• L'éducation spatiale à l'école maternelle
    Ici, treize élèves de maternelle en train d'apprendre à ne pas écrire les chiffres en miroir !
    Merci à Sophie Borgnet pour cette illustration tirée de Pour une maternelle du XXIe siècle
    Nota bene : les douze à dix-sept autres sont aussi occupés à acquérir cette compétence dans les autres "coins de la classe" : dînette, poupées, garage, pâte à modeler, dessin, puzzles, découpage, etc. 

    Ils écrivent les chiffres en miroir

    Des collègues se demandaient récemment comment éviter les cohortes d'élèves qui écrivent les chiffres en miroir.

    Ma réponse a été : « On évite cela en mettant en place dans sa classe une éducation spatiale de tous les instants. »

    Cela a suscité quelques interrogations.

    L'éducation spatiale, qu'est-ce que c'est ?

    L'éducation spatiale est simplement un des domaines des programmes qui peut être proposé aux élèves transversalement, par le jeu, la réflexion, l'exercice, la remémoration, dans tous les domaines.

    Cela consiste à situer chaque activité dans un contexte spatial de manière  apprendre aux élèves :

    → à s'orienter au lieu de déambuler sans but ni ligne de conduite,

    → à observer attentivement au lieu de laisser ses yeux survoler les choses sans même vraiment les voir,

    → à représenter le réel par l'objet ou le dessin et accéder ainsi au symbole et passer de la réalité en 3 dimensions à sa représentation en 2 dimensions,

    → et enfin à mettre en mots ce que l'on percevait jusqu'alors sans pouvoir réellement le nommer.

    Dans tous les domaines, ça donne quoi ?

    Prenons-les un par un, ce sera plus simple.

    ♥ Dans le domaine du langage oral

    Cela consistera à utiliser le vocabulaire spatial, chaque fois que cela est possible, d'abord pour eux, à leur place, afin qu'ils l'apprennent, puis avec eux, en les sollicitant, afin qu'ils prennent l'habitude de l'utiliser.

    Cela aura lieu à chaque regroupement de toute la classe, à chaque travail avec un petit groupe, à chaque échange duel entre l'adulte et un enfant.

    ♥ Dans le domaine du langage écrit

    Cela consistera à pousser les élèves

    → observer les formes

    ◊ dans les écrits et supports d'écrits présentés (TPS PS MS GS),

    ◊ dans les phrases écrites face aux élèves (MS GS),

    ◊ dans les lettres et les mots étudiés (GS),

    → à les décrire en s'appuyant sur le vocabulaire spatial et en prenant des repères fixes dans la classe (d'où l'intérêt de placer les enfants de GS face au tableau, pour toutes les activités d'écriture, d'observation de l'écrit, de structuration de la pensée),

    GS : à les reproduire en maîtrisant les déplacements spatiaux.

    ♥ activités physiques

    Cela consistera à programmer très régulièrement tout au long des années scolaires successives, et non seulement pendant une période par an, des jeux visant à :

    → se situer et se déplacer dans l'espace à trois dimensions

    → situer des objets ou des personnes par rapport à soi,

    → situer des objets ou des personnes les uns par rapport aux autres,

    → maîtriser des notions spatiales précises : haut bas gauche droite, vers le haut, vers le bas, vers la droite, vers la gauche, ...

    On peut trouver quelques activités précises de structuration spatiale en suivant ces liens (ces activités sont pour la plupart adaptables à la PS (livret 1) et à la MS (livrets 1, 2 et 3)): GS : Jeux sportifs et « Mathématiques » (1) ; GS : Jeux sportifs et « Mathématiques » (2) ; GS : Jeux sportifs et « Mathématiques » (3)GS : Jeux sportifs et « Mathématiques » (4)

    ♥ activités artistiques

    Cela consiste à faire pratiquer quotidiennement à ses élèves :

    → le dessin représentatif,

    → l'observation d'images,

    → les productions plastiques à deux et trois dimensions,

    → le graphisme à visée artistique,

    et de temps en temps :

    →  le spectacle vivant : danse, cirque, mime, théâtre, marionnettes, ... 

    ♥ structurer la pensée

    Bien sûr, mais pour les GS uniquement :

    →  observer, décrire, reproduire les chiffres pour pouvoir écrire les nombres,

    mais aussi, pour tous, dès la TPS :

    → explorer les formes, les grandeurs, les suites organisées

    ♥ explorer le monde

    Dans sa partie espace évidemment :

    → situer des objets par rapport à soi, entre eux, par rapport à des objets repères.

    → se situer par rapport à d’autres, par rapport à des objets repères.

    → dans un environnement bien connu, réaliser un trajet, un parcours à partir de sa représentation (dessin ou codage).

    → élaborer des premiers essais de représentation plane, communicables (construction d’un code commun).

    → orienter et utiliser correctement une feuille de papier, un livre ou un autre support d’écrit, en fonction de consignes, d’un but ou d’un projet précis.

    → utiliser des marqueurs spatiaux adaptés (devant, derrière, droite, gauche, dessus, dessous…) dans des récits, descriptions ou explications.

    mais aussi :

    → observation, description et représentation du monde du vivant, de la matière et des objets).

    GS uniquement : observation de la façon d'écrire le temps par une représentation linéaire, en tableau ou circulaire


    Évaluation et remédiation

    Si, pendant les trois à quatre années de maternelle, on s'est employé à faire appréhender de manière sensible, motrice et cognitive l'espace que nous voyons autour de nous et que nous traversons, et qu'on s'est employé à ce que les enfants le représentent de plus en plus finement dans l'espace à deux dimensions du tableau ou de la feuille de papier, on aura mis toutes les chances de leur côté pour éviter ces chiffres en miroir, ces confusions de lettres, ces difficultés à distinguer et reproduire des figures géométriques.

    On n'aura plus qu'à, lorsqu'une erreur se produira, aider l'élève concerné à trouver des repères fixes qui lui permettront d'appliquer à cette activité les habitudes spatiales qu'il a prises depuis trois ans :

    → une gommette verte à gauche de son espace d'écriture : « C'est le feu vert pour commencer à écrire. »

    → une flèche orientée de gauche à droite en haut de son espace d'écriture : « Quand j'écris je pars du feu vert, à gauche, et je suis la flèche, pour partir vers la droite »;

    → des repères fixes (le couloir, les fenêtres, l'horloge, etc.) sur lesquels il pourra s'appuyer lorsqu'il écrit un chiffre ou une lettre : « Le chiffre 3 a le dos vers les fenêtres... le ventre de la lettre b regarde aussi vers les fenêtres... la casquette et le ventre du 5 regardent vers le mur du couloir... »

    Petit conseil bonus :

    Deux proverbes pour commencer

    Qui veut voyager loin ménage sa monture.

    On ne fait pas pousser les pommes en tirant sur les branches du jeune pommier.

    Et une conclusion :

    Souvent, commencer trop tôt une activité trop compliquée pour l'enfant le déforme plutôt que de le former.

    On ne fait pas écrire les enfants de 2, 3 et 4 ans. car ils n'ont :

    → ni les capacités motrices pour cela,

    → ni une vue claire du repérage spatial dans l'espace à deux dimensions de la feuille de papier.

    On attend qu'ils soient prêts, vers 5 ans, 5 ans et demi, et là, on peut aller beaucoup plus loin qu'on ne le croit et obtenir des jolis cahiers comme celui-ci, sans forcing ni primarisation de l'école maternelle, pour quasiment[1] toute une cohorte, quasiment tous les ans et dans tous les milieux :

    L'éducation spatiale à l'école maternelle

     Note :

    [1] Quand je dis « quasiment », je veux dire qu’on ne rencontrera de difficultés totalement insurmontables qu’avec un ou deux enfants tous les cinq à dix ans environ, en tous points du territoire. Les difficultés ponctuelles en cours d’apprentissage ne sont pas concernées puisqu’elles sont normales. 


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  • CP : Alphas +  Taoki (ou autre)

    Quelques collègues utilisent d'abord les Alphas avant de commencer la méthode de lecture qu'ils ont choisie (ou qui leur a été imposée) pour leur classe.

    Je leur suggère une autre façon d'utiliser ces petits personnages qui leur évitera de perdre d'une à trois semaines à tenter (parfois en vain) de faire retenir le nom de ces 27 petits personnages à quelques-uns de leurs 25 à 30 élèves (au CP, c'est beaucoup trop, je sais) et qui optimisera pourtant les capacités de lecture grâce au plaisir qu'ils procurent aux enfants (voir Bien lire et aimer lire) et à la prolongation du temps d'activité d'écriture-lecture. 

    À la demande d'une collègue, prenons pour exemple la progression de Taoki, mais ça pourrait être n'importe laquelle des méthodes de lecture à composante graphémique.

    Afin de pouvoir utiliser les Alphas et de rendre ainsi la démarche graphémique prépondérante dans la méthode, nous allons remplacer la première séance, celle qui permet de présenter la nouvelle graphie par une séance "Alphas-compatible".

    Voici ce que cela peut donner :

    À la bibliothèque (1) :

    JOUR 1

    Présenter Monsieur a :

    « Voici Monsieur A. Il adore faire des blagues. Et quand il a fait une bonne blague à quelqu'un, il rit très fort : « A a a a ! »

    Ici, par exemple, il a mis sa canne à l'envers. Quand il rencontre quelqu'un, celui-ci lui dit : « Eh, Monsieur A, tu as mis ta canne à l'envers ! »

    Et Monsieur A éclate de rire : « A a a a ! Je l'ai fait exprès, c'était pour te faire une blague ! A a a a ! » Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny :

    CP : Alphas +  Taoki (ou autre)

    Est-ce que vous savez rire comme Monsieur A ? Montrez-moi !

    Quelques secondes de jeu où les élèves doivent "rire comme Monsieur A" dès que celui-ci sort de sa cachette. Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny

    Les déguisements de Monsieur a

    Faire ouvrir Taoki à la page 8 et montrer le cartouche en haut à gauche.

    « Parfois, Monsieur A se déguise pour ne pas être reconnu de la vilaine sorcière Furiosa. Voici ses 4 déguisements.

    Celui-ci (a), c'est celui que vous rencontrerez dans les livres. Je vais vous le tracer au tableau, regardez. Je pose Monsieur A dessus et nous retrouvons : sa tête ronde (repasser la partie ronde de la lettre a avec le doigt) et sa canne à l'envers (repasser la "canne" avec le doigt).

    Le deuxième (A) est un vrai déguisement parce que nous ne voyons ni la tête de Monsieur A, ni sa canne à l'envers. Mais comme vous le connaissez déjà bien et que vous savez qu'il se prononce [a], comme Monsieur A quand il rit : « A a a a ! », ce ne sera pas trop difficile de le reconnaître. Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny

    Le troisième (minuscule cursive), c'est celui que vous allez utiliser au CP et puis après, pendant toute votre vie. Regardez comme il ressemble à Monsieur A : ici, sa tête ronde, et là, sa canne à l'envers (tracer en même temps au tableau). Je vous le montre encore une fois : je tourne en rond pour faire la tête et quand je reviens à mon point de départ, je descends tout droit le long du rond et je tourne en bas pour finir la canne à l'envers : « aaaaa », voilà Monsieur A. Tout à l'heure, nous nous entraînerons sur l'ardoise puis sur le cahier.

    Refaire encore deux ou trois démonstrations, suivies de « Aaaaa » prononcés clairement, bouche grande ouverte. Accompagner le « Aaaaa ! » du geste Borel Maisonny

    Quant au dernier, c'est la "jolie majuscule" des cahiers. Il ressemble beaucoup au A que vous connaissiez en maternelle. Nous l'apprendrons plus tard. Ah, tiens, regardez, le voilà au début du prénom d'Adel et d'Amélie... »

    Afficher ces quatre lettres accompagnées de « la photo de Monsieur A » en un lieu où cette affiche ne bougera plus pendant au moins quelques mois.

    Prenez votre ardoise, nous allons tracer des a comme je vous l'ai appris.

    Quelques essais sur l'ardoise. Circuler entre les bureaux, tenir la main des plus maladroits, les encourager à avoir un geste rapide qui :

    1) part en haut à droite puis tourne à gauche pour faire "la tête de Monsieur A" et revenir au point de départ

    2) redescend depuis le point de départ et tourne vers la droite à la fin pour faire "la canne à l'envers de Monsieur A"

    Le chant de Monsieur a

    Faire ouvrir le livre de Taoki à la page 8.

    « Regardez cette grande image. Qui peut me raconter ce qu'il s'y passe ? »

    Laisser chaque élève s'exprimer (voir technique Pierre Péroz, pédagogie de l'écoute). Compter une dizaine de minutes en tout.

    « Je vais vous apprendre un secret de grands. Monsieur A, qui rit parce qu'il a mis sa canne à l'envers : « A a a a ! »; se cache dans les mots où il rit en grand secret. Nous les grands, ça nous aide à écrire et lire ces mots. Je vous explique :

    Dans la bibliothèque, il y a des taaaables. Monsieur A rit et dit « Aaaa » quand nous disons « Taaaable ». Écoutez bien : « Ta a a a able ! ». Accompagner le « A a a a ! » ou « Aaaaa » du geste Borel Maisonny. Vous l'avez entendu ? Non, Baptiste ? Ce n'est pas grave. Bientôt, tu l'entendras.

    Il se cache aussi dans : ca a a arta a a a ble, et puis dans ta a a a abouret, et dans sa a a a ac, et dans a a a arbre... »

    Faire répéter aux élèves en chœur : sa a a ac ; a a a arbre ; ca a a arta a a a ble ; ta a a abouret ; ta a a a able. Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny.

    JOUR 2

    Retrouver Monsieur a  et ses déguisements

    Montrer Monsieur A, demander aux enfants de rire comme Monsieur A. Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny

    Montrer les quatre déguisements de Monsieur A, les faire lire aux enfants. Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny

    Montrer tout particulièrement la lettre cursive minuscule. La faire tracer dans l'air aux enfants en répétant la ritournelle : « Je commence en haut à droite, je tourne, tourne vers la gauche pour faire la tête de Monsieur A, je redescends tout droit et je tourne vers la droite pour faire la canne de Monsieur A : aaaaa ! » Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny

    Donner le cahier du jour et faire tracer une ligne de a en cursive (points de départ donnés tous les deux carreaux, flèche directionnelle pour les deux premiers). Aider éventuellement les élèves en difficulté en repassant les deux lignes qui limitent l'interligne.

    Chanter avec Monsieur a

    Faire ouvrir le livre de Taoki page 8. Rappeler rapidement les mots dans lesquels les élèves feront chanter Monsieur A : sa a a ac ; a a a arbre ; ca a a arta a a a ble ; ta a a abouret ; ta a a a able. Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny.

    « Voici des images. Vous allez me dire le nom de chacun de ces animaux ou objets et m'expliquer ce que c'est exactement.

    Laisser chaque élève s'exprimer (voir technique Pierre Péroz, pédagogie de l'écoute). Compter 5 à 10 minutes en tout.

    Nous allons maintenant faire chanter Monsieur A dans les noms où il est caché. Attention, il y a des pièges car il n'est pas caché partout.

    Écoutez bien : « A a a avion ». À vous, tous ensemble : « A a a avion ! » Nous avons fait chanté Monsieur A. Encore une fois : « A a a a avion ! » Accompagner le « A a a a ! » du geste Borel Maisonny

    Et maintenant « rrrroooobbbeee », je n'ai pas prononcé le « Aaaaa » de Monsieur A. Monsieur A ne se cache pas dans le mot « rrrroooobbbeee ». Dites-le, vous verrez, nous ne pouvons pas faire « A a a a a » (geste Borel Maisonny en appui) : « rrrroooobbbeee ».

    Et maintenant : « Ca a a ana a a ard ! ». Ah oui, nous le prononçons, regardez (geste Borel Maisonny en appui) : « Ca a a a ana a a ard ! ». Vous avez vu ? Alors, tout le monde avec moi : « Ca a a ana a a ard ! ». »

    Même principe pour : a a a ana a a ana a a a as ; ssskkkiii ; ra a a a at ; nnnnniiiiid ; panda a a a.

    Maintenant, nous connaissons bien Monsieur a

    Faire ouvrir Taoki page 8. Montrer aux élèves comme ils reconnaissent bien Monsieur A et tous ses déguisements.

    Leur faire lire chacun leur tour une des lettres en bas de page.

    Appeler quelques élèves qui viendront tracer Monsieur A en cursive au tableau.

    En fin de séance, on peut divulguer un « nouveau secret » : « Connaissez-vous cette dame toute fine avec une patate sur la tête ? Elle rit et fait la folle : « I i  i i i ! ». C'est Madame I.
    Et ce bonhomme affolé qui a peur de tomber de sa boule où il se tient bras écartés en criant : « Yyyyy ! Yyyy ! ». C'est Monsieur Y.
    Nous en reparlerons demain. »

    À la bibliothèque (2) :

    Jours 1 et 2

    En début de séance, s'assurer que les élèves reconnaissent Monsieur A, se souviennent de son chant et de ses quatre déguisements.

    Refaire exactement les mêmes étapes que pour Monsieur A pour Madame I et Monsieur Y.

     En fin de séance, on peut divulguer un « nouveau secret » (Jouer les scènes avec les personnages en même temps, faire toujours arriver les personnages par la gauche.) : « Connaissez-vous cet objet tout ronchon. C'est le Rrrrobinet. Il rrrâle parce qu'il est bouché: « Rrrrr ! Rrrrr ! ». Parfois il se promène en râlant « Rrrrr ! Rrrrr ! » et il se cogne contre Monsieur A qui éclate de rire : « A a a a !  » alors nous entendons : « Rrrraaaa a a a a ! ». Et quand c'est contre Madame I qu'il se cogne, nous entendons : « Rrrriiii i i i i ! ».
    Nous en reparlerons demain. »

    La cuisine :

    En début de séance, s'assurer que les élèves reconnaissent les Alphas déjà étudiés, se souviennent de leurs chants et de leurs quatre déguisements.

    Jour 1

    Concentrer en une journée les activités des Jours 1et 2 précédents.

    En fin de journée, rappeler les « carambolages » déjà expliqués la veille. En rajouter deux autres (Jouer les scènes avec les personnages en même temps, faire toujours arriver les personnages par la gauche.) : « Madame I se promène en riant : « I i i iiii ! » et elle se cogne contre le Robinet qui râlait, là, tout seul dans son coin : « Rrrrrr ! Rrrrr ! » alors nous entendons : « I i i iiiiirrrr ! ». Et quand c'est contre Monsieur A qu'il se cogne, nous entendons : « A a a aaaaaarrrrrrr ! ».
    Nous en reparlerons demain. ».

    Jour 2

    En début de séance, s'assurer que les élèves reconnaissent les Alphas déjà étudiés, se souviennent de leurs chants et de leurs quatre déguisements.

    Les carambolages

    Poser Monsieur A à un endroit où chaque enfant le verra. Demander aux enfants de le faire chanter.

    S'approcher lentement par la gauche, le Robinet à la main. Demander aux enfants de le faire chanter.

    Annoncer : « Attention, il va se cogner contre Monsieur A ! Écoutez ! Rrrrrrrraaaa a a a a ! »

    Laisser les élèves s'exprimer quelques secondes.

    Recommencer plusieurs fois. Aider les élèves à réduire l'écart (normal) entre l'émission du son [R] et celui du son [a]. Soi-même, prendre soin de bien lier : rrrraaa sans interruption. Ne pas s'inquiéter, ça viendra tout seul (en deux ou trois semaines pour les plus lents).

    Poser Madame I à la place de Monsieur A et recommencer la scène.

    Recommencer encore une fois avec Monsieur Y.

    Puis (je sais, c'est très rapide, personnellement, je n'utiliserais pas Taoki à cause de ça car c'est difficile pour tous les enfants encore insuffisamment latéralisés), recommencer les scènes en posant le Robinet et en faisant circuler de gauche à droite Monsieur A ( « Aaaaaarrrrr ! ») puis Madame I (« Iiiiiirrrrr ! »).

    Les carambolages de déguisements 

    Faire ouvrir le livre de lecture page 11. Demander aux élèves de suivre la colonne de gauche (on peut la reproduire ou la projeter au tableau) et de faire chanter les Alphas qui s'y trouvent.

    Insister sur la longueur du « rrrrrr » et du « aaaaa » aussi bien dans la colonne de gauche que dans la colonne de droite, faire suivre la flèche bleue avec le doigt (ça aidera les enfants encore insuffisamment latéralisés à progresser). Cela donne : « rrrrrraaaa.... rrrrraaaa ». Ne pas s'inquiéter des enfants qui prononcent : «rrrrr / aaaa », « rrr / iiii », etc. Juste reprendre après eux : « Oui, c'est bien, rrraaa, rrrriii. »

    Recommencer avec toutes les syllabes de la colonne. Ressortir les personnages Alphas pour mimer les scènes si un enfant semble perdu.

    Recommencer avec la colonne de droite.

    Écrire des carambolages  

    Faire venir deux élèves au tableau. Donner à l'un le Robinet et à l'autre Monsieur A, leur demander de mimer la scène qui permettra d'entendre : « Rrrrraaaa ! ». Demander à un troisième élève de venir traduire en cursive le carambolage. Effacer cet exemple et demander aux élèves de l'écrire seuls en « dessinant les Alphas déguisés » au fur et à mesure qu'ils les prononcent : « Rrrrraaaa ! ».

    Recommencer en donnant le Robinet et Madame I, puis le Robinet et Monsieur Y. Faire écrire tous les élèves sur leur ardoise en leur rappelant qu'ils doivent écrire les lettres cursives au fur et à mesure qu'ils les prononcent, comme ils le font avec les Alphas.

    Recommencer avec les personnages nécessaires pour écrire [iR], puis [aR].

    Faire écrire sous la dictée sur le cahier ou l'ardoise les carambolages dans l'ordre où on les donnera (attention, ce n'est pas du par cœur de syllabes, c'est de la construction d'après ce qu'on prononce) : aaaarrrrr... rrrrriiii... rrrraaaa... iiiirrrr...

    Les Alphas nous parlent

    Penser à préparer avant la séance une étiquette composée des deux Alphas suivants :

    CP : Alphas +  Taoki (ou autre)

    Expliquer : « Nous ne connaissons pas encore ces deux Alphas. Celle-ci est Mademoiselle U, qui dit « Huuu ! Huuu ! » à son cheval, et celui-là, c'est le Nnnnnez.Vous avez vu, il est enrhumé, il a le nnnnez qui coule. Quand Mademoiselle U se cogne contre le Nnnnez, elle attrape son rhume et du coup, ça lui bouche le nez (se boucher le nez avec deux doigts). Elle essaie de dire : « Huuu ! » et, comme elle a le nez bouché, elle dit (se boucher le nez avec deux doigts et "parler du nez") : « Uunnn... Uuunnn » (geste Borel Maisonny)

    Maintenant, grâce à ce mot un  (geste Borel Maisonny), nous allons pouvoir faire raconter des histoires à nos Alphas.

    Regardez bien, j'écris (poser les Alphas au tableau en chuchotant très bas : « uuuunnn rrrraaa)  :

    CP : Alphas +  Taoki (ou autre)

    Nous allons faire chanter ces Alphas, suivez mon doigt et chantez avec moi (passer lentement sous les différents graphèmes, de gauche à droite ; expliquer que la Toupie est blanche car elle ne chante pas).

    Faire relire un peu plus vite jusqu'à ce qu'un élève dise qu'il s'agit d'un rat, l'animal qui ressemble à la souris (on peut alors montrer une photo ou un dessin de rat). Faire écrire le mot au tableau en cursive par un élève, puis avec des étiquettes minuscules scriptes par un autre.

    Proposer aux élèves d'écrire tout seuls le nom d'un autre animal : un ara (montrer une photo ou une image d'ara). Faire venir 4 élèves au tableau, leur donner à chacun un des graphèmes des mots un et ara,

    Les laisser s'organiser pour les placer de gauche à droite sur le tableau, les aider en prononçant, avec les élèves restés assis à leur place : « uuuuunnnn.... aaaaaarrrrrraaaaa.... ». Les aider pour l'espace entre les deux mots.

    Faire recopier les mots en cursive par un élève, puis en minuscule scriptes (grâce à des étiquettes) par un autre élève.

    Lire en faisant chanter les Alphas

    Faire ouvrir le livre page 11. Faire lire (et non pas réciter) les mots : si l'enfant ânonne, c'est qu'il en a besoin. La vitesse viendra quand il aura construit le mécanisme qui consiste à oraliser chaque son (chaque Alpha) de gauche à droite à son tour.

    Jour 3

    En début de séance, s'assurer que les élèves reconnaissent les Alphas déjà étudiés, se souviennent de leurs chants, de leurs quatre déguisements, et qu'ils savent combiner Voyelles et Consonnes connues pour lire des mots (un ara, un rat, un art).

    Les Alphas nous parlent

    Penser à préparer avant la séance une étiquette composée des deux alphas suivants. (Le mot Hugo sera donné sous forme d'étiquette en lettres scriptes ; pareil pour le mot Taoki qu'on trouvera ensuite).

    CP : Alphas +  Taoki (ou autre)

    Expliquer : « Nous connaissons déjà cet Alpha. C'est Madame I, qui dit « Iiii ! Iiii ! ». Celui-là, c'est la Llllimace à la llllongue llllangue.La Lllllimace dit : « Lllll. Lllll ».

    Les Alphas nous racontent une histoire

    Se servir des Alphas et d'étiquettes, au besoin, pour faire composer au tableau par les élèves l'histoire de la page 11.

    Puis la faire expliquer aux enfants avant de la faire relire (et non réciter) sur le livre, avec les lettres à la place des Alphas.

    Nota bene : C'est volontairement que je n'ai pas prévu d'étiquette Alpha pour il y a. En effet, les enfants connaissent déjà Monsieur A et Monsieur Y, ils n'ont pas besoin de mémoriser visuellement les mots y et a, contrairement aux mots un et il, pour le moment indéchiffrables.

    En fin de séance, présente la Limace comme le Robinet précédemment.

    La famille de Taoki (et suivantes) :

    Jour 1

    Avec le nouvel Alpha reprendre les exercices :

    Présenter le nouvel Alpha

    Les déguisements du  nouvel Alpha

    Le chant du nouvel Alpha

    Les carambolages du nouvel Alpha

    et faire commenter ou lire dans le livre

    Page de gauche : tout

    Page de droite : Lis les syllabes

    Jour 2

    Avec le nouvel Alpha et des étiquettes Alpha pour les mots-outils, lorsqu'ils sont indéchiffrables pour le moment, reprendre les exercices :

    Les Alphas nous parlent

    Les Alphas nous racontent une histoire

    et faire lire dans le livre :

    Page de droite : Lis les mots ; Lis les phrases ; Lis l'histoire de Taoki

    En fin de journée, toujours présenter l'Alpha qui sera étudié lors de la prochaine leçon : son chant, ses carambolages.


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  • Maternelle : Les albums à tout faire

    Je lis très souvent la demande suivante : « Je cherche un album pour introduire une séquence sur ... (au choix : le triangle, le problème des enfants mordeurs, la recette du gâteau à la banane, le saut à l'élastique, l'équilibre alimentaire, le décès d'un proche, les gestes barrières, la couleur du cheval blanc d'Henri IV ou le rôle du raton laveur dans la poésie surréaliste au XXe siècle) ».

    Et si c'était une très mauvaise idée ?

    ♥ État des lieux

    Nos petits élèves, de TPS et PS, pour commencer, arrivent de milieux très variés.

    ◊ Certains ont des bibliothèques bien fournies et les parents disponibles qui vont avec. Non contents de cela, ils fréquentent assidûment bibliothèques municipales ou associatives, librairies et salons du livre. Ils voient aussi leurs parents lire pour leur propre plaisir, écouter des émissions littéraires, discuter entre eux et avec leurs amis de leurs lectures. Ce sont, en gros, ceux qu'on appelle communément les Fils De Prof (même si je connais des tas de gens qui ne sont pas profs et qui ont cette attitude face aux livres et des tas de profs qui ne l'ont pas).

    ◊ D'autres ont les bibliothèques bien fournies mais pas les parents disponibles qui vont avec. Ils ont des livres, souvent très beaux, offerts aux anniversaires, à Noël, mais aussi au passage au rayon librairie de l'hypermarché, ils ont aussi des abonnements souscrits par Mamie ou Parrain, mais après les avoir feuilletés seuls une fois ou deux, ces ouvrages ne font plus partie de leur univers car personne ne les a jamais accompagnés dans cette découverte. Autour d'eux, les gens lisent peu, ou alors de l'utilitaire, en râlant le plus souvent contre le contenu de leurs lectures.

    ◊ Quant au troisième groupe, pour ne pas être trop longue, il est composé de tous ceux pour lesquels le livre ne fait pas partie de l'environnement de base sans pour cela forcément que cela présume d'un abandonnisme de la part de la famille (ça peut, mais pas toujours). Ils ont éventuellement vu quelques livres, mais personne n'en a fait cas chez eux. Dans leur famille, personne ne lit autre chose qu'un écran (et encore, quand on peut s'en passer, on ne le lit pas, on regarde juste) ou un courrier officiel.

    C'est une peu la même chose pour nos élèves de MS et GS, mais il faut y ajouter d'une à trois années d'expériences scolaires, c'est-à-dire dans l'immense majorité des cas de fréquentation assidue de l'album à tout faire, avec tout le nuage d'incompréhensions voire de rejet qui peut avoir entouré cette activité.

    ♥ Car l'album à tout faire, ce n'est pas forcément une bonne idée...

    ... parce que, lorsque l'enseignant le sort de son chapeau, chez les petits et tout-petits, c'est un peu comme s'il présentait un peigne à un hippie, ou un couteau à une poule, pour 75 % minimum de son effectif.

    ⇒ Les enfants non accoutumés à la culture du livre n'y voient qu'un objet étrange qu'on regarde au mieux du coin de l'œil avant de passer aux choses sérieuses : bouger, parler, jouer.

    ⇒ Et comme ce qu'en fait l'enseignant confirme l'impression première, ils laissent Fils De Prof 1 et Fils De Prof 2 papoter avec l'enseignant pendant qu'ils passent directement aux choses sérieuses : bouger, parler, jouer.

    Maternelle : Les albums à tout faire
    Merci à Sophie Borgnet pour cette illustration tirée de Pour une Maternelle du XXIe Siècle

    ... et que, chez les plus grands, déjà scolarisés une ou deux années, c'est comme si, pour 75 % minimum de l'effectif, l'enseignant ressortait l'assiette de soupe froide que ses collègues précédents leur avaient déjà imposée pour introduire, au choix :

    ⇒ le jeu du béret dans la salle de motricité, le divorce des parents de Kwenzo et Djeyzia, la couleur rouge, le tracé de la boucle, le laçage des souliers, le rôle des matriochkas dans la culture russe et l'arrosage des radis du jardin de l'école !

    Lorsqu'on considère ceci, on comprend :

    ⇒ que l'album qui, pour 75 % minimum de notre effectif, est un OCNI (objet culturel non identifié), ne peut pas servir de base à notre pédagogie, sauf si on considère que seuls les FDP ont le privilège d'entrer dans les apprentissages par la porte qui leur est familière

    ⇒ que l'album au contraire, avec tous les autres « objets livres », toujours pour 75 % minimum de notre effectif, est le but à atteindre de notre pédagogie (nous en reparlerons).

    Alors comment introduire un apprentissage, un savoir-faire, une réflexion ?

    En maternelle, les apprentissages, les savoir-faire et les réflexions s'introduisent généralement par l'action, et tout particulièrement l'action motrice, accompagnées par l'action verbale et l'action sensorielle, celles-ci visant à créer une action d'ordre social.

    Reprenons un ou deux de nos exemples, choisis parmi ceux qui regardent vraiment l'école (certains cités ci-dessus n'ont pas à être abordés en classe car nous ne sommes ni psychologues, ni psychiatres, ni même médecins généralistes et que nous ne sommes pas non plus professeurs de collège, de lycée ou d'université).

    → Pour introduire le concept de triangle : 

    ⇒ on proposera dans les ateliers de manipulation des triangles de toutes sortes (et pas seulement isocèles posés sur leur base la plus étroite) à coller, découper, colorier, fabriquer à l'aide de matériaux variés, dans des buts au départ décoratifs puis, au fur et à mesure que le concept prend corps, pour les observer, apprendre et comprendre, engageant ainsi chacun de nos élèves dans une action sociale de réflexion.

    ⇒ On accompagnera soi-même tous ces ateliers pour faire entrer l'action verbale de plain pied dans la classe et stabiliser le vocabulaire qu'on a choisi d'automatiser : triangle, côté, « pointe » ou angle, trois, ...

    ⇒ On multipliera les jeux de découverte sensorielle par :

    ◊  le toucher (sac à surprise, fabrication, dessin, ...)

    ◊ la vue (apparier des triangles semblables, ne colorier que les triangles, trier les triangles selon leurs tailles, leurs couleurs, leurs particularités même chez les plus grands)

    ◊ l'ouïe (grâce aux interactions verbales d'ordre social que nous engagerons avec les élèves et que nous encouragerons entre élèves)

    → Le problème des enfants mordeurs

    ⇒ l'action motrice individuelle étant là à inhiber, pour la remplacer par une action motrice d'ordre social, c'est entre l'enfant et l'adulte qu'elle va être traitée, largement accompagnée par l'action verbale de ce dernier, qui empêchera physiquement l'enfant de se précipiter sur ses victimes : « C'est interdit ! Tu peux caresser, donner la main, faire un cadeau (puisque les bisous et autres accolades sont pour le moment interdits) mais tu ne dois sous aucun prétexte mordre, griffer ou taper. Streng verboten ! Donne la main à Untel, tu vois, il est gentil, il veut jouer avec toi. Tu ne peux pas lui faire de mal. »

    ⇒ nous allons chercher à la remplacer par une autre action motrice, constructive celle-ci, et approuvée socialement, à visée sensorielle (toucher, vue, ouïe, goût) et verbale :

    ◊  ateliers du goût (pas forcément pendant la petite semaine d'octobre où elle fait la une des journaux mais plutôt sur l'année pour permettre à chacun de s'en imprégner)

    ◊  tri d'aliments durs, mous, croquants, liquides

    ◊ recettes de cuisine

    ⇒ et un autre type de rapport à l'autre, introduisant ainsi l'action d'ordre social (que la plupart des enfants, même chez les FDP, découvrent à l'école)

    ◊ donner la main pour aider, guider, reconnaître

    ◊ jouer ensemble, accompagné par l'adulte, avec un même matériel

    ⇒ d'abord un pour chacun, avec des objets en trop pour être sûr que chacun en aura un tout le temps, même s'il ne voit plus le sien

    ⇒ puis un pour chacun exactement

    ⇒ puis un pour deux

    ⇒ puis un pour un petit groupe d'enfants

    ⇒ puis un pour la classe : 

    ⊗ à partager : toile de parachute, ronde, ...

    ⊗ à se faire passer : ballon, bâton de relai, bâton de parole, ...

    parler ensemble en petit groupe, en grand groupe, en relation duelle, autour d'une activité, d'un jeu, d'une image, d'un livre, ...

    → un peu plus vite pour tous les autres sujets évoqués ci-dessus

    En résumé, c'est simple :

    1) se demander si ce sujet est collectif ou individuel et si c'est notre rôle à l'école maternelle de nous mêler  de ceci. Selon moi, nous conclurons que non :

    ♠ lorsque cela regarde la vie très privée d'un enfant et que rien ne nous permet de dire que le fait de l'évoquer devant tout le monde sera bénéfique (nous ne sommes pas médecins, psychiatres, psychologues, ...)

    ♠ lorsque c'est un apprentissage tellement éloigné des enfants que seul un ou deux FDP en ont peut-être déjà entendu vaguement parler (nous n'exerçons pas au collège, au lycée, à l'université...)

    2) chercher une entrée motrice, verbale et sensorielle et la traiter sur la durée, si possible tout au long de l'année pour qu'il n'y ait pas un seul enfant qui passe à travers les trous de la raquette et que notre pédagogie ait réellement une action d'ordre social

    3) et c'est seulement quand, grâce à toutes ces actions menées en classe, la connaissance ou le comportement sont établis que nous devons les étayer par la fréquentation d'albums mais aussi d'histoires sans images qui évoquent le même sujet.

    Car c'est à ce moment-là que les objets littéraires résonneront pour tous !...

    L'école atteindra alors son but : les faire découvrir, apprécier et comprendre par tous car elle aura donné à ses élèves la faculté de les apprivoiser...

    Rappelez-vous le Renard du Petit Prince – je ne peux pas croire qu'avec votre obsession de la culture littéraire, vous ne lisez pas vous-même ! – : pour s'apprivoiser on a besoin de temps (remplacez renard par objet, vous verrez, ça fonctionne très bien) :

    - Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...

    - Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.

    - Ah ! pardon, fit le petit prince.

    Mais, après réflexion, il ajouta:

    - Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?

    - Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu ?

    - Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?

    - Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?

    - Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?

    - C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens..."

    - Créer des liens ?

    - Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde... (Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince)

    Notre rôle est de permettre à ces fameux 75 %, sinon plus, de créer des liens avec la littérature et, en prime, avec l'objet littéraire, de façon à ce qu'ils en aient besoin. Et de les créer sur la durée, grâce à la ritualisation du temps, comme le conseillait ensuite le renard au Petit Prince :

    [...] Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :

    - S'il te plaît... apprivoise-moi ! dit-il.

    - Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.

    - On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

    - Que faut-il faire? dit le petit prince.

    - Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...

    Le lendemain revint le petit prince.

    - Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai ; je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur... Il faut des rites.

    - Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.

    - C'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. [...]

    Ainsi le petit prince apprivoisa le renard.

    Une fois cela établi (on fréquente des livres tous les jours et on a ritualisé un temps et un lieu pour cela, comme on va ritualiser peu à peu un temps de lecture offerte et d'échanges autour de cette lecture quotidienne ou biquotidienne , toute l'année), c'est comme pour tous les sujets évoqués ci-dessus, il faut

    → tout d'abord, des actions motrices

    ⇒ dans un coin bibliothèque où l'on peut, seuls ou à plusieurs, accompagnés ou non d'un adulte, feuilleter et commenter des livres, des imagiers, des albums, ...

    ⇒ dans le coin regroupement ou la salle de motricité où l'on peut jouer soi-même les personnages de l'histoire qu'on vient d'entendre (voir Racontamus, écoutatis, comprenunt (8))

    ⇒ dans un coin imitation où l'on peut sortir les personnages d'un « sac à histoire » et rejouer les scènes qui nous ont particulièrement plu (idem)

    ⇒ sur une feuille de papier où l'on peut dessiner, peindre, découper et coller les éléments de l'histoire (idem)

    toujours accompagnées d'actions verbales

    ⇒ raconter, redire, reformuler, imaginer, créer (voir l'excellent livre de Pierre Péroz et Mireille Delaborde qui explique comment faire parler les élèves sur les histoires qu'on leur lit)

    ⇒ inventer des histoires pour des albums sans textes ou des dessins d'imagination

    ⇒ improviser des dialogues entre personnages du sac à histoires ou entre personnages que l'on joue soi-même, en se basant sur l'histoire du livre

    → multiplier les actions sensorielles

    ⇒ en ayant, surtout chez les plus petits, une petite collection d'albums à toucher (comme ceux-ci), à regarder avec attention (comme ceux-ci), à écouter (comme ceux-ci), à sentir (comme ceux-ci)

    ⇒ en faisant jouer ou manipuler les personnages de l'histoire tout en la lisant :

    [∴ comme Pierre Péroz dans l'ouvrage cité plus haut, je préfère les histoires aux albums pour éviter l'imagination à sens unique (celle de l'illustrateur) et le langage limité à la narration forcément au présent, sans connecteurs spatiaux et temporaux, basée uniquement sur la description de l'image

    ∴ là aussi, pour éviter la référence unique, mais aussi la mise à l'écart de certains enfants, les albums viennent après la découverte motrice, sensible et verbale de l'histoire. On présente alors plusieurs versions d'une même histoire en accès libre, dans la bibliothèque de classe, après un simple décorticage tous ensemble pour retrouver dans leurs illustrations les péripéties de l'action racontée oralement et vécue physiquement]

    ⇒ en sollicitant l'attention visuelle des enfants (difficile en ces temps de visages masqués) par des mimiques, des gestes, quelques illustrations (les mots inconnus par exemple

    ⇒ en sollicitant l'attention auditive des enfants (changer de voix : hauteur, rythme, intensité, couleur, ...), utiliser des instruments qui ponctuent l'histoire (Boucle d'Or frappe à la porte... 3 coups de claves... la porte s'ouvre... flûte à coulisse... la petite souris descend les escaliers en courant... tapotements de doigts sur un tambourin...)

    pour aboutir à l'action d'ordre social (le fameux Vivre Ensemble, rebaptisé Devenir Élève)

    Maternelle : Les albums à tout faire
    Merci à Sophie Borgnet pour cette illustration tirée de Pour une Maternelle du XXIe Siècle

    ⇒ en faisant des moments de lecture ou d'observation d'albums un moment de plaisir où la parole de chacun est sollicitée et valorisée (voir Pierre Péroz et Mireille Delaborde) et non des pensums interminables et pesants aux activités trop nombreuses, trop lourdes et souvent trop excluantes

    ⇒ en créant ensemble des « vrais livres » inventés par la classe et illustrés par les enfants eux-mêmes, chacun sa page (même si le résultat obtenu n'est pas digne du magnifique abécédaire que la collègue d'en face a exposé sur Pinterest)

    ⇒ en étant soi-même « ami des livres » et en en présentant ou recherchant souvent au cours des activités de la classe (c'est-à-dire pas seulement celle du rituel "lire et comprendre des histoires") pour illustrer une action, préciser un mot, montrer une technique d'illustration, rappeler un événement déjà vécu, présenter une nouvelle idée, ...

    ⇒ chez les plus grands, on peut aussi prévoir des moments d'échanges autour de livres empruntés par les enfants et emportés à la maison, tout en sachant que cette façon d'externaliser l'instruction scolaire a ses limites car si elle favorise grandement ceux qui le sont déjà, les FDP, ce qui en soi n'est pas très grave et peut même rendre service, elle pénalise aussi les 75 % ou plus qui rencontreront chez eux très peu ou aucun renforcement positif, voire même parfois un dénigrement systématique de l'école qui, comme on le sait, « fout rien et préfère faire chier les parents plutôt que s'occuper des mômes (sic) » !

    N'hésitez pas à poser vos questions ci-dessous. Je vous répondrai avec plaisir.

    Je profite de ces dernières lignes pour présenter mes excuses à une amie qui se reconnaîtra et. qui avait dans l'intention de créer une collection d'albums pour enfants rivalisant avec celle qui est actuellement la plus en vogue dans les classes maternelles. Elle avait déjà quelques titres (Quintilien le pangolin a du mal à tenir son crayon, Quintilien le pangolin s'ennuie aux TAP, Quintilien le pangolin et le parcours de motricité du mardi, ...), et je suis sûre que son imagination fertile lui en aurait vite suggéré de nombreux autres ! Qu'elle se rassure néanmoins, je pense que malgré mes arguments, l'album à tout faire a encore de beaux jours devant lui.


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  • GS : Emploi du temps
    Élèves de GS en recherche libre :
    Explorer le monde (espace - matière) et Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions (oser entrer en communication, comprendre et apprendre, échanger et réfléchir avec les autres)

    Suite à GS : Vers l'écriture-lecture , quelques collègues m'ont demandé si je pouvais fournir un emploi du temps illustrant une journée de classe (n'importe laquelle, elles sont toutes bâties sur le même schéma).

    Le voici, avec quelques compléments d'information que je juge nécessaires :

    Une journée en Grande Section :

    Télécharger « EDT GS déc. 2020.pdf »

    Quelques explications

    ♥ Pourquoi l’accueil dans la cour ou les parties communes de l’école ?

    → Pour que la classe reste le lieu où tout le monde est accueilli en même temps

    → Pour que la première activité qui s’y déroule soit une activité collective, centrée sur les apprentissages communs, et non un hall de gare où chacun vaque à ses occupations en attendant l’heure de son train

    ♥ Éducation Physique et Sportive et Mathématiques, qu’est-ce que c’est que cette bizarrerie ?

    → C’est très très sérieux au contraire. C’est faire des Mathématiques quelque chose d’indispensable à la vie de l’enfant de cinq ans, quelque chose qu’on fait, sans même y penser, dès lors qu’on se déplace, qu’on veut jouer à plusieurs, qu’on se répartit des tâches ou du matériel, qu’on cherche à fabriquer quelque chose, etc.

    → Pour plus de précisions, c’est ici : GS : Jeux sportifs et « Mathématiques » (1) ; GS : Jeux sportifs et « Mathématiques » (2) ; GS : Jeux sportifs et « Mathématiques » (3)GS : Jeux sportifs et « Mathématiques » (4)

    ♥ Que contient le moment de Langage du matin ?

    → Tout :

    ⇒ Du langage d’évocation qui peut amener aussi bien à faire des mathématiques qu’à s’intéresser à l’élevage du ragondin dans le Marais Poitevin, en passant par : l’existence du Père Noël, de Dieu ou des Tortues Ninja, les droits et devoirs des policiers, le métier de la maîtresse (une énigme : comment cette personne qui s’amuse à longueur de journée avec des enfants peut-elle bien arriver à trouver du temps pour exercer une activité professionnelle rémunératrice et donc sérieuse ?), les mensonges de la publicité, les couleurs de filles et les couleurs de garçons, etc.

    ⇒ Du langage d’expression qui mènera tant à la construction d’un système grammatical implicite solide qu’à la création poétique la plus échevelée

    ⇒ De l’écoute de langage écrit qui débouchera sur du lexique, de la compréhension, de la grammaire implicite, des connaissances encyclopédiques et culturelles, de l’imagination, ...

    ⇒ De la dictée à l’adulte parfois parce que, une question en ayant amené une autre, il faut bien communiquer avec l’extérieur pour obtenir une réponse à nos interrogations pratiques (qui peut nous prêter une pompe à vélo pour regonfler les ballons de la cour et, accessoirement, voir comment ça fonctionne, cet outil-là ?) ou plus intellectuelle (nous cherchons différentes versions du conte Machenka et l’Ours pour voir comment les illustrateurs ont « vu » les personnages que nous connaissons bien)

    ⇒ J’en oublie certainement et vous prie de bien vouloir m’en excuser.

    ♥ Que contiennent les ateliers libres ?

    Généralement, ils proposent, en libre choix :

    ⇒ 4 ateliers d’expression plastique (ex : peinture, découpage-collage, modelage, tissus et fils, collage de volumes, ... )

    ⇒ 4 ateliers de structuration de la pensée (ex : puzzles, abaques, algorithmes, tableaux à double entrée, jeux de société, ...)

    ⇒ 4 ateliers de langage oral/écrit et socialisation (dictée à l’adulte, bibliothèque, coins-jeux : construction, garage et piste routière, maison de poupées, magasin, circuit de train, ...)

    Et, généralement, ils peuvent accueillir 4 à 6 élèves chacun (soit 48 à 72 places chaque jour, de manière à être « paré » à toute éventualité)

    ♥ « Libres » : pourquoi ? comment ? quelle régulation ?

    → Parce que les élèves sont totalement libres de leur choix : en maternelle, tout est dans tout, et tout le temps, on obtiendra tout aussi bien un élève bien dans son corps, sa micro-société et sa tête en le laissant librement choisir de peindre, découper, monter une tour de Kaplas avec deux amis, réaliser un puzzle, jouer à la bataille ou dessiner au tableau, sous notre attention générale, qu’en lui imposant un atelier « boules de coton-pinces à cornichon » ou un jeu de société qu’on ne pourra surveiller tout occupé que l’on sera à tenter d’obtenir la participation des quatre élus du jour à l’atelier que l’on dirigera

    → Ils ne s’inscrivent sur aucun planning, peuvent changer d’atelier quand ils le veulent ou rester sur le même plusieurs jours d’affilée, toujours parce que nous savons qu'ils auront des centaines d'occasions dans l'année d'exercer telle ou telle compétence, capacité, savoir-faire ou savoir-être... Tout au plus encourageons-nous tel élève à oser sortir de sa zone de confort pour essayer telle ou telle activité, avec notre aide s'il le souhaite, puisque nous avons le temps de nous intéresser à tous

    → Ce sont eux qui, guidés au départ puis rapidement simplement aidés par les adultes, installent et rangent le matériel au début et à la fin de l’atelier parce que cela fait partie du contrat : « Voir dans notre école, dans notre classe, un lieu de vie commun dont nous nous sentons responsables »

    → La régulation est effectuée par l’adulte qui : 

    ◊ a prévu le matériel en amont

    ◊ aide à l’installation et au rangement

    ◊ rappelle les règles d’utilisation du matériel

    ◊ encourage les recherches et les bons comportements

    ◊ sanctionne les mauvais

    ◊ affiche et commente les œuvres qui dénotent d’un progrès individuel et/ou collectif

    ◊ offre aide et régulation aux élèves qui en ont besoin

    ◊ toute autre action naturelle et logique lorsqu'un adulte responsable vise le développement harmonieux  d'un groupe d'enfants (bien dans leurs corps, bien dans leur tête, bien dans leur micro-société)

    Pourquoi l’écoute des sons pendant l’horaire de « Musique »

    → Pour apprendre aux élèves à être « toute ouïe » grâce au plaisir du chant et de la pratique instrumentale

    → Pour profiter de cette éducation de l’ouïe associant mélodie et rythme pour faciliter la prise de conscience phonologique

    → Pour donner aux élèves une occasion quotidienne supplémentaire d’analyser le langage oral afin de mieux comprendre comment on le traduit en langage écrit

    ♥ Découverte du monde/Arts plastiques : 45 minutes, c’est long !

    → On ne sera pas forcément pendant 45 minutes sur la même activité. Cela pourra être par exemple :

    ⇒ une observation/expérimentation de 20 minutes, suivie de 10 minutes de rédaction collective d’un texte commun et de 15 minutes de dessin d’observation

    ⇒ trois ateliers tournants autour d’un thème, de 10 minutes chacun, suivis d’une mise en commun collective de 15 minutes à la fin

    ⇒ une construction technologique guidée collective ou individuelle

    ⇒ une sortie dans un lieu proche qui inclura la récréation qui suit

    ⇒ et, une fois par semaine, une séance Arts plastiques pour observer une œuvre ou une technique et s’en inspirer pour créer à son tour ou pour préparer ensemble ou individuellement une réalisation à visée décorative

    ♥ Finalement, le dessin libre et la dictée à l'adulte est en fin d'après-midi ? Et la dictée à l'adulte alors, comment faisons-nous pour les classes surchargées ?

    → Oui, parce que je n'ai pas voulu que plus de la moitié de la matinée se passe forcément assis sans bouger mais c'est modulable : vous pouvez très bien l'intégrer aux 25 minutes d'ateliers libres

    → Pour la dictée à l'adulte, en GS, elle va très vite évoluer :

    ⇒ certains enfants resteront plusieurs jours sur leur dessin, ils ne dicteront pas tous les jours quelque chose

    ⇒ certains autres sauront d'emblée ce qu'ils veulent dessiner et accepteront ou même réclameront de « dicter d'abord » pour dessiner ensuite ce qu'ils auront raconté

    ⇒ certains accepteront ou même réclameront de commencer à raconter l'histoire en cours de dessin parce que les principaux éléments en sont déjà posés et qu'ils savent ce qu'ils veulent dire

    ⇒ à partir du deuxième trimestre, certains nous feront la surprise d'écrire sur leur dessin, à leur manière, un commentaire personnel, nous n'aurons alors qu'à le traduire en « orthographe de grands »

    → Et en attendant, il y aura le temps d'atelier du lendemain matin pendant lequel on pourra appeler près de soi deux ou trois élèves pour qu'ils racontent leur dessin de la veille

    ♥ « Littérature » en fin de journée ?

    → Pour quitter l’école en gardant un souvenir lié à l’écrit

    → Pour faire de ce domaine un moment de détente et de plaisir

    → Pour se dégager de l’exploitation d’albums à tout faire

    → Pour éviter les séances interminables au matériel sophistiqué qui plombent les journées d’école des plus jeunes de nos élèves et revenir à l'essentiel : le texte

    → Pour adopter une pédagogie de l’écoute visant à « donner aux élèves une conscience claire de ce qui est attendu en langage tant sur le plan discursif (raconter, expliquer, faire des hypothèses) que sur le plan cognitif (mémoriser, expliquer, imaginer)[1] » par la pratique des questions ouvertes, du droit à reprendre ou reformuler ce qui a déjà été dit et l'octroi d'un temps de réflexion et de construction de chaque intervention

    Note :

    [1] Voir : 11 histoires pour UNE ANNÉE DE LANGAGE en GS maternelle ou encore : 9 questions à Pierre Péroz.


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  • Maternelle : Progression dessin
    Merci à M, MS, pour sa production du 21 juin.

    Une collègue demande si nous avons une progression pour faire avancer les élèves vers un dessin du bonhomme ressemblant plus au réel.

    Comme j'ai, je donne, en quelques mots.

    Elle se décline en trois temps plus un (ou deux) ne concernant que l'enseignant et s'applique, avec de plus en plus d'exigences, de la TPS à la GS.

    Premier temps (quotidien) :

    Matériel : un cahier blanc à l'italienne, crayons de couleur ou feutres moyens (ces outils ne doivent pas être de gros module, pour éviter la prise palmaire)

    Chaque jour, à heure fixe, les élèves sont conviés à réaliser un dessin libre représentatif. Lorsque le dessin sera fini, l'enseignant. écrira un commentaire d'après ce que l'enfant lui explique.

    L'enseignant et l'atsem ne fourniront pas de modèles.

    Maternelle : Progression dessin
    PS, date illisible, merci à l'ICEM pour cette illustration

    Deuxième temps (quotidien) :

    Chaque jour, un moment de la ou des séances d'EPS est réservé à l'exercice par le jeu des segments du schéma corporel : Jacques a dit, Jeu du miroir, « yoga » et relaxation,  ...

    Troisième temps (sur l'année) :

    À raison d'une séance par quinzaine au moins, dans le domaine Questionner le monde, sous-domaine : le Vivant. Attention aux « thèmes » et « séquences » qui concentrent sur une période, un trimestre ou une année ce qui aurait besoin d'être au contraire vu et revu de façon perlée, et entrecroisé avec d'autres sources d'inspiration et d'acculturation, sur les trois à quatre années de scolarisation maternelle.

    Réaliser des observations scientifiques ponctuelles (observation, verbalisation, émission d'hypothèses, vérification, représentation par le dessin, compte-rendu écrit collectif) portant sur le corps des êtres vivants animés (être humain, différents mammifères, oiseaux, batraciens, reptiles, poissons, insectes).

    Maternelle : Progression dessin
    GS, fin d'année

    Et pour l'enseignant (toute l'année) :

    Utiliser soi-même quotidiennement le dessin représentatif simple pour illustrer une histoire, expliquer un mot, montrer un détail, ...

    Si en plus on a une collection de reproductions d'œuvres d'art qu'on peut sortir pour illustrer et expliquer un mot, un détail, un concept scientifique, sans penser bien sûr que les enfants doivent « travailler dessus » pour « s'approprier une technique », c'est un plus. Mais ça ne remplacera pas l'exemple sensible de l'adulte en train de dessiner.

    Attention !

    Ce dessin ne doit pas être un modèle à reproduire, segment par segment.

    Il peut même être effacé avant que les enfants commencent leur dessin. S'il reste affiché, l'adulte doit rassurer les enfants : ils sont trop petits, trop jeunes pour dessiner comme des adultes qui dessinent depuis très longtemps. Ce dessin est juste une idée à observer pour comprendre « comment ça fonctionne » et pouvoir peu à peu s'en inspirer.

    De même, si les modèles de dessins simplifiés semblent aider les enfants dans un premier temps, ils n'apprennent cependant pas à dessiner. Ils sont juste un apprentissage d'une représentation stéréotypée du bonhomme, du chat, du chien, de l'éléphant ou de la maison vus par Untel ou Machin qu'on pourrait apparenter à un codage.

    On peut comparer cela à un professeur de piano qui dirait à l'enfant en montrant successivement des touches : « Tape ici ! Et puis là ! Et puis là ! Et là ! Et là ! Et là !  » pendant un moment puis à la fin, annoncerait tout fier à son « élève » (au sens pas étymologique du tout) :

    « Eh bien voilà, tu sais jouer la Marche Turque ! Bravo ! »


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