• Une semaine en GS (6)

    Et voilà, la semaine se termine dans notre Maternelle du XXIe siècle. Nos élèves survoltés d'hier sont revenus en forme et la journée s'égraine d'activité en activité, sans affolement ni stress, malgré le cumul qui étonne certains collègues plus habitués à un emploi du temps moins chargé.

    Si l'accumulation effraie, c'est sans doute parce que nous avons de la peine à nous projeter dans un univers différent où le temps des enfants donne la mesure. Un temps de sauts continuels, d'éparpillements, de coq-à-l'âne perpétuels où tout moins de sept ans se retrouve pourtant en terrain connu, celui du jeu libre et de la cour de récréation, de la curiosité tous azimuts, de la croissance rapide qui bat son plein et donne le tempo.

    Le temps des adultes n'a pas cours dans cette classe. On ne commence pas le matin par un moment d'acclimatation parce que, où qu'il soit, l'enfant est chez lui, dès qu'il arrive, et il est prêt puisqu'il est venu pour ça.
    Et pourquoi est-il venu à l'école ? Pour les copains et la maîtresse ! Pour le groupe, la bande, les relations humaines... Alors, tout de suite, dès que tout le monde est là, c'est par la cohésion de ce groupe que la journée commence. Pas d'accueil en classe, pas d'activités libres où le groupe qu'on se constitue s'apparente à la bande, au gang, à l'association de malfaiteurs hélas parfois.
    Le groupe qui a cours ici, c'est celui de la classe, avec un leader qui se veut positif : ouvert au dialogue, partageur de ses savoirs et de ses compétences, protecteur du faible et du réprouvé, juste dans ses décisions, accueillant, bienveillant, visant à instaurer dans sa meute un climat d'empathie, de souci de l'autre, de curiosité saine et créative. Ce leader, vous l'aurez compris, c'est la maîtresse.
    Cette idée est tellement « détonnante » que, même en ayant pris toutes les précautions pour expliquer comment elle conçoit ce rôle de manière positive et socialement correcte, je me sens toute drôle en écrivant cela, tant j'ai peur de choquer... Et pourtant, quoi de mal à se reposer sur ses compétences d'adulte pour aider de tout jeunes êtres à prendre leur envol ?...

    En commençant la matinée par une activité motrice en groupe, la maîtresse fait l'économie du temps d'accueil, devenu presque incontournable dans les écoles maternelles. Elle continue les économies de temps en supprimant les rituels savants, ceux qui feraient la marque de fabrique de l'école maternelle, puisque leur disparition de l'emploi du temps de cette maîtresse ont provoqué la réflexion suivante : « Du CP, alors ? ».
    La date, l'appel, la météo peut-être, des savoirs incontournables à 5 ans et demi  et avant ? Pourquoi donc ?
    Dans cette classe-ci, on préfère le langage, le dialogue, la curiosité, l'écoute, la découverte... Et l'on gagne ainsi de précieuses minutes qu'on consacre... à Jean de La Fontaine, pourquoi pas !

    Quinze minutes en compagnie de Jean de La Fontaine, avec des illustrations pour aider à comprendre un français différent, celui des adultes lettrés... À comprendre, juste comme ça, intuitivement, en s'appuyant sur les images. Et en s'aidant du groupe ! Des 28 autres personnes, maîtresse comprise, qui, chacune dans sa diversité, apporte sa pierre à l'édifice.

    De Gabrielle l'intello à Zakaria le gros pépère rigolard, de Loghan le tremblement de terre à Pavel qui ne dit pas encore grand-chose mais écoute tout, de Jawal qui ramène à l'école les savoirs de ses grands-frères à Karla la petite bonne femme, chacun a ses richesses à partager. Et chacun a ses manques que le groupe, maîtresse en tête, s'acharne à combler avec bienveillance et empathie.

    Et, de quinze minutes en quinze minutes, les unes consacrées au groupe, d'autres au travail individuel, de La Fontaine en Picasso, de Picasso en Manet ou en Brahms, mais aussi de Naïma en Tiago et de Théo en Alima, d'exercice physique en exercice sensoriel, d'éducation au langage oral, au langage écrit, de découverte mathématique en découverte scientifique, d'ouverture sur les arts et la culture en apprentissage de l'écriture, du calcul ou de la lecture, la journée avance, voletant de ci, butinant de là, entrelaçant connaissances, compétences, capacités et culture, non pas pour évaluer constamment si un socle se bâtit, mais pour fournir un tremplin qui emmènera toute la classe vers des savoirs sûrs et solides, des attitudes d'élèves qui aiment l'école pour ce qu'elle leur transmet, leur apprend, leur fait partager jour après jour.

    Le soir, les élèves repartent chez eux pour un long week-end de deux journées pleines auxquelles s'ajoutent trois longues soirées dont la maîtresse rêve qu'elles ne soient pas consacrées qu'aux écrans.
    Elle espère même que, communiquant chaque semaine les travaux écrits des enfants, quelqu'un, dans chaque foyer, se penchera sur ces cahiers et s'extasiera sur les progrès, les connaissances et les capacités de ses jeunes élèves, sans qu'elle ait besoin de communiquer de bulletin de notes déguisé ou non en cahier de réussites. 

    Annexe 10 : Mathématiques (4) :

    Annexe 11 : Lecture (4) :

    Annexe 12 : Questionner le monde (le savon)

     

    Le reste de la semaine :

    Lundi matin

    Lundi après-midi

    Mardi

    Mercredi

    Jeudi


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  • Une semaine en GS (5)

    Jeudi. Tous les collègues vous le diront, particulièrement en maternelle, le jeudi est devenu LA journée difficile de la semaine depuis le passage à la semaine de cinq jours, mercredi matin et TAP quasi obligatoires compris, en sus des garderies et cantines périscolaires !
    Enfants excités, ayant du mal à se supporter, se laissant entraîner dans tous les chahuts, toutes les querelles, tous les tourbillons qui naissent, parfois de trois fois rien, dans un groupe de plus de cinq enfants !
    Alors quand, en dépit de tout bon sens, on les colle à plus de vingt à vingt-cinq1 dans une structure trop grande pour eux, telles ces écoles maternelles urbaines à plus de cinq classes, on n'ose imaginer ce que cela peut donner...

    Ici, j'ai choisi de représenter une maîtresse reposée après des vacances scolaires, une maîtresse qui a eu la chance d'ouvrir sa classe une semaine où sa hiérarchie ne lui avait pas collé d'«animation pédagogique» le soir après l'école, à l'heure où, d'habitude, elle range sa classe, reçoit une famille qui s'inquiète pour son enfant, discute avec ses collègues de l'organisation matérielle et pédagogique des parties et des temps communs de l'école... Elle a même eu la chance de pouvoir consacrer son mercredi après-midi à « ses » affaires, préparation de classe, vie quotidienne, rendez-vous médicaux, soins à ses propres enfants, c'est vous dire si elle est tranquille, calme, reposée et stable dans ses convictions pédagogiques...
    D'autant qu'en ce moment, tout va bien à l'école, pas de famille Machin qui reproche tout et n'importe quoi, pas d'atsem ou de collègue malades et non remplacées, pas de querelles internes qui naissent parfois d'une trop grande promiscuité, d'une trop grande pression sociale ou professionnelle, d'une obligation à coopérer entre personnes qui ne partagent pas toujours les mêmes chemins pédagogiques...

    J'ai donc choisi volontairement le schéma idéal pour arriver à juguler, au moins un peu, la fatigue nerveuse d'enfants qui, après trois levers précoces successifs, ont enchaîné, pour certains du moins, déjà trois journées de collectivité au cours desquelles se sont succédé au moins quatre ou cinq adultes référents, chacun avec ses priorités, ses manques et parfois même ses lubies.
    Ce qui n'a pas empêché la séance de motricité du matin de tourner à la catastrophe ou peu s'en faut, malgré les cadres qu'elle avait prudemment mis en place pour sécuriser des enfants survoltés.

    Ce que la séance aurait donné dans ces écoles où les parcours, conçus et installés par les adultes hors de la présence des enfants, leur sont livrés clés en main mais sans leur fournir le mode de fonctionnement des serrures codées que ces clés sont censées ouvrir, je n'en sais rien.
    J'ai toujours essayé d'engager les enfants eux-mêmes dans la construction, l'entraînement et l'assurance de leurs capacités physiques comme cognitives ; j'ai par ailleurs toujours considéré que la séance de motricité large était l'endroit idéal pour apprendre aux élèves à mesurer et comparer des distances, éprouver des masses, établir des équilibres mais aussi dialoguer, coopérer, réfléchir  organiser l'activité et convenir ensemble des critères de réussite.
    Ce qui fait que je n'ai jamais pratiqué cette pédagogie du détour où les adultes conçoivent puis laissent les enfants exécuter, parfois au petit bonheur la chance tellement les activités prévues sont éloignées de leurs capacités physiques réelles. Je ne peux donc pas vous dire si dispersés dès le début de la séance autour de cinq ou six structures prévues pour entraîner les unes à la course, les autres au saut et les dernières au lancer, enjoints de s'organiser entre eux seuls, selon leurs critères parfois bien éloignés des mœurs policées en usage dans une société démocratique !

    Cette maîtresse-là a préféré rester près de Loghan, Victoria, Zoé,  Zakaria2 et toute la bande parce qu'elle l'a fait, avec succès, pendant des années et qu'elle ne voit pas pourquoi elle changerait une équipe qui gagne !
    En plus d'apprendre à s'organiser et à réfléchir ensemble, ses élèves apprennent à partager une tâche et la mener à bien ; lors de l'activité, s'ils attendent un peu, cette attente est mise à profit pour observer et commenter, comparer les techniques, se projeter dans le futur et choisir la méthode qui semble la plus performante ; enfin, ils s'exercent au partage, à la vigilance, à l'empathie et apprennent à vivre ensemble, réunis autour d'un même but : la réussite de tous.

    La journée continue autour d'une fable de La Fontaine parce que tous les enfants ont droit d'accéder à la Culture et que seule l'école peut le faire de façon démocratique, pour tous, en même temps, si elle croit en ses élèves et en leurs capacités à se dépasser, à regarder loin devant eux et à se dire que c'est là-bas, très loin, qu'ils arriveront bientôt.
    C'est aussi dans cette intention de faire entrer les arts et la littérature dans l'éducation de tous les élèves que la séance d'écoute musicale du soir va très loin dans l'analyse du morceau choisi. J'espère que la description est assez claire, ce n'était pas facile à faire, comme ça, en silence.
    Ceux qui seraient intéressés peuvent se reporter au chapitre XIII. L'enseignement du chant de l'ouvrage déjà cité (Pour une école maternelle du XXIe siècle, Grip-éditions) dans lequel une annexe intitulée De l'écoute musicale à l'expression corporelle décrit la démarche dans son ensemble.

    Petit à petit, tout au long de la journée de classe, grâce aux habitudes, à un emploi du temps sécurisant parce que connu de tous, le calme s'installe, soutenu par la vigilance de la maîtresse qui désamorce elle-même les querelles, surveille les échanges, occupe les désœuvrés. Et c'est sans anicroche notable malgré l'utilisation de matériaux propres à susciter l'exaltation enfantine que se déroule l'avant-dernière séance consacrée à la découverte scientifique.
    Une petite lecture offerte reposante avant de partir et c'est dans une ambiance pacifiée que nos 28 apprentis-élèves quittent la classe, après une nouvelle journée bien employée.

    Annexe 7 : Mathématiques (Se repérer, compter, calculer, Grip éditions)

    Annexe 8 : LectureDe l'écoute des sons à la lecture, Grip-éditions )

    Annexe 9 : Lecture : matériel à  découper3

    Pour consulter le reste de la semaine en GS :

    Lundi matin

    Lundi après-midi

    Mardi 

    Mercredi

    Vendredi

    Notes :

    1 On commence à entendre à nouveau parler de classes de 40 élèves, comme à l'époque du baby-boom quand la France exsangue de l'après-guerre menait de front sa reconstruction, la mise en place d'une politique sociale ambitieuse et l'instruction des enfants que les familles lui confiaient ! Personne n'a encore osé leur susurrer qu'autrefois, dans les salles d'asile, on accueillait jusqu'à 100 enfants, assis sur des gradins ? Ne leur dites pas, ils sont capables de démontrer que des études sérieuses confirment que le taux de réussite y est meilleur que dans une classe de vingt…

    2 J'en profite pour présenter mes excuses à tous les adorables bambins porteurs de ces prénoms ; pour que la classe ressemble à une vraie classe, il fallait un grand costaud trop sûr de lui, une demoiselle qui aime faire marcher son petit monde et sa suivante, prête à tout pour lui faire plaisir, un bon gros pépère rigolard qui s'amuse d'un rien, tout comme il fallait des petites souris qu'on n'entend pas, un puits de sciences toujours prêt à tout expliquer, un vengeur masqué qui épouse toutes les querelles, des bourreaux de travail qui se chargent de toutes les corvées, etc. Et j'ai choisi des prénoms dans les listes de prénoms à la mode il y a cinq ou six ans. Le hasard a fait le reste…

    3 Contrairement à l'enfant sur la photo, les élèves de la classe fictive n'ont pas encore appris à écrire en cursive les lettres m, a, r et b ; j'ai donc choisi de leur fournir des étiquettes qu'ils colleront au lieu d'écrire les syllabes. Ceux qui choisiront les lettres rugueuses Montessori dans les prochains jours seront encouragés à tenter l'écriture du prénom des sorcières après les avoir composés lettre à lettre et suivis à l'aide de l'index puis d'un bâtonnet tenu comme un crayon.


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  • Une semaine en GS (4)

    Mercredi matin, la demi-journée en plus... En parcourant ce blog, vous trouverez ce que j'en pensais à l'époque de son instauration, surtout à horaire constant.
    Nos élèves ont besoin de temps réservé à l'école et aux apprentissages, pas d'allers-venus précipités entre la maison, l'école et le périscolaire ! Réinstaurer une cinquième matinée de classe pour en réduire, n'importe comment parfois, les après-midi, je n'en voyais pas l'intérêt, surtout quand, pour cela, on désorganisait la vie familiale de centaines de milliers de personnes et la vie professionnelle de milliers d'autres...

    Mais là n'est pas le propos. Que faire un mercredi matin, dans une classe de Grande Section, où il manquera peut-être quelques élèves et où la redondance de deux fois la même chose, sans la coupure des activités pluridisciplinaires de l'après-midi, se fera sentir le lendemain matin ?
    Eh bien, nous allons faire « autre chose », quelque-chose qui ne peut plus se faire l'après-midi du fait des après-midi croupions que la réforme des rythmes scolaires a imposés dans les classes !

    L'emploi du temps initial, sur quatre jours, prévoyait de remplacer l'heure de découverte du monde du vendredi par une heure d'arts visuels... L'heure est devenue à peine 30 minutes... Allez préparer les enfants, sortir le matériel, les laisser s'exprimer puis ranger et nettoyer en 30 minutes, vous ! Moi, je ne sais pas faire et comme je tiens avant tout à ce qu'ils prennent la mesure de l'activité qu'ils pratiquent, installation et nettoyage compris (c'est là que je case mon Enseignement Moral et Civique, interdisciplinarité oblige), je garde quatre fois 30 minutes pour la DDM, les quatre après-midi de classe et je place la séance longue d'arts visuels (entre 45 et 60 minutes), le mercredi matin. Sachant que par ailleurs, le dessin est à l'honneur tous les matins pendant 30 minutes, que la séance de langage oral du début d'après-midi est consacrée à l'observation d'une œuvre d'art et que pendant les 25 minutes d'ateliers en autonomie placées avant la récréation, les élèves peuvent librement découper, coller, colorier, peindre, modeler, tresser, tisser s'ils le souhaitent puisque le coin d'arts visuels est en accès libre, la proportion des arts visuels est largement comptée.

    De la même manière, l'emploi du temps sur quatre jours remplaçait une fois par semaine les 30 minutes d'éducation motrice à visée créative (après-midi) par 30 minutes de musique, qui s'ajoutaient aux quatre fois 15 minutes consacrées au chant. Ceux qui, parmi vous, ont déjà lu Pour une maternelle du XXIe siècle savent à quel point la pratique de la musique et celle de l'éducation motrice permettent de servir tous les autres apprentissages qu'ils soient sensoriels, sociaux, langagiers ou cognitifs. Alors, pour une fois que ce mercredi matin constitue un plus et permet de ne pas déshabiller l'une pour habiller l'autre, je n'allais pas bouder mon plaisir !

    C'est donc à un mercredi matin destiné presque aux deux tiers à la « pratique des arts » que vous êtes conviés. Le reste du temps, nous combinerons « éducation motrice, écoute et écriture » puis « langage oral, écoute et écriture », puis enfin, parce qu'une pause est nécessaire dans les apprentissages fondamentaux savants mais que les élèves se plaisent souvent à répéter, seuls ou à deux ou trois, des activités qu'ils maîtrisent bien, la matinée se terminera dans le calme d'ateliers en autonomie.

    La séance d'Arts Visuels a été concoctée rien que pour vous par mon amie Phi, la toute petite maîtresse, illustratrice des ouvrages que j'ai commis : Pour une maternelle du XXIe siècleSe repérer, Compter, Calculer en GS et Écrire et Lire au CP, cahier d'exercices.  Je vous encourage chaleureusement à aller consulter son blog dans lequel vous trouverez une progression complète d'Arts Visuels niveau Cycle 2, tout à fait utilisable en Grande Section et une autre, en cours de rédaction mais déjà très prometteuse, pour le Cycle 1.

    Et maintenant que les adultes ont bien parlé, donnons le premier rôle à ceux qui constituent le cœur de l'école et de sa mission :

    Annexe 6 : Musique

    Pour consulter le reste de la semaine en GS :

    Lundi matin

    Lundi après-midi

    Mardi 

    Jeudi

    Vendredi


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  • Une semaine en GS (3)

    Deuxième journée de la semaine en GS, après un lundi matin et après-midi bien occupés. 

    Mot d'ordre : « On prend les mêmes et on recommence ! »
    Plutôt que de parler de « rituels », mot dont le côté presque religieux me gêne, je préfère parler d'habitudes, terme tombé en désuétude dans les classes sommées d'attendre le bon vouloir des enfants au début des années 1990... L'enfant au cœur des apprentissages allait de lui-même créer ses propres habitudes auxquelles les maîtres s'adapteraient comme il créerait ses propres savoirs. Je caricature pour aller plus vite.
    Lorsque, une quinzaine d'années plus tard, on s'est rendu compte que la mise en place des automatismes avait énormément souffert de cette perte, nos théoriciens de l'école du XXIe siècle, qui comme chacun le sait « sera religieux ou ne sera pas1 »,  ont alors créé les « rituels », ces obligations morales faites aux enseignants de mener, dans toutes les classes, des micro-activités dont la répétition routinière assurerait l'appropriation des notions et concepts visés...

    Je préfère le terme d' « habitudes », concept qui ne se cantonne pas à la mise en place de quelques stimuli individuels parfois habillés de vertus thérapeutiques2..
    Ces habitudes concernent le temps qui passe grâce à une organisation pédagogique basée sur la journée (on verra que le mercredi déroge à cette règle) : les activités sont pratiquées au quotidien et celles du jour font suite à celles de la veille, pour chacun des élèves.
    Cela est rendu possible grâce aux habitudes sociales de la classe : c'est un groupe dont chaque élève est un membre, reconnu comme tel, dans le cadre d'une organisation collective. Les tours de paroles sont organisés3, ce qui sécurise tout le monde et contribue à installer un climat d'écoute et d'attention ; le travail collectif précède le travail individuel qui est considéré comme la dernière phase de l'apprentissage ; de ce fait, il est accompagné au besoin par l'adulte, décidé à mettre chaque élève au centre de sa pédagogie, ce qui constitue la dernière, mais la plus importante de ces habitudes.

    Celle-ci porte sur le rôle de l'école, sa mission première, l'instruction. Chaque élève sait, parce qu'on le lui dit et le lui répète, qu'il est là pour apprendre tout ce qu'il ne sait pas, tout ce qui lui sera utile cette année, en Grande Section, mais aussi l'année prochaine, au CP, et même pendant toute sa scolarité. L'enseignante fait tout pour lui simplifier la tâche, le sécuriser en lui évitant le sentiment d'échec, l'aider à surmonter les obstacles, lui fournir les éléments nécessaires à des progrès pas à pas, qu'il constate au jour le jour.
    L'élève, conforté par le groupe, qui est toujours appelé en soutien, éduqué au respect des différences et à l'empathie, s'auto-évalue à sa mesure, sans avoir besoin de noter ses progrès puisqu'il les vit et en constate les bienfaits au quotidien, il apprend à s'estimer à sa juste valeur, se sent valorisé par des réussites tangibles, comprend les lois de l'école, parfois différentes de celles de la maison, et les applique parce qu'elles le protègent tant contre les autres que contre lui-même. Il se sent membre d'un groupe, d'une communauté dont la seule « religion » est l'apprentissage et les seuls « rituels », l'intérêt et la bonne entente !
    De cette sécurité affective et sociale naît la curiosité pour ce qu'il ne sait pas encore, ce qui est tout près de lui mais qu'il n'a pas vu, ce qui étonne les tout-petits et leur permet d'approcher les savoirs des grands.
    Quant à l'enseignante, elle est confiante dans les progrès de chacun, ayant fait le choix du simple et du pas à pas dans les apprentissages fondamentaux savants, basant sa pédagogie sur l'envie de grandir et la curiosité naturelle des enfants pour les tâches, les jeux, les exercices scolaires qui se succèdent à un rythme soutenu. Elle vise le développement harmonieux de leurs facultés motrices, sensorielles, intellectuelles et sociales, leur engagement à bien faire ce qu'elle leur propose. Elle n'éprouve donc pas le besoin de peser et mesurer sans cesse l'évolution de chacun ; elle la constate, au jour le jour, en voyant ses élèves s'engager, se donner à fond et avancer pas à pas vers les savoirs de toutes sortes.

    Les voici, après la matinée, puis l'après-midi du lundi, un mardi de fin février :

    Annexes :

    Annexe 3 : Mathématiques :

    Annexe 4 : Lecture

    Annexe 5 : Voyelles (répertoire)

     

    Suite de la semaine :

    Mercredi 

    Jeudi

    Vendredi

    Notes :

    1 Phrase attribuée à André Malraux.
    2 Ici, par exemple, je vous propose de chercher une très jolie phrase sur l'effet socialisant des cailloux. Si là, je n'ai pas le droit de parler de « pensée magique », je ne sais pas quand je le pourrai !
    3 D'où, sur les documents, les successions d'Alima, Baptiste, Célia, Dounia, etc. Par commodité, j'ai choisi l'ordre alphabétique, mais dans une « vraie classe », cela peut être les places sur les bancs, les difficultés d'élocution, l'âge ou tout autre choix mûri et calculé en fonction des particularités de sa classe.


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  • Une semaine en GS (2)

    Suite de : Une semaine en GS (1) Voir note1

    Comme promis la suite d'un long, long, long article sur le quotidien d'une classe de 28 élèves de GS, à la rentrée des vacances de février.

    L'après-midi de 2 h 15 va être rempli, terriblement rempli, de la même chose pour tous afin de garantir l'égalité des savoirs. La  maîtresse qui connaît ses élèves depuis une demi-année scolaire protège tout particulièrement ceux qui sans elle se sentiraient en difficulté, donne sa confiance à tous et pousse chacun d'entre eux à un peu plus de connaissances, d'aisance, d'attention, d'autonomie et de curiosité.
    Elle sait aussi qu'elle a affaire à des enfants encore trop jeunes pour assumer une liberté totale ; elle a donc garanti leur sécurité matérielle et instructive en aménageant l'espace scolaire de manière à pouvoir s'occuper ponctuellement d'un seul enfant tout en gardant une vue d'ensemble sur le groupe. J'ai choisi le cas hélas fréquent de la classe de GS qui, en début d'après-midi, ne bénéficie pas du service d'une ATSEM, celles-ci étant toutes occupées à la sieste, à la récupération ou au ménage après le service de cantine et de surveillance périscolaire.Si on a la chance d'être assistée par une personne qualifiée et compétente, le travail en sera facilité puisqu'elle pourra se charger du plus simple pendant que la maîtresse se consacrera aux élèves qui ont besoin du plus d'attention.

    Pendant les deux premiers mois de l'année, elle a installé un mode de fonctionnement très facile à mémoriser, où chaque activité revient chaque jour et où l'autonomie se prend peu à peu, au cours d'exercices collectifs ponctués par un exercice individuel toujours très simple, toujours encadré et aidé, et même assisté pour les élèves les plus démunis devant les tâches dites « scolaires ».
    Le temps dégagé grâce à la simplicité de ce type d'exercices, elle a pu installer ses priorités : l'expression orale, le dessin, la maîtrise corporelle, l'aisance sensorielle de chacun au sein du groupe qui peu à peu deviendra la référence de travail dans sa classe.

    Après une première période réservée aux « révisions » du programme de PS et MS dans les domaines du Langage Écrit (produire des écrits en les dictant ; exercices graphiques et geste d'écriture ; affiner l'écoute et la prononciation) et des Mathématiques (utiliser les nombres ; explorer les formes, les grandeurs et les suites organisées ; se situer dans l'espace), ce fonctionnement a permis de démarrer les acquis de la Grande Section en toute confiance à partir du mois de novembre. 

    Les élèves connaissent désormais les personnages des Alphas et commencent à savoir composer un mot en l'épelant phonétiquement. Ils savent entendre, lire en minuscules scriptes et écrire en minuscules cursives le son de référence des voyelles a, e, é, i, o, u. Ils savent dire quel est le son initial et le son final d'un mot oral. Ils écrivent, lisent, composent et décomposent les nombres de 1 à 5 et ont entamé ce travail pour le nombre 6.

    Ce mardi après-midi sera consacré à :
    - un exercice de dictée à l'adulte,
    - un court exercice de repérage du son final de quelques mots,
    - l'observation du matériel nécessaire à une première expérimentation sur l'utilisation du savon
    - un exercice d'expression corporelle sur une musique connue
    - la découverte d'un album-jeunesse

    Tout va très vite, trop vite à mon goût mais je préfère un peu de tout chaque jour plutôt qu'une seule séance par semaine, oubliée de tous ou presque, lors de la séance suivante.

    Bonne lecture à tous !

    Annexe 2 : De l'écoute des sons à la lecture, partie Les Voyelles, fiche D25.

    La suite de la semaine :

    Mardi

    Mercredi

    Jeudi

    Vendredi

    Notes :

    1 Attention, la presque totalité de ma carrière s'étant déroulée aux époques où nous avions 27 puis 26 heures de classe avec nos élèves, j'ai de la peine à établir un emploi du temps tenant compte de tous les besoins éducatifs et culturels d'un enfant de 2 à 11 ans dans un temps aussi contraint que celui des 24 heures.
    Après avoir tenté vainement de faire entrer des séances riches et constructives malgré un effectif pléthorique dans le cadre que j'avais fixé à l'avance, il a fallu que je me résigne à modifier les horaires de l'emploi du temps proposé au départ.
    Je m'en suis sortie en rabiotant, la mort dans l'âme, le temps réservé au domaine Explorer le monde. J'en demande pardon à tous les enfants qui n'ont que l'école pour s'instruire, je ne suis pas responsable des mégotages économiques effectués sur le dos des bambins.
    2 Je rappelle que, par commodité, j'ai choisi un féminin qui l'emporte en raison de la féminisation de l'enseignement primaire et tout particulièrement pré-élémentaire. J'invite les messieurs qui me liront à corriger d'eux-mêmes tous ces noms féminins.


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