que la société vous renvoie, c'est un métier bien payé, avec une belle valorisation au cours de la carrière.

    Si l'on veut vraiment recruter facilement de bons éléments, des personnes qui se sentiront investies d'un rôle fondamental dans la société, il faut augmenter très significativement les salaires de tous les enseignants, sans autres contreparties que celles qui étaient jusqu'alors demandées.

    Pour information, tiré de Capital.fr :

    Les fonctionnaires sont séparés en trois catégories : la catégorie A est la mieux payée, avec une rémunération mensuelle moyenne de 3.010 euros net, contre 2.510 euros pour la catégorie B et 1.910 euros pour la catégorie C.

    Une réaffirmation de notre rôle de fonctionnaires d'État

    Au niveau de la communication, il faut que cette augmentation de salaire permettre de réaffirmer notre rôle de fonctionnaires d'État partout et tout le temps.

    Il est inadmissible par exemple que, hors temps scolaire, des maires interdisent l'accès des bâtiments qu'ils fournissent et entretiennent aux fonctionnaires que l'État leur envoie. Un professeur des écoles a besoin de pouvoir accéder à sa classe toute l'année, pendant la pause méridienne, le matin et le soir avant et après l'école, et pendant les vacances scolaires, pour préparer son travail, organiser l'espace en fonction des besoins de ses élèves, rencontrer des familles, se concerter avec ses collègues. L'État doit rappeler la loi aux communes qui abusent de leurs pouvoirs et ne font pas confiance à des fonctionnaires d'État de catégorie A.
    En contrepartie, l'État peut rappeler à ses personnels qu'ils ne sont pas à leur domicile lorsqu'ils sont dans leurs classes et qu'ils n'ont pas le droit d'en disposer comme bon leur semble (peinture, vente de mobilier, de livres, de matériel scolaire) sans avoir au préalable obtenu l'accord écrit du maire ou de son représentant.

    Il est inadmissible que les personnels communaux d'entretien et d'aide aux enseignants aient des emplois du temps qui ne soient pas conçus en fonction des horaires d'enseignement de l'école dans laquelle ils sont affectés. L'État doit aider financièrement les communes à affecter un.e ATSEM à plein temps à chaque classe de TPS, PS et MS et au moins un.e ATSEM à mi-temps à chaque classe de GS.

    Dans le même ordre d'idée, il est inadmissible que des enfants reconnus en situation de handicap lourd, soient intégrés dans des classes aux effectifs déjà pléthoriques sans accompagnant à plein temps. L'État doit se pencher sérieusement sur les problèmes que la loi Montchamp a soulevés, faute de moyens suffisants alloués à l'accueil et à l'intégration des enfants en situation de handicap et faute de réalisme quant aux bénéfices apportés à ces enfants par cette inclusion au rabais. Les professeurs des écoles ne sont pas des personnels spécialisés, les médecins, infirmier.e.s et psychologues scolaires sont trop peu nombreux pour fournir une aide immédiate aux enseignants en cas de difficultés. Enfin, dans des classes déjà chargées, les enseignants ne peuvent pas toujours apporter un réel bénéfice éducatif à tout type de handicap, même avec une aide à plein temps.

    Il est inadmissible qu'en cas de conflit entre des parents et un enseignant, ce dernier ne reçoive pas immédiatement l'appui de sa hiérarchie et de tous les corps de fonctionnaires d'État chargés de faire respecter ses fonctionnaires. L'État doit couper court à toute rumeur et apporter au plus vite son aide juridique à ses fonctionnaires. L'enquête interne qui peut être décidée ne doit pas être étalée sur la place publique par des représentants de l'État et de ses Institutions en des termes qui nuiraient à la fonction d'enseignant en général.

    Enfin, même pour « faire leur comm' », les représentants de l'État que sont les ministres, députés, sénateurs doivent respecter les enseignants. Ils n'ont pas à diffuser de fausses informations ou des informations tronquées sur leur prétendu absentéisme, la durée forcément inadmissible de leurs vacances ou leurs augmentations paraît-il mirobolantes. Ils doivent dire la vérité sur le recrutement de présumés enseignants envoyés dans des classes sans aucune formation, sur les problèmes soulevés par la limitation à 12 élèves des classes de CP et CE1 ou à 24 élèves (et parfois 12) des classes de GS. Ils doivent arrêter d'annoncer qu'ils vont demander des comptes aux directeurs d'école lorsque les problèmes évoqués concernent les personnels municipaux, les garderies ou les cantines périscolaires.

    Des moyens pour exercer notre métier

    Le premier moyen dont nous avons besoin, c'est le temps. Nous n'avons plus contact avec nos élèves que pendant 24 heures par semaine. Au cours de ces 24 heures, 2 heures sont réservées aux récréations en Élémentaire et 4 en Maternelle, et c'est normal et indispensable pour les enfants. On peut aussi retrancher un minimum de 2 h par semaine pour tout ce qui peut se placer dans le domaine des temps incompressibles (déplacements dans l'école pour entrer et sortir de classe, habillages et déshabillages, rangements divers dans les cartables, les trousses, les casiers, ramassage et distribution des informations aux familles, temps de transition entre deux activités, etc.).
    Sans même compter l'enfant qui tout à coup vomit, saigne du nez, tombe de sa chaise ou pique une crise de nerf (je vous rappelle que nous n'avons pas d'infirmière dans les écoles), il ne reste donc au mieux que 20 heures de classe par semaine réservées aux apprentissages. C'est très court pour avoir une réelle influence sur les enfants, surtout lorsqu'on réfléchit un peu au fait que ce temps, pour être efficace, devrait être consacré à tous, tout le temps. Alors oui, il y a les CP, CE1 et GS à 12 que vous nous vantez à chaque intervention publique... Mais il y a aussi toutes les autres classes, celles à plus de 25 ou même 30, avec des tout-petits qui viennent pour la première fois à l'école, ou avec des futurs collégiens qui vivent leur dernière année de Primaire, ou avec tous les autres qui, à trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix ou onze ans, ont besoin d'avoir face à eux quelqu'un de disponible immédiatement, quelqu'un qui les connaît réellement et peut leur apporter le meilleur, presque individuellement. L'État doit limiter le nombre d'élèves à 24 et ne pas programmer de fermeture de classe lorsque l'effectif global, élèves d'ULIS ou enfants de deux à trois ans compris (il serait même opportun que ces enfants-là comptent double), risque de dépasser ne serait-ce que d'un enfant ce seuil infranchissable.

    Dans certaines communes, non seulement l'usage du photocopieur est strictement réglementé, mais en plus l'achat de manuels scolaires pour les enfants est impossible car les crédits ouverts pour l'équipement des classes sont nettement insuffisants. Il arrive même qu'en plus de ces deux règles conjointes, une troisième vienne empêcher les enseignants de faire travailler les élèves : ceux-ci n'ont ni cahiers, ni matériel scolaire fournis par la collectivité. Je sais bien qu'un vieux conseiller municipal ronchon m'avait rétorqué que, les enfants, je n'avais qu'à les faire écrire mais, réfléchissez bien, si je veux faire copier à mes élèves de CE2 « Le Secret de Maître Cornille » afin qu'ils puissent le relire à la maison, je ne sais pas s'il me restera du temps pour leur faire apprendre l'orthographe, la grammaire, les mathématiques, un peu de sport et quelques dates de l'histoire de France !

    La plupart du temps, si ces communes semblent si près de leurs sous, c'est pour une question de moyens. Une commune pauvre ne peut pas assumer le prix du matériel nécessaire au travail scolaire des enfants. D'autant que, de leur côté, les maisons d'édition font ce qu'elles veulent et proposent aux enseignants, à grand renfort de publicité, des «méthodes clés en main » aux prix exorbitants !

    Une règle simple permettrait dans un premier temps d'équilibrer tout cela : la péréquation nationale. Car, à côté de ces communes pauvres qui ne peuvent assumer le coût de l'achat de manuels scolaires ou de la maintenance d'un photocopieur couleur pour les enfants de leurs administrés – sans parler d'un matériel informatique simple mais décent fourni pour chaque classe et son enseignant –, dans les communes riches et certaines écoles privées sous contrat, les enfants bénéficient non seulement du nécessaire à leur scolarité mais aussi du superflu qui leur permet d'avoir une scolarité parfois si riche en stimulations que cela ne leur sert pas vraiment !

    Dans un second temps, afin de ne pas gaspiller les deniers publics en stimulations aussi dispendieuses qu'inutiles, il faudrait voir comment aider les enseignants à se recentrer sur l'utile lorsqu'ils demandent à leur gestionnaire d'acquérir le matériel nécessaire à l'exercice de leur métier. Je pense que la première proposition faite dans cette lettre pourrait grandement aider à régler ce problème. J'ose en effet espérer qu'on ne se laisse pas aussi facilement attirer par tous les miroirs aux alouettes qui passent lorsqu'on a un métier valorisant financièrement et valorisé par la société. Et ceci nous permet une transition facile vers le second point. 

    2. Une formation rénovée de fond en comble

    Trop de théorie, souvent coupée du réel

    Depuis des décennies, la formation initiale et continue a valorisé la théorie, souvent très éloignée du quotidien d'une salle de classe, au détriment de la pratique.

    Lorsque j'ai commencé à intervenir sur les forums d'enseignants et que je fournissais des réponses pratiques à de jeunes collègues désemparé.e.s, je me heurtais toujours aux collègues formateurs ou formatrices qui me hurlaient leur célèbre « Pas de recettes ! », phrase comminatoire qui ponctuait aussi les séances de questions qui se voulaient ouvertes à la fin des animations pédagogiques que je subissais depuis des années.

    Cette haine de la pratique (et je pèse mes mots) nous a lentement amenés à la situation actuelle :

    • De jeunes collègues désemparé.e.s qui ne savent comment s'organiser pratiquement et qui se sentent tiraillé.e.s entre les magnifiques théories – qui changent souvent à chaque nouvelle majorité – et la réalité de leurs classes. Faute de formation pratique au développement de l'enfant, ils ne voient parfois dans leurs élèves, dès les petites classes de la maternelle, que des cerveaux à remplir de connaissances savantes calquées sur celles apportées aux étudiants dans les cours universitaires. Croyant favoriser le bien-être des enfants et se montrer bienveillants à leur égard, ils se laissent séduire par les mirages d'une école-centre de loisirs où l'on organise tout sauf ce qui fait le fond de la mission de professeur des écoles : l'enseignement.
    • Et de moins jeunes collègues qui, étourdi.e.s par une formation continue coupée elle aussi du réel, prônant tout et son contraire, continuent à utiliser vaille que vaille les méthodes que les marchands du temple, sentant leur public démuni et facile à capturer, leur ont vendues lors de leurs débuts ou qui, au contraire, en changent constamment – remettant au passage quelques deniers dans la machine à consommer – sous prétexte qu'ils ou elles s'ennuient à reprendre sempiternellement les mêmes histoires, les mêmes thèmes, les mêmes « projets » ! Ils en oublient eux aussi que leur mission est l'éducation et l'instruction de jeunes enfants qui ne connaissent rien du monde qui les entoure et que cela passe en effet, pour leurs enseignants, par la répétition à l'identique des contenus afin que, chaque année, chaque enfant, où que soit située son école, acquière un contenu équivalent à celui qu'acquièrent tous les autres enfants scolarisés dans le même niveau en quelque point du territoire que ce soit
    • Enfin, et je crois que cela est nouveau, ou tout du moins que cela augmente de plus en plus vite et de plus en plus fort, des collègues de tous âges en burn out, ou simplement écœuré.e.s, qui préfèrent aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte et démissionnent de ce métier dans lequel ils ou elles ne se sentent plus à l'aise tellement ce qu'on leur demande est instable.

    Cette formation, paraît-il universitaire, qui déstabilise tant les étudiants qui suivent cette filière, et qui est si peu utile pour la pratique quotidienne doit être modifiée et devenir beaucoup plus pratique.

    Une formation trop partielle (ou trop partiale...)

    Comment choisir sa pédagogie lorsque, tout au long de sa formation initiale, on n'a entendu qu'un son de cloche ? Comment oser se faire confiance quand on vous a montré les différents courants pédagogiques comme tout bons ou tout mauvais, sans aucune nuance entre les deux ? Comment se sentir capables de transgresser certains dogmes qui nous paraissent pernicieux quand on sait qu'au-dessus de notre tête une épée de Damoclès peut venir nous trancher les ailes ?

    Combien de collègues ont subi les foudres d'un IEN, d'un CPC, d'un PEMF, d'un directeur d'école, maintenant, ou même d'un collègue, parce qu'ils ou elles osaient se sentir plus à l'aise et constater à la fois un plus de bien-être et de progrès chez leurs élèves depuis qu'ils ou elles avaient osé entrer en dissidence avec la méthode qu'on leur avait plus ou moins imposée ?

    Combien de collègues s'épuisent préparer chaque soir et chaque weekend de longues fiches de préparation, des ateliers différenciés pour essayer de coller au plus près des capacités de chacun de leurs élèves, des comptes-rendus de projets spécifiques à présenter pendant les formations « en constellation » ou les conseils des maîtres, à rentrer une par une les réponses de leurs élèves à des évaluations nationales imposées et bien souvent très mal fichues et autres paperasses (très mal) informatisées qu'un de mes anciens IEN (très mal vu par sa hiérarchie) balayait d'un : « Mais enfin, Mme Huby, tout le monde sait qu'un enseignant sait écrire ! Montrez-moi les cahiers de vos élèves et faites-les lire à voix haute, s'il vous plaît, et je saurai si vous savez aussi enseigner. » ?

    Pour remplacer tout ça,

    Une formation initiale de professeur des écoles,  en trois à cinq ans, juste après le baccalauréat pour arrêter de recevoir dans les écoles des collègues qui, depuis leur sortie du Lycée, n'ont plus fait de maths, ou de français, ou d'histoire, ou de toute autre discipline qui s'enseigne à l'école, cela pourrait être ceci,...

    • une bonne connaissance du développement affectif, cognitif et psychomoteur d'un enfant de la naissance à 12 ans, donc des cours de puériculture, de biologie et de psychopédagogie
    • une bonne connaissance des programmes scolaires (nous y reviendrons)
    • une bonne connaissance des différents courants pédagogiques, sous forme de cours d'histoire de l'éducation, objectifs, et non partiels et partiaux, si possible ! Ras le bol des collègues qui croient qu'avant 1989, les enfants de douze ans qui avaient redoublé leur CM2 partaient travailler en usine ou à la mine ou ramoner les cheminées des grands bourgeois avec un bonnet d'âne sur la tête et les doigts bleuis par les coups de règle d'un maître forcément féroce ! Et ras le bol aussi de ceux qui sont persuadés que toutes les méthodes de lecture de CP qui présentaient quelques mots dès le premier jour (que ce soit mimi ! mimi ! ou Rémi, Colette, maman ou encore Daniel joue avec Valérie ou même Tralala, c'est moi, Gafi !) étaient de dangereuses méthodes globales qui ont rendu des générations de petits enfants sourds, aveugles et peut-être même muets et débiles !
    • une bonne connaissance des méthodes actuellement utilisées en classe, en débattant, librement, entre étudiants, de ce qui semblent être leurs points forts, leurs points faibles, leurs difficultés d'application au sein d'une classe d'enfants lambdas,  (ni triés sur le volet, ni ridiculement peu nombreux), leur compatibilité avec les horaires prévus à l'emploi du temps, leur coût, la somme de travail qu'elles exigent en dehors du temps de classe en photocopies, plastifications, remplissages de cases à cocher et autres évaluations individuelles, le tout sans œillères ni parti pris, et sans placement des méthodes des copains et copines censés détenir la seule vérité vraie !
    • des stages fréquents dans des classes de l'École Primaire de la TPS au CM2 :

    → tout d'abord pour observer les techniques employées par leurs futur.e.s collègues (sans recevoir ensuite à leur retour en cours, les recommandations que recevaient certains élèves-profs des années 2000 à qui l'on expliquait qu'on les avait envoyés là pour qu'ils voient les errements des anciens et qu'ils sachent les éviter lorsqu'ils seraient eux-mêmes en charge d'une classe) et prendre connaissance des contraintes du métier (ras le bol des collègues qui découvrent qu'un enseignant, ça arrive dix minutes avant le début des classe pour accueillir ses élèves, que ça surveille des récréations et que tout cela, ce ne sont pas des « heures supplémentaires non payées » car cela fait partie, au même titre que les préparations de classe et les corrections de cahiers, des 35 h hebdomadaires qu'effectuent tous les fonctionnaires de catégorie A depuis la réforme de 2001 ; ras le bol aussi des collègues qui demandent si l'écriture cursive, c'est au programme du CP ou si les fractions sont au programme du CM2).

    → puis pour travailler ensuite en pratique accompagnée selon les normes que leur proposent les enseignants qui les reçoivent (juste pour éviter les huit séances de lecture prévues sur « Bon appétit Monsieur Lapin » au mois du juin du CP, dans une classe où les élèves sont en train de lire « La chèvre de Monsieur Seguin », tout ça parce que c'est le seul album de littérature jeunesse qui leur a été présenté dans l'année à l'INSPE)

    → pour finir enfin par effectuer des stages en situation dans les différents niveaux de la scolarité primaire française pendant une année scolaire complète (pourquoi pas des remplacements de courtes et moyennes durées ?), si possible après une période de tuilage en présence de l'enseignant.e titulaire de la classe et sous la houlette bienveillante d'un Conseiller Pédagogique qui conseille et non inspecte (ras le bol de remonter le moral à des petit.e.s collègues en larmes à chaque passage de cette personne qui critique tout mais hurle « je ne te donnerai pas de recettes, c'est à toi de trouver »).

    • Enfin – et là, je ne sais pas si j'ose... – des cours de remise à niveau élémentaire et non universitaire – sans chercher à tout chambouler pour rendre tout encore plus compliqué pour faire plaisir à telle école ou chapelle – de français (orthographe, grammaire et conjugaison, vocabulaire parfois), de mathématiques (numération, calcul, grandeurs et mesures, géométrie, résolution de problèmes), d'histoire, de géographie, de sciences, de technologie, de musique, de sports et d'arts plastiques parce que ça devient très angoissant de lire aussi souvent qu'un.e collègue ne sait pas la différence entre la notion de chiffre et celle de nombre, qu'il ou elle voit un attribut du sujet dans la phrase Pierre est à Paris., que si il ou elle fait des fautes, c'est parce qu'il ou elle est dyslexique, qui ne peut pas situer la Guerre des Gaules ou le canal de Panama, ne sait pas qu'une souris ne se nourrit pas exclusivement de fromage, croit que c'est prodiguer à la fois un enseignement musical, plastique et sportif de qualité à ses élèves que de faire apprendre par cœur en une semaine la « choré » de La danse des canards pour la fête de l'école avec des masques que les élèves ont juste barbouillés à la peinture jaune et qui ont été découpés et fignolés par l'ATSEM.

    Pour la formation continue, voir ci-dessous, car elle concernerait les programmes scolaires.

    3. Et enfin, les programmes

    Et ça, c'est la planche savonneuse qui vous glisse dans les pattes et rend tout le monde fou !

    La guerre des clans

    Déjà, bien malin ceux ou celles qui sauront comment concilier l'inconciliable entre la vieille garde et la nouvelle garde...

    Nous en avons une qui pense que l'orthographe pour les autres, c'est fasciste (alors que ses membres écrivent eux-mêmes sans faire de fautes, allez comprendre...), que la syllabique, ça rend sourd, aveugle, muet et complètement idiot, qui refuse d'admettre qu'un enfant qui rentre en Sixième, dans sa onzième année, certes, mais en ne maîtrisant pas suffisamment la lecture, l'écriture et le calcul, est largement aussi stigmatisé que l'étaient ses aînés qui avaient parcouru leur scolarité élémentaire en six ou sept ans au lieu des cinq années réglementaires, qui est persuadée que la pédagogie de projet et les cycles d'apprentissage auraient pu sauver le monde, à condition que l'école ait accepté de s'adapter à ses nouveaux publics au lieu de rester cette fabrique de l'élite qu'elle voit encore dans notre école à bout de souffle, qui rêve de donner encore moins d'école aux enfants qui, selon eux, souffrent essentiellement de journées de classe trop chargées.

    Et nous avons l'autre qui crie haut et fort qu'il suffirait de revenir aux anciennes méthodes pour que tout s'arrange. Pour elle c'est très simple : il suffit de rétablir l'autorité du professeur simplement en interdisant la globale, qui rend sourd, aveugle, muet et complètement idiot, en n'enseignant plus que les fondamentaux sans plus de précision (comme si les fondamentaux étaient les mêmes à deux, cinq, huit ou onze ans ! et comme si la réussite d'études brillantes n'allait pas de paire avec une culture générale au sens large), en évaluant les enfants presque aussi souvent qu'on pèserait un cochon pour vérifier s'il grossit, en les affublant d'un sémillant sweat-shirt siglé d'un écusson qu'ils devront porter sur un pantalon ou une jupette de flanelle grise et en leur faisant réciter 1515, Marignan ! à chaque fois que l'IEN passe...
    Le tout, en conservant néanmoins les cycles d'apprentissage qui étaient censés résoudre le problème du redoublement mais qui, finalement, soumettent des tout-petits de 3 ans à l'apprentissage de l'alphabet et à l'écriture en majuscule et forcément globale de leurs prénoms, et traînent des enfants non-lecteurs de CP en CE1, puis de CE1 en CE2, sous prétexte que « l'apprentissage de la lecture ne peut s'évaluer qu'à la fin du cycle ». Le tout aussi en imposant un rythme d'enfer aux enfants qui, pour certains, depuis le passage aux semaines de 24 h de scolarité au sens propre,  sont aussi longtemps pris en charge par les animateurs du périscolaire que par leurs professeurs des écoles !

    Et les PE, là-dedans, que peuvent-ils comprendre ? D'effets d'annonce en effets d'annonce, jamais suivis de moyens, d'horaires, de réelle aide pratique, de programme en programme, ils ne savent plus à quel saint laïc se vouer... Surtout lorsqu'on réalise que, depuis le temps que ça dure, on ne sait même plus lesquels sont les Anciens ou les Modernes. 

    Des documents fourre-tout à géométrie variable... 

    Et cela devient encore plus compliqué lorsqu'on sait que :

    • les programmes que les professeurs des écoles sont censés lire, comprendre et appliquer changent de plus en plus souvent (sous JM Blanquer, tout a été à relire à chaque rentrée pour y découvrir les points de détail qui avaient été modifiés et les documents complémentaires qui avaient été ajoutés pendant l'été)
    • qu'ils sont tout sauf neutres et respectant la liberté pédagogique puisque, en plus des contenus à enseigner, ils préconisent une méthode et une seule pour ce faire et une progression et une seule pour l'appliquer
    • que l'impression de ces documents est à leurs frais car il y a bien longtemps que que les professeurs des écoles ne reçoivent plus de volume broché qu'ils pourraient feuilleter aisément lorsqu'ils ont une incertitude sur la pertinence de traiter tel ou tel point dans telle ou telle classe
    • que ces programmes sont accompagnés et complétés d'autres documents, qui les contredisent parfois, tout comme ces documents se contredisent eux-mêmes souvent d'un chapitre à l'autre
    • et qu'enfin, il arrive même que la hiérarchie elle-même ne se soit réactualisée que partiellement et uniquement sur les points qui lui plaisent...

    Alors que faire ? Dire à une profession entière qu'on chamboule tout encore une fois ? Continuer à sanctionner parfois durement les collègues qui osent garder un semblant de liberté pédagogique en choisissant de traiter les contenus en utilisant d'autres méthodes que celles en vogue dans de nouveaux guides orange, rouge, vert, ou d'azur au lion rampant d'or et de gueule ?...

    Je ne crois pas. Il doit y avoir d'autres biais.Un bon coup de balai, par exemple...

    Faire du vide !

    Il faudrait avoir le courage de vider tous ces documents, et particulièrement celui qui est la base, le Programme Officiel des Écoles Maternelles et Élémentaires, de tout ce qui n'est pas « contenu à enseigner ». Cela supprimerait tout ce qui est injonction pédagogique sur la (seule et unique) façon de mener sa classe : 

    • les conseils sur la façon d'accueillir parents et enfants à l'école maternelle pour pratiquer la coéducation
    • les longs exposés sur les « Contributions essentielles des différents enseignements au socle commun » qui enfoncent des portes ouvertes mais ne donnent aucun renseignement sur ce qu'un enfant doit savoir pour s'en sortir en classe
    • les listes interminables de « Compétences travaillées » pour ceci ou pour cela qui font que, dans certaines classes, au lieu de considérer que ces recommandations sont des fils rouges à prendre en compte tout au long de l'année scolaire, les enfants travaillent deux semaines sur « Écouter pour comprendre des messages oraux ou des textes lus par un adulte.» puis sont évalués et leur résultat est noté dans leur « cahier de réussites » avant de passer à deux semaines sur « Dire pour être entendu et compris » et ainsi de suite. Et ne croyez pas que je caricature ! Encore cette semaine, j'ai dû expliquer à une jeune collègue que pour travailler la lecture de consignes, il suffisait de donner chaque jour des exercices de français, de mathématiques, de sciences, de géographie ou d'histoire et d'apprendre jour après jour à ses élèves à lire ces consignes, à les comprendre et à les appliquer au mieux...

    Ces Condensés des Programmes donneraient des petits livrets de quelques pages, très courts, faciles à garder dans sa poche ou sur son bureau. Et faciles à apporter en formation continue lorsqu'il s'agirait de voir de quelleS manièreS et à quel âge nous pourrions transmettre à nos élèves ces contenus.

    Se débarrasser des cycles

    Cette question de l'âge pourrait amener, à pas comptés, pour ne pas déstabiliser encore un peu plus une profession déjà tellement malmenée, à la disparition de ces listes de contenus prévues pour trois années scolaires qui font que, dans certaines écoles, certains collègues attendent la dernière minute pour présenter d'un bloc à leurs élèves telle ou telle notion (par exemple : la division qui n'apparaît dans certaines écoles que lors du troisième trimestre de CM2) ou qui, au contraire, anticipent trop sur les attendus de fin de cycle qu'on leur a fournis (exemple typique : l'apprentissage de l'alphabet qui cumule deux défauts : celui d'être abordé trop tôt, avec des enfants de deux ou trois ans parfois, et celui d'être considéré comme une compétence à travailler isolément, sans tenir compte de son rôle dans le codage de l'écrit).

    En remplaçant alors chaque liste, très claire, par trois listes, une pour chaque année du cycle, on pourrait commencer à éviter les écarts énormes qui se créent entre les écoles simplement parce que, lorsque pendant trois ans, parmi toutes ces « compétences, capacités, connaissances » exposées sans hiérarchie dans ces programmes, tout le monde se perd ! Et ce d'autant plus que la formation reçue n'a pas su offrir des pistes claires sur le développement de l'enfant entre 2 et 11 ans et n'a présenté qu'un type de pédagogie, déniant à tout autre le droit d'exister...

    En réduisant à une année scolaire, les contenus à assurer dans toutes les classes et pour tous les enfants, nous pourrions déjà avoir une meilleure image de ce que pourrait être une école qui éduque et instruit en même temps, sans privilégier telle ou telle méthode, sans suivre forcément un chemin unique dans toutes les classes mais en cherchant à obtenir le même résultat : des enfants à la fois contents de venir à l'école, fiers de leurs capacités et porteurs d'un bagage scolaire identique, où qu'ils soient et d'où qu'ils viennent.

    Et ce sont les journées de formation continue qui pourraient servir à échanger sur les méthodes possibles, les progressions envisageables, les innovations souhaitables, les chantiers à entreprendre, au plus près du terrain et avec l'accord des personnels.

    Formation continue

    Comme nous le disions plus haut au sujet de la formation initiale, ce que réclament les professeurs des écoles, ce sont des recettes, des billes, des contenus pratiques qui leur permettraient dans chacune de leurs classes d'amener à un langage riche et varié toute une cohorte d'enfants de deux à cinq ans, qu'à la capacité à lire des textes courts et simples après une année de CP ou qu'à une première connaissance, déjà large et documentée, des bases d'une culture générale, tant littéraire qu'historique, géographique, scientifique et technologique à la fin de la scolarité élémentaire.

    Comme nous ne l'avons pas encore assez dit, il existe, au sein même de l'école, des classes où tout roule, où, sans esbroufe ni grands projets médiatiques, les enfants acquièrent tous ces savoirs « primaires » indispensables à l'entrée au collège. Ces classes roulent parce que leurs enseignants ont su trier le bon grain de l'ivraie. Ils ne se sont pas laissés entraîner à privilégier tout ce qui brille, tout ce qui s'expose, tout ce qui sort de l'ordinaire. Au contraire, ils ont tenté de se concentrer sur l'enfant, ses capacités, son rythme, sa façon d'envisager le monde, ses intérêts. Ils en ont conclu qu'ils devaient s'appuyer sur tous ces éléments, même s'ils lui semblaient étranges et incompatibles avec ceux d'un adulte, pour établir une progression qui conduira tous ces élèves du point A, représentant leurs connaissances, capacités et compétences au moment de la rentrée des classes, au point B, celui qui leur permettra l'année suivante d'être en mesure d'acquérir de nouvelles connaissances, capacités et compétences sans efforts surhumains.

    Ces personnes, si elles le souhaitent, pourraient, comme elles le font déjà à travers blogs, forums et réseaux sociaux, communiquer leurs savoir-faire aux plus jeunes, échanger avec leurs collègues, fournir des documents et des progressions, ouvrir leurs bibliothèques pédagogiques personnelles pour des échanges libres entre enseignants,

    Les enseignants utilisateurs de ces recettes partagées pourraient alors débattre entre eux des résultats obtenus avec leurs élèves, des interrogations qui demeurent, des blocages qui subsistent.

    Ces interrogations et blocages pourraient être analysées par les personnes qui, jusqu'à maintenant, cherchaient plus à contrôler et « évaluer », avec de bien gros guillemets parfois,  qu'à former réellement leurs personnels en enrichissant le livre de recettes qu'auraient voulu se constituer les professeurs des écoles qui, au quotidien, côtoient ces cohortes d'enfants à qui il faut tout apprendre. Ils en extrairaient les points chauds qu'il conviendrait d'éteindre grâce à des mesures spécifiques :

    • interventions de spécialistes de la pédagogie ou du développement de l'enfant (graphopédagogues, orthophonistes, ergothérapeutes, pédiatres,  neuropédiatres, ...), sous la  forme des anciennes « conférences pédagogiques », en prenant soin de toujours présenter plusieurs « écoles » afin de ne surtout pas retomber dans les travers qui ont mené à la querelle des Anciens et des Modernes dont nous ne sommes toujours pas sortis
    • des stages réservés à tel ou tel public sur des thèmes précis (enrichir le langage oral à l'école maternelle, les quatre opérations à l'école élémentaire, pédagogie de l'enseignement de l'histoire, enseigner par compétences ou assurer les compétences de base grâce à l'enseignement des contenus, ..., plutôt que les JO 2024, la croisière Jacques Vabre, l'exposition Ramsès II, l'élection présidentielle de 2027 ou fêter le bicentenaire de la mort de Louis XVIII), à inscription libre, pendant le temps de travail, remplacé par des étudiants-professeurs en dernière année de formation, selon les mêmes principes que ceux à l'honneur dans les instituts de formation initiale des professeurs des écoles : connaissance du développement affectif, cognitif et psychomoteur d'un enfant de la naissance à 12 ans - histoire ni partielle ni partiale de l'enseignement de cette discipline au cours des âges -  étude comparative libre, entre stagiaires, des méthodes actuellement utilisées en classe et de leurs résultats - éventuelle remise à niveau des connaissances dans ce domaine
    • des remontées du terrain en direction de la DGESCO sur la faisabilité, l'opportunité, les retombées de telle ou telle règle jusqu'alors en vigueur et les aménagements suggérés par la base pour rendre gérable ces points chauds inextinguibles (voir ci-dessus : la reconnaissance sociale, la défense des personnels, les salaires, les effectifs, la loi Montchamp, la péréquation nationale, les programmes à géométrie variables déclinés en cycles mais aussi ce dont je n'ai pas eu le temps de parler : le remplacement, les évaluations nationales, l'accueil des enfants en grande précarité sociale, les écoles casernes, les fermetures de classe, l'école en milieu rural, etc.)

    Après ce très, très long développement, dont j'ai conscience de la prétention, il ne me reste plus qu'à souhaiter à mes collègues actuellement professeurs des écoles, qu'ils soient contractuel.le.s, stagiaires ou titulaires, la moins mauvaise des années scolaires possible !

    De tout cœur avec vous, que vous soyez partisans des Anciens ou des Modernes – sans plus de définition et de hiérarchisation – ou encore que vous vous sentiez plutôt comme des  navigateurs à vue cabotant sans boussole au milieu de toutes ces injonctions contradictoires !


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  • Maternelle : Un livre d'utilité publique

    L'autre jour, j'ai reçu un cadeau. Un cadeau surprise ! Déjà j'étais ravie parce que j'aime beaucoup les surprises ! J'en remercie d'ailleurs chaleureusement les autrices, Isabelle Godefroy et Laurence Pierson, et leur éditeur, les éditions MDI en la personne de Juliette de Abreu, d'avoir pensé à moi pour cette gentille attention.

    Mais ma joie a été décuplée quand j'en ai découvert le contenu ! Un bouquin comme ça, c'est de l'or en barre !

    C'est un livre que devraient lire tous les formateurs de l'Éducation Nationale, de manière à pouvoir former et conseiller leurs étudiants et leurs stagiaires. C'est un livre qui devrait être étudié à fond dans les INSPE, pendant plusieurs semaines, afin que chaque futur PE en comprenne et maîtrise parfaitement le contenu. C'est un livre qui devrait être envoyé dans toutes les écoles maternelles de France et de Navarre et dont le commentaire devrait être inscrit sur le Plan Annuel de Formation de chaque circonscription.

    Puisque vous ne l'avez sans doute pas encore sous les yeux (la personne qui m'en a demandé un pdf hier sur Messenger s'est trompée d'adresse, je ne pratique pas ce genre de sport), je vous propose un petit tout d'horizon de mon cru.

    Remerciements

    Encore merci aux autrices qui m'ont citée. Je suis toute contente ! J'ai été encore plus contente, lorsque j'ai vu que, dans l'ouvrage, elles citent aussi à plusieurs reprises des activités que j'ai suggérées ici ou ailleurs. Et enfin, j'ai bu du petit lait  lorsque j'ai vu que mon pauvre bébé à moi, celui dont personne ne parle jamais, était cité lui aussi comme un ouvrage de référence sur l'école maternelle !

    Table des Matières

    Elle est en cinq couleurs. Du bleu foncé pour la formation pédagogique de l'enseignant, puis, pour les fiches pratiques, dont nous parlerons plus tard, quatre autres couleurs (violet, vert, orange et bleu clair).

    Ce sera très pratique aux collègues pour préparer leur classe, petit à petit, sans rien oublier. Ce sera aussi fondamental pour pouvoir proposer immédiatement des activités de consolidation lorsqu'ils se trouveront face à un groupe d'enfants qui semblent en difficulté... Un petit coup d'œil à la table des matières et ils sauront quelle activité mettre en œuvre le jour-même en remplacement de l'activité choisie à un niveau trop élevé pour leur public !

    Avant-Propos

    Attention, attention, ce n'est pas un avant-propos à négliger !

    C'est LE COURS magistral que vous offrent de deux Professeurs des Écoles ayant toutes deux longtemps enseigné en école primaire (c'est-à-dire maternelle et élémentaire) et ayant choisi de se spécialiser dans la formation en pédagogie de l'écriture. Il complète la lecture du livre Bien écrire et Aimer écrire, de Laurence Pierson que je vous ai déjà souvent conseillé.

    Il faut donc lire cet avant-propos très attentivement, peut-être en prenant des notes, ou en en surlignant des passages. C'est encore plus indispensable si on a eu l'habitude, depuis ses débuts, d'enseigner par compétences, sans chercher à créer des liens entre ces dernières, juste pour pouvoir montrer qu'au cours de l'année on a bien présenté et évalué « les lettres », « le prénom », « les rimes », etc.

    Parce que dans cet avant-propos, Laurence et Isabelle expliquent tout, tout, tout ! Et, partant des compétences prises individuellement, elles démontrent comment tout s'enchaîne, tout est lié, dans un continuum qui part de la TPS (pour les enfants qui la fréquentent) et qui s'achève le tout dernier jour de début juillet où, quatre années scolaires plus tard, les enfants font la bise à leur enseignant de GS avant de s'envoler pour un nouveau parcours de cinq années d'élémentaire.

    C'est là aussi que nous allons comprendre qu'en maternelle, tout est dans tout, et que, pour permettre à des enfants d'apprendre à écrire, il faut d'abord avoir compris que l'écriture fait partie d'un apprentissage transversal que l'on travaillera quotidiennement :

    • en salle de motricité,
    • en musique,
    • lors des activités de manipulation,
    • lors des activités de dessin libre et de graphisme décoratif,
    • en voyant l'adulte écrire,
    • quand celui-ci programme et valorise les écrits de la classe dont il est le secrétaire attitré,
    • quand il crée du lien entre l'écriture et la lecture (là, mon cœur se serre lorsque je me remémore certaines phrases acerbes de collègues biberonnés aux compétences et qui dans ce cas, assènent un « Mais ce n'est pas la même compétence, c'est normal que les enfants n'y arrivent pas. Ils n'ont pas à savoir lire pour savoir écrire, ni à savoir écrire pour savoir lire ! »... Brrr ! rien que de l'écrire, j'en frémis d'horreur !)

    Et ce tout est dans tout joue les poupées gigognes quand, en exposant ce lien entre l'écriture et la lecture, elles nous expliquent, comme Thierry Venot dans son excellent De l'écoute des sons à la lecture, qu'elles citeront aussi, que devenir capable d'apprendre à écrire pour savoir lire et devenir capable d'apprendre à lire pour savoir écrire, cela passe par :

    • la musique, à nouveau, grâce aux comptines, aux jeux de doigts et au rythme
    • le développement de la mémoire
    • et donc le langage
    • ce qui mène à l'écoute (Pierre Péroz, Pédagogie de l'écoute)
    • la culture de la logique

    Je répète donc : c'est un avant-propos à lire, relire, annoter, jusqu'à le connaître sur le bout des doigts pour pouvoir saisir l'intérêt de la suite.

    Les parcours

    Et voilà ! Encore un chapitre auquel je ne peux qu'adhérer !

    Des parcours qui peuvent servir de base à la programmation de la classe.

    Qui peuvent, pas qui doivent. Ça nous change des questions rituelles de collègues qui, au mois de mai, parce qu'elles suivent la progression militaire de telle ou telle méthode « clé en main » pour  la GS, se mettent toutes à flipper parce qu'elles font  les rimes (sic) avec leurs élèves et qu'elles peinent à trouver autre chose que du caca comme aliment à faire ingérer à Malika ou du pipi comme dessert favori pour Seppi !

    ⇒ Une TPS sans programmation spécifique

    parce que les tout-petits sont tous différents et que c'est l'enseignant qui, en lisant les fiches pratiques, saura si ses petits bouts de chou pourront pratiquer ceci ou cela, là maintenant tout de suite, ou s'il vaut mieux attendre encore un peu pour les faire avancer plus loin sur le chemin...

    Sans programmation spécifique mais avec des projets de développement (la latéralité, les aptitudes motrices, la mémoire, la synchronisation du geste et de la parole, l'intérêt pour l'écrit) dont nous reparlerons tout à l'heure bien sûr ! .

    ⇒ Le retour des poupées gigogne !

    Et puis trois autres parcours, l'un pour la PS, le suivant pour la MS et enfin le dernier pour la GS, plus structurés dans le temps afin de ne pas passer à côté de quelque chose d'important au moment opportun.

    Et moi j'applaudis à nouveau parce que le parcours de la PS inclut celui de la TPS, tout comme le parcours de la MS inclut celui de la PS, qui, rappelons-nous, inclut celui de la TPS et enfin, le parcours de la GS qui fait lui aussi la poupée gigogne, reprenant tout, tout, tout depuis le développement des aptitudes motrices et de la latéralité jusqu'à l'indispensable dernière aptitude, celle qui devrait être maîtrisée par tout enfant sans profil trop particulier qui va entrer au CP au mois de septembre : l'écriture en cursive sur un cahier Gurvan ou Seyes 3 mm !

    Quand en plus, cela se fait sans douleur, juste avec des activités sportives, des comptines, des chansons, des jeux de doigts, du gribouillage, du dessin, de la peinture, de la pâte à modeler (pas pour faire des lettres, la pâte à modeler !!! Merci de l'avoir dit, Laurence et Isabelle !!!), des jeux de construction, des instruments de musique, enfin tout ce qui se fait dans une vraie classe maternelle, c'est un vrai bonheur.

    Et des conseils de bon sens pour clore le chapitre

    Des conseils qui soulignent l'importance des compétences transversales, la nécessité de revenir régulièrement, toute l'année, et année après année, sur les activités sous peine de voir comme Cendrillon le carrosse redevenir citrouille, les chevaux, rats et les laquais, lézards !

    La méthode des petits pas, quoi...

    Ensuite, les quatre parcours sont détaillés, avec la liste des activités à programmer tout au long de l'année chez les tout-petits, plutôt en début, milieu ou fin d'année pour les plus âgés.

    Il n'y a plus qu'à photocopier la ou les pages et l'afficher en classe l'année du Rendez-vous de Carrière !!! Et à y revenir aussi souvent que nécessaire pour préparer sa classe, revenir en arrière, avancer d'un pas, mettre une nouvelle croix signalant qu'on a encore réactivé une fois ceci en rejouant à cette activité-ci et cela en proposant cette activité-là.

    Les fiches pratiques

    Suivent alors 24 entrées thématiques, rangées par ordre alphabétique, comprenant chacune de nombreuses fiches d'activités adaptées aux différents niveaux.Notez bien cette histoire d'ordre alphabétique, c'est important. Il ne faudrait pas que vous alliez croire qu'il faut commencer par les Boucles et les Capitales d'imprimerie et terminer par les Rythmes et le Schéma corporel ! L'ordre d'apparition des « bouquets d'activités» à mener parallèlement, il est dans les parcours

    Je ne peux pas tout répertorier ici. Je vous renvoie à ce Calaméo mis en ligne par Isabelle Godefroy où vous pourrez lire la table des matières.

    Ce que vous y verrez de ces fiches pratiques vous ravira j'espère autant que moi :

    ♥ Elles sont rangées par thèmes (il y en a 24) à faire avancer parallèlement  en se référant au code couleur. Le premier par exemple, Les Boucles, ne commencera qu'en MS, à partir du milieu de l'année, nous dit le parcours MS, et propose 6 activités à mener depuis ce niveau puis 2 activités supplémentaires que les GS pratiqueront en plus des 6 premières, à partir du début à la fin de l'année scolaire.

    ♥ Chaque thème est introduit par deux encarts, un premier expose les OBJECTIFS se rapportant à l'écriture (n'oublions pas que certains de ces thèmes sont transversaux et ne développent pas que des compétences réservées à l'écriture) et son inscription dans les PROGRAMMES. Les autrices se sont même contraintes à aller fouiller dans les nombreuses publications que l'on trouve chez Eduscol et dans le BO ! Quel courage !

    ♥ Chaque fiche, dont on reconnaît facilement le niveau de base grâce au code couleur, commence elle aussi, après le titre en gros caractères, par un encart qui expose les PRÉ-REQUIS, le mode d'INSTALLATION, le MATÉRIEL tant pour l'enseignant que pour l'élève et enfin la DURÉE

    ♥ Ensuite, l'activité est détaillée étape par étape, et illustrée autant que nécessaire sur la partie droite de la page

    ♥ Et à gauche, il y a la marge ! Une marge qui fourmille de renseignements complémentaires, de suggestions de mise en œuvre, de QR codes grâce auxquels on peut accéder à des vidéos (comptines, jeux de doigts, conférence de Pierre Péroz, ...) ! Une véritable mine de savoirs pratiques ou théoriques en supplément de l'activité elle-même !

    Quant au contenu des fiches, à une ou deux réserves personnelles près (je ne suis toujours pas plus fan de l'écriture des lettres capitales à quelque niveau que ce soit, ni de celle des chiffres en MS. C'est pour moi, dépenser beaucoup d'énergie pour quelque chose qui s'apprendra très facilement en GS quand viendra l'heure du calcul écrit), j'adhère à tout ce qui est proposé.

    C'est clair, intelligent, large d'esprit. Quand c'est possible, plusieurs pistes sont proposées. Ce ne sont pas Laurence et Isabelle qui obligeraient le petit Mourad à se nourrir de la salade qu'il exècre pendant que son amie Noëlla se régalerait de Nutella et pis c'est tout ! Elles, lorsqu'elles montrent comment faire mémoriser une poésie (La fourmi de dix-huit mètres), elles ne peuvent pas s'empêcher dans la même fiche de citer une dizaines de poèmes qu'il est possible de mémoriser en GS (des vrais poèmes écrits par des poètes reconnus dans le monde de la littérature, en plus...).

    Et puis, quand elles proposent une activité ouverte, elles suggèrent plusieurs pistes et finissent souvent leurs fiches par un « On peut aussi ... » qui va enrichir le répertoire d'activités de leurs lecteurs et les rendre bientôt capables d'inventer eux aussi les activités qui colleront exactement à leur classe et ouvriront l'esprit de leurs jeunes élèves vers tous les possibles !

    Et puis, c'est rempli d'activités « vraies », du laçage, du tissage, de la peinture, des histoires qu'on invente tous ensemble, et dont on fait de petits livres, des jeux amusants qui finissent en fous-rires, des activités pratiques utiles ailleurs qu'à l'école (nettoyer une table à l'éponge, lacer ses chaussures, lire tout seul des histoires que l'on comprend sans aide, ...) ! L'école maternelle, quoi. Celle où on ne se prend pas la tête à exiger des enfants qu'ils se transforment en créateurs-penseurs-philosophes ou à se complaire dans des rôles d'exécutants cantonnés dans des activités construites par des adultes pour cocher des cases ou prendre des photos.

    Juste l'école des petits qui les accompagne dans leurs apprentissages « pour qu'ils puissent aborder l'école élémentaire avec des connaissances et des compétences solides ». L'école maternelle que j'aime...

    Conclusion

    Tout cela est tellement complet que ce livre pourrait s'intituler tout aussi bien Bien parler à l'école maternelle ou encore Bien développer sa compréhension à l'école maternelle, ou même pourquoi pas Bien chanter, bien se mouvoir, bien compter et calculer, bien se développer à l'école maternelle, seulement en rajoutant un chapitre ici ou là,  !

    Encore merci à Laurence Pierson et Isabelle Godefroy pour cette œuvre d'utilité publique.


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  • Coupée du CP ?
    Merci à J., MS ou GS, je ne sais plus, pour ce "merveilleux" contre-exemple...

    « Non, le programme pour l’école maternelle 2015 n’est pas « coupé » du CP » affirme Mireille Brigaudiot dans un article paru hier dans le Café Pédagogique.

    Autant tout vous dire, je n'ai pas lu l'article. Je me suis contentée du titre. Tout simplement parce que, si on lit attentivement les programmes de 2015, tout comme ceux de 2008 d'ailleurs, ou encore ceux de 2002 ou de 1995, ou même ceux de 1986, on peut constater qu'en effet, selon comment on les interprète, ils peuvent ne pas couper les enfants des attentes du CP.

    Pas la peine de lire ce qu'on sait déjà.

    En revanche, si nous parlons des usages en maternelle, là, en effet, certains coupent les plus faibles de nos élèves de ce qui leur sera utile au CP. Quelques exemples, parmi les plus flagrants ? Attention, j'y vais crescendo du moins au plus « clivant ».

    Les ateliers tournants

    Très souvent les connaissances de type « scolaire savant », qu'elles soient relatives à la préparation à l'écriture, à celle de la lecture ou à la structuration de la pensée, sont transmises par l'enseignant (ou par l'Atsem, parfois) au sein d'un petit groupe de 6 enfants ou moins pendant que le reste de la classe est installé à plusieurs tâches en autonomie.

    Il arrive aussi que cette organisation prévale pour ce qui est le cœur des programmes de maternelle : le langage oral.

    Il s'en suit un rythme très lent de la progression, puisque ces connaissances ne peuvent être transmises à tous, chaque jour. Cela nuit énormément aux enfants les plus éloignés des savoirs scolaires puisque les dits savoirs ne sont abordés  que de loin en loin, pas toujours avec le professeur, et qu'ils n'interfèrent plus ensuite avec ce qu'ils considèrent comme l'essentiel de leur vie : les jeux libres avec les copains de la classe. 

    Lorsqu'il s'agit du langage oral, à ce rythme très lent s'ajoute obligatoirement un pointillisme qui mène à traiter pendant ce temps d'atelier un point de vocabulaire ou une structure de phrase, un peu comme en élémentaire ou dans le secondaire quand on étudie tel jour à telle heure l'accord de l'adjectif avec le nom ou la phrase interro-négative.

    Ceci est très préjudiciable aux plus fragiles de nos élèves puisque, pour réussir à faire passer cette langue riche et soutenue, il faudrait au contraire que ces éléments soient brassés, croisés, rapprochés les uns des autres du matin au soir pendant toutes les heures actives de la semaine scolaire. 

    Il s'en suit aussi un manque d'habitude du travail en groupe-classe qui va énormément nuire à l'enfant qui entre au CP : difficultés à écouter quelqu'un qui parle au sein d'un grand groupe, à rebondir sur un sujet, à fixer un même point (une illustration, un objet, une personne, un animal, ...) en même temps, à mener une recherche ou exécuter une tâche en coopération, ...

    Dernier avatar : l'occupationnel. Lorsque, dans une classe de 25 à 30 enfants de 2, 3, 4 ou 5 ans, 4 à 6 sont occupés avec l'enseignant, et 4 à 6 avec l'Atsem, il en reste entre 13 et 22 à occuper seuls ! Ce qui est énorme... Même dans un séminaire d'adultes, on ne réunirait pas dans la même pièce 30 personnes dont une grosse vingtaine est censée s'occuper seule sans déranger les groupes voisins !

    Alors, on a cherché... Et on a trouvé des tas de solutions... qui se sont toutes révélées inapplicables pour peu qu'on ait une classe un peu tonique composée d'un peu trop d'enfants pas forcément bien policés à la maison (je rappelle que le rôle premier de l'école maternelle fut justement de policer un peu les enfants dont les familles peinaient à accomplir cette tâche).

    La dernière en date, c'est ce qu'on appelle les AIM (activités individuelles de manipulation). Des petites tâches individuelles, très répétitives, très scolaires, parfois un peu chiantounettes sur les bords, comme enfiler des élastiques à cheveux sur un bouchon, déplacer des boules de cotillon à la pince à cornichons ou encore toute cette myriade d'activités autour des chiffres, des lettres et... de la pince à linge ! Une symphonie à elle toute seule, la pince à linge.

    Si bien qu'arrivent au CP quelques enfants qui ne peuvent plus voir une activité en atelier autonome en peinture, qui n'ont pas été exercés par un adulte attentif à communiquer, échanger, chercher avec d'autres enfants et qui, étant comme tous les autres êtres humains depuis la nuit des temps des êtres sociaux, ont choisi le détournement systématique de ces « jeux qui n'en sont pas » pour le plus grand bonheur de la foule de leurs admirateurs...

    Les albums à tout faire

    Il ne se passe pas un jour sans que je lise dans les groupes "Maternelle" sur les réseaux sociaux : « Je cherche pour ma classe de (au choix) TPS, PS, MS ou GS un album pour introduire (au choix) les plantations, le schéma corporel, le printemps, la vie au Moyen Âge, les nombres de 10 à 20, la couleur blanche du cheval d'Henri IV ou encore les ratons-laveurs . »

    Et il ne se passe pas cinq minutes ensuite sans que je lise en-dessous 36 000 propositions d'albums qui vont ouvrir la porte de ces découvertes à tous les bambins de la classe, qu'ils soient habitués ou non à feuilleter des albums et à écouter des histoires.

    Ce sont souvent les mêmes albums, rassurez-vous. Entre le loup qui illustre cet article et la petite chenille qui fait des trous depuis maintenant plus de 40 ans, le choix est vraiment très conditionné bien plus par les habitudes dont je parlais plus haut que par des programmes qui seraient prédictifs de quoi que ce soit de catastrophique ou d'excellent, comme le croient ceux qui n'ont jamais enseigné au long cours dans des classes d'école maternelle et de CP.

    Ces albums sont apportés de l'extérieur par un enseignant pétri de bonne volonté. Ils sont souvent exploités jusqu'à plus soif pendant des jours et des jours, voire des semaines ou même plus d'un mois. Ils donnent lieu à des activités stéréotypées telle celle qui illustre cet article, qu'elles aient lieu sur fiche ou au cours de rituels oraux de mémorisation de vocabulaire, d'acquisitions de tournures syntaxiques qui  bien vite tournent aussi bien en boucle que le bouffe-fiches traditionnel, et ce malgré leurs jolies « boîtes à mots » ou leurs « carnets de bord de la classe ».

    Alors, bien sûr, ces albums gardent leur atout d'objet littéraire apportant à celui qui peut les capter des connaissances tant langagières que culturelles. Le problème étant qu'ils ne les apportent qu'à ceux qui peuvent les capter. 

    Ce qui fait que là où 100 % des enfants de TPS/PS auraient été captivés par un bac de terreau, des pelles, des râteaux, des sachets de graines et quelques pulvérisateurs ou que là où 100 % des enfants de GS auraient adhéré à la recherche collective suscitée par les deux Playmobil® apportés par Marwan ce matin, souvent nous ramons et trouvons certains de nos élèves « pas encore entrés dans les apprentissages » ou bien « trop éloignés de l'école », « présentant des troubles de l'attention », « n'ayant pas intégré le statut d'élève », « ayant besoin d'un suivi spécialisé », quand ce n'est pas encore plus discriminatoire... 

    L'entrée au CP nécessite un intérêt pour l'école, mélange de curiosité intellectuelle et connaissance des ressources matérielles que cette institution centenaire offre pour satisfaire cette curiosité.

    Tout irait bien et nous n'accueillerions plus au CP des enfants dont on voit dans le regard qu'ils baissent le rideau dès que nous arrivons au coin-langage avec un grand sourire et un album fétiche sous le bras si les albums arrivaient en dernier, en conclusion d'un travail concret sur les plantations, le schéma corporel, le printemps, la vie au Moyen Âge, les nombres de 10 à 20, la couleur blanche du cheval d'Henri IV ou encore les ratons-laveurs, comme je le suggérais déjà ici, sans toutes ces activités stéréotypées qui, excusez-moi, sont des véritables « tue-l'amour » du français en général et de la lecture en particulier,  !

    L'alphabet et les chiffres

    Encore un autre tue-l'amour, celui-là ! Franchement, essayez de vous rappeler vos 3 ans. Si on vous avait proposé d'un côté de la pâte à modeler, des crayons et de la peinture de couleurs vives, des poupées, des voitures et des animaux en modèles réduits, des cubes, des barres, des perles et des volumes qui s'emboîtent, des paires de ciseaux, du papier et de la colle, du sable, des pelles, des seaux et des râteaux et enfin quelques puzzles, quelques images, quelques albums en libre-service et de l'autre des chiffres, des lettres et des pinces à linge, qu'auriez-vous choisi ?... 

    Restez désormais à votre place et imaginez que vous avez envie d'apprendre à tricoter, à jongler avec six balles, à sauter en parachute ou quoi que ce soit d'autre que vous n'ayez encore jamais fait... Que choisiriez-vous comme école ? Celle qui, après vous avoir fait pratiquer quelques activités simples autour de l'art que vous convoitez de maîtriser, vous mettrait le pied à l'étrier et vous laisserait repartir chez vous après chaque séance avec quelque chose en plus que vous auriez pu réaliser et que vous sauriez reproduire seul ? Ou celle qui, pendant des années (la moitié de votre vie parfois), vous montrerait les outils qui vont vous servir à l'exercice de cet art difficile que vous aurez un jour le droit de pratiquer mais pas tout de suite et pas ici ? 

    Est-il besoin d'aller plus loin ou avez-vous compris où je veux en venir ?

    Une phrase pour vous éclairer, une de celle qui a dominé la maternelle pendant des décennies et qui aurait grandement besoin d'être réaffirmée : « Il faut mettre les enfants à la lecture le plus tard possible pour qu'ils apprennent à lire le plus vite possible. » (Pauline Kergomard)

    Nos petits CP actuels arrivent en élémentaire écœurés par trois années de matraquage des sous-savoirs dits fondamentaux (recherche de l'initiale de son prénom, cartes à pinces des lettres dans les trois écritures, lotos, puzzles, ...) et de tests divers et variés pour savoir si, enfin, ils connaissent leurs lettres et leurs chiffres !

    Il y a des millions de choses à faire en TPS, PS et MS pour les préparer à être un jour capables d'associer a, A et a, de distinguer 6 de 9 et b de d, ou encore de comprendre que b.a.ba, c.o.co et ainsi de suite. Ces activités peuvent être ludiques, instructives, joyeuses tout en restant formatrices et en ouvrant les enfants au monde des lettres et des chiffres.

    Il y a une méthode toute simple pour amener doucement les élèves, tous les élèves, pendant la seule année de GS à s'intéresser aux petits bouibouis noirs qui constellent les pages de leurs livres préférés. Et cette année de GS suffit amplement pour qu'à l'entrée au CP tous les élèves (à quelques très rares exceptions près) connaissent au moins le son que transcrivent les voyelles et la plupart des consonnes et sachent écrire et lire les nombres de 0 à 10 ou même 20.

    Et ça, c'est amplement suffisant pour entrer au CP et dominer aisément le contenu de la première page de n'importe quel livret de lecture ou fichier de mathématiques. À bien y réfléchir, c'est même beaucoup trop et le temps serait bien mieux occupé en grande section à faire autre chose...

    La file numérique

    Celle-là est un peu en perte de vitesse, ce qui n'est pas un mal. J'ai cependant très peur qu'elle revienne en force depuis qu'un illustre neurologue a imaginé qu'apprendre à additionner ou soustraire, c'était pointer une à une les cases de l'alphabet sans fin qui trône dans les classes, qu'on l'appelle file numérique ou poutre des nombres. Sans parler de tous les savantes conclusions que le fameux « compas dans l'œil » serait censé procurer à tout enfant risquant de devenir plus tard un premier de cordée...

    Or, c'est justement ce statut d'alphabet sans fin qui nuit grandement à la construction du principe de la numération dominante actuellement sur Terre.

    Il y a quelques milliers d'années, un peuple, pour faire court les Arabes, ont réalisé qu'avec dix signes seulement (et un point ou une virgule), on pouvait représenter toutes les quantités de la plus infime à la plus astronomique, simplement en faisant varier la position de ces signes dans le nombre !

    Bien sûr, ce principe est difficilement explicable à un enfant de 2, 3 ou 4 ans. C'est pourquoi, le plus simple avec eux, c'est de ne pas écrire les nombres. Ou alors très occasionnellement, en tant qu'adulte expert, quand on en a vraiment besoin, de se substituer à eux (par exemple, si nous avons besoin que 3 parents nous accompagnent au marché le mardi 25 mars, à 10 h 30,  pour acheter 5 oranges, 5 mandarines, 8 pommes et 1 sachet rempli de raisins secs, les chiffres seront écrits par le maître sur l'affiche qu'on apposera devant l'école, sous les bonshommes et les fruits dessinés par les enfants eux-mêmes afin qu'ils touchent du doigt ce que représente la quantité 5, 8 ou 1 et, sans forcément d'explication dans la date et l'heure).

    Quant aux GS, avec une méthode progressive, pratiquée chaque jour, en groupe-classe pour aller plus vite, sans pinces à linge pour être moins ennuyeuse, ils auront bien assez de leur année scolaire pour apprendre à compter oralement de 0 à 20 ou 30 (et même bien plus loin pour la plupart d'entre eux), savoir lire les nombres de 0 à 9 et commencer à comprendre concrètement, grâce à des objets de la vie réelle (la monnaie, les réglettes Cuisenaire, perles Montessori, ...),comment à partir de « dix » on peut reprendre les mêmes symboles (les chiffres) pour écrire les quantités.

    Et ce n'est que lorsque ce principe de numération de position sera compris que la file numérique, la poutre des nombres ou le château pourront commencer à être construits, avec eux, comme résultat final d'un apprentissage. Mais là, ils seront au CP depuis déjà 5 ou 6 mois, pas en PS, en MS ou même en GS...

    L'écriture en capitales

    En France, il est en usage d'écrire en cursive. Tout le monde ou presque, du moment où il a 6 ans ou plus, écrit en cursive... Ailleurs, c'est différent. Mais en France, c'est comme ça. Dans toute la France et tous les pays francophones.

    Toute ? Non... Un petit village d'irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur ! J'ai nommé : la MATERNELLE où, allez savoir pourquoi, en dépit des programmes qui ne l'exigent pas, on entraîne longuement les enfants À ÉCRIRE EN CAPITALES D'IMPRIMERIE !

    Et ça, c'est récent... Et c'est bien dû à des programmes. Des programmes qui ont fait sortir les yeux de la tête aux professeurs des écoles chevronnés quand on leur a demandé de les analyser avant de renvoyer leurs conclusions et remarques à leur IEN (qui les a fait trier les réponses remontées du « terrain » par ses Conseillers Pédagogiques,  puis qui  a lui-même envoyé le résultat de cet écrémage plus haut jusqu'à ce que d'écrémage en écrémage, on décide en haut lieu que décidément, ces nouveaux programmes étaient formidables et qu'ils répondaient point par point aux attentes des personnels sur le terrain).

    C'était en 2002, après 16 ans d'acquis très minimalistes en écriture, (« de l'ordre de l'observation », mentionnent les programmes 1986, puis « premiers exercices d'écriture autonome par copie », en 1995) ne précisant plus le type d'écriture à exiger. Je vous rassure, encore une fois, les programmes passent mais les usages restent. Dans la plupart des classes de GS, jusqu'en 1995 à peu près, les enseignants apprenaient à leurs élèves, en GS exclusivement, à écrire en cursive et une immense majorité de ces enfants arrivaient au CP bons « copieurs d'écrit en cursive sur cahier 3 mm ».

    D'où est sortie cette histoire de capitales d'imprimerie, je n'en sais rien... Et pourquoi, je m'interroge encore... J'ai sous les yeux le livre de Célestin Freinet « La méthode naturelle » dans son tome consacré à l'apprentissage de la langue écrite (1968). Ce livre fourmille d'exemples d'écriture produite par des enfants de 5 ans et plus : tous ces exemples montrent une écriture cursive (sauf un où l'enfant a copié des mots en minuscules scriptes).

    Et là, nous arrivons vraiment aux usages néfastes. Comment voulez-vous qu'un enfant dressé dès son plus jeune âge, avant même d'avoir éprouvé le pouvoir communicationnel de la trace (dessinée ou écrite), avant même d'avoir pris conscience d'un espace à trois dimensions organisé, puisse avoir besoin de savoir reproduire les lignes droites verticales, horizontales et obliques de l'écriture capitale sur un espace à deux dimensions qui aurait un haut et un bas alors qu'il est plat ?

    Comment voulez-vous que cet apprentissage (je dirais plus volontiers bourrage de crâne) majoritairement à base de traits droits interrompus puisse le préparer à l'écriture qu'il pratiquera ensuite toute sa vie, alors que celle-ci est faite de tracés aussi continus que possible, principalement à base de courbes ?

    Les plus habiles y arrivent, me direz-vous. Oui, mais, voilà, et les autres ? Ceux qui auraient bien eu besoin de trois années de dessin à outrance, de peinture, de pâte à modeler, de perles à enfiler, de petits cubes à emboîter pour construire un garage ou un pistolet (grrrrr !) avant d'arriver à ôter leurs gants de boxe pour tracer d'un geste assuré de belles boucles, pointes, rotations et de superbes ponts qui leur auraient permis d'entrer au CP, l'esprit clair et le front haut, prêts à passer de ces quelques mots tracés d'une main sûre aux écrits plus longs de l'école élémentaire ?

    Dire que ce savoir s'est perdu au point de devoir maintenant proposer un cahier pour la MS où, malgré la présence de ces fichues capitales en fin d'ouvrage, on réexplique aux enseignants que leurs petits élèves doivent d'abord jouer avec leurs doigts pour chanter des comptines et mimer des situations, des personnages ou des animaux, malaxer de la pâte à modeler, gribouiller, colorier, diriger fermement leur crayon d'un point à un autre, etc. ! 

    Alors ça, oui, Madame Brigaudiot et Monsieur Dehaene, c'est un avatar des programmes à combattre avec force si l'on veut aider les enfants à réussir leur CP !

    Plus du tout d'écriture en capitales d'imprimerie à l'école maternelle ! Plus d'écriture du tout en TPS, PS et MS, juste du dessin, de la peinture, du crayonnage, du modelage, du déchiquetage, de la manipulation de petits objets, des comptines mimées, de la couture et du piquage, histoire que tous arrivent en GS sans gants de boxe.

    Et dès les premiers jours de l'année scolaire, une progression quotidienne permettant aux élèves de GS de passer de la tenue du crayon au placement du cahier devant eux, puis de la maîtrise de ces outils de l'écolier aux gestes de l'écriture cursive et on aura fait un grand bond en avant... malgré les habitudes qui, quoi que nous fassions, ne changeront que très, trop lentement, hélas.

    Le comptage des syllabes

    Encore une tradition qui a la vie dure, on ne sait pas trop pourquoi. Sans doute parce qu'elle est facile à mettre en œuvre et qu'elle permettait, à l'époque du bouffe-fiches, de multiplier les exercices de ce type, sur tous les thèmes retenus et avec tous les albums exploités. Elle peut encore être très utile pour occuper un groupe d'enfants en autonomie grâce à une douzaine de fiches plastifiées et un nombre respectable de bouchons de bouteilles d'eau minérale.

    Sinon, je ne vois pas. Elle était déjà fort peu utile lorsque, pour apprendre à lire, les enfants étaient amenés par leur professeur à décortiquer un certain nombre de phrases acquises globalement. Elle ne l'est plus du tout depuis que la plupart des méthodes de lecture partent de la lettre, passent par la syllabe et n'arrivent au mot et à la phrase que bien plus tard.

    Avec cette nouvelle façon de faire, l'enfant voit en premier la lettre s'associer aux autres pour former la syllabe. Il n'y a rien à compter. Il voit ensuite la première syllabe s'associer à une autre, puis encore une autre et éventuellement encore une pour former un mot. Il n'y a toujours rien à compter...

    Oui mais, il écrit aussi, me direz-vous... Oui, il écrit. Avec la nouvelle façon de faire, il écrit d'abord une lettre qu'il apprend à associer à celle qu'il sait déjà écrire pour écrire une syllabe. Il n'a rien à compter. Un peu plus tard, on va lui demander d'écrire d'abord une syllabe puis une autre, pour former un mot. Toujours rien à compter...

    Ceci dit, après tout, ce n'est pas si grave. Ça ne sert à rien, d'accord, mais il y a tant de choses qui ne servent à rien, après tout.

    Le problème vient encore une fois des usages. Quelqu'un, quelque part, devant la difficulté de la tâche, et son peu d'intérêt sans doute, a décrété qu'en maternelle, cette activité devait rester orale. Ça, c'était à l'époque où après une dizaine d'années de bain d'écrits, sans aucune référence aux lettres qui les composaient, on en revenait à un minimum de "syllabique" au CP... Il n'était pas question de « faire du mini CP » et (sous-entendu) d'introduire un semblant de syllabique à l'école maternelle où la lecture restait globale (les jours, les prénoms, les titres d'album, les noms de personnes, d'animaux ou d'objets relatifs au « projet » en cours...).

    La personne qui a lancé ce choix a alors décrété qu'en maternelle, les syllabes qu'on psalmodierait seraient les syllabes orales ! Uniquement les syllabes orales... Interdiction totale de choisir comme base à l'articulation syllabique la syllabe écrite comme le font le plus souvent les comptines et les chansons :

    Au clair de la luuuu-nnneee,
    Mon ami Pierrot,
    Prê-teee moi ta pluuuu-mmme
    Pour écrir' un moooot

    Frè-reeee Jac-queeees, Frèreeee Jac-queees

    Qu'est-c' qu'ell' a donc fait,
    La p'tit' hirondel-leeee ?

    Il y a mê-meee des canards
    Qui bar-bo-teeeent dans la mar'  !

    Etc.

    Et là, en effet, encore une fois, car rien dans les programmes qu'ils soient de 2002, 2008 ou 2015, ne précise qu'on doit envoyer droit dans le mur tous les enfants des régions de France où la finale des mots est quasiment escamotée. Hélas, rien ne dit non plus qu'on doit au contraire combattre cette tendance à dire une « fi » au lieu d'une « fille » en appuyant légèrement sur le e final histoire de le faire percevoir à l'enfant.

    Pour une fois, c'est particulièrement aux enfants performants que cette habitude nuit, ceux qui pendant leur année de GS ont commencé à encoder spontanément et qui, arrivés au CP, découvrent avec stupeur que non seulement l'usage est d'écrire en cursive mais qu'en plus TOMAT, cela se lit « toma » et non « tomate » et  que TÉLÉFON, cela se lit « téléphon » et non « téléphone ».

    Et comme ce sont des enfants performants, habitués à réussir, le choc est d'autant plus brutal. Passer du statut d'élève en avance à celui d'élève en échec partiel, c'est douloureux. Et ce serait si facile à éviter.

    L'écriture inventée

    Dernier choc pour ces enfants-là, c'est leur capacité à briller dans les activités d'écriture inventée.« Fastoche, maîtresse, moi je sais tout lire et tout écrire ! » peuvent-ils dire, chaudement approuvés par les adultes, pendant leurs années de maternelle.

    Capacité qui devient bien vite obsolète, voir handicapante, lorsque tout à coup, le professeur, le parent, le grand frère lui apprend que oui, RIDO, ça se lit bien « rideau » mais que ce n'est absolument pas l'image du mot « rideau » telle que la connaissent l'ensemble des francophones lecteurs-scripteurs. Pareil pour BATO, MÉZON, BOUAT et P1GOU1... C'est un gros choc qui nécessite beaucoup de pédagogie et d'empathie de la part des adultes afin de permettre à ces enfants d'arriver à la résilience.

    Et cela encore, ce n'est rien. Rien en comparaison avec la souffrance de l'enfant qui ne sait pas... Celui qui a juste compris que les lettres sont une obsession pour les adultes. Et qui leur donne de la lettre, à foison, pour les contenter. Et qui voit que ça ne les contente pas. Et qui ne comprend pas. Et qui voit bien qu'il donne une mauvaise image de lui-même. Et qui ne sait pas comment faire pour en donner une meilleure. Parce qu'il est un pauvre petit pommier de six mois à qui on demande de donner de belles pommes juteuses. Et qu'il sait bien que les pommes juteuses lui casseraient les branches si toutefois on l'obligeait à en produire...

    Coupée du CP ?

     Conclusion

    L'école maternelle est l'école de la préparation aux apprentissages fondamentaux savants. Mais, préparer ne veut pas dire faire seriner des sous-savoirs fondamentaux. Préparer, c'est éveiller l'esprit et le geste de manière à ce que, le temps venu, l'enfant soit apte à y entrer sans efforts ni dégoûts.

    Et cela, ça passe par l'acquisition des savoirs fondamentaux de la petite enfance : motricité large et fine, langage oral, éducation sensorielle, socialisation, goût de l'effort et du partage, ouverture.

    S'il y a un travail à faire, il n'est pas sur les programmes qui, depuis des années, de moutures en moutures, disent toujours sensiblement la même chose. Ce travail, ce sacerdoce dirais-je même, il est sur les usages qui ont largement dévié du projet initial, celui qui est toujours présent mais s'est fait dévoré par les théories, les dogmes, les méthodes, les habitudes.


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  • L'écriture manuscrite

    Cahier de GS - mois de février (Seyes 3 mm)

    En ce moment, dans la plupart des classes de GS, les enfants commencent à écrire en cursive, « au moins leur prénom », comme le demandent les programmes scolaires.

    Et cela provoque bien des interrogations chez leurs enseignants, ce qui est légitime, étant donné le peu de formation dispensée à ce sujet.

    Or j'ai reçu lundi la "newsletter", le bulletin, de Laurence Pierson, graphopédagogue, formatrice et propriétaire du site Écriture Paris. Je vous la transmets telle que je l'ai lue en espérant qu'elle vous aidera à parfaire votre formation dans ce domaine.

    Bien cordialement à tous,              

    Doublecasquette              

    Bonjour à tous !

    L'année 2021 est déjà bien entamée. J'espère qu'elle vous apportera beaucoup de joies.

    Pour les défenseurs de l'écriture manuscrite, c'est une année qui commence plutôt bien, puisque je viens de recevoir deux revues spécialisées qui, l'une comme l'autre, se penchent sur la question. Par une curieuse coïncidence, les deux portent le n°41.

    La première est la revue Motricité cérébrale. C'est une revue scientifique, qui s'intéresse comme son nom l'indique à la motricité cérébrale, à la réadaptation et à la neurologie du développement. Dans ce n° 41, daté de fin 2020, un article de Céline Lager Deudon, ergothérapeute, analyse l'influence de la prise de l'outil scripteur et de la position de la main sur le geste d'écriture. Son étude a été réalisée auprès de classes de CP.
    Ce qui m'a particulièrement intéressée dans cette étude, c'est qu'elle se penche sur les conséquences de l'enseignement et non sur les difficultés intrinsèques de certains élèves.
    L'autrice écrit, dans sa conclusion :

     
    Je me réjouis donc particulièrement de lire cette reconnaissance explicite du rôle essentiel de la formation initiale des enseignants dans l'enseignement du geste d'écriture ! Lorsque 94 % des enfants observés ont un problème de tenue de crayon et de position de la main, on ne peut plus parler de pathologie individuelle. Cela me conforte particulièrement dans ma conviction qu'il est essentiel de vérifier trois points avant d'écrire : la tenue du crayon, la position de la feuille, la main sous la ligne. Exactement ce qui est mis en avant dans Mes cahiers d'écriture.



    La deuxième revue s'intitule Les Cahiers de l'AIRIP. Il s'agit de la publication de l'Association interdiocésaine pour la recherche et l'innovation pédagogiques.
    Ce n° 41, qui vient de paraître, est entièrement consacré à la thématique "Écrire au cycle 1". Parmi les articles sur la préparation à l'écriture, le corps et la posture, la culture de l'écrit, la dictée à l'adulte... on trouve une longue interview réalisée à mon cabinet par deux étudiantes de l'ISFEC (Institut supérieur de formation de l'enseignement catholique), Muriel Chevalier et Charlotte Bouchez. L'article présente l'importance de la tenue du crayon et de son enseignement sur trois pleines pages illustrées.

    L'écriture manuscrite

    L'écriture manuscrite

    L'écriture manuscrite

    Voici donc deux revues, dans des champs très différents - la neurologie, d'un côté, l'enseignement catholique sous contrat, de l'autre - qui se penchent sérieusement sur le rôle de la formation des enseignants et de l'apprentissage de la tenue du crayon.
     
    Je ne peux que me réjouir de voir ces questions enfin sur le devant de la scène. Ces publications professionnelles sont très complémentaires de celles, grand public, qui avaient eu lieu dans Le Monde, Le Parisien ou Le Figaro et que vous pouvez lire sur mon site.

    Je continue donc à proposer mes formations pour enseignants - en présentiel, car je n'arrive pas du tout à travailler correctement à distance - avec la conviction renforcée de faire œuvre utile.

    Voici où nous en sommes :

    "Écriture et lecture, deux apprentissages complémentaires" : samedi 10 avril 2021. Il reste 8 places.
    "Bien écrire à l'école maternelle, de la TPS à la GS", samedi 17 avril 2021. Il reste 4 places.
    "Aide personnalisée en écriture, à partir du CE1", samedi 12  juin 2021. Il reste 9 places.

    Si vous souhaitez consulter le programme de chaque journée, c'est ici 
    formations pour enseignants
    Pour vous inscrire, il suffit de m'envoyer un courriel précisant à quelle journée vous souhaitez assister ; je vous adresserai le dossier d'inscription par retour.
    s'inscrire

    Excellente année à tous et à bientôt !

    Laurence Pierson

    Graphopédagogue
    Formatrice
    Passionnée d'enseignement de l'écriture, que ce soit le geste, la forme ou le fond, je défends pied à pied la transmission de ce savoir fondamental.

     


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  • Bien lire et aimer lire
    Extrait de Lego, THE méthode conseillée par le Ministère de l'Éducation Nationale, en 2020 2021

    Je présente mes excuses les plus plates à Mme Silvestre de Sacy d'avoir utilisé son titre pour expliquer encore une fois que lorsqu'on apprend avec plaisir on apprend mieux que lorsque c'est le même sempiternel devoir qui commande l'action.

    L'actualité

    Par je ne sais quel canal et si j'ai bien compris, deux conseillères pédagogiques parisiennes, n'ayant ni l’une ni l’autre d’expériences d’enseignement récentes au CP, se sont retrouvées bombardées à la tête d'un projet ministériel visant à créer une «««« nouvelle méthode »»»» pour enseigner la lecture et l’écriture au CP.

    Il suffit de consulter le sommaire de la méthode pour se rendre compte que ces deux personnes n'ont pas été sélectionnées par rapport à leurs compétences.

    Bien lire et aimer lire

    En effet, n'importe quel enseignant de CP un peu habitué sait que, sauf très rares cas d'enfants qui ont besoin d'un parcours aménagé, les enfants de six ans ont une mémoire d'éléphant qui les dispense d'avoir à réviser sans arrêt ce qu'ils viennent d'apprendre.

    Il sait aussi qu'une fois la lettre A étudiée, elle va être révisée tous les jours jusqu'à la fin de l'année scolaire, même chose pour la lettre I, puis la lettre R, puis la lettre L, etc.

    Les enseignants de l’académie de Paris ont été forcés de suivre une formation produite par une de ces conseillères pédagogiques et son inspectrice. Lors de ces 2 journées, elles ont entre autres présenté des séances qu’elles avaient vues réaliser en février dans des classes de T1 qu’elles suivaient alors que ces mêmes séances avaient été réalisées en novembre dans la plupart des classes de CP ! Preuve encore une fois de leurs larges compétences en la matière.

    L'une d'entre elles, interrogée sur la méthode Borel Maisonny, a même avoué ne pas connaître ce nom et ne pas savoir ce qu'il recouvrait.

    Revenons à nos « moutonsss » !

    Topaze, cet instituteur IIIe République, lui-même, se retournerait dans sa tombe devant la pauvreté de la méthode proposée.

    Tout d'abord, quasiment aucune illustration. Juste celles visant à présenter un nouveau graphème et les pictogrammes annonçant la consigne. C'est voulu. Pour ne pas distraire les enfants, sans doute. Sans doute aussi, hélas, en réaction aux manuels de lecture qui proposaient d'étudier les illustrations de l'album choisi en fonction de son intérêt littéraire plutôt que de sa « décodabilité » par des lecteurs débutants.

    N'empêche que là, sans images du tout, on risque très fort de ne pas attirer à la lecture le petit bonhomme immature qui ne rêve que dessins animés et jeux vidéos. Avoir vécu 6 ans à travers des images et se retrouver face à des :

    Bien lire et aimer lire

    ... ça ne doit pas vraiment donner envie de « devenir un grand garçon (ou une grande fille) ».

    Ensuite des logatomes, plein de logatomes, jusqu'à la fin de l'année, lorsque, avec une méthode plus soucieuse du confort des élèves, ces derniers ont presque fini d'éduquer leur œil et sont désormais capables de lire mot à mot ou même groupe de mots par groupe de mots !

    Bien lire et aimer lire

    Encore une fois, comment aimer lire ? Ce que l'enfant aime, c'est se voir progresser, se sentir capable de passer des premières glissades sur la neige chaussé de tout petits skis aux grandes pentes qu'on dévale « comme un vrai skieur » ou avancer à petits pas sur ses rollers à quatre roues et se voir bientôt une danseuse virevoltant sur la piste, avec son tutu rose qui flotte comme une corolle autour de sa taille.

    Et là, c'est ra, ri, ar, or, puis ta, ti, to, tu, puis ak, of, ip, ur, puis ..., et puis ..., et puis ..., pour enfin arriver à wo wam wil wal web... À pleurer d'ennui.

    Et pour finir, la cerise sur le gâteau, tout ça pour... déchiffrer des phrases sans suite ! Jamais une histoire, jamais un conte, jamais un documentaire.

    Il paraît que ça va venir dans un deuxième tome. À part. Parce que, depuis l'époque des « référentiels de compétences », on a complètement oublié que le but de ces compétences dissociées, de ces fines tranchettes de savoir, étaient destinées à servir une tâche complexe, ici, en l'occurrence, la LECTURE ou/et l'ÉCRITURE ! Donc pas À PART mais TOUT LE TEMPS.

    Ne faire que du code, c'est mal ?

    Le problème, ce n'est pas "ne faire QUE l'étude du code", c'est de MAL faire l'étude du code. C'est très différent. L'étude du code doit servir la compréhension, dès le premier jour de CP. Même si ce n'est que pour lire "Lili" ou "Toto". De manière à ce que l'enfant se dise : « J'apprends deux lettres et j'écris un mot. »

    Nous en avons l'exemple dans la leçon ci-dessus, celle qui commence par

    Bien lire et aimer lire

    et se termine par :

    Bien lire et aimer lire

    Il aurait suffi d'intervertir les deux tableaux et de commencer par :

    Riri a un ara.

    Bien lire et aimer lire

    et de finir par :

    Bien lire et aimer lire pour que la leçon devienne un appât pour les enfants, provoquant chez eux l'envie d'en savoir plus sur ces étranges bestioles que sont les lettres et qui permettent de tout dire, à tout le monde, où qu'il se trouve, sans se lever de sa chaise et d'apprendre tout, de tout le monde, où qu'il se trouve, sans quitter son fauteuil !

    Et le lendemain, pour parfaire le côté « bien lire pour aimer lire », il y aurait un très court texte, parce qu'on est en tout début d'apprentissage, pourquoi pas accompagné par une lecture magistrale (pas présente dans le manuel des élèves) qui raconterait :

    Riri a un ara.

    L'ara crie :

    « Ri...ri ! Ri... ri ! »

    Riri rit.

    Bien lire et aimer lire

    C'est progresser chaque jour d'un petit pas, tout petit, tout facile, et d'avancer ! Avancer vraiment.

    Jusqu'à ce qu'en fin d'année, au lieu de lire dans son « manuel de code »

    Bien lire et aimer lire

    on puisse lire, dans son livre de lecture :

    Bien lire et aimer lire
    extrait de Méthode de lecture "Nino et Ana", méthode de lecture gratuite, téléchargeable sur ce blog.

    Des manuels qui utilisent la syllabique pour créer du sens :

    Quelques titres pour finir :

    Écrire et Lire au CP

    Méthode de lecture "Nino et Ana"

    J'apprends à lire et à écrire

    Méthode explicite – Lecture – Manuel – CP


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