• CE : Orthographe graphémique (4)

    Une petite en-tête en anglais dans laquelle il conviendrait de remplacer le mot Learning par Spelling pour coller tout à fait au sujet de l'article. Ceci servirait peut-être alors de contrepoison au lessivage de cerveau entrepris depuis des années par nos formateurs pour nous faire croire qu'une mauvaise orthographe ne sera pas un critère discriminant pour nos élèves plus tard.

    Bien orthographier

    Bien orthographier, selon les règles établies, suivies par toute la société de l'écrit et non pas édictées seulement à l'usage des seules écoles élémentaires, est un facteur d'intégration tout comme le sont les règles qui régissent la numération, le calcul, le code de la route, les compétitions sportives, etc.

    Au CE1, nos élèves sont en phase d'approche et nous ne pouvons encore leur demander d'orthographier correctement les milliers de mots et les centaines de situations d'accord qui seraient nécessaires à la rédaction autonome d'un texte long.

    En revanche, nous pouvons continuer, au cours de cette deuxième moitié de deuxième trimestre, à monter des réflexes, tout en avançant à pas comptés dans notre programme.

    Monter des réflexes

    Ces réflexes, nous les montons chaque jour au cours de la leçon :

    → « Lisez ce mot. Prononcez-le.

    ♥ Est-ce un mot transparent ? Comment s'écrit la première syllabe ? la deuxième ? la suivante ?...

    ♥ Quelles lettres servent à prononcer le son ... ?

    ♥ Ce mot comporte-t-il une ou plusieurs lettres muettes ? des consonnes doubles ? Connaissez-vous des mots de la même famille ? Sauriez-vous les écrire ? Comprenez-vous pourquoi « notre » mot a cette orthographe et non une autre ?

    ♥ Épelez ce mot en suivant le modèle... sans le modèle. »

    Sans oublier la dictée qui fait partie de la leçon et ne peut être considérée comme une dictée d'évaluation individuelle :

    → « Écrivez ce mot.

    ♥ Vous rappelez-vous comment s'écrit le son ... ? et le son ... ?

    ◊ Pouvons-nous nous souvenir de l'orthographe de ce son grâce à une règle que nous avons apprise ?

    ♦ Quelle est la lettre juste après ? les lettres situées avant et après ?

    ♦ Quelle est la règle d'écriture de ce son lorsqu'il se trouve juste avant ... ? entre ... et ... ?

    ◊ Vous rappelez-vous si ce mot a une lettre muette ? une consonne double ? Pouvons-nous nous souvenir de cette lettre muette, de cette consonne double grâce à un mot de la même famille ? »

    ♥ Combien y a-t-il de [le mot en question] ? Quel(s) mot(s) de la phrase nous le rappelle(nt) ? Quelle règle devons-nous appliquer ? Quelle est la lettre qui sert à indiquer que ce mot est au ... ?

    ♥ Est-ce un mot masculin ou féminin ? Quel(s) mot(s) de la phrase nous le rappelle(nt) ?

    ♥ De quel mot dépend ce verbe ? Qui lui donne sa loi ? Connaissez-vous la terminaison du verbe ... quand il est commandé par le pronom ... ? Vérifiez sur l'affiche.

    ♥ Attention, vous ne connaissez pas encore ce mot et ce n'est pas un mot transparent.

    ◊ Je vais donc vous dire comment s'écrit le son ... dans ce mot, écoutez bien.

    ◊ Je vais vous signaler sa lettre muette car nous ne pouvons pas la trouver grâce à un mot de la même famille ; écoutez bien.

    ◊ Comme nous ne connaissons pas encore la règle qui explique la présence d'une consonne double, je vous la signale ; écoutez bien.

    ◊ Nous n'étudierons pas cet accord au CE1, écoutez bien les lettres qui composent cette terminaison ou les lettres muettes grammaticales que vous devez ajouter à la fin de ce mot.

    Nota bene : Les dictées proposées sont longues. Normalement, les élèves écrivent désormais assez vite et disposent d'assez de repères orthographiques pour qu'elles puissent n'occuper que quinze à vingt minutes de l'emploi du temps. Si toutefois vous aviez de la peine à respecter cet horaire, vous pourriez : 

    ♥ réduire la durée des explications pour chaque mot : il ne s'agit pas d'une leçon mais d'un rappel rapide

    ♥ les scinder en deux ou trois parties :

    ◊ une, sur l'ardoise, le matin en arrivant ;

    ◊ une deuxième avant de commencer la leçon d'orthographe, toujours sur l'ardoise, ou au tableau, grâce à quelques enfants désignés pour cet exercice (les autres élèves serviront de conseillers techniques) ;

    ◊ une troisième, sur le cahier du jour, en début d'après-midi, toujours commentée et expliquée rapidement.

    Continuer à avancer

    Nous sommes maintenant dans la deuxième moitié de l'année scolaire, les bases, déjà vues au CP en lecture, sont désormais posées aussi pour l'écriture et nous abordons la partie plus complexe du programme, celle qui, normalement, si l'on suit la méthode des petits pas, sera revue en début de CE2.

    Vous trouverez dans les fiches ci-dessous (pour leur utilisation, se reporter aux articles précédents dont la liste se trouve en bas de page) :

    a) de l'orthographe lexicale

    ♥ Les graphies :

    → au, eau ;

    → in, im ;

    → oin, ion ;

    → ai, ei ;

    → ain, ein ;

    → et, ette ;

    → ez, er

    ♥ Des règles orthographiques :

    → m avant m, b, p ;

    → e ou è pour traduire le son [ɛ] ;

    → valeurs de la lettre c ;

    → c ou ç pour traduire le son [s]

    b) de l'orthographe grammaticale

    ♥ Grammaire du nom :

    → pluriels en aux, eaux

    → féminin des noms :

    ◊ e sonore,

    ◊ e muet,

    ◊ féminin en -ère, -ière,

    ◊ féminin en -esse, -ette, -elle

    ♥ Grammaire du verbe :

    → le nom sujet au pluriel et le verbe au présent ( -er; être; avoir) 

    → les verbes en -er au futur :

    ◊ -erai/-erez,

    ◊ -eras/-era

    → les verbes être et avoir au futur :

    ◊ distinction -rai/-rez

    Les fiches et leur guide :

    Je rappelle que la progression (réactualisée) se trouve dans la partie CE1 : Orthographe graphémique (1).

    Semaine 19 :

    Télécharger « OrthoCE1-P4 - S19.pdf »

    Semaine 20 :

    Télécharger « OrthoCE1-P4 - S20.pdf »

    Semaine 21 :

    Télécharger « OrthoCE1-P4 - S21.pdf »

    Semaine 22 :

    Télécharger « OrthoCE1-P4 - S22.pdf »

    Semaine 23 :

    Télécharger « OrthoCE1-P4 - S23.pdf »

    Semaine 24 :

    Télécharger « OrthoCE1-P4 - S24.pdf »

    Dans la même série :

    CE1 : Orthographe graphémique (1) ; CE1 : Orthographe graphémique (1-bis) ; CE1 : Orthographe graphémique (AjoutP1) ; CE1 : Orthographe graphémique (2) ; CE1 : Orthographe graphémique (3) ; ... ; CE1 : Orthographe graphémique (5) ; CE1 : Orthographe graphémique (6)CE1 : Orthographe graphémique (6bis) CE1 : Orthographe Graphémique (7) 

    Compléments pour le CE2 :

    CE2 : Orthographe graphémique (1) ; CE2 : Orthographe graphémique (1bis)  ; CE2 : Orthographe graphémique (2)CE2 : Orthographe graphémique (3) ; CE2 : Orthographe graphémique (4)CE2 : Orthographe graphémique (5)

    Nota Bene :

    Pour ceux que la version « documents hebdomadaires » gêne, ils peuvent le télécharger en entier grâce au lien suivant : OrthoGraphCE1. Merci à Patricia qui a effectué ce travail. 

    N'hésitez pas à partager ce lien avec vos amis.

     


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  • La méthode naturelle (1872)

    Plus de 50 ans avant Célestin Freinet, le terme Méthode naturelle était déjà employé, sous un sens un peu différent toutefois, par les pédagogues et universitaires français.

    Ici, je vais un tout petit peu commenter, je pense. Vous trouverez ces commentaires au fil du texte, encadrés par des [ écrits en italique en corps 10 ] .

    La méthode naturelle qui convient à l’enseignement primaire

    Éviter tous les devoirs [au sens d’activités sur le temps scolaire et non de travail à faire à la maison] qui faussent la direction de l’enseignement sous prétexte d’en élever le caractère :

    → modèles d’écriture compliqués et bizarres

    → textes de leçons démesurés

    → séries d’analyses et de conjugaisons écrites

    → définitions indigestes

    Ménager les préceptes et multiplier les exercices

    [Tiens, il est comme moi, le monsieur, il n'aime pas les cahiers de leçons où l'on copie ou colle des préceptes que très peu comprennent et savent réutiliser]

    ► Ne jamais oublier que le meilleur livre pour l’enfant, c’est la parole du maître,

    [ Surtout quand il est petit... Et quand il est plus grand, le livre est meilleur lorsqu'il est lu avec l'appui de la parole du maître. ]

    ► N’user de sa mémoire si souple, si sûre, que comme d’un point d’appui et faire en sorte que l’enseignement pénètre jusqu’à son intelligence, qui seule peut en conserver l’empreinte féconde

    [ Donc, pas de « ba be asplif mork schmulg aphlonpk » pour apprendre à lire, mais du « Barbara a aspiré le tapis. Elle a remarqué que Alphonse avait renversé sa pâte à prout dessus. » Du sens, quoi, pas du mécaniste sans âme. ]

    ► Le conduire :

    → du simple au composé,

    [Donc, pas de « Trousse de Tika » , ni de « Trois petits cochons », ni de « Rentrée des Mamans », dès les premiers jours de CP. Pas de file numérique jusqu'à 30 en maternelle. Pas de recherches historiques longues et compliquées au CM... Pas de... la liste est infinie !]

    → du facile au difficile,

    [ Ce qui permet d'introduire la division posée dès le CP, dans des cas très faciles, et avec des explications, comment dire ?... préparatoires, comme le cours du même nom.
    Puis de continuer cette technique de la division aux CE1 et CE2, avec des notions, comment dire ?... élémentaires, comme les deux cours du même nom.
    Pour enfin continuer, car le collège se chargera de la fin, aux CM1 et CM2, avec des savoirs, comment dire ?... moyens, comme les deux cours du même nom.
    Ou la grammaire... Ou la conjugaison... Ou... tout ce que nous retardons, redémarrons à zéro, laissons oublier à longueur de scolarité en raison de théories invérifiables et de pratiques inefficaces. ]

    → de l’application au principe

    [ Eh oui ! Déjà ! Méthode intuitive... D'abord, on applique, intuitivement, et comme ça fonctionne, on continue... Et puis, on se demande comment reproduire... Alors, on théorise, très simplement... puis avec un peu plus d'assurance... et enfin, on produit une belle trace écrite, qu'on n'écrira finalement pas, puisque tout le monde a retenu et compris. S'il y a des choses à écrire là-dessus, le collège s'en chargera !
    D'où les noms des trois « cours » ou niveaux qui furent donnés aux classes de l'École Élémentaire (qui à l'époque se nommait Primaire) : le cours
     préparatoire où l'on se préparait intuitivement à découvrir, le cours élémentaire qui théorisait de manière élémentaire quelques savoirs de base, et le cours moyen qui commençait à aborder quelques subtilités... avant le cours supérieur qui remplaçait les classes de 6e et 5qui synthétisait tout cela avant le grand saut dans la vie active. ]

     

    ► L’amener, par des questions bien enchaînées, à découvrir ce qu’on veut lui montrer

    [ Et encore ! Méthode active, à partir de ce que l'élève sait intuitivement. Méthode active mais guidée... Il faut que tout le monde y arrive et non simplement quelques leaders qui peuvent, au cours d'un atelier autonome, réinventer l'eau chaude dix mille fois plus vite que le premier humain qui s'est dit qu'en remplissant une vessie d'eau et en y jetant des pierres chauffées dans la braise à l'aide de pinces pour ne pas se brûler, il devrait pouvoir arriver à la chauffer, cette eau glacée... ]

    L’habituer à raisonner, faire qu’il trouve, qu’il voie, en un mot, tenir incessamment son raisonnement en mouvement, son intelligence en éveil

    [ Oh oui ! Oh oui ! Oh oui !... Plus d'arts visuels tout faits en maternelle où seul l'enseignant (et l'ATSEM parfois) tient son raisonnement en mouvement et son intelligence en éveil pour en mettre plein la vue des IEN, des CPC, des PEMF, des collègues et des parents d'élèves ! Plus d'albums alibis pour « travailler le Mexique et les odeurs » en TPS/PS ! Du concret, de l'immédiat, du vrai pour tenir incessamment LEUR raisonnement en mouvement et LEUR intelligence EN ÉVEIL ! ]

    Pour cela :

    ► Ne rien laisser d’obscur qui mérite explication, pousser les démonstrations jusqu’à la figuration matérielle des choses, toutes les fois qu’il est possible

    ► Dans chaque matière, dégager :

    → les détails confus, qui encombrent l’intelligence,

    → les faits caractéristiques, les règles simples qui l’éclairent

    ► Aboutir en toutes choses à des explications judicieuses, utiles, morales

    Quelques exemples :

    ► en lecture :

    → tirer du morceau lu toutes les explications instructives, tous les conseils de conduite qu’il comporte

    [ Tout en tenant compte des préceptes vus ci-dessus : du simple au composé, du facile au difficile, de l'application au principe... et puis, faire qu'il trouve, qu'il voie, tenir son intelligence en éveil et son raisonnement en mouvement... éviter les définitions indigestes, la théorisation trop précoce... Nous en reparlerons. Il y a beaucoup à dire sur la lecture à l'école élémentaire, non seulement au CP, mais aussi au CE et au CM. ]

    ► en grammaire :

    partir de l’exemple pour arriver à la règle dépouillée des subtilités de la scolastique grammaticale,

    [ Le monsieur a dit l'exemple, pas les 36 000 exemples à découper, déplacer, coller qui noient les élèves dans le faire au lieu de les amener vers la pensée. ]

    → choisir les textes de dictée écrite parmi les morceaux les plus simples et les plus purs des œuvres classiques

    [ Eh oui ! Le niveau monte... Y'a pas à dire. ]

    → tirer les sujets d’exercices oraux, non des recueils fabriqués à plaisir pour compliquer les difficultés de la langue, mais des choses courantes, d’un incident de classe, des leçons du jour, des passages d’histoire de France, de géographie, récemment appris

    [ Interdisciplinarité, déjà. Éducation sensible par le concret et le vécu. ]

    inventer des exemples sous les yeux de l’élève, ce qui pique son intérêt, les lui laisser surtout inventer lui-même et toujours les écrire au tableau noir

    [ Essayez, vous verrez, c'est bluffant ! Cent fois plus efficace que la copie d'une trace écrite à faire apprendre à la maison. ]

    ► N’enseigner la géographie :

    → que par la carte en étendant progressivement l’horizon de l’enfant de la rue au quartier, du quartier au canton, à la commune, au département, à la France, au monde

    [Et comme on va du simple au composé, du facile au difficile, de l'application au principe et qu'on cherche à l'habituer à raisonner et à faire qu'il voie :

    ♥ la classe, l'école, la rue, c'est en TPS, PS et MS 

    la rue, le quartier, la commune, c'est en MS, GS et CP 

    ♥ la commune, le département, la France et le monde, c'est de la GS et CP (par petites touches), puis de plus en plus structuré et complexe, du CE1 au CM2 !

    Et non le contraire, comme les programmes le conseillent actuellement. ]

    → animer la description topographique des lieux :

    ♦ par la peinture des particularités de configuration qu’ils présentent

    [ Géographie physique, la grande oubliée... ]

    ♦ par l’explication des productions naturelles ou industrielles qui lui sont propres

    [ Géographie humaine et économique, ça vient après... ]

    ♦ par le souvenir des événements qu’ils rappellent

    [ Interdisciplinarité, encore... ]

    ► En histoire :

    → donner aux diverses époques une attention en rapport avec leur importance relative

    → traverser plus rapidement les premiers siècles pour s’arrêter sur ceux dont nous procédons directement

    sacrifier sans scrupule les détails de pure érudition pour mettre en relief les grandes lignes du développement de la nationalité française [ Maintenant, nous dirions plutôt européenne...]

    → chercher la suite du développement moins dans la succession des faits de guerre que

    ♦  dans l’enchaînement raisonné des institutions,

    ♦ dans le progrès des idées sociales

    ♦ dans les conquêtes de l’esprit

    qui sont les vraies conquêtes de la civilisation

    [ Bigre ! On nous aurait menti lorsqu'on nous disait que l'école d'avant, la pas belle, celle qui donnait des coups de règle sur les doigts, mettait des bonnets d'âne aux petits enfants et les faisaient réciter en chœur la liste des préfectures et des sous-préfectures, que cette école, donc, ne leur parlait que des rois et de leurs batailles ! Oh, comme c'est étonnant ! ]

    → placer sous les yeux de l’enfant les hommes et les choses par des peintures qui agrandissent son imagination et qui élèvent son âme

    [ Comme des vestiges, des œuvres d'art, des films ?... Oh ! Mais alors... voir ci-dessus. ]

    → faire de la France [ faire de la démocratie, moi, ça m’irait bien...] ce que Pascal a dit de l’humanité, « un grand être qui persiste perpétuellement », et donner par là même à l’enfant une idée de la patrie, des devoirs qu’elle impose, des sacrifices qu’elle exige

    [En remplaçant tout ça, vilain, pas beau, XIXe siècle revanchard, par du développement durable, de la citoyenneté, du respect des différences, nous pourrions conclure que rien n'a vraiment changé et que, quels que soient les régimes politiques et les époques, l'histoire à l'école, c'est une façon de manipuler l'enfance pour la faire adhérer aux projets de l'adulte... On pourrait, j'ai dit... Mais nous, on le fait pas, oh non ! Nous, on les forme, objectivement, alors c'est pas pareil... Smiley qui ricane... ]

    Tel doit être l’esprit des leçons de l’école.

    Octave Gréard

    (Extrait du rapport sur l’instruction primaire à Paris, 1871-72)


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  • CP/CE1 : Segmenter en mots la phrase écrite
    Merci à S. Borgnet pour l'illustration du Cahier d'exercices Écrire et Lire au CP

    Il arrive que, lors de dictées de phrases, certains élèves collent tous les mots ou, au contraire, segmentent les mots de la phrase en syllabes (ex: che min, lec ture ). Pourtant, chacun d'entre nous travaille sur le sens des mots et la compréhension des phrases. 

    Alors, quelles activités proposer aux élèves pour passer ce cap? Segmenter en mots une phrase dite ou écrite d'un seul bloc, comme le proposent souvent les cahiers d'exercices liés aux méthodes de lecture, est-ce suffisant ?

    Rome ne s'est pas faite en un jour

    Le jeune enfant qui entre au CP n'a souvent pas eu le temps, lors de sa scolarité maternelle, d'acquérir parfaitement la notion de mot. Il entend une chaîne orale continue qu'il analyse plus ou moins finement.

    Tout le monde se souvient des mots d'enfants que les « moins de 7 ans » collectionnent : « Ma maman, elle a enlevé les patataroulettes à mon vélo... J'y suis pas yallé à la fête paske je suitais malade... Au cirque, j'ai vu un gros madaire et un petit madaire... »

    Leur lexique oral se construit, petit à petit, mais il y a encore quelques ratés à l'entrée à l'école élémentaire et l'on sent bien qu'ils n'ont pas encore, malgré les exercices pratiqués à l'école maternelle, parfaitement cerné le concept de mot.

    Heureusement,  l'apprentissage de l'écrit permettra de dissiper bon nombre des derniers mystères, tout en laissant à la littérature le soin de faire disparaître les ultimes pataquès, du bouc émissaire (ou bouquet mystère ?) au piédestal (ou pied d'estal ?) en passant par les commissariats et les secrétariats, malgré leurs commissaires et leurs secrétaires, sans oublier les gens paumés (et non pommés comme de vulgaires choux) et les taches de peinture qui rendent la tâche ardue aux machines à laver !

    Cependant, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que ce discours soit d'emblée correctement segmenté, tout simplement parce que ce n'est simple que pour ceux qui savent, surtout lorsque nous entrons dans le domaine des adverbes, des prépositions et autres « mots-outils ». Pourquoi un peu plutôt que unpeu alors que beaucoup et non beau coup ? Quelle différence entre laquelle et la quelle ? Pourquoi au-dessus  alors qu'on écrit aujourd'hui ?... 

    L'erreur fait partie de l'apprentissage

    Quoi qu'en pensent nos gentils évaluateurs compulsifs, l'enfant doit apprendre avant de savoir, et c'est d'une erreur surmontée qu'il s'élancera et sautera par-dessus toute une série d'obstacles.

    Une anecdote éclairera mieux ce propos qu'un long discours.

    Chaque année, vers le début novembre, dans ma classe de CP, nous étudions les graphies ga, go et gu. Et chaque année, entre autres mots, je dicte : les légumes. Et, immanquablement, j'ai un ou deux élèves qui n'arrivent pas à se sortir de cette énigme :

    « Pourquoi s'acharne-t-elle à me faire écrire deux fois le mot les ? »

    Alors, ils rectifient d'eux-mêmes, bien comme il faut, et m'écrivent, parfois même avec la marque du pluriel, à laquelle ils sont « dressés » depuis deux semaines :

    les gumes

    Et je n'arrive que très difficilement à obtenir qu'ils changent de représentation mentale, et seulement après de longues palabres, pas toujours vraiment comprises, à base de :

    « Qu'est-ce que la carotte ?

    — C'est un légume.

    — Qu'est- ce que la pomme de terre ?

    — C'est un légume.

    — Qu'est-ce que le haricot vert ?

    — C'est un légume...

    — Si j'ai sur la table des carottes, des pommes de terre et des haricots, qu'est-ce que j'ai ?

    — Tu as des légumes.

    — Et si je veux que tu me les apportes, qu'est-ce que je te demanderai ? Apporte-moi les ...

    —  légumes...

    — Les... légumes... les... fruits... les pommes... les... carottes... les... légumes. Légume, c'est le nom de toutes ces plantes que nous cultivons et que nous mangeons : un légume, des légumes, le légume, les légumes. »

    Mais pourtant, malgré les interrogations que je lis encore dans le regard de certains, c'est généralement la dernière fois que cela se produit et là où les gumes avaient eu bien de la peine à devenir des légumes, les laiteries, les laitues, les lèvres, etc., ne posent pas le même problème.

    L'article les a acquis son autonomie et il n'est plus confondu avec le début d'un mot dont la première syllabe se prononce [lE].

    Ne pas envoyer sur des fausses pistes

    Donc, tout arrive à se résoudre en son temps, après quelques errements bien compréhensibles, quand on voit comment certains adultes s'obstinent encore à croire qu'un pied peut être d'estal ou qu'un bouquet mystère est forcément en butte à la cruauté de son entourage. Le tout étant cependant de ne pas envoyer d'emblée ces enfants sur des fausses pistes.

    Il est évident par exemple qu'un élève dressé à lire et écrire des syllabes déconnectées du sens aura beaucoup plus de difficultés à prendre conscience que ce n'est plus ce qu'on lui demande lorsqu'on se met à lui dicter des mots et des phrases, que celui qui aura écrit des mots dès son deuxième jour de CP.

    CP/CE1 : Segmenter en mots la phrase écrite
    Cahier d'exercices Écrire et Lire au CP, p. 3

    Il est sûr aussi qu'un enfant à qui on autorise l'écriture approchée dans tous les écrits autres que la dictée apprendra moins vite et moins sûrement à se demander comment s'écrit ce mot et avec qui il s'accorde dans la phrase que celui à qui on a quotidiennement rappelé que les mots ont une orthographe et se mettent d'accord entre eux pour qu'on comprenne mieux avec qui ils sont « amis ».

    CP/CE1 : Segmenter en mots la phrase écrite
    Cahier d'exercices Écrire et Lire au CP, p. 21

    Ne pas évaluer plutôt que d'enseigner

    Forts de tout ce que nous venons de dire, plus personne ne pensera que l'exercice de segmentation d'une phrase écrite « tout attachée » est un bon exercice puisqu'il n'est faisable que par celui qui sait déjà.

    Cet exercice est un exercice d'évaluation, inutile d'ailleurs puisque :

    ♠ il n'apprend ni à lire, ni à écrire,

    ♠ il montre une façon erronée d'écrire 

    ♠ il fait doublon avec ceux qui vérifient la même compétence (rassembler des syllabes pour écrire un mot, segmenter un discours en mots) tout en faisant lire et écrire l'enfant.

    On ne programmera pas plus, en maternelle ou en début de CP, l'exercice qui consiste à demander à un élève combien de mots contient la phrase qu'il vient de prononcer.

    En revanche, cet exercice-là, on le pratiquera avec ses élèves, en en déjouant les pièges, pour enrichir leur dictionnaire mental de mots déjà indépendants de leur contexte, chaque fois que nous écrirons ensemble des phrases, qu'elles soient composées d'icônes en MS et GS ou de mots en GS et CP. 

    Adopter une progression

    L'idéal serait que cette progression s'étale, à l'oral d'abord, puis à l'écrit, de la Maternelle au CE1.

    ... des plus petits... 

    Les premières années de Maternelle (TPS et PS) en resteraient au vocabulaire, le lexique, comme il convient de dire aujourd'hui. Les mots, appris dans leur contexte (le jeu, l'observation, la comptine, l'histoire racontée ou lue, les activités de patouille, de construction, de cuisine, ...) pourraient commencer à être extraits de ce contexte grâce à des jeux d'images, tel celui que j'ai imaginé pour la Méthode Au commencement était l'image.

    Ce lexique oral emmènerait naturellement les plus grands (MS) vers la désignation grâce à des icônes qui, petit à petit, permettraient une première transcription du discours, scindé en mots, à la manière des hiéroglyphes égyptiens (voir ici : PS/MS : 26 fois 26 (4), partie « Chez les MS : Du mot vers la phrase » et PS/MS : 26 fois 26 (5) ).

    Une fois cette façon de transcrire l'oral revue, en début de GS, basée sur la transcription graphémique (et morphémique !) de la langue pourrait démarrer, très lentement en GS (la méthode De l'écoute des sons à la lecture, de Thierry Venot, est à ma connaissance la seule à proposer toute cette progression pour la classe de GS), un peu plus vite au CP.

    ... jusqu'aux plus grands...

    En GS et surtout au CP, si nous voulons éviter autant la transcription trop segmentée (les les gu me... la mé zon...) que celle qui ne l'est pas assez (jévu unchasurlemur), en passant par celle qui l'est de manière aléatoire (tua déza mikia riv), il est indispensable de :

    → réduire le plus possible la période des dictées de syllabes  (quelques jours tout au plus)

    → privilégier le plus tôt possible la dictée de mots : elle est possible dès que les élèves connaissent une voyelle et une consonne, du moment où l'enseignant propose les lettres muettes au besoin

    ♦ Exemple :

    Lili lit. Il lit.

    Attention, au début, apprentissage oblige, l'enseignant dicte ainsi :

    « Li...li... Lili, tout attaché, c'est le prénom Lili...

    Plus loin, pas attaché : lit... avec un t muet... c'est le verbe lire... Lili... lit... Nous disons que l'enfant qui a le prénom Lili est en train de lire : Lili... lit.

    Point, la phrase est finie : Lili lit.
    Qui peut  relire cette phrase ? Qui peut lire juste le premier mot ? le deuxième mot ? le mot qui dit le prénom de l'enfant ? le mot qui dit ce qu'il fait ?

    [ → si vraiment cette absence de travail sur les syllabes inquiète, on peut se dire que toute dictée de syllabes se fera à partir de manipulation de lettres mobiles (lettres Montessori ; personnages Alphas ; lettres reproduites sur des cartes ou des plaques de bois) alors que les instruments scripteurs (craies, crayons, stylos, ...) ne serviront qu'à la transcription de mots peu à peu combinés au sein de phrases ]

    → lorsque les enfants liront leurs premières phrases, jouer à la lecture en cascade : chaque enfant lit un mot de la phrase qui doit être lue, un autre la relit entièrement.

    → lorsqu'on écrira une phrase au tableau, pendant le temps de lecture ou à d'autres occasions, la faire d'abord énoncer aux élèves, puis, seul dans un premier temps, mais bientôt avec les élèves, tracer autant de traits que de mots en adaptant la longueur du trait à la longueur de chacun des mots.

    → multiplier les exercices :

    ♥ d'encodage à partir de dessins (noms mais aussi verbes, adjectifs) :

    CP/CE1 : Segmenter en mots la phrase écrite
    Cahier d'exercices Écrire et Lire au CP, p. 24

    ♥  phrases à trous à compléter par des mots dont la liste est proposée (avec ou sans piège)

    CP/CE1 : Segmenter en mots la phrase écrite
    Cahier d'exercices Écrire et Lire au CP, p. 27

    ♥ mots à reconstituer à partir de syllabes données de manière éclatée

    CP/CE1 : Segmenter en mots la phrase écrite
    C
    ahier d'exercices Écrire et Lire au CP, p. 33

    ♥ phrases à reconstituer à partir de mots donnés dans le désordre (entièrement déchiffrables, sans modèle, à partir d'une histoire connue)

    CP/CE1 : Segmenter en mots la phrase écrite
    Cahier d'exercices Écrire et Lire au CP, p. 37

    ♥ mots à associer en raison d'accords grammaticaux

    CP/CE1 : Segmenter en mots la phrase écrite
    Cahier d'exercices Écrire et Lire au CP, p. 29

    Du début à la fin du CP, continuer à dicter mot à mot, après lecture groupe grammatical par groupe grammatical, pour faire émerger l'idée d'accord. Relire groupe grammatical par groupe grammatical en demandant aux élèves de suivre du doigt les mots (on en profite pour enseigner les accords, c'est-à-dire les expliciter et les faire expliciter mot à mot). 

    → En début de CE1, continuer à dicter mot à mot et ne passer à la dictée groupe grammatical par groupe grammatical que lorsqu'on sait que les élèves ont acquis l'individualisation des mots en toute circonstance (sauf les piédestaux et les boucs émissaires !).

    → Tout au long de l'école élémentaire, pour « recoller » ce que l'écriture caroline a « décollé », créant un manque grammatical certain chez nos petits apprenants (et certains de leurs aînés), multiplier les exercices d'étude de la langue :

    ♥ grammaire : nature des mots ; accords dans le groupe nominal ; accord de l'attribut avec le sujet ; accord du participe passé avec le nom dont il décrit l'action ; analyse grammaticale pour aider à la perception de ces liens entre les mots d'une phrase

    ♥ conjugaison : accord sujet verbe ; emploi des temps étudiés un à un et revus constamment

    ♥ lexique : familles de mots ; expressions imagées et compréhension

    → Tout au long de l'école élémentaire, pour enrichir le lexique et éclaircir le sens des mots déjà connus, et pour habituer l'œil à l'image de ces mots, pratiquer chaque jour la lecture à voix haute, en littérature mais aussi en histoire, en géographie, en sciences, en éducation morale et civique et en arts.

    Tout au long de l'école primaire, penser au chant et à la poésie qui, par leur rythme, aident la mémoire à travailler et emmagasiner des mots de toutes sortes


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