• I. Idées reçues
    Bonjour à mes élèves d'il y a quelques années, âgés à l'époque de 3 à 10 ans...

    Une nouvelle rubrique pour dérouler, chapitre après chapitre, les différentes facettes de l'organisation d'une classe multi-âges, sous toutes les formes qu'elle peut prendre, du simple « double niveau » à la classe unique de village recevant tous les enfants âgés de deux à onze ans qui y habitent.
    N'hésitez surtout pas à poser vos questions, je suis en train de rédiger l'ouvrage, il sera facile d'y ajouter des réponses à ce qui vous préoccupe.
    Bonne lecture et à bientôt.

    La classe multi-âges

    I. Idées reçues

    La classe à plusieurs niveaux dans laquelle les élèves restent plusieurs années, enseignés et éduqués par les mêmes adultes, est le plus souvent celle qui laisse les souvenirs les plus durables aux enfants. Même bien plus tard, devenus des adultes rassis, ils égrènent avec émotion les souvenirs de leur classe, leur école… Il arrive même, allez savoir pourquoi, que les bons souvenirs dominent encore les mauvais lorsque cette scolarité s’est déroulée sous la houlette d’un maître ou une maîtresse tyrannique… Peut-être la cohésion du groupe, assimilé à une fratrie élargie, qui a permis de faire corps et de supporter à plusieurs ce qui était douloureux en tant qu’individu ? Peut-être le fait de n’avoir eu qu’un seul adulte-référent, comme on n’a eu qu’un seul père et une seule mère, qui donne à cet adulte un statut particulier de l’ordre de l’indispensable ?

    Du côté des enseignants, ceux qui ont longtemps enseigné dans ce type de classes les défendent avec détermination. Ils racontent volontiers ces microcosmes où les grands protègent et soutiennent les petits, où des interactions riches et fécondes naissent des programmes scolaires des uns et des autres, où les plus jeunes s’intègrent en douceur et découvrent les apprentissages à leur rythme, ne les mettant en œuvre qu’après les avoir longtemps fréquentés en auditeurs libres

    On y rencontre le petit enfant de cinq ans qui raconte à ses parents qu’il ne se souvient plus de ce qu’il a fait aujourd’hui mais qu’il sait qu’avec le maître, les grands ont appris le Kineski[1]. On s’étonne devant l’élève de début de CE2 qui, lors d’une leçon sur l’évaporation, explique que si l’eau du récipient à col évasé s’évapore plus vite que celle de celui au col étroit, c’est à cause des petits carrés[2]. Si l’enseignant ne cloisonne pas les niveaux et pratique un enseignement réellement spiralaire bien loin de celui décrit dans nos animations à prétention pédagogique, tout ou presque s’y apprend avant même de soupçonner qu’un jour, on aura à le savoir…

    Pourtant, lorsque nos collègues d’écoles dont la taille ne requérait pas jusqu’à ces dernières années ce type d’organisation en parlent, c’est souvent avec mépris, incompréhension et même parfois effroi.

    Les élèves y disposeraient de moins d’attention que dans une classe à un seul niveau et leurs besoins y seraient moins pris en compte. Ils ne bénéficieraient pas des mêmes enseignements, ne pourraient y embrasser l’ensemble des programmes et manqueraient de contacts avec la diversité du monde des adultes. 

    Quant à leurs enseignants, selon eux, ils vivent un calvaire de tous les instants. Arriver à caser jusqu’à cinq ou six fois vingt-quatre heures de présence auprès de sa classe dans une semaine de vingt-quatre heures, c’est impossible ! On s’y épuise sans jamais arriver à réussir le challenge ! Et ce sont tous les élèves qui trinquent : les petits qu’on abandonne à leur triste sort pendant les activités longues nécessaires aux plus grands ; les moyens qui, coincés entre des petits très peu autonomes et des grands dont les enjeux scolaires sont fondamentaux, sont les grands abandonnés du système ; les grands qui, freinés par les plus jeunes qu’on traîne comme des boulets, n’ont pas les stimulations intellectuelles qu’ils auraient dans une classe à un seul niveau !  

    Et si tout cela n’était pas vrai ? Si un maître[3] de classe à niveaux multiples vous laissait pousser la porte de son univers et vous montrait comment, de l’âge de deux ans à l’âge de dix[4] ou onze ans, il mène ses élèves sur le chemin du savoir, des savoir-faire et du vivre-ensemble réunis ?

    Il essaierait autant que faire se peut de vous fournir des emplois du temps, des programmes, des méthodes, des recettes adaptables, modifiables, interchangeables à l’infini pour qu’elles s’adaptent aussi bien aux doubles ou triples niveaux qu’à ceux où, comme un homme-orchestre, il jongle avec ses cinq ou six groupes de bambins tous occupés à des tâches adaptées à leur âge, à leurs connaissances et à leur façon de concevoir le monde.

    Il vous montrerait pourquoi et comment, à l’époque où l’on osait encore sortir les statistiques, les enfants issus de classes multi-niveaux réussissaient tout aussi bien[5] leurs années « collège » que ceux scolarisés en ville, dans des classes à un seul niveau.

    Il tenterait enfin de définir un cadre matériel légal qui garantirait l’égalité de moyens entre ses élèves et ceux des écoles où les enfants sont assez nombreux pour être regroupés par niveaux, dans des écoles dites maternelles ou élémentaires, bien loin de l’école primaire de village où se côtoient, parfois sous la responsabilité d’un seul professeur des écoles, tous les enfants de deux à onze ans de la commune.

    Dans la même série : 

    Tous les chapitres déjà mis en ligne sont répertoriés dans la Table des matières   évolutive que vous trouverez dans la partie Sommaires.

    Notes :

    [1] « C’est facile, tu sais, maman, le Kineski… On dit Kineski a fait ceci ? Kineski court dans le jardin ? Et c’est le sujet ! Le Kineski, c’est celui qui l’a fait ; le Kineski, c’est le sujet du verbe ! »

    [2] Ceux d’un centimètre de côté bien sûr ! Ceux qui ont servi aux élèves de CM à calculer quelles étaient les aires respectives de la surface libre des récipients que nous avions remplis d’un même volume d’eau et placés dans les mêmes conditions.

    [3] Nous allons dire « maître » tout au long de cet ouvrage, c’est un nom commun, neutre singulier, s’adaptant tout autant à la jeune femme débutante qu’au collègue homme à deux ans de la retraite, qu’on se le dise une fois pour toute.

    [4] On arrive souvent avec un an d’avance à l’âge du collège lorsqu’on fréquente pendant cinq ans ou même parfois plus le même enseignant.

    [5] Il semblerait que ce serait même bien mieux… mais je ne veux vexer personne. D’autant que d’autres facteurs entraient en ligne de compte et n’avaient peut-être pas été « pondérés » dans ces études (par exemple stabilité géographique et familiale, stabilité des enseignants mais aussi petits effectifs des cohortes prises en compte).


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  • Pourquoi nos élèves écrivent-ils aussi mal ? (2)
    Merci à Paloma, CP.

    Sur le site Écriture Paris, Laurence Pierson continue d'égrener les causes qui, année après année, ont enferré le problème jusqu'à ce que la solution jaillisse, toujours la même : « C'est trop dur, et puis la tâche, elle est trop triste pour eux[1] ! »

    Aujourd'hui, une cause qui me tient particulièrement à cœur : le saucissonnage des apprentissages, fondamentaux ou pas, en fines tranches tellement minces et subtiles que plus personne n'est capable d'en sentir réellement le goût et que chacun valide, au petit bonheur la chance, sur une vague impression, une sensation de compétence...

    Et comme le temps passe de plus en plus vite[2], que les compétences à valider se multiplient à l'infini, et que, malheureusement, les capacités, elles, doivent nécessairement être globales et transférables pour être utilisables, ce sont les enfants qui souffrent, dans leur corps et dans leur esprit pour l'écriture... Parce que, quoi qu'on dise, même avec tous les PPRE, PAP, PAI ou PPS[3], ce n'est pas drôle de se sentir à la fois manchot et muet. 

    Alors, Mesdames et Messieurs les potentiellement futurs Ministres de l'Éducation Nationale, s'il vous plaît, lisez ceci et voyez ce que vous pourriez envisager pour le prochain quinquennat présidentiel, celui où vous serez, je n'en doute pas, à la tête du Mammouth.
    Et vous, mes chers collègues, lisez aussi et cherchez à voir comment vous pourriez, malgré le carcan de plus en plus étroit dans lequel on vous prie de penser,  dans votre classe, en toute légalité, apprendre à écrire à vos élèves, dans tous les sens du terme, globalement, sans petites cases, pour les mener sans fatigue, sans effort inconsidéré, sans carcan et prêt-à-penser, vers l'Écriture, la vraie, celle qui est à la fois lisible, compréhensible et bien orthographiée.

    Sixième constat :

    Les "compétences" à cocher sur des listes fragmentent les apprentissages

    Septième constat :

     L'apprentissage des règles orthographiques est souvent repoussé à plus tard, permettant à l'enfant d'encoder des erreurs.

    Huitième constat :

    La place de l'écriture manuscrite n'a cessé de diminuer dans nos vies

    Pour ceux qui n'auraient pas vu les précédents :

    Pourquoi nos élèves écrivent-ils aussi mal ? (1)

    Notes :

    [1]  Je remercie Josiane Balasko et toute la troupe du Splendid pour cette réplique culte que je replace aussi souvent que possible.

    [2] Non, je ne reparlerai pas des 24 heures de classe, diluées ou pas sur 5 ou 4 jours ! Il paraît que les enfants d’aujourd’hui ne peuvent en aucun cas supporter ce que leurs parents vivaient bien à leur âge ; une mutation génétique subite et généralisée, sans doute. Ça y est, j’en ai reparlé ! Hmmpf...

    [3]  Sigles abscons visant hélas bien souvent à cacher la poussière sous le tapis et à donner de bonnes raisons pour valider un échec des méthodes en vigueur en rejetant la faute sur l’enfant et sa famille.

     Pour consulter le sommaire de ce blog.


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  • Maternelle : Entrer dans l'écrit

    Souvent, dans l'imaginaire enseignant, faire « entrer dans l'écrit » des élèves de maternelle, c'est toute une histoire...
    Comme on ne souhaite surtout pas démarrer l'apprentissage de la lecture en maternelle tout en voulant faire entrer les élèves dans le monde de l'écrit et les préparer à ce futur apprentissage, on tente désespérément de scinder cette « découverte » de l'écrit en micro-compétences bien individualisées les unes par rapport aux autres, comme si l'on souhaitait tout faire pour empêcher les élèves de créer des liens entre les différentes composantes de l'écriture-lecture.
    On voit ainsi dans les programmes et les livrets d'évaluation des "tirés à part" totalement indépendants les uns des autres :

    1) le « comportement de lecteur » entraîné par des activités de tris, classements, comparaisons à partir d'écrits « vrais » ;
    2) le geste d'écriture entraîné soit par des exercices graphiques visant à assouplir les doigts, soit par des fiches savantes apprenant aux élèves à gérer l'espace graphique et à maîtriser ses composantes statiques et dynamiques ;
    3) la production d'écrits où pour simplifier un tantinet la tâche de nos nouveaux Balzac de 5 ans, on utilise la majuscule d'imprimerie ;
    4) la connaissance de l'alphabet, prétexte à œuvres d'arts visuels du plus bel effet ;
    5) la conscience phonologique, si possible uniquement à l'oral et surtout sans lien avec le déchiffrage censé déconcerter l'enfant de moins de 6 ans[1].

    Or, le but que l'on recherchera l'année d'après, au CP, sera que tous les élèves créent du lien entre ces micro-compétences. De ce fait, ne serait-il pas plus simple, et particulièrement pour les enfants les plus fragiles, de mettre un tout petit peu de concret là-dedans ?

    Pour les points 1 et 3, un peu différents des trois autres dans le sens où ils ne sont en fait accessibles qu'à une personne déjà lectrice et pourvue d'un bon bagage culturel lui permettant de tirer des généralités à partir de ce qu'il connaît déjà, il existe dans la classe une « personne-ressource » qui peut jouer le rôle de lecteur-secrétaire pour les enfants. Est-ce bien nécessaire de demander à un pommier de cinq ans une belle récolte de pommes ou à un jeune apprenti ébéniste de fabriquer seul une table Louis XV ?
    Contentons-nous donc de ce que les élèves savent faire, écouter et parler et enrichissons leur bagage culturel pour qu'un jour, ils aient toutes les clés en main lorsqu'il s'agira d'ouvrir ces portes.

    Les trois autres micro-compétences ne seraient-elles pas beaucoup plus simples à appréhender si on les liait intimement ?

    Il suffirait pour cela de partir de l'écriture d'une lettre, le i par exemple, relativement simple à écrire, à entendre et à distinguer visuellement.
    Les élèves ne sont pas stupides et il y a belle lurette à cinq ans qu'ils distinguent auditivement le son [i] dans les mots, même si, pour quelques élèves d'origine étrangère, il a du mal à être différencié du [é}.
    Pour ceux-ci, un peu de renforcement articulatoire peut être nécessaire si la PS et la MS ne l'a pas suffisamment travaillé. Sous forme de jeux de prononciation, de comptines, cela se fait plutôt aisément.
    Pendant quelques jours, les élèves seraient donc amenés à écrire des i en écriture cursive, à les reconnaître visuellement et les entendre dans des mots oraux.

    Lorsque tous y arriveraient à peu près (ne visons pas l'excellence, notre alphabet ne comportant que vingt-six lettres, les enfants seront amenés à voir et revoir ce fameux « i » quelques centaines de fois dans l'année scolaire, et l'imprégnation aidant, même ceux qui n'en seraient à la fin des exercices qu'à « en cours d'acquisition » auront largement le temps de passer à « acquis" »dans les semaines et les mois suivants), on passerait à une seconde voyelle, puis une troisième et ainsi de suite.

    On pourrait même imaginer, après la lettre i, passer plutôt tout de suite à une consonne, longue de préférence, le m, par exemple.
    Cela induirait dans le cursus une timide apparition des compétences 1 et 3 plus rapide.
    En effet, dès que l'on a ces deux lettres, on peut introduire le mot lu et écrit et donc faire intervenir beaucoup plus rapidement que prévu un embryon de compréhension et de production d'écrit, très modeste il est vrai mais néanmoins tangible. Des prémices ressemblant beaucoup au tout premiers essais de communication orale de l'enfant de 9 à 18 mois qui passe insensiblement des lallations à la période locutoire.

    Les élèves savent écrire et lire les lettres i et m (prononcée « mmmm » par l'enseignant). Il suffit que l'enseignant leur apprenne à les associer à l'écrit pour qu'ils sachent écrire et lire « mi » et « mimi ». Peut-être ne connaissent-ils pas encore le mot « mi », mais n'importe quel enfant de cinq ans met du sens dans le mot « mimi » : « Mimi, c'est le chat de la voisine, la grande sœur Émilie, le tonton Michel ! Et moi, du haut de mes cinq ans, je peux l'écrire et le lire ! »

    Le mécanisme global est enclenché, il n'y a plus qu'à continuer, tout doucement, pas à pas, pour qu'en fin d'année, tous les élèves aient débuté l'apprentissage de l'écriture-lecture et qu'ils puissent sereinement envisager le passage au CP.

    Je sais que je vais faire hurler de rire ou de désespoir ceux qui ici pensent encore que les enfants de cinq ans ont plus de plaisir à faire semblant de savoir pédaler sur un vélo de course qu'à avancer tout doucement mais pour de vrai sur un petit vélo à roulettes, mais je demande humblement aux autres d'oser remettre en cause ce qu'on leur a appris et de se poser honnêtement la question.

    Notes : [1]  C’est en cela que je ne peux pas condamner complètement le travail de Céline Alvarez ces dernières années : il aura au moins eu le mérite de remettre à l’honneur des pratiques ancestrales prouvant que l’enfant de moins de 6 ans peut apprendre à lire simplement en apprenant à écrire. La seule chose qui m'a perturbée à la lecture de son livre, c'est cette insistance à vouloir forcer le destin en faisant de ces « fondamentaux savants » (écriture, lecture, mais aussi numération décimale, techniques opératoires, cartographie et solfège) l'acquis central de chacune des trois à quatre années d'école maternelle.

     Pour consulter le sommaire de ce blog.

    À suivre (nouveaux liens) : Pourquoi nos élèves écrivent-ils aussi mal ?


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  • CE1 : Lecture et expression, module 12

    P'tit Gibus est heureux de vous présenter le chapitre 12 du manuel virtuel « Lecture et expression au Cours Élémentaire » consacré à un des grands moments de la vie d'un enfant, celui où, seul ou en compagnie d'une bande de copains, on décide qu'il est temps d'avoir son chez-soi : une cabane !

    De la hutte de branchages tout juste agencés des petits du CE1 de M. Derien, digne héritière de la botte de paille du premier petit cochon du conte bien connu, à la forteresse bâtie par les Longevernes, rivalisant sans problème avec la maison de briques du troisième, nos élèves vont suivre l'évolution naturelle qui va de la jeune enfance à la presque adolescence.
    Le style des textes racontant ces exploits dignes des bâtisseurs de cathédrale évolue en même temps que les techniques et c'est accompagnés de leur enseignant, qui se tient près d'eux pour les aider et leur transmettre ses connaissances et ses savoir-faire, que nos élèves auront la satisfaction de lire encore un extrait d'une des œuvres de notre Littérature : La Guerre des boutons, de Louis Pergaud.

    Le chapitre se finit par un documentaire scientifique amenant les élèves à découvrir un animal bâtisseur, le castor.

    Quand je vous aurai dit qu'ils feront en cours de chapitre un petit détour par l'univers de la poésie, j'en aurai fini et pourrai passer aux renseignements habituels de cette série d'article :

    NOTA BENE : Je rappelle que je peux vous envoyer le manuel entier, du module 1 au module 11 et que je m'engage à mettre en ligne les modules suivants afin que vous puissiez suivre la progression complète avec votre classe ou votre enfant.
    Je rédige parallèlement un Livre du maître très détaillé que je vous enverrai aussi.
    Enfin, si toutefois vous connaissez un éditeur qui pourrait être intéressé par cet ouvrage un peu hors-norme, n'hésitez pas à me le faire savoir.

    Module 12 : Cabanes

    Manuel de l'élève :

    Édité le 14/08/20 : erreurs de numérotation dans Le Chalet

    Édité le 31/12/20 : La construction de la cabane (3), ¤4 : une carrière perdue s

    Télécharger « Chapitre 12.pdf »

    Guide pédagogique :

    Télécharger « LDM module 12.pdf »

    Dans la même série :

    A) Lecture Année 1 :

    Module 1

    Modules 2 et 3

    Modules 4 et 5

    Module 6

    Modules 7 et 8

    Module 9

    Module 10

    Module 11

    ...

    Module 13

    Module 14

    Apprendre à lire au CE1

    Annexe 2 : Rédaction collective d'une phrase

    B) Lecture Année 2 :

    Lecture et Expression, Année 2 (1) ; En cours de rédaction

    C) Dictées :

    CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (1) ; CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (2) ; CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (3)

    D) Foire aux questions :

    CE : Utiliser Lecture et Expression (FAQ 1) ; LECE: Comment faire en CE1 CE2 ? ; CE1 : Lecture et Expression au quotidien

    Nouveautés :

    Pour consulter le sommaire de ce blog.

    Deux nouveaux constats expliquant pourquoi nos élèves écrivent aussi mal.


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  • Autonomie ? Évaluations ? Non merci !
    Mille mercis à Jacques Risso d'illustrer ainsi mon propos !

    En cette période préélectorale, les sirènes néolibérales chantent en chœur leurs douces mélopées et promettent elles aussi des lendemains qui chantent pour l'École...
    Mais, pour qu'ils chantent ces lendemains, à les écouter, il n'y aurait qu'une seule solution : la révolution !

    L'Éducation Nationale, cette vieille dame qu'on a tout fait pour rendre indigne, est bien trop cacochyme pour se rénover. Il est temps d'oser la bazarder. Comme on bazardera l'hôpital. Et comme on a bazardé la poste, les ressources énergétiques, les infrastructures routières et ferroviaires, la gestion des forêts nationales, tous ces trucs qui, vous en conviendrez... ou pas, fonctionnent tellement mieux maintenant que l'État les a refourguées à d'autres.

    Sous prétexte d'autonomie, ça fait toujours son petit effet, refilons donc les écoles à « qui-n'en-veut ».  Et, pour rassurer tous ceux qui prendraient ça pour un abandon en rase campagne, certifions qu'on va les aider à réaliser des exploits en leur promettant de les é-va-luer ! C'est ça qui va être novateur, non ?...

    Non ? Ah bon ? Ça se fait depuis trente ans; dites-vous ? Vous me la baillez belle, là ! Expliquez-moi ça, un peu, pour voir...
    Mais bien sûr, avec plaisir ! Les vieilles badernes, ça sert à ça...

    Autonomie des établissements

    L'autonomie pédagogique, tout d'abord... Qui pourrait être contre ? Tout professeur des écoles qui a déjà été ennuyé par un collègue, directeur ou non, un IEN, un DASEN, un parent d'élève ne peut qu'adhérer à cette proposition.
    Là où ça se corse, c'est que, pendant qu'il ouvre grand la porte à cette décision de bon sens, discrètement, par la porte de derrière, voilà qu'on l'assortit d'une autonomie de recrutement qui « nous » promet la possibilité de choisir « nos » collègues de travail que « nous » recruterions en fonction de leur adhésion à « notre » projet.

    Là, le professeur des écoles se dit qu'il y a comme un truc... Qui est ce « nous » ? Ne serait-ce pas les EPEP qui pointeraient à nouveau le bout de leur nez ? Avec leur conseils d'administration composés à 50 % de représentants des collectivités locales, 30 % de représentants des personnels et 20 % de parents ou de personnalités locales, parmi lesquelles les représentants d’entreprises privées du territoire !
    Et il s'exclame :

    Bienvenue au pays des Bisounours où tout le monde est gentil et souhaite œuvrer au mieux pour le bonheur de tous ! Cette autonomie des établissements, c'est la fausse bonne idée par excellence ! Celle qui va faire capoter toutes les autres, mêmes les meilleures...
    C’est la culture de l’autonomie, par le biais du Projet d’école, et celle de l’évaluation érigée en but ultime qui ont tué l’École publique, qui ne bouge plus qu’à peine, se contentant de reproduire et accentuer les inégalités de départ. Parachevons cette œuvre et elle sera sauvée ? Ne me faites pas rire, j'ai les lèvres gercées, dit souvent une de mes amies...

    Autonomie pédagogique, tout à fait d’accord. Mais si et seulement si elle est accompagnée et préparée : on ne peut pas passer de la méthode unique, imposée par la hiérarchie, à la pluralité des approches sans information ni formation, du haut au bas de l’échelle.
    Par ailleurs, cette autonomie n’est réelle que si elle est individuelle car rien n’est plus inefficace qu’un enseignant sommé d’adhérer à une méthode qui ne lui convient pas.

    Autonomie de recrutement ? Et comment feront les communes et départements déshérités ? Ils iront à la foire à l’encan recruter des pédagogues comme dans la Rome antique ? Ou ils récupéreront les rogatons comme en Seine-Saint-Denis l’an dernier ? Nous serons vite en plein cauchemar si l’enseignement se trouve soumis aux lois de l’ubérisation ! 
    Et puis, qui écrira ces projets auxquels les candidats auront envie d’adhérer et sur quelles bases ? Qui nous prouve que le recrutement et la rémunération ne seront pas entachés de copinages, népotisme et abus de pouvoir de tous ordres ? Le règne des petits chefs n’est pas assez puissant qu’on veuille encore l’accentuer ? Il n’y a pas assez de démissions de professeurs ?

    L’autonomie des établissements, c’est le règne des copains, la soumission des enseignants aux volontés d’un conseil d’administration dont plus de deux tiers des membres n’ont aucune idée de ce que c’est qu’enseigner.
    Cela revient à offrir l’École à la dictature des gros sous, des coups médiatiques, des petits chefs et du favoritisme. Ce sont les travers du Conseil d’école ou d’Établissement multipliés par cent.

    Tout au contraire, c'est à l’État de fixer des lignes directrices claires et constantes, d'aider à les appliquer en tous points du territoire, pour garantir à tous les enfants la même qualité d’enseignement. Liberté pédagogique oui, abandon en rase campagne, non !

    Culture de l'évaluation

    Et quand ce pauvre professeur des écoles apprend qu'en contrepartie de cette pseudo-autonomie, déjà largement contrôlée, on estime qu'il faudra surveiller son sens des responsabilités et pour cela soumettre ses élèves à  plus d’évaluation[1], il se couche et il pleure de désespoir : comment peut-on encore croire à ce pilotage par l’évaluation ?

    Il suffit de reprendre les premières Évaluations Nationales, publiées en 1989, et de les comparer à celles de 2005 ou 2006, par exemple.
    Rien qu’en les soupesant, il est facile de constater que cette culture de l’évaluation ne garantit en rien la quantité des savoirs transmis. Si en plus, on prend la peine de les feuilleter, on réalise facilement que la qualité n’est pas non plus forcément au rendez-vous et qu’il est facile de cacher la poussière sous le tapis ou de dissimuler la fièvre du malade, simplement en changeant l’étalonnage du thermomètre.

    Depuis bientôt 30 ans que les élèves français sont évalués sur toutes les coutures, à la fois par leur école, leur département, leur académie, leur nation et même le monde entier, le niveau n’a jamais autant baissé.
    Si cela n’est pas la preuve que, publiés comme au bon vieux temps de Stakhanov ou restés secrets dans les coffres-forts du Ministère, les résultats de cette « évaluationnite galopante » ne sont en aucun cas les garants d’un enseignement de qualité, je ne sais pas ce qu’il vous faut...

    C’est d’enseignement, mélange d’éducation et d’instruction, dont nos élèves ont besoin, pas de tests visant à mesurer ce que l’École n’a pas pu patiemment leur apprendre faute de temps, de méthodes et de programmes adaptés.

    C’est de formation de ses professeurs dont l’École a besoin, de revalorisation de cette profession de plus en plus méprisée par tous, de soutien indéfectible de l’État face aux attaques qui la broient, de certitudes qu’elle sera aidée, appuyée, protégée et que les « marchands du temple » qui cherchent à l’investir de toutes parts en seront chassés.
    Elle n’a pas besoin de la charité des entreprises qui, ici ou là, financent l’installation d’une classe d’inspiration Montessori dans une école publique ou la création de quelques classes hors-contrat dans des quartiers difficiles et le font savoir par voie de presse.
    Elle a besoin d’un grand plan national, à long terme, visant à aider chaque membre de son personnel à assumer au mieux sa mission et chacun de ses élèves à s’élever au plus haut de ses capacités.

    Réservons donc l’évaluation à l’État et voyons s’il utilise toutes ses compétences afin qu’en tous points du territoire, l’École remplisse à nouveau la mission pour laquelle elle a été conçue : éduquer pour instruire et instruire pour éduquer.  

    Dans la série « Élections Présidentielles, les vraies-fausses bonnes idées » :

    Le CP dédoublé

    La maternelle obligatoire

    L'uniforme à l'école

    Notes :

    [1]  Certains vont même jusqu’à pousser le vice jusqu'à expliquer qu’en publiant au grand jour ces résultats, tout le monde saurait où il vaut mieux inscrire ses enfants... Un petit peu de concurrence, n’est-ce pas, voilà qui devrait moraliser tout ça et remettre les enfants et leurs maîtres au boulot !

    Et pour consulter le sommaire de ce blog


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