• Tu apprendras dans la douleur.

    Balades en maternelle

    Premier cas :
    Nous sommes dans une classe maternelle multi-âge, un beau jour de printemps. Après une année scolaire bien employée, chacun vaque à ses petites affaires. Les uns s'activent, avec application, à des tâches de vie pratique, laver, ranger, boutonner, arroser, suivre le tracé d'une lettre et même marcher avec application, sans bruit sur une ligne courbe !
    D'autres associent deux à deux des couleurs, des sons,  des quantités concrètes et des nombres, des images ou des objets et des mots oraux ou écrits.
    Un petit groupe de grands de cinq à six ans effectuent à l'aide de cubes, de plaques, de barres et de perles le partage de 9 998 en 3 nombres égaux pendant qu'un petit groupe de leurs camarades lit, couramment, une histoire à leurs camarades plus jeunes.
    Bah oui, quoi ! Normal, non ? On est dans la classe pilote Montessori que Céline Alvarez avait obtenue de l'Éducation Nationale et qui a disparu depuis... Elle a gardé les meilleurs moments et nous a fait un catalogue de tout ce qui était le plus vendeur. On ne peut pas le lui reprocher, tout le monde en aurait fait autant.
    Qu'elle qualifie cette pédagogie de scientifique et s'associe aux neurosciences qui marchent si fort aujourd'hui ne peut pas non plus nous étonner puisque Maria Montessori, docteur en médecine, licenciée en philosophie, psychologie et biologie, appartenait elle-même à ce courant de pensée qui considère que la pédagogie se doit d'être scientifique, basée sur la connaissance et le respect des lois qui gouvernent le développement psychologique des enfants.

    Sachant cela, on peut être d'accord ou pas... Mais il n'empêche que, dans cette classe, on voit des enfants heureux, épanouis, qui ont visiblement acquis des connaissances variées, dans la joie et la bonne humeur !

    Deuxième cas :
    Nous sommes à des années lumières de là, dans une classe maternelle multi-âges, à Saint-Martin d'Estreaux (Loire), le 10 mars. 

    « Aujourd'hui l'attention est captée par un beau dessin exécuté au tableau par Betty (5 ans 1 mois). « C'est la jolie jeune fille du printemps », dit-elle.
    Nous parlons beaucoup du printemps ces jours-ci. Chaque jour les petits venus des fermes nous annoncent la naissance des chevreaux, l'éclosion des poussins, ceux du bourg apportent des primevères, des violettes. Nos petits amis de Trégastel nous ont envoyé une lettre de printemps, véritable herbier, où nous avons reconnu les chatons, la jonquille, la ficaire. Même les plus petits s'approchent pour voir « la jolie jeune fille. »
    « Elle a rencontré le soleil
    », dit Domi et Betty ajoute : « Son petit cœur chante », car Betty aime à en­tendre « chanter » son petit cœur (elle vient près de moi et pose sa main sur son cœur et sent le tic-tac). Gérard met sa main sur son cœur, on l'imite (ce n'est pas la première fois que cette expérience a lieu) « Tiens, ça fait tic-tac ». Et voilà notre texte :

     « La jolie jeune fille
    du printemps
    a rencontré le soleil.
    Son petit cœur chante tic-tac, tic-tac
    ».

    Presque tous les enfants demandent à lire cette histoire (même Martine, 4 ans), mais certains restent en dehors.
    Georges dessine sa maman et son papa et sa maison Monique aussi, Nicolas fait le portrait de son chien Jupiter et Corinne préfère envoyer à son correspondant son histoire à elle.
    Tandis que Betty, Frédéric, Gérard et Michèle composent le texte à l'imprimerie et que des groupes se forment pour dessiner la jeune fille du printemps (encre de Chine, stylos, crayon à pointe feutre, peinture) les grandes filles copient le texte sur une belle feuille. A la fin de la journée tous les enfants (les petits exceptés) l'ont copié, certains seuls, d'autres à l'aide d'un modèle (qu'ils viennent solliciter, certains précisent qu'ils veulent écrire « en accroché » c'est-à-dire en anglaise).

    En fin de matinée, Gérard s'aperçoit que nous avons oublié le calendrier, il est fier de nous annoncer que nous sommes « mardi 10 mars ». Comptons-nous : grande section : 9 filles, 4 garçons, cela fait 13 ; chez les moyens, il y a : 5 filles et 3 garçons, cela fait 8 ; et chez les petits : 4 filles et 1 garçon, cela fait 5 et 26 en tout dit Dominique. Ce soir nous ajouterons encore les moyens et les petits qui viennent l'après-midi.
    Frédéric a une histoire de calcul à nous raconter, il l'a dessinée ce matin : « Pour manger mon gâteau d'anniversaire il y avait nous six ( papa, maman, ma sœur, mon grand frère, le bébé et moi),mes deux pépés et mes deux mémés, mes deux tontons, mes trois tatas et ma marraine ».
    Que de façons de compter cela ! Depuis la simple énumération (dessinée par Jean-Luc) jusqu'à la véritable élaboration mathématique réalisée par Andrée (6 ronds et 4 ronds constituent la dizaine à laquelle elle ajoute 2 ronds et 3 ronds et encore un rond, ce qui fait 16). 

    Comme un rayon de soleil chassait l'ondée, nous sommes vite sortis dans l'herbe encore humide, nous avons cueilli les primevères pour ne pas les écraser en dansant.

    Et puis les enfants se sont groupés par ateliers.
    Frédéric, Gérard et Hélène se sont installés pou terminer leurs marionnettes. A la table de peinture il y a Jean-Luc, Andrée, Pascale, les deux petites Martine qui peignent des oiseaux et des soleils. Betty peint à la verticale (au tableau) une demoiselle du printemps. Corinne a disposé l'atelier d'encre de Chine, où elle travaille en compagnie de Christian, Serge et Alain-Noël. L'atelier de stylos et de crayons-feutres réunit Anne-Marie, Catherine, Pascale, Serge et Annick.
    Catherine, Ariane, Dominique et Jean-Claude impriment. Monique, Christiane, Nicolas découpent. Georges et Christian écrivent et dessinent pour leur correspondant.
    Je vais d'atelier en atelier, aidant les enfants qui me le demandent (mais ils préfèrent en général l'aide d'un camarade).

    Les imprimeurs sont fatigués, Ariane va dessiner au tableau, Pascale prend sa place. Alain-Noël, qui a terminé son encre de Chine découpe des chèvres et les groupe dans un pré. Gérard fait danser sa marion­nette pour un groupe d'admirateurs.
    Mais cela se fait sans désordre. Il y a du bruit bien sûr, surtout en cette fin de trimestre, mais « c'est un bruit de ruche » quelquefois dérangé par les éclats de rire aigus de notre Michèle malentendante (en trai­tement d'ailleurs, car les parents sont enfin convaincus de sa surdité, non sans mal d'ailleurs).

    Voici l'heure de la récréation, nous n'avons pas vu le temps passer puisqu'il est quatre heures moins le quart. D'ailleurs quelques enfants restent pour ter­miner leur travail (en particulier Hetty, Ariane, Corinne). En rentrant je lis (ou plutôt raconte en montrant les gravures) l'album « L'Enfant-Soleil » édité par la CEL et c'est l'heure du départ. »

    Ça fait un peu ruche, la maîtresse l'admet d'ailleurs, et puis coopérative autogérée d'enfants où la maîtresse est un membre de la communauté ni plus ni moins important que tous les autres.
    Bah oui, quoi ! Normal non ? Puisqu'on est dans la classe maternelle Freinet d'Yvette Bermon, en 1964.

    Sachant cela, on peut être d'accord ou pas... Mais il n'empêche que, dans cette classe, on voit des enfants heureux, épanouis, qui ont visiblement acquis des connaissances variées, dans la joie et la bonne humeur !

    Troisième cas :
    Remontons encore dans le temps. Et entrons sans bruit dans l'amphithéâtre d'une École Normale d'Institutrices pour écouter parler la conférencière :

    «L'enfant bouge et s'occupe. Il s'occupe à jouer. Le jeu, c'est le travail des enfants.Tous les éducateurs dignes de ce nom l'ont affirmé. C'est le titre de gloire de Frœbel.

    Pour s'occuper, il faut que l'enfant ait à sa disposition des objets matériels. Celui qui marche à peine pousse devant lui une chaise qui le soutient ; son aîné fait de la sienne un cheval improvisé ; puis il y a les jouets, les vrais, depuis le hochet à grelots du bébé que l'on porte sur les bras, jusqu'au jeu de dominos avec lequel le doyen de cinq ans apprend à compter jusqu'à douze.
    Non seulement il y a les jouets des chambres, mais il y a ceux des jardins. Les jouets, les ustensiles du ménage, c'est le matériel scolaire de la mère de famille. Ils doivent composer aussi le matériel scolaire des petits à l'école maternelle.
    Et c'est en effet un matériel éducatif, puisque chacun des objets qui le composent sert au développement physique et intellectuel de l'enfant qui l'a à sa portée. Le petit qui s'appuie sur la chaise comprend que sans elle il roulerait par terre ; celui qui a fait un cheval de la sienne a exercé d'abord sa faculté de comparaison, puis sa faculté d'imitation. Les quatre pieds de la chaise lui rappellent les quatre jambes du cheval, et, s'il se met dessus à califourchon, au lieu de s'asseoir, c'est pour faire comme les cavaliers qu'il a remarqués dans la rue ou sur la route. Il parle à ce cheval, comme la petite fille parle au morceau de chiffon qui lui sert de poupée, et la mère intervient dans cette conversation.

    Au jardin, avec les billes, les quilles, les ballons, le sable, que de facultés sont en jeu !
    Quelle leçon bonne et saine et profitable dans un mot dit à propos ! Nous soulignons cette expression « à propos », car la leçon ne porte que quand elle entre dans les vues du petit enfant, quand elle arrive au bon moment, quand elle est opportune. Appeler sur un arbre l'attention d'un enfant qui joue au cheval, c'est du temps perdu; on lui parle branches et feuilles, il répond jambes et queue. L'enseignement, pour être fécond, ne doit pas transporter l'élève dans un ordre d'idées qui lui est étranger, il ne doit lui causer aucune fatigue intellectuelle. Le jeu, le jeu surveillé, le jeu guidé, est un travail suffisant pour l'enfant de la deuxième section de l'école maternelle.

    Cependant, le programme officiel porte 1° les premiers principes d'éducation morale.
    C'est vrai ; mais, lorsque la directrice lavera l'enfant malpropre et qu'elle lui suggérera par cela même l'idée de la propreté ; quand elle l'amènera à rendre un jouet arraché à un petit camarade ; quand elle stimulera son activité ; quand elle lui inspirera un sentiment de tendresse ou de confiance, elle aura fait de l'éducation morale.

    A l'article 2 du programme nous trouvons les exercices de langage.
    Et en effet vous faites dire à l'enfant « la bille », « le cheval », « le ballon », « le sable ». Puis, « la bille est ronde » ; « le cheval a quatre jambes, une queue » ; « je lance le ballon » ; « la fourmi est toute petite » ; « le sable est fin » ; « le sable est sec », « le sable est mouillé ».
    Peu à peu les propositions s'enchaînent en phrases, les phrases se lient en périodes : l'enfant pense et parle.

    A l'article 3, les leçons de choses : un des exercices les moins compris.
    La leçon de choses, pour l'enfant, c'est le nom de l'objet qu'il a dans la main : « la bille » ; c'est sa couleur « rouge, bleue ou blanche » ; c'est sa forme : « ronde » ; c'est l'usage qu'on en fait : « on la fait rouler ».
    Mais ces leçons doivent naître spontanément, au lieu d'être réglementées. C'est horriblement difficile ! dira-t-on. Oui, si l'école maternelle ne fait pas absolument peau neuve, si les directrices n'oublient pas qu'elles se sont crues des professeurs, alors qu'elles étaient des mamans.

    Pourquoi avoir fait un règlement alors ? C'est qu'il faut donner un corps aux idées ; c'est qu'on ne fonde rien avec des abstractions. Ce règlement précise ; il permet de passer de la théorie dans la pratique ; il dit aux directrices : « Vous devez être des mamans ; l'enfant qui joue travaille ; en jouant seul, il développe son corps, son intelligence ; en jouant avec des camarades, il développe son corps, son intelligence, son cœur. Il devient sociable. Or la sociabilité prise de haut, c'est de la morale ; la sociabilité implique la parole ; c'est l'exercice de langue maternelle. L'enfant qui trace des lignes sur le sable ou sur l'ardoise dessine; le dessin mène à l'écriture, l'écriture à la lecture.
    En comptant les cailloux qui servent de limite à son jardinet, les cubes qui lui servent à construire une maison, l'enfant fait du calcul ; en faisant des hauteurs et des creux dans le sable, il fait de la géographie ; en regardant une fleur, de la botanique ; en montrant ses deux mains, ses deux yeux, sa bouche et ses cheveux, de la zoologie. C'est sa science à lui ; ce sont ses études à lui ; il n'en doit pas connaître d'autre. »

    Oh mais quelle permissivité ! Quel appel aux sens, au plaisir, au jeu, à l'effort mesuré et librement consenti !
    Bah oui quoi ! Normal, non ? Puisque la conférencière se nomme Pauline Kergomard et que lorsqu'elle a fondé l'École Maternelle française, elle l'a voulue avant toute chose qu'elle soit faite pour l'enfant et non l'enfant pour l'école. Elle l'a donc conçu comme un établissement où l'enfant doit s'épanouir en santé physique et en santé morale, en force, en grâce, en intelligence, en esprit de conduite.

    Sachant cela, on peut être d'accord ou pas... Mais il n'empêche que, dans cette conception de l'École Maternelle, on reconnaît la volonté de voir des enfants heureux, épanouis, qui acquièrent des connaissances variées, dans la joie et la bonne humeur !

    Quatrième cas :
    Nous voici maintenant dans un temps si reculé que l'idée de l'enfance a de la peine à cheminer dans l'esprit des hommes. C'est tout juste si on conçoit qu'avant d'entrer à la fabrique, vers l'âge de sept ans, les tout-petits, confiés à des mains mercenaires parfois à peine plus âgées qu'eux, frôlent quotidiennement des périls inouïs ! 
    Dans cet univers sombre, des voix s'élèvent, cherchant avant tout à préserver les forces vives de la nation en combattant une mortalité infantile si élevée qu'elle la prive d'ouvriers, de soldats et de bonnes reproductrices. Il faut garder ces tout-petits, les préserver de la maladie et des mauvaises influences, leur inculquer à n'importe quel prix l'amour du bien et de la religion.

    D'autres vont plus loin et commencent déjà à chercher ce qui pourrait les rendre heureux en les améliorant.
    Et ils trouvent... enfin... ELLE trouve :

    Les moyens de réorganiser notre instruction primaire et de la mettre d'accord avec elle-même et avec les besoins actuels :
    « I. — La substitution de la méthode naturelle et attrayante aux procédés factices, routiniers et dépressifs jusqu'ici en usage ;
    [ « II. — L'introduction dans l'enseignement de quelques connaissances aujourd'hui d'utilité générale, telles que l'histoire du pays, celle du travail, l'hygiène, les notions des diverses sortes d'économie, etc. ;
    « III. — L'introduction de l'élément professionnel, s'étendant au commerce, aux langues vivantes, aux arts industriels, aux métiers, et marchant simultanément avec l'instruction proprement dite. » ]

    Pour elle, la méthode française, celle qui doit prévaloir tout le temps et à plus forte raison chez les moins de sept ans, c'est :

    « c'est l'enseignement expérimental compris sous les noms divers d'enseignement par les yeux et de leçons de choses ; c'est l'instruction par les faits, en un mot, c'est la méthode naturelle ».

    Mais laissons parler quelqu'un qui a lu ses écrits, a côtoyé son œuvre et lui a fait confiance :

    Mme ... s'est faite l'apôtre de la méthode naturelle, de la méthode qui prend la nature pour point de départ, ensuite pour guide et pour point d'appui ; qui s'adresse d'abord aux sens et, par leur moyen, met l'enfant en communication avec tout ce qui l'entoure :
    « Coopérer à l’œuvre de la nature, l'étendre, la rectifier quand elle dévie, telle est la tâche de l'éducateur ; à tous les degrés de l'éducation, il faut respecter la nature ».

    Elle répugne à l'abstraction ; elle ne parle qu'en présence de l'objet ou du moins de son image ; sa maxime est :
    « Un signe visible pour chaque chose visible ».
    De là les images qui illustrent ses livres, les instruments et appareils qu'elle a inventés pour rendre partout et toujours l'enseignement concret (voir sa Notice sur l'éducation des sens, ses collections d'images, de dessins et de gravures, etc.).
    A ses yeux, l'éducation doit avoir pour bases non seulement l'observation, la réflexion, l'expérience, mais aussi l'attrait, l'affection, le sentiment, le respect :
    « L'enfant devrait vivre au sein d'impressions fraîches et douces ; les objets qui l'entourent à l'école devraient être gracieux et riants. Il n'est pas un enfant qui ne se laisse prendre à l'affection qu'on lui témoigne. Aimez chacun de ceux qui sont confiés à vos soins. Nous ne valons qu'autant que nous aimons. Tâchez qu'on vous aime, et ce sera facile si vous aimez véritablement vous-même: l'amour, c'est la flamme qui attire la flamme. Il faudra de bonne heure éveiller chez nos pupilles le sentiment de leur dignité morale et travailler à les en pénétrer, en veillant sur nos manières envers les autres. En général, on traite les enfants avec trop peu de façon ; on manque d'égards pour eux. »

    Dans l'esprit de Mme ...,  la salle d'asile était une œuvre d'éducation première, d'épanouissement, de développement dans tous les sens, non une œuvre d'instruction. Elle ne demandait à ses jeunes auditeurs ni effort, ni contention d'aucune sorte, ni travaux, pas même ces prétendus travaux récréatifs mis à la mode par les disciples de Frœbel : elle craignait que l'on ne fît d'eux « des petits galériens ». Elle ne leur demandait que de l'écouter et, pour les y amener, elle recourait aux récits enfantins, aux exhibitions d'objets ou d'images, à tout ce qui pouvait charmer leurs oreilles ou leurs yeux. Si elle admettait quelques exercices d'instruction sentant l'école, ce n'était que dans une mesure très restreinte et sous la réserve que ces exercices seraient courts, rudimentaires, toujours relevés par des mouvements ou des moyens d'aspect.

    Quoi, encore cette idée d'épanouissement, de liberté, cet appel aux sens, au plaisir, au jeu, à l'effort mesuré et librement consenti ! Mais c'est insupportable
    Bah oui quoi ! Normal, non ? Puisque le rédacteur de cette biographie est un dénommé Eugène Brouard, l'un des 350 collaborateurs dont s'entoura Ferdinand Buisson pour rédiger son Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire.

    Sachant cela, on peut être d'accord ou pas... Mais il n'empêche que, dans cette conception de l'instruction des tout-petits, on reconnaît la volonté de voir des enfants heureux, épanouis, qui acquièrent des connaissances variées, dans la joie et la bonne humeur ! 

    Conclusion :

    On peut considérer que tous ces gens-là nous ont fait ou refait le coup de Summerhill et que, lorsqu'il s'agit d'enseigner quelque chose à un élève, on ne peut éviter de lui imposer une tâche bien définie.
    Sans doute est-ce très vrai, dès lors que l'élève en question a dépassé l'âge de la petite enfance (en gros, au moment des premiers signes de la deuxième dentition), époque à laquelle, la question est de lui faire comprendre ce que signifie cette tâche et de lui en montrer l'intérêt.
    Cependant, de l'avis de tous ces pédagogues plus ou moins réputés, avant cet âge, il ne saurait être question d'en faire des petits galériens qu'il ne faudrait en aucun cas laisser choisir en fonction de leurs envies.

    Sachant cela, on peut être d'accord ou pas... Mais il n'empêche que, dans cette conception de l'instruction des tout-petits, qui est aussi la mienne, on voit des enfants heureux, épanouis, qui n'ont certes pas appris dans la douleur mais ont tout de même acquis des connaissances variées et une envie d'apprendre qui les rend aptes à fournir désormais tous les efforts nécessaires à une instruction sentant l'école, comme aurait dit ce bon M. Brouard !


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  • Il faut sauver l'École Rurale
    L'École Rurale, c'est celle où l'on apprend, ensemble, de deux à onze ans, tout près de chez soi.

    À l'époque où, sous prétexte de conventions ruralité, on finit de démolir le maillage scolaire développé de 1833 à 1990 environ, une amie m'a demandé de témoigner sur mon expérience d'institutrice ayant fréquenté tant l'école urbaine que l'école rurale afin qu'elle puisse le diffuser par le biais des contacts noués par l'association au sein de laquelle elle milite.

    Je lui ai proposé de diffuser ce plaidoyer sur mon blog. Le voici donc.

    Il faut sauver l'école rurale

    Institutrice puis professeur des écoles dans la Drôme depuis 1975, j'ai pris ma retraite en septembre 2015, à 58 ans après avoir exercé mon métier en tant que directrice d'une école rurale à 3 classes au cours des 28 dernières années de ma carrière. J'ai participé à la rédaction de suggestions de programmes scolaires pour la maternelle et l'élémentaire, de plusieurs manuels scolaires et de livres du maître. J'ai par ailleurs publié un ouvrage destiné à promouvoir une école maternelle1 qui accueillerait les enfants de deux à sept ans dans des classes multi-âge copiées sur celles qui existent dans les communes rurales.

    Au cours de mes sept dernières années d'enseignement, ma classe était inscrite à un projet d'expérimentation, visant à mettre en application et évaluer les programmes proposés par une association à laquelle j'ai adhéré pendant 8 ans. Ma collègue de Cycle 3 suivait le projet dans ses grandes lignes sans pour cela avoir inscrit sa classe dans l'expérimentation.

    J'ai commencé ma carrière par plusieurs années de remplacements et d'affectations provisoires, de 1975 à 1986. Lors de ces années, j'ai eu l'occasion d'enseigner aussi bien dans des écoles de ville, que dans des écoles de bourgades ou des écoles rurales.

    Écoles de ville ou de bourgades

    J'ai ainsi effectué les décharges partielles de deux directeurs d'écoles de ville à plus de dix classes, à deux reprises. J'ai alors exercé dans une classe de Petite Section le matin, avec plus de 40 élèves inscrits à la fréquentation très régulière, et dans une classe de CM2 l'après-midi, comportant environ 25 élèves. Ces deux classes étaient situées dans un groupe scolaire qui a été inscrite en ZEP dès que cette dénomination a existé. La deuxième fois, pour des quarts de décharge, cette fois, j'avais un CM2 à 27 élèves et un CP à 25 élèves, deux années d'affilée.

    Au cours d'autres remplacements, j'ai enseigné pendant des temps plus ou moins longs (d'une semaine à un trimestre ou même à une année) dans des écoles de 8 à 20 classes situées dans des villes petites ou moyennes (Montélimar, Pierrelatte, Nyons, Buis les Baronnies).

    Les classes maternelles de mes débuts étaient des classes fatigantes en raison du grand nombre d'élèves. Cependant les programmes, très souples à l'époque, rendaient le métier bien moins contraignant qu'aujourd'hui. Je pense aussi que le fait d'accueillir les enfants en classe 27 heures par semaine et les rôles bien définis de l'institutrice et de l'ASEM2 participaient sans aucun doute à sécuriser les enfants et les rendaient moins turbulents.

    En élémentaire, j'ai eu la chance de débuter à une époque où la conquête majeure du monde enseignant était la réduction du nombre d'élèves par classe. Je n'ai donc jamais eu de classes très chargées comme il en existait dans mon enfance et comme il en existe de plus en plus souvent de nos jours.

    Zone rurale (sans RPI) :

    J'ai enseigné dans des classes rurales uniques ou d'école à deux ou trois classes pendant plus de 30 ans. Ma classe la moins chargée comportait 3 élèves à Saint Dizier en Diois, la plus chargée atteignait 26 élèves en élémentaire (CP à CM2) et 32 élèves en maternelle-CP (de la TPS au CP) à Saint Pantaléon les Vignes.

    Je garde un souvenir très ému de l'époque3 où le rural « profond » a enfin pu bénéficier de l'École Maternelle. Les petits villages étaient poussés par le Ministère, qui débloquait des aides très importantes, allant jusqu'à 75 ou 80 % des frais engagés, à ouvrir des classes maternelles uniques, regroupant les enfants de deux à six ans. Il régnait dans ces classes une motivation et une émulation bon enfant très riches, à laquelle participait bien souvent avec enthousiasme une grande partie de la population.

    Je n'ai pas l'impression que mes élèves aient manqué d'émulation pédagogique, même dans ma classe de 3 élèves. J'ai toujours fait en sorte qu'ils aient envie d'apprendre, qu'ils se sentent progresser et qu'ils aient des contacts, même simplement épistolaires, avec d'autres enfants et d'autres écoles.

    Les seuls moments où cela pouvait être difficile, ponctuellement, pour un élève ou un autre, c'est lorsque celui-ci était seul dans son niveau alors que tous les autres groupes étaient relativement nombreux. Dans ce cas-là, s'il s'agissait d'un élève à l'aise dans le domaine scolaire, cela allait ; mais si, en plus, il s'agissait d'un enfant en difficulté, trouver la motivation de « se battre » a pu être difficile, pour lui comme pour moi.

    J'ai la chance de ne jamais m'être sentie seule en classe unique. Il faut dire que l'observation des enfants, pris isolément ou réunis en « communauté », m'a toujours intéressée. Les moments de récréation, qui sont les seuls moments où, dans une école, on a le temps de s'ennuyer, passaient plus vite quand j'observais leurs jeux et leurs interactions.

    Par ailleurs, très souvent, nous nous contactions avec les collègues des villages avoisinants et nous menions des « projets communs », bien avant que la pédagogie de projet soit institutionnalisée par notre administration.

    Avantages et inconvénients :

    Je n'hésite pas à dire que  le multi-âge me semble n'avoir presque que des avantages par rapport au niveau unique, sauf en cas d'effectifs trop chargés (plus de 25 en double niveau, plus de 20 à 22 en triple, plus de 20 à partir d'un quadruple niveau) ou si les enseignants se succèdent année après année.

    Dans ces deux cas, on perd tout ou partie du bénéfice incontestable dû aux échanges inter-âges et à la proximité qui s'établit entre l'enseignant, qui voit grandir ses élèves et comprend le développement de leur personnalité. On perd aussi une partie de ces avantages lorsque les élèves sont regroupés par niveaux dans des villages différents où l'on se retrouve finalement dans la même structure qu'en ville moins la proximité permettant des échanges entre maîtres et élèves !

    Dans la classe multi-âge, chaque élève se sent intégré un peu comme dans une fratrie et profite tant des enseignements prodigués aux plus âgés que de ceux que découvrent les plus jeunes. Tous y découvrent l'autonomie, l'équilibre, l'aptitude à l'effort et le sens des responsabilités. Ayant vu évoluer leurs aînés, les enfants progressent naturellement, se contentant de prendre tout à coup conscience de quelque chose qu'ils fréquentaient depuis longtemps de manière libre et intuitive.

    Le maître se focalise beaucoup moins sur les échecs partiels car il sait qu'il travaille dans la durée et que « tout viendra à point à qui sait attendre ». Dans le pire des cas, il intègre pour des temps plus ou moins longs l'élève en difficulté au groupe des plus jeunes sans qu'il soit pour cela question de le stigmatiser par un redoublement pris comme une sanction.

    Les années scolaires s'y succèdent regroupant les mêmes élèves autour du même maître. Point n'est besoin de longues semaines d'évaluation pour savoir où en sont les enfants qu'on a quittés deux mois plus tôt ! La mise en route de la rentrée y est très courte et parfois même inexistante, chacun enfilant à nouveau sa bonne vieille paire de pantoufles où il se sent à l'aise.

    Surtout que, sachant qu'il va garder ses élèves plusieurs années, l'enseignant a peut-être moins tendance à « perdre du temps » et à manquer de la plus élémentaire exigence au niveau des apprentissages. Pour lui, par exemple, un élève qui quitte le CP sans savoir lire sera un élève qui lui prendra énormément de temps l'année suivante alors qu'il n'en aura pas beaucoup à lui consacrer !

    Ce « temps long » pendant lequel les élèves sont accompagnés et instruits par un même maître permet certainement aussi une très grande souplesse dans les méthodes, sans crainte de ne pas avoir le temps d'aboutir. C'est ainsi que j'ai sans hésiter inscrit ma classe à une expérimentation aux contenus exigeants et que ma collègue, convaincue par le niveau de ses élèves arrivant au CE2 ou CM1 dans sa classe, n'a pas pu faire autrement que de relever, avec succès, le niveau des connaissances qu'elle leur enseignait.

    Je n'ai jamais vu de différence flagrante entre les élèves issus de classes multi-niveaux et ceux ayant étudié en simple niveau, lors de leur entrée en 6e du point de vue des connaissances. De l'avis des professeurs de collège que j'ai côtoyés lors des réunions de synthèse, les élèves issus du rural et particulièrement du multi-niveaux sont souvent plus autonomes et se noient moins facilement que les autres dans des problèmes de présentation de cahiers, de copie de leçons, etc., car ils sont habitués depuis bien longtemps à gérer seuls l'organisation quotidienne de leur travail écrit. Leur niveau est généralement aussi élevé si ce n'est plus que celui de leurs camarades des écoles de ville.

    Cette capacité à l'autonomie tend à disparaître depuis qu'on a regroupé les écoles rurales pour n'avoir plus que des classes à un ou deux niveaux et que les enseignants du primaire ne sont plus vraiment formés au multi-niveau.

    Rapports humains

    N'ayant jamais été réellement confrontée à la violence en milieu scolaire, sauf de façon très sporadique, dans le cas d'un parent d'élève ou d'un enfant en souffrance psychologique ou psychiatrique, je ne me sens pas le droit d'en parler.
    La seule remarque que je pourrais faire à ce sujet est une remarque de bon sens que n'importe qui pourrait émettre : lorsqu'un enfant est dans un milieu à sa mesure, encadré par des personnes qui le connaissent depuis toujours ou presque, il se sent moins agressé que lorsqu'il vit dans un univers démesuré, au milieu d'inconnus qui ne peuvent même pas l'appeler par son prénom. De même, lorsqu'un adulte connaît tous les enfants qu'il a sous sa surveillance, avec leurs forces et leurs faiblesses, il peut bien mieux anticiper les risques de débordements, d'agressions, de harcèlement ou de mise à l'écart.

    Jusqu'à ces dernières années, le contact avec les parents était beaucoup plus aisé en école rurale qu'en école de ville. Cela tend à disparaître car, de plus en plus souvent, les enfants fréquentent la garderie périscolaire et sont déposés et récupérés à l'école en dehors des horaires de service des enseignants. La disparition de l'école le samedi matin, puis la réforme des rythmes scolaires ont amplifié le phénomène dans des proportions inquiétantes. Nous avons maintenant des élèves dont nous ne voyons jamais les parents après le jour de leur inscription.
    C'est très certainement le cas depuis bien longtemps dans tous les Regroupements Pédagogiques Intercommunaux où les enfants sont déplacés en car matin et soir sans leurs familles.
    Et ce sera bien pire lorsque le projet des EPLE sera mis en place et généralisé.

    En revanche, je pense que, dans le cadre de l'intégration des enfants handicapés, c'est l'école de ville qui apporte les meilleures réponses. À la condition expresse bien entendu qu'elle dispose de classes peu chargées, dont certaines spécialisées dans l'accueil, le suivi et l'accompagnement des enfants à besoins particuliers, ainsi que d'un RASED complet sur place, de structures médicales, paramédicales ou psychologiques proches et d'AVS en nombre suffisant pour assurer le bien-être des enfants.

    En école rurale, l'absence de RASED ou son éloignement, la difficulté d'assurer le suivi médical, paramédical ou psychologique pour l'enfant sans le déplacer une à plusieurs fois par semaine pour ses consultations et soins ainsi que la difficulté de communication, compliquée par l'éloignement, entre la MDPH, le personnel soignant, l'enseignant et l'AVS ne donnent qu'une intégration de façade à l'enfant, bien loin de celle à laquelle il devrait avoir droit.

    Il faudrait pouvoir permettre une double inscription, l'une « scolaire », dans le cadre d'une classe adaptée au handicap de l'enfant, et une « sociale », afin que celui-ci puisse fréquenter dans de bonnes conditions l'école de son village, aussi souvent que son cas le permet.

    La grande gagnante, c'est l'école rurale :

    Issue de la « grand-ville », étant Parisienne d'origine, j'ai très tôt préféré la densité des relations humaines en milieu rural. C'est encore plus flagrant dans le domaine de l'enfance.

    Aucune école ne devrait dépasser les six classes en maternelle, avec un idéal à trois ou quatre, et les huit classes en élémentaire, en tendant vers l'école à quatre ou cinq classes. Aucun village ne devrait voir ses enfants au bord des routes matin et soir, et ceci encore plus lorsqu'il s'agit de régions de montagnes ou de zones à très faible concentration d'habitants où l'on véhicule parfois les enfants pendant plus de trente minutes entre leur domicile et leur école.

    Il faut sauver l'École Rurale

    Il faut protéger les écoles rurales car elles sont le lieu où les enfants apprennent à vivre en société, au milieu des leurs, au plus près de leur foyer. C'est là qu'ils étudient le civisme en action en voyant fonctionner leur mairie, leurs associations et leurs services publics de proximité.

    Leur scolarité n'a pas à se faire au détriment du bilan carbone de notre pays. Vivre et apprendre au pays, c'est la possibilité pour des milliers d'enfants d'aller à l'école à pied ou à vélo sans emprunter les transports publics ou privés.
    C'est aussi la possibilité d'une restauration scolaire de proximité, utilisant des produits locaux, fournissant ainsi emploi et débouchés économiques à la population active, tout en respectant l'environnement.

    En ces temps d'insécurité où l'on nous parle d'état d'urgence, nos enfants seront bien mieux protégés s'ils ne sont pas transportés en cohortes matins et soirs et que les structures qui les accueillent sont petites et dispersées.

    Enfin, et c'est sans doute le plus important car le plus quotidien, l'école rurale qui suit l'enfant pas à pas de la première année de maternelle à sa dernière année avant le collège peut le garantir contre l'échec scolaire bien plus sûrement, et avec bien plus de chaleur, que l'établissement public local d'enseignement, grand comme une usine, où il ne sera qu'un numéro.

    Cela nécessite sans doute un effort de formation des enseignants mais je n'ai aucun doute : très vite, les effets positifs se feront sentir.

    Notes :

    2 Agent Spécialisé des Écoles Maternelles

    3 Années 1980, chez nous, dans la Drôme

     


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  • La copie, ça s'apprend.

    Un excellent article sur le blog écritureparis sur l'apprentissage des stratégies de copie.

    À part le mot "déterminant" que je n'emploie pas, je partage à 100 % !


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  • Au Cycle 2, ils ont le temps d'apprendre...
    Merci à Jack Koch de danger école à qui j'emprunte ce dessin.

    Lecture du préambule des programmes de cycle 2, publiés par le Café Pédagogique, en avant-première, comme d'habitude. On s'y propose de nous exposer les spécificités du Cycle des Apprentissages Fondamentaux.

    Excellente initiative ! Parce que prendre des enfants de 5 à 8 ans... ah zut, 6 à 9 ans, c'est vrai que les gosses de maintenant étant moins ouverts socialement, culturellement et intellectuellement que leurs camarades des décennies précédentes, il a fallu repousser le processus d'instruction primaire, comme on disait autrefois, à une date ultérieure ! Donc, reprenons... Parce que prendre des enfants de 6 à 9 ans – brrrr, que ça fait bizarre – de la même manière que leurs petits frères de 2 à 5, non 6 ans, et pire comme s'ils étaient semblables à leurs aînés de 9 à 18 ans, ça a été l'une des erreurs majeures de l'école des quinze à vingt dernières années !

    Alors, ça, c'est bien ! Allons-y pour les spécificités... Et là, gros choc ! Au secours, mes petits copains de Grande Section qui ne rêvez qu'apprentissages, grande école, cartables, stylos, cahiers, livres... CP, quoi !
    Heureusement que vous ne savez pas lire, parce que la première spécificité du cycle dans lequel vous entrerez en septembre prochain  fendrait votre petit cœur d'enfant fier d'être en passe de devenir un vrai grand, élève de CP !

    Au secours, les grands du CP et les géants du CE1, fiers de vos savoirs, de vos super-pouvoirs qui vous permettent désormais d'écrire à vos copains,à votre famille, à votre instit, même, et de lire leurs courriers ! Vous qui vous réjouissez de découvrir chaque jour de nouvelles facettes de ces magies de grands ! Vous qui êtes si contents de votre autonomie dans les actes de la vie quotidienne...
    Cette autonomie qui vous rend capables de calculer combien d'images Pokémon© vous allez pouvoir vous acheter avec le billet de 5 euros que la petite souris vous a apporté, de lire tout de suite le magazine trouvé dans votre boîte aux lettres, et ce avant même qu'un adulte trouve enfin le temps de vous aider – les adultes n'ont jamais le temps, demandez au Petit Prince !
    Et les recettes de gâteaux, pesage des ingrédients compris, et les blagues de Toto écrites en tout petit sous les pots de yaourts et à l'intérieur des papiers de carambars ? Tous ces petits riens qui vous ont fait passer dans la cour des grands... Si vous saviez ce qu'ils en font, les faux-gentils, de tous ces trophées que vous portez haut, tels des couronnes de lauriers.

    Heureusement que vous ne lisez jamais les verbiages des maîtresses d'école. Au moins, vous n'apprendrez la nouvelle qu'à la rentrée prochaine lorsqu'elle vous sera communiquée par votre professeur des écoles, sermonné sans doute par son IEN, lui-même chaudement encouragé par son DASEN qui aura reçu cette mission de son Recteur, ce dernier ayant été chapitré en réunion plénière par sa sémillante Ministre, qui, pour avoir laissé écrire cela, ne doit pas souvent dialoguer avec ses propres enfants, élèves de CE1, si je ne m'abuse.

    Les précautions concernant les âmes sensibles ayant été prises, et celles-ci ayant été écartées des écrans, voici LA spécificité fondamentale et première des années de Cycle 2 (CP, CE1, CE2) :

    Hein ? Quoi ? Les élèves ont le temps d'apprendre ?
    Qu'il y a des méchantes personnes qui tuent sans regarder, comme ça, pour le plaisir ou presque et se font exploser ensuite ? Ça oui, sans aucun doute, ils ont le temps ! D'ailleurs, ils l'apprennent sans l'apprendre, si l'on en croit à la fois le dessin de Jack, les élèves du CP d'Anne et ma propre expérience. Bien trop difficile pour eux et il convient de les protéger de ce genre de savoirs qui les dépassent.

    En revanche, je suis désolée, et je suis sûre que leurs parents et eux-mêmes aussi, pour les fondamentaux (écriture, lecture, calcul, réflexion, culture et vie sociale), il est plus que largement temps !
    D'ailleurs, ce sont eux, les enfants, qui le demandent pour peu qu'on leur fasse confiance et qu'on leur apporte ces savoirs sous une forme qui leur convient, c'est-à-dire pas à pas, à un rythme calme et régulier et sans leur demander sans arrêt de descendre de vélo pour se regarder pédaler et contrôler eux-mêmes leur façon d'avancer !

    Je suis sûre même que pour assurer l'accès à ces savoirs de tous les déshérités, laissés pour compte et autres élèves victimes d'une fausse bienveillance coupable, entachée de relents de gros sous et d'immense mépris, on devrait commencer une année plus tôt. 
    Hélas, le paragraphe consacré à cette affreuse première spécificité préfère égrainer ces élèves-là comme autant de petits cailloux dans la chaussure d'une école qui ne cherche plus qu'à dispenser à chacun « une formation générale qui lui permettra d'acquérir, au meilleur niveau de maîtrise possible - comprendre : pas bien haut pour certains - le socle commun de compétences, de connaissances et de culture.  »

    D'abord on nous explique que...

    « ... les enfants qui arrivent au cycle 2 sont très différents entre eux. Ils ont grandi et ont appris dans des contextes familiaux et scolaires divers qui influencent fortement les apprentissages et leur vitesse.»

     Comme s'il ne tenait pas qu'à l'école de les aplanir, ces différences-là ! C'est même le rôle fondamental de l'École Maternelle, la raison pour laquelle on lui a fait remplacer les Salles d'Asile du XIXe siècle !
    Vous venez de publier de nouveaux programmes de maternelle et vous n'avez pas pensé à inscrire cette mission fondamentale dans le préambule bien avant tous ses autres rôles ? Accueillir les enfants dans leurs différences, c'est bien, mais s'employer à atténuer, amoindrir et même résorber ces inégalités devant l'école, c'est plus noble, non ?

    Et puis, après avoir décliné tout ce qu'il convient de mettre en place pour mettre en place une ambiance de classe au travail, à se demander s'il ne s'agit pas d'une erreur de copié-collé, on propose d'emblée de laisser se creuser les écarts, ...

    « La classe s’organise donc autour de reprises constantes des connaissances en cours d’acquisition et si les élèves apprennent ensemble, c’est de façon progressive et chacun à son rythme. »

    Varier les entrées, faire des reprises constantes, considérer que tout est encore en cours d'acquisition pour continuer à apprendre ensemble, de façon progressive, cent fois, mille fois oui. Mais, si l'on prévoit dès le préambule des programme qu'il faudra plusieurs rythmes, c'est, à part cas très exceptionnels, parce qu'on n'a pas assez étudié le programme et ses méthodes d'application. Et ce n'est certainement pas comme ça qu'on pourra permettre à nos élèves d'apprendre ensemble.

    Passons aux ratons-laveurs... Car l'école est remplie de ratons-laveurs, il faut le savoir. C'est même en leur nom, les pauvres, qu'on s'excuse1 de ne surtout rien pouvoir apprendre de façon sûre et certaine à tous les élèves de cycle 2.

    « Il s’agit de prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de certains élèves (élèves allophones nouvellement arrivés, en situation de handicap, éprouvant des difficultés importantes à entrer dans l’écrit, entrant nouvellement à l’école, etc.) qui nécessitent des aménagements pédagogiques appropriés. »

    Premiers ratons-laveurs, les étrangers de pas-d'ici... arrivés en France le jour de leur rentrée au CP ! " Ils viennent jusque dans nos bras...", air connu...
    Comme je préférais la remarque de M. Fosse, IDEN de Nyons, Drôme, entre 1976 et 1980, à peu près : " Pardon ? Vous dites que vous avez des non-francophones dans vos classes ? Depuis quand sont-ils là ? Depuis peu ? Faites-leur confiance, ils apprendront plus vite notre langue que vous la leur ! Depuis longtemps ? Alors là, ne vous en prenez qu'à vous-mêmes car, que je sache, c'était à vous de leur apprendre..." 
    Un peu dur, peut-être, mais tellement plus encourageant que de dire "N'apprenez rien à personne pour ne pas stigmatiser les élèves allophones"...
    Ce qui n'empêche pas, dans les écoles où le problème est très important et ne peut être balayé d'un revers de main par une réplique d'IDEN d'autrefois, il y a peut-être une autre solution, non ? La CLIN, ça vous dit quelque chose ? Un truc un peu comme en Finlande, plus onéreux que l'école en chaussettes, mais plus efficace aussi... Quand un enfant strictement allophone arrive dans une école, on le scolarise temporairement mais aussi longtemps qu'il en aura besoin dans une classe à tout petit effectif, au personnel formé, et on lui apprend à parler le français, en même temps que quelques rudiments de culture scolaire appropriée à son âge ! Tout bête comme idée... et qui peut rapporter gros...

    Deuxièmes ratons-laveurs... les handicapés. Fastoche ! Si, au lieu de les doter au mieux, après de longues luttes, d'AVS non formés, éjectés après cinq ans de bons et loyaux services, avant de les bazarder dans les classes avec des PE sans formation et 25 à 30 petits camarades, on étudiait au cas par cas, en accord avec la famille et les médecins spécialisés, la meilleure solution pour chacun d'entre eux, on ne serait peut-être pas obligé d'en faire les brebis galeuses qui ont provoqué la naissance d'une école qui a peur d'apprendre !

    Troisièmes ratons-laveurs... les futurs dyslexiques, bien sûr ! On ne va pas revenir sur des méthodes d'apprentissage du langage écrit qui, malgré une bonne trentaine d'années de test, ne marchent toujours pas, quand même ! C'est tellement plus simple d'accuser de pauvres gosses sans défense !
    Battre sa coulpe sur tout ce qui se fait dans le domaine de l'écrit de la TPS au CP, des Oralbums aux méthodes chambres à part, en passant par tout ce qu'on lit à longueur de pages en presse et en librairie, et oser dire qu'on s'était trompés, qu'on efface tout et qu'on recommence, ça a moins d'allure que de singulariser des enfants en leur créant des troubles en veux-tu en voilà !

    En terme de ratons-laveurs, ils vont même jusqu'à exhumer une denrée très rare... puisque déjà, lorsque j'ai débuté en 1975, 100 % des enfants de 5 à 6 ans étaient scolarisés, en maternelle ou en classe enfantine... l'enfant nouvellement inscrit ! 
    Ils l'ont trouvé où, celui-là ? Dans leurs rêves de destruction de l'École Maternelle ? Même Claude Thélot n'avait pas osé et pensait rendre l'école obligatoire de 5 à 16 ans...

    À moins que... tout ça... le décalage d'un an vers l'aval... le temps d'apprendre... ce serait... pour permettre de mieux installer une EPSC allégée, débarrassée de sa maternelle, confiée aux bons vouloirs des territoires et du secteur marchand ?... Tais-toi, Cassandre, tu m'énerves ! J'aime mieux quand tu donnes des pistes pour sortir du gouffre...

    Des pistes... Bof... Vous les connaissez, non ? Allez, juste une fois alors :

    De deux à cinq ans :
    Apprendre à parler, à se servir de ses sens, à délier ses gestes et à vivre à l'école, avec tous ses camarades, pour y partager des jeux, des histoires, des chants, des danses, des constructions plastiques... Toute une vie d'enfant, riche et harmonieuse.

    De cinq à sept ans :
    Continuer sur cette lancée, en ajoutant l'écrit qui permettra d'approfondir, de multiplier, de croiser tous les apprentissages. De la lecture au calcul, du dessin à la musique, de l'éducation physique et sportive aux sciences, de l'écriture manuscrite à la géographie, de la littérature à l'histoire des temps passés !

    De deux à seize ans :
    Donner à chacun ce dont il a besoin, même si cela coûte plus cher à la société qu'un bon pour une assistance à la survie en milieu scolaire non protégé, et lui permettre d'être un enfant heureux, épanoui, fourmillant d'idées et de projets, qui, comme tous les enfants, ne prend jamais le temps d'attendre parce que, lui, son rêve, son but, sa spécificité première, ce pourquoi il est programmé, c'est APPRENDRE !
    C'est d'ailleurs pourquoi, déjà à six ans, le socle, on marche dessus !

    Au Cycle 2, ils ont le temps d'apprendre...

    Notes :

    1 À moins qu'on ne les accuse finalement ?... de précipiter notre École dans le gouffre ?... Oh non, quand même, ce serait trop bas !


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  • Qu'importe le flacon !

    Tranche de vie

    Mollement étendue sur ma serviette, derrière les vitres du solarium de la piscine, je profite des rayons du soleil de novembre quand mes oreilles d'instit m'alertent : « Attention, discussion pédagogique de grand intérêt dans les parages ! »
    En effet, juste à côté de moi, cinq jeunes femmes discutent... Sont-elles mères, sont-elles instits, sont-elles les deux ?... je ne saurais le dire. En tout cas, heureusement qu'elles sont amies, parce que dites donc, sinon, cela pourrait tourner au vinaigre !

    Mécontente
    Madame Sergent-Major est très remontée... Son fils ne travaille à  l'école que sur des monceaux de fiches, les unes bien rangées dans un classeur et les autres dûment reliées en un cahier d'exercices. Cela prouve qu'il étudie, d'accord... mais sur des fiches quand même ! Comme s'ils ne pouvaient pas les faire écrire !  Bien sûr, l'enfant est ravi, tu parles, dès lors qu'il s'agit de flemmarder, ils sont toujours partants !
    On ne peut cependant pas dire qu'il flemmarde vraiment. L'enseignement reçu est même très complet et couvre largement tout le programme. Pour vous dire, leur institutrice trouve le temps de faire chaque semaine de l'anglais, sur fichier hélas, de la musique, des arts visuels et plusieurs séances d'éducation physique et sportive. Ils lisent énormément, font des dictées, des rédactions... Mais tout de même, ces fiches, cela ne peut pas être sérieux !

    Inquiète
    Son amie, Madame Stylo-Bic lui coupe la parole. Elle aimerait tant que sa fille rapporte à la maison au moins ces témoignages d'un apprentissage structuré, progressif et efficace ! Mais hélas, rien de tout cela pour Plumette...
    Lorsqu'on ouvre le cartable de la petite, il n'y a rien ou pas grand-chose. Parfois, une ou deux feuilles photocopiées à moitié chiffonnées et mal découpées dont on ne sait pas trop à quoi elles correspondent. D'autres fois, une série de trois ou quatre fiches A5 d'opérations ou d'exercices à trous d'orthographe à rendre finies pour le lendemain, ce qui mobilise la famille entière jusqu'à des heures indues pour n'en entendre plus jamais parler ensuite.
    Pas de livres, pas de cahiers, pas de fichiers reliés non plus. Juste un énorme classeur à levier qui reste en classe, un agenda qui balade souvent pour rien entre l'école et la maison et l'indispensable cahier de liaisons où sont collés à la va-comme-je-te-pousse les mots de la directrice... Quand on demande à la petite ce qu'elle a fait à l'école aujourd'hui, elle répond : « On a discuté et puis on a fait des activités » et on n'en tire pas un mot de plus.

    Dégoûtée
    C'est alors que Madame Trop-Cool intervient : « Wouaaaah ! Ne te plains pas... Au moins, ta fille, elle vit sa scolarité au jour le jour ce qui lui permet d'investir pleinement ses apprentissages. Et toi, Sergent-Major, tu devrais plutôt le plaindre, ton gamin ! Il est aux travaux forcés, le pauvre... Son classeur bien rangé, qui en a décidé le rangement ? Qui a jugé de l'intérêt du travail proposé ? Qui a décidé qu'il devait suivre les pages de ses fichiers l'une après l'autre sans jamais en sauter aucune ? Pas lui, sûrement, vu ce que tu nous racontes !
    Et puis, pour qu'ils aient le temps de faire autant de choses, c'est bien qu'ils sont poussés, dans sa classe ! Ce qui, tout le monde le sait, est très mauvais. Un enfant, ça doit être un peu brouillon, ça doit avancer à son rythme, sinon, ça veut dire qu'on l'a bloqué, traumatisé, inhibé... Malgré ses fiches et ses fichiers, il vit le même drame que mes jumeaux cette année, tiens !
    Figure-toi qu'ils ont hérité d'un jeune maître complètement has been... Le premier jour, ils sont revenus de l'école avec des porte-vues que je trouvais déjà vraiment très lourds. Pas étonnant, ils étaient pleins ! Pleins de feuilles imprimées recto-verso... C'étaient des LIVRES, cachés sous l'apparence d'un fichier, mais vraiment des LIVRES, en fait ! Des « manuels scolaires » comme nous a dit le faux-jeune à la réunion de parents ! Il les a téléchargés sur internet, imprimés et mis sous pochettes, dans le porte-vue. Des LIVRES, vous vous rendez compte ! Dans toutes les matières ou presque ! Je suis sûre que si les manuels scolaires de gym existaient, ils en auraient un ! C'est même pas des fichiers où on écrit dedans, hein ! Alors il leur a refilé des cahiers comme on avait nous, avec un protège-cahier en plastique de couleur, et ils copient, ils copient, ils copient... Comme au bon vieux temps, quoi.
    Et le pire, c'est que les gosses en redemandent ! Avec leur père, on est écœurés par leur conformisme. Heureusement qu'ils vont bientôt changer d'école. Parce que là, question épanouissement, c'est vraiment pas le top ! »

    Résignée
    «Ah bon ? Je ne savais pas que ce modèle-là existait encore, intervient alors la quatrième, Madame Tout-Venant. Mes enfants, les trois, ont des livres aussi et dans la plupart des matières. Des vrais livres, imprimés dans une imprimerie, avec une couverture en carton.
    L'aîné, au CM2, ne les ouvre jamais ou presque. Leur maître leur fait sauter des chapitres entiers, revient en arrière de temps en temps sans qu'on y trouve de logique, prend des leçons dans d'autres livres qu'ils n'ont pas, leur donne à lire seuls à la maison des leçons entières d'histoire sur des photocopies venues d'ici et là et les évalue ensuite en classe sur ce qu'ils ont retenu.
    La seconde au CE2 les suit dans l'ordre mais je n'arrive pas à comprendre comment fonctionne sa maîtresse. Un jour, on s'y met et on doit finir à la maison tous les exercices de la page. Ensuite, plus rien pendant plusieurs jours parce qu'on a un « projet » à terminer d'urgence en Arts Visuels ou en Éducation Civique et Morale... Et puis à nouveau, gros coup de collier pour rattraper le retard pris, on fait plusieurs pages à la va-vite, on finit des exercices à la maison le week-end, on ne va plus en EPS... Du coup, la petite angoisse dès qu'elle ouvre un livre de classe.
    Quant au dernier, au CP, vous savez ce que je pense du superbe livre de lecture en papier glacé et des magnifiques albums parfaitement reliés de sa méthode de lecture ! Je vous assure qu'avec son père, nous regrettons tous les deux les fiches polycopiées écrites à l'encre violette et collées, pas toujours bien droit, dans nos cahiers d'écoliers de CP... Elles n'étaient peut-être pas terribles esthétiquement parlant mais qu'est-ce qu'elles nous ont bien enseigné la lecture ! Là, quand on voit notre Petitou galérer sur ce truc qui peut servir à tout sauf à apprendre à lire, ça a beau être un livre relié et tout et tout, vous ne pouvez pas savoir comme on les regrette... »

    Marginale
    Pendant tout ce temps, Madame Poucette les regardait toutes d'un œil narquois... Pfff, quelles ringardes, ces quatre-là... Comme elle avait bien fait d'inscrire les jumelles au cours privé interactif Tape-Sur-Ta-Tablette. Elles échappaient ainsi aux activités sclérosantes de l'école ! Elle expliqua aux autres que ses filles n'allaient plus à l'école, qu'à l'aide de leur tablette numérique, elles se connectaient quand elles le souhaitaient à leur profil numérique et que là, à leur gré, elles apprenaient à lire, à s'exprimer et à compter...
    « L'écriture cursive, c'est démodé, ça ne servira à rien dans le monde de demain. Alors, il y a des cours de connaissance du clavier et elles font tout sur leur écran tactile. Et puis, c'est très cadré, comme projet. Mon mari et moi avons une application sur notre Smartphone grâce à laquelle nous pouvons suivre pas à pas les allers et venus de Googline et Appleïa aussi bien IRL que sur le Net. Rien ne nous échappe. Tout est contrôlé même en notre absence. Nous savons à la seconde près si l'une d'elle ouvre la porte du réfrigérateur et pouvons alors envoyer sur leur tablette et dans leur casque audio des slogans spécialement conçus pour leur faire acquérir les réflexes d'une alimentation saine et équilibrée, aussi bien en français qu'en anglais ou en mandarin. C'est vraiment bien fait, vous savez.
    Nous ne regrettons absolument pas l'investissement car il faut bien avouer que ça a un coût, n'est-ce pas... Mais, nous avons fait le choix d'avoir des enfants, à nous d'assumer cette fantaisie, maintenant. »

    ♣ ♣ ♣ ♣ ♣

    Si, manquant de recul, je ne me donne pas le droit de juger les méthodes qui instruiront Googline et Appleïa, j'ai en revanche quelques remarques, éclaircissements et compléments à formuler sur les différents flacons propres à contenir ce qui procurera (ou pas) l'ivresse de l'étude et de la connaissance aux élèves d'aujourd'hui.
    Nous parlerons donc aujourd'hui des fiches, fichiers, manuels numériques ou non, de ce qu'ils contiennent et de ce qu'ils peuvent apporter aux élèves lorsqu'ils sont bien utilisés. 

    La fiche individuelle d'exercice

    C'est ainsi qu'elle se présente :

    Qu'importe le flacon !

    Où se la procurer ?
    Le professeur est allé la chercher sur internet grâce à un moteur de recherche, l'a téléchargée sur son ordinateur après avoir commandé un fichier ou, comme dans le cas illustré ci-dessus, a acheté une méthode d'enseignement vendue avec un CDrom sur lequel il peut, à loisir, sélectionner les fiches qui l'intéressent et les donner à ses élèves dans l'ordre qui lui semble le plus adapté à leur façon de comprendre et d'apprendre.

    La fiche individuelle d'exercice peut amener au meilleur comme au pire.

    Comment s'en servir ?
    Sélectionnée avec soin en fonction de l'âge et des connaissances des élèves, intégrée à une progression, expliquée et corrigée soigneusement puis enfin archivée en respectant un ordre chronologique dans un porte-vue (ou collée dans un cahier, mais j'aime moins... les pauvres arbres
    et les produits chimiques qui servent à fabriquer des cahiers méritent d'être réservés à un usage plus noble), elle permettra à l'enseignant de maternelle (plutôt fin de MS et GS entière) et à celui de CP de varier les exercices, de proposer un produit fini agréable à l'œil, d'habituer élèves et parents à la nécessité de l'exercice fréquent pour arriver à la maîtrise d'une connaissance.
    Quant à celui d'élémentaire, il pourra de manière ponctuelle ou plus ritualisée, utiliser ce médium pour programmer des exercices d'entraînement ciblé de calcul mental, d'orthographe ou de conjugaison (un peu comme la maîtresse de Plumette Stylo-Bic mais en moins aléatoire quand même). Il pourra aussi, toujours grâce à ce matériel, faire étudier à ses élèves un roman particulier, un thème de sciences, d'histoire ou de géographie, découvrir un peintre, un musicien ou un auteur sans passer de longues heures à compiler des documents et à tout réinventer lui-même.

    Mais, au contraire, elle deviendra une catastrophe si elle est piochée presque à l'aveugle sur la Toile, juste parce qu'elle s'est affichée la première sur l'écran, après avoir tapé "phono GS écrire des mots". Et elle ne servira à rien sauf à dégoûter les élèves du plaisir d'apprendre si, comme je l'ai vu l'année des Jeux Olympiques d'hiver à Sotchi, cette sélection à l'aveugle après avoir tapé "La Russie, école, fiches", sans lire le résultat et le comparer aux capacités actuelles des élèves de la classe,  entraîne des élèves de CP vers des connaissances qui les dépassent complètement.
    On voit aussi malheureusement, dans certains cahiers, des fiches qui entrent en contradiction méthodologiques avec celles qu'on a fait remplir les jours précédents, des classeurs où rien n'est suivi, rien n'est archivé ou dans lesquels la progression ne correspond aucunement à une acquisition pas à pas de connaissances qui devraient s'enchaîner les unes aux autres dans un ordre rigoureux.

    D'où l'intérêt d'avoir accès à de "bonnes fiches", étalonnées en fonction de l'âge, présentées avec une progression sérieuse, éprouvées dans des classes, revues et corrigées en fonction des besoins soulignés par les usagers.

    À l'école maternelle et au CP
    C
    hez les petits, comme elles sont censées accompagner et renforcer une notion qui est avant tout travaillée à l'oral, il vaut mieux qu'elles ne soient pas reliées en fichier afin que l'enseignant puisse, tout en étant sérieux et efficace, juger de l'utilité et de la faisabilité de chacune.
    C'est pourquoi, quand j'étais au GRIP, nous avions choisi de proposer ce type de fiches pour la classe de Grande Section aussi bien en écriture-lecture qu'en repérage-comptage-calcul. Le maître suit le livre du maître page à page et choisit, en fonction du profil de sa classe, de conclure la séance par la fiche d'exercice ou pas.

    Ainsi, dans mes classes, je n'ai jamais utilisé les fiches A, B, C et G du CDrom vendu avec De l'écoute des sons à la lecture et je ne conservais parmi les fiches D, E et F que celles qui ne nécessitaient pas impérativement ma présence afin de rendre ce fichier compatible avec son usage en classe à plusieurs niveaux. En fin d'année, plutôt que de passer aux fiches de la série G, je préférais télécharger sur le site de La Petite Souris, quelques-unes des fiches d'étude des sons complexes.
    De même, selon les années scolaires, en fonction des besoins de mes élèves, j'imprimais ou n'imprimais tout ou partie des fiches des périodes 1 et 5 de la méthode Se repérer, compter, et calculer en GS

    En élémentaire
    Chez les plus grands, c'est en raison du côté « utilisation ponctuelle, en complément du
    livre relié ou du fichier d'exercices », que la présentation en fichier ne leur est pas adaptée.
    Il y aura, par exemple, des années où seuls les trois exercices écrits du manuel scolaire de la classe permettront à chaque élève de maîtriser la liste des 7 noms en ou qui font leur pluriel en X. Cette année-là, nul besoin d'aller écumer le net à la recherche de fiches de renforcement !
    Une autre année au contraire, l'enseignant se rendra compte que sans dix minutes quotidiennes consacrées à compléter à la chaîne des résultats de tables de multiplication, ses élèves de CM1 ne les connaîtront jamais... Quel plaisir alors et quel soulagement de trouver, tout faits, sur un site bien connu, des challenges visant à les faire mémoriser !
    Enfin, quand il s'agit d'étudier un roman, de faire lire à des apprentis-lecteurs une histoire adaptée à leurs connaissances actuelles ou d'explorer ensemble un thème de sciences par exemple, quel gain de temps de trouver sur internet un matériel éprouvé, issu du travail de collègues qui
    cherchent à être sérieux et compétents et
    se sont appuyés pour ce faire sur des méthodes qui ont démontré leur efficacité.
    On peut même grâce à ce matériel très souple programmer un apprentissage accéléré d'une notion jusqu'alors négligée, comme l'analyse grammaticale ou l'usage et la technique de la division, et mettre à niveau une classe entière ou quelques élèves, ce qui leur permettra ainsi de suivre un programme plus ambitieux que celui auquel ils ont été soumis jusqu'alors...

    CONCLUSION : Choisie avec soin et utilisée à bon escient, la fiche individuelle d'exercices, héritière des fichiers scolaires coopératifs et des fichiers auto-correctifs de grammaire et de calcul mis en place par Célestin Freinet dès les premières années de son expérience, grâce à sa souplesse, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies.

    Le fichier relié à usage unique

    C'est ainsi qu'il se présente (en cliquant sur l'image vous aurez accès à quelques vues des pages intérieures, scannées par Zaubette dont je vous conseille chaleureusement le blog) :

    Qu'importe le flacon !

    Petit historique
    Apparu certainement très tôt dans les classes de maternelle ou de CP, il a peu à peu conquis les classes élémentaires et de collège où on le trouve depuis bien des années, associé aux méthodes de langues vivantes ou mortes.
    Il nous suffira de faire un petit effort d'imagination pour comprendre combien ont été soulagés l'instituteur de « primaire » ou sa collègue de maternelle, penchés tous les soirs sur les cahiers d'écriture de leurs quarante à quarante-cinq élèves, le porte-plume à la main, pour y calligraphier qui ses majuscules et qui ses bâtons, ses cannes et ses boucles, lorsqu'ils ont vu arriver sur le marché ces cahiers tout prêts de modèles d'écriture !

    Qu'importe le flacon !

    Quel acquis pour nos collègues des temps anciens ! Et sans que leurs élèves pâtissent de leur fainéantise, de plus... Une progression « rigoureuse », adaptée à l'écriture à la plume, une présentation parfaite, un rendu uniforme sur tous les cahiers sans risque de pâté, de plume qui tout à coup crache ou dérape !
    Dans le secondaire, la disparition des heures de demi-groupes en LVE, pour les classes de 6e et 5e, ont sans doute poussé les professeurs à rédiger, éditer et employer ces « cahiers d'exercices » qui se mirent à accompagner les méthodes de langues des élèves arrivés au collège dans les années 1970. Pour rappel, ma génération, admise au collège en septembre 1967, profitait d'une à deux heures de demi-groupe par semaine pour copier et réaliser sur cahier d'écolier, sous la houlette de leurs professeurs, les nombreux exercices contenus dans leur livre de classe.

    Nous comprendrons fort bien que ces premiers essais de fichiers reliés à usage unique ont été vite copiés, réutilisés par tous ceux qui voulaient gagner du temps et en faire gagner à leurs élèves sans pour cela réduire leurs prétentions à une instruction complète et fournie.
    En fouillant les brocantes et les sites consacrés aux méthodes scolaires d'autrefois, on tombe sur ces ancêtres de nos splendides fichiers en quadrichromie. Comme ils nous paraissent sobres et modestes en comparaison de cette débauche de couleurs, de dessins, d'activités ludiques à laquelle renvoie souvent l'évocation de ce véhicule du savoir scolaire !

    Vous vous doutez bien qu'une fois conquis cet espace de liberté, les enseignants n'allaient pas revenir en arrière et se passer, surtout pour les petites classes, de ces cahiers tout prêts, qu'on les nomme fichiers, cahiers d'activités ou fascicules, que même les écoles réputées les plus exigeantes utilisent pour leurs propres élèves !

    En Primaire, c'est sans doute autant le passage aux 27 heures de classe que la réforme de 1975, et tous les chamboulements pédagogiques qu'elle a mis en marche, qui a encouragé puis généralisé l'usage du fichier relié à usage unique.
    Lorsque j'ai débuté, en 1975 justement, les maisons d'éditions commençaient à en proposer dans toutes les matières : écriture - lecture, étude du français, mathématiques, histoire, géographie, sciences...
    Pensant légitimement qu'il vaut mieux s'exercer que copier, les institutrices et instituteurs de l'époque, convaincus de la maxime « La répétition fixe la notion » mais pressés par le temps qui manquait, les ont adoptés en même temps qu'ils abandonnaient les porte-plume.

    Les fichiers d'aujourd'hui
    En quarante ans, pour les élèves de CP, ils sont devenus incontournables en mathématiques. La plupart des méthodes de lecture en adjoignent un consacré aux exercices d'étude des sons, d'orthographe et de compréhension et, jusqu'à la fin de l'utilisation du manuel, dispensant ainsi les élèves de recopier dans un cahier de classe des exercices proposés dans leur livre de lecture, comme il était courant de le voir encore jusqu'aux années 1990
    Souvent, ces fichiers à usage unique sont encore utilisés au CE1 et même au CE2, surtout en mathématiques, mais aussi en grammaire-conjugaison et en orthographe. 

    L'inconvénient majeur du fichier à usage unique, utilisé systématiquement dans toutes les matières, est évidemment d'exercer insuffisamment l'écriture cursive manuelle des élèves. On peut néanmoins pallier facilement cet inconvénient en concevant ou choisissant des fichiers dans lesquels la part d'écriture de l'élève augmente régulièrement, dans de bonnes conditions, sur des plages quadrillées exactement semblables à celles d'un cahier d'écolier.
    Les autres inconvénients sont les mêmes que pour les fiches individuelles d'exercices ou les manuels : mauvaise adaptation au niveau des élèves, exercices pas toujours bien conçus, mauvaise progression, usage aléatoire sans aucune progression, méthodes d'enseignement laissant trop d'élèves sur le bas-côté, manque d'ambition et d'efficacité.

    Une mise en place simple qui profite à tous
    Les avantages, nous en avons déjà parlé du point de vue de l'enseignant : gain de temps, présentation agréable et toujours semblable visant à donner des habitudes de soin et d'application aux élèves. Bien choisi, le fichier d'exercices à usage unique permet au professeur des écoles, comme dans la classe du fils Sergent-Major, de mettre en place une dynamique de travail et de pallier par une utilisation raisonnable et raisonnée de fichiers d'exercices à usage unique le manque chronique de temps scolaire, amplifié ces dernières années par le passage aux semaines de 24 heures.
    Imaginons par exemple la course de vitesse à laquelle sont soumis les élèves inscrits dans ces écoles qui vaquent maintenant deux pleins après-midis par semaine ! Si leur maître, soucieux d'avancer pas à pas, souhaite finir dans la matinée le travail de français et de mathématiques, il me semble qu'il a tout intérêt à concentrer ses élèves sur l'essentiel et, pour cela, à utiliser leur temps plutôt à l'exercice qu'à la copie des énoncés...
    Pensons aussi aux autres matières enseignées à l'école primaire. Ne vaut-il pas mieux un fichier d'histoire, de géographie ou de sciences plutôt que pas du tout d'histoire, de géographie ou de sciences, surtout les jours où, après une courte heure et demie de classe en début d'après-midi, les animateurs du périscolaire viennent récupérer les élèves pour qu'ils jouent et se distraient ?

    Quant à nos élèves, souvent malmenés par des méthodes élucubrantes qui ne leur ont appris ni à lire ni à écrire, parallèlement à un nécessaire travail d'accession à ces acquisitions fondamentales, quel sera leur soulagement, et celui de leur famille, de voir qu'ils peuvent continuer à progresser en mathématiques parce que leur fichier d'exercices à usage unique leur simplifie la tâche en attendant qu'ils récupèrent des capacités en rapport avec leur niveau de compréhension !
    Accompagné de l'indispensable travail d'apprentissage de l'habileté manuelle en général, des gestes d'écriture en particulier  et de l'organisation de l'espace qui aurait dû être le fond de leurs activités scolaires en maternelle, il permettra à nos élèves taxés à tort ou à raison de dyspraxie de suivre aussi bien que leurs camarades le programme d'acquisition naturel à leur classe d'âge.

    Autres bénéficiaires de ces fichiers, les familles et les associations d'aide et de soutien scolaire, qui récupèrent après une journée de classe ou pendant les vacances scolaires des enfants souvent bien fatigués, même si leurs journées d'école ont été plus fertiles en amusements de toutes sortes qu'en acquisitions scolaires de qualité !
    Pour ces personnes, souvent peu au fait des programmes et méthodes scolaires, bien démunies devant un manuel parfois organisé en domaines qu'il convient de traiter en parallèle selon un ordre précis, pouvoir se procurer des fichiers bien faits, exigeants sur le plan des contenus, à l'organisation chronologique simple, et respectueux d'une progression pas à pas est une garantie de compléter tant que faire se peut le régime de famine imposé à ces enfants par des programmes scolaires et des injonctions méthodologiques de plus en plus discriminantes.

    CONCLUSION : Choisi avec soin et utilisé à bon escient, le fichier d'exercices à usage unique, héritier des cahiers et fascicules d'apprentissage ou d'entraînement employés depuis bien longtemps, y compris dans les écoles les plus réputées, grâce au temps scolaire qu'il dégage, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies.

    Le manuel scolaire

    C'est ainsi qu'il se présente depuis Gutenberg :

    Qu'importe le flacon !

    Mais on peut désormais le trouver ainsi sur internet :

    L'un ou l'autre correspondent à ce que nous avons tous connu ou presque pendant notre scolarité. L'édition au format .pdf, outre le fait qu'elle puisse circuler dans le monde entier sans subir les frais de port exorbitants qui affectent la circulation des éditions traditionnelles, peut permettre, au moins pour l'utilisation familiale mais aussi en classe, lorsque les élèves sont équipés, d'être consultée par écran interposé, déchargeant ainsi les cartables d'un poids parfois effrayant en comparaison avec le poids des enfants qui les portent.

    Ces trente dernières années, des manuels dénigrés ou adorés
    Une abondante littérature institutionnelle ou plus personnelle a largement recensé ces dernières décennies les avantages et les inconvénients du manuel scolaire. L'éventail est large lorsqu'il va d'un Célestin Freinet qui rejeta violemment ces instruments du pouvoir visant à embrigader la jeunesse3 à nos nouveaux Don Quichotte des temps modernes qui cherchent désespérément dans les oripeaux visibles de l'école traditionnelle, porte-plume, encre violette, blouses grises et vieux manuels jaunis imprimés en noir et blanc, la raison des succès d'une école qui savait utiliser et adapter les outils que l'époque lui donnait et s'en bâtir de nouveaux, dès qu'une avancée technique ou technologique s'avérait utile aux progrès de ses jeunes usagers...
    Tous n'ont pas vraiment tort et aucun n'a totalement raison.

    On peut tout aussi bien utiliser en classe un très mauvais livre qu'un excellent. Comme dans le cas du fichier à usage unique, le fait que ce livre soit relié n'implique absolument pas qu'il sera utilisé entièrement, de manière linéaire, et qu'on n'ira pas piocher une page au hasard, en dehors de toute progression. Cela est même encore plus facile qu'avec un fichier dans lequel l'élève écrit puisque, dans ce cas, aucune absence de trace ne matérialise le fait que certaines de ses pages ont été laissées de côté !
    Le livre papier est pérenne et peut être consulté partout mais il est rare que l'école fasse acheter les manuels aux familles. L'enfant ne le conserve donc pas après l'avoir utilisé. Par ailleurs, un petit être humain en croissance se détache très vite de ce qu'il considère désormais comme des « affaires de bébé » ridicules et trop petites pour lui !
    Le manuel scolaire papier est plus abouti, mieux fini qu'un fichier, il est aussi plus lourd et moins maniable.
    Nos quatre amies nageuses nous ont démontré ci-dessus que l'usage de livres n'implique en aucun cas que les élèves écriront plus ou moins que dans une classe qui utilisera les fiches individuelles d'entraînement ou des fichiers d'exercices à usage unique. Tout dépendra du contenu de ces différents outils, de la fréquence et du mode d'utilisation choisis par l'enseignant, des à-côtés mis en place pour accompagner la pratique scolaire d'entraînement (dictées, rédactions, compte-rendus, résumés, résolution de problèmes, etc.). 

    Quelques avantages incontestables
    Le premier avantage incontestable du manuel scolaire sur le fichier d'exercices à usage unique est son rapport usage/prix ! Un manuel, contrairement à un fichier publié sur papier4, est acheté une fois pour toute et réutilisable à l'infini ou presque. Bon plan pour les mairies, les conseils généraux et les régions chargés d'équiper les établissements scolaires publics de leurs secteurs respectifs ! Bon plan aussi pour les collègues qui peuvent ainsi garder une partie plus importante de leur subvention pour l'achat de matériel pédagogique de toutes sortes ! Bon plan par ricochet pour les élèves dont les écoles sont mieux équipées et leur offrent tout le matériel pédagogique et sportif dont on peut rêver...
    Son deuxième avantage est sa solidité. Le livre peut être trimballé dans un cartable, laissé ouvert à l'envers plusieurs heures, manipulé par des papattes maladroites sans grands risques pour sa survie, tout au moins quand l'imprimeur chargé de son impression n'a pas cherché avant tout son bénéfice et mégoté autant que possible sur la qualité des matériaux employés !
    Par ailleurs, on ne peut pas nier que c'est le livre qui sera le meilleur outil pour apprendre aux élèves à s'organiser sur un cahier d'exercices et à copier intelligemment, en faisant du sens tout en écrivant. Puisqu'il n'est pas modifiable, contrairement au tableau mural sur lequel le maître écrit à la craie ou au feutre effaçable, il habitue l'élève à prendre des repères, observer attentivement, revenir en arrière pour vérifier son travail... C'est parfois malheureusement aussi une souffrance pour certains de nos élèves, affectés de difficultés visuelles ou de graves problèmes moteurs. D'où l'intérêt de pouvoir combiner l'usage du livre et celui du fichier en fonction des circonstances.
    Enfin, c'est grâce au livre qu'ils prendront l'habitude de consulter un sommaire, un index ou une table des matières et qu'ils découvriront le plaisir de feuilleter leur livre de lecture, de géographie, d'histoire, de science ou de mathématiques... juste parce qu'ils en ont envie !
    Encore faudrait-il pour cela que l'Institution arrête d'enlever des heures de classe aux enfants et leur laisse le temps de lire, d'écrire, d'étudier, de s'entraîner, de se cultiver et de rêver en contemplant les trésors que leur offre l'École.

    CONCLUSION : Choisi avec soin et utilisé à bon escient, le manuel scolaire, imprimé ou informatisé, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies. La qualité visuelle du produit fini rend cet outil très attirant et sa solidité permet un usage long qui lui confère une rentabilité bien supérieure à celle des autres outils scolaires. 

    Alors, que choisir ?  

    Et pourquoi donc vouloir choisir ? Nous venons de voir que l'important est plus dans le contenu que sur le contenant. Rien n'est pire que ces activités scolaires mises en place en fonction d'un dogme universel décrété d'en-haut par des conseilleurs ne s'appuyant parfois même pas sur une expérience de terrain.
    Il en est de même pour les outils de l'écolier. Tout est fonction de l'âge des élèves, de leur aisance, de l'effectif et de la structure de la classe dans laquelle on exerce.
    Pourquoi interdire à un jeune collègue débutant ou à une famille de tester, juste pour voir, l'apprentissage d'une matière ou même d'une notion particulière en utilisant pour ce faire une série de fiches téléchargées sur la Toile ?
    Pourquoi refuser à un autre l'usage d'un fichier à usage unique pour ses grands élèves, lui qui, dans sa classe à plusieurs niveaux, réussit l'incroyable équation qui consiste à fournir trois, quatre, cinq programmes scolaires complets ou même parfois plus dans le même temps que celui que prend son collègue d'ailleurs pour n'en enseigner qu'un ?
    Pourquoi empêcher l'usage de manuels scolaires à un troisième parce que, dans sa circonscription, on teste sur des cobayes humains mineurs une « nouvelle pédagogie » vieille de bientôt cent ans, vidée pour la circonstance de toute sa substance ?

    Soyons souples et réactifs, abandonnons les vieux réflexes qui consistent à dire que jamais nous ne boirons l'eau de telle fontaine et, dans notre recherche d'une meilleure instruction pour nos élèves et nos enfants, regardons dans le flacon et choisissons en fonction des circonstances celui propre à leur procurer le meilleur des nectars !

    Notes :
    3… pour les remplacer très rapidement par les outils scolaires édités par la CEL puis l'ICEM !
    4… mais cela n'est plus valable en cas de fichier téléchargeable. Le coût d'achat est très vite amorti et le prix des ramettes de papier et des cartouches d'encre nécessaires à sa reproduction n'équivaut jamais à celui auquel reviendrait l'achat annuel d'autant de fichiers papier qu'il y a d'élèves dans la classe !


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