• CP : Écriture graphémique (5)

    Il y a environ huit mois, en juin 2018 pour être précise, j'ai décidé de proposer à mes collègues quelques exercices quotidiens, dits « rituels », à utiliser dans leurs classes pour compléter une méthode de lecture insuffisamment graphémique.

    Vous savez : une de celles qui privilégient tellement le contact avec l'objet-livre  qu'elles en oublient que pour pouvoir profiter en toute autonomie de la richesse du patrimoine littéraire de notre belle planète, il faut être capable d'en décoder soi-même les textes, au moins dans leur version traduite.

    Un peu plus tard, j'ai pensé que pour ceux qui souhaiteraient abandonner totalement ces méthodes qui ont hélas fait la preuve de leur faible rendement, il serait bon de présenter des exercices d'écriture à mener en plus des rituels de lecture de manière à ce que, combinés les uns aux autres, ils constituent une vraie...

    Méthode d'écriture-lecture
    à départ graphémique

    Mon exigence était que cette méthode, comme toutes celles que j'ai utilisées au cours de ma carrière, avance à petits pas, en ne négligeant jamais ni la rigueur de la combinatoire ni l'exigence du sens.

    En effet, me connaissant bien, je savais que jamais je ne pourrais me satisfaire ni d'une méthode qui pense avant tout à présenter aux enfants des histoires lues par l'adulte et envoie au CE1 des cohortes entières d'enfants non-lecteurs, ni d'une méthode qui, comme le proposent certains, s'enorgueillit de respecter rigoureusement la progressivité d'un protocole composé d'étapes successives étanches (première étape : un apprentissage des correspondances graphèmes / phonèmes, présentées l'une à côté de l'autre, sans chercher à y mettre quelque sens que ce soit, suivie d'une deuxième étape : un travail sur les syllabes et les mots, toujours plus ou moins privés de sens, et enfin, seulement lorsque l’aisance est suffisante, la troisième étape qui propose enfin la lecture de textes, sous le couperet de la « fluence », sinon ce serait trop fun !)...

    Pour moi, adopter l'une ou l'autre de ces deux extrêmes, c'est un peu comme si d'un côté, on précipitait un enfant n'ayant jamais chevauché un vélo dans la montée de l'Alpe d'Huez ou la descente du Mont Ventoux, et, de l'autre, si on lui imposait d'abord d'apprendre à nommer les différentes parties de cette bicyclette, jusqu'à ce qu'il puisse les citer sans hésitation, en moins d'une minute chrono, puis qu'on lui apprenait, sur un vélo factice, à manipuler guidon et roue avant, selle et pédales, frein et roue arrière, guidon et main droite lâchée et pourquoi pas, même si cela ne lui servirait jamais à rien, guidon et roue arrière, pédale et pneu avant ou selle et avertisseur sonore avant d'enfin, « seulement lorsque l'aisance est suffisante », lui permettre d'utiliser ce vélo, en vrai, dans la nature (mais toujours avec le chronomètre sous les yeux...) !

    C'est pourquoi, qu'en plus du son – les correspondances graphèmes/phonèmes tellement mises de côté par les premières méthodes – il a toujours été évident pour moi que ma méthode présenterait du sens dès le deuxième jour de classe, de manière très humble au départ (un, puis deux et enfin quatre prénoms la première semaine, quelques courtes phrases, toujours entièrement déchiffrables, pendant la deuxième) mais très vite pour lire des véritables histoires, de plus en plus proche du patrimoine littéraire. 

    Cette évidence se trouvait renforcée par les conclusions des études internationales, cherchant toutes à vérifier que la lecture automatisée ne va pas sans la compréhension et par mes quarante ans d'expérimentation, pendant lesquels j'ai pu constater, tant chez mes élèves que chez ceux de mes collègues, que lorsqu'on privilégie l'une au détriment de l'autre, on va moins vite, moins bien et moins loin que lorsqu'on jumelle constamment les deux.

    De fait, ceci impose clairement de jumeler les deux apprentissages, lecture et de écriture. Parce que, c'est bien connu, il faut que ce soit du vrai de vrai si l'on veut convaincre Toto que la lecture, c'est intéressant. Il faut qu'il voie par lui-même et quotidiennement que, quand il aura appris, tout le monde pourra connaître son opinion, sa vie et son œuvre  !

    Vous, les vrais collègues, pas ceux des livres et des experts, vous le connaissez, l'ami Toto, et sa copine Moi-je. Ces deux-là viennent à l'école pour parler d'eux, pour se faire voir, et ils se fichent tout autant de l'histoire de la maman qui a peur de la rentrée des classes, que de l'art et la manière de distinguer et nommer les litanies de a m l f o b k qui font les têtes bien pleines, mais pas toujours bien faites.

    Ceux-là, pour les capter, ce qu'il leur faut c'est du :

    À l'école, Toto a vu le vélo et il l'a pris.

    et du

    La robe de Moi-je est encore plus belle que la robe de Cendrillon.

    Et nous les capterons d'autant mieux que ce seront eux tout seuls qui auront écrit ces informations capitales.

    Alors la méthode enseigne l'écriture, qui, comme la lecture, s'autonomisera pas à pas. Pas l'écriture des listes de mots qu'on recopie servilement pour faire semblant d'être capable de franchir le col du Tourmalet des écrivains dès les premières semaines de CP, ni celle, à peine effleurée, en majuscules d'imprimerie, par les amateurs de pédagogie du claquoir à la mode 1850... 

    Ici, nous partons de l'apprentissage des gestes d'écriture nécessaires à l'écriture de chacune des lettres qu'ils apprennent à combiner (apprentissage que je préférerais voit traiter en GS, mais bon, nous ne pouvons rien imposer à nos collègues, ni à leurs IEN). Nous avançons tout doucement, avec beaucoup d'aide et de répétition, sans jamais se laisser tenter par l'évaluationnite qui gangrène l'École Primaire depuis trop longtemps, d'encodages en encodages, de faits de langue en faits de langue.

    Et maintenant, nous en arrivons à cette toute dernière partie de l'apprentissage de l'écriture-lecture, en début de troisième trimestre, pour ces quelques graphies rares que, bien souvent, les collègues négligent « parce que, même si on les étudie, elles auront été oubliées quand ils arriveront au CE1 ».

    Nous, nous les étudierons. Parce que cette affirmation n'est qu'à moitié vraie ; l'écriture en sera en effet très souvent oubliée mais la lecture, du moment où elle est accompagnée du sens, sera toujours là, même après deux mois de vacances. À peine faudra-t-il parfois redire : « A.I.L, ça se lit [aj]... Quand un mot finit par T.I.O.N, la lettre se lit le plus souvent [s]... » pour que l'élève relise correctement le mot qu'il peine à déchiffrer. 

    Et puis, parce que la mémoire visuelle et la mémoire auditive, exercées toutes deux aussi souvent que possible pour des graphies aussi rares, feront bien mieux leur travail si elles ont été sollicitées que si on leur a épargné tout contact avec ces raretés. Surtout si les exercices que nous avons programmés font eux aussi appel à leur intelligence, à leur réflexion et à leur plaisir d'échanger entre enfants et enseignant, autour de contes, de comptines et de poèmes, de jeux de langage et d'habitudes d'écriture.

    Les contes, les comptines et les poèmes, vous les trouverez dans la partie CP : Rituel d'imprégnation graphémique (5), avec quelques exercices de réflexion sur le langage et les habitudes d'écriture.

    Mais l'essentiel de ce travail de réflexion aura lieu pendant les deux fois 10 à 15 minutes, placées l'une le matin et l'autre l'après-midi, juste après les séances de lecture. Et il sera mené en groupe-classe, autour des dictées réussies et des exercices quotidiens d'observation réfléchie de la langue écrite proposés dans le guide.

    Je rappelle une dernière fois la nécessité du collectif vrai, celui qui réunit tout le groupe-classe et est fait d'échanges entre enfants, entre enfants et adulte et entre adulte et enfants et pendant lequel tout le monde écoute tout le monde.

    Je rappelle aussi la nécessité de réussite. Rome ne s'est pas faite en un jour et tout le monde n'a pas la chance d'avoir à la maison des parents disponibles et pédagogues pour assurer l'essentiel, pendant que l'école n'a plus que la charge de l'évaluation.
    Une dictée au CP, c'est tout le monde sur le pont, en train de se demander s'il y a un seul avion à réaction qui survole le terrain d'aviation, si le nom des girafes s'écrit toujours avec la lettre F même après qu'on a appris que celui de l'éléphant s'écrit avec PH, ou encore si le portefeuille obéit à la règle du masculin des noms en ail, eil, ouil, euil, ou au nom feuille, chef de sa famille de mots.
    Ainsi, la correction est finie au moment où chaque élève écrit le point final et tout le monde, même les élèves faibles, a compris au moins provisoirement que le respect de l'orthographe aide à la compréhension.

    Maintenant je vous laisse regarder les exercices, avant de vous donner les liens vers les autres volets de la méthode.

    Les guides hebdomadaires d'activités d'écriture :

    A) Période 5 - Semaine 1 :

    Télécharger « Écriture P5 - S1.pdf »

    B) Période 5 - Semaine 2 :

    Télécharger « Écriture P5 - S2.pdf »

    C) Période 5 - Semaine 3 :

    Télécharger « Écriture P5 - S3.pdf »

    Dans la même série :

    A) Lecture :

    CP : Rituel d'imprégnation graphémique (1) ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (2) ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (3) ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (4)  ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (5)

    B) Écriture :

    CP : Écriture graphémique (1) ; CP : Écriture graphémique (2) ; CP : Écriture graphémique (3)CP : Écriture graphémique (4) ; ...

    C) L'ensemble du travail, compilé en méthode de lecture :

    CP : Méthode de lecture "Nino et Ana" ; CP : Méthode Nino et Ana : cahier 2CP : Méthode Nino et Ana : cahier 3CP : "Nino et Ana", production d'écrits ;

    Et pour ceux qui préfèrent un manuel :

    Je vous propose Écrire et Lire au CP, une méthode graphémique joliment illustrée par un artiste et qui n'oublie ni l'étude rigoureuse du code, ni les joies de la compréhension dès les premiers jours de classe, ni l'imprégnation littéraire dès que cela est possible.

    Vous pouvez la commander directement chez l'éditeur ou en passant par cet onglet : Contact
    Dans ce cas, je me ferai un plaisir de joindre à mon envoi au prix éditeur (13,50 € les deux livrets plus 5,82 € de frais de timbres) le matériel gratuit présent sur ce blog.

    CP : Écriture graphémique (5)


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  • Écriture : Les majuscules

    Apprendre à écrire les majuscules, cela se fait le plus souvent au CE1, mais parfois aussi au CE2 quand cela n'a pas été fait avant. Il arrive même couramment qu'avec des élèves initiés dès la GS à l'écriture cursive, on puisse démarrer cet apprentissage dans la deuxième moitié de l'année de CP.

    Voilà, c'est tout ce que j'avais à raconter et expliquer puisque Laurence Pierson a fait la suite à ma place.

    Je vous donne donc juste quelques liens qui vous permettront de :

    1. vous renseigner sur la structure, le choix de la police, le parti-pris pédagogique de ce cahier : Présentation du cahier CE1-CE2

    2. feuilleter l'ouvrage entier en ligne : Cahier CE1-CE2

    3. consulter le site de Laurence Pierson et y découvrir des conseils pour les enseignants, du matériel à utiliser en classe ou en APC ou les dates de ses prochains stages pour les PE de maternelle et d'élémentaire : Écriture Paris

    4. découvrir tous les cahiers de la collection : catalogue MDI écriture

    Quand j'aurai ajouté à cela qu'un cahier Maternelle, réservé aux élèves de Grande Section, est prévu pour cet été, je n'aurai plus qu'à envoyer cet article que je ne pourrai malheureusement pas citer sur Facebook, puisque les blogs hébergés chez Eklablog n'y ont de nouveau plus droit de cité.


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  • GS/C2/C3 : Compter sur ses doigts

    Grande question du jour : Pouvons-nous laisser les élèves calculer en utilisant leurs doigts en début d'apprentissage ou cela risque-t-il de leur donner de mauvaises habitudes qu'ils n'arriveront pas à perdre plus tard ? 

    Oui, nous pouvons et même nous devons laisser les élèves calculer avec les doigts, surtout à en début d'apprentissage ou lorsque nous récupérons des élèves plus grands qui calculent 7 + 4 (ou plutôt G + ♦ ♦ ♦ ♦ ) en surcomptant, que ce soit sur la file numérique ou sur leurs doigts : « G... H I J K » et parfois même « A B C D E F G... H I J K » ou, si vous préférez : « 7... 8 9 10 11 » et parfois même « 1 2 3 4 5 6 7... 8 9 10 11. »

    Cependant, il faut que nous gardions bien les enjeux à l'esprit et que nous leur apprenions à rendre ce travail utile pour la suite. 

    Car il ne s'agit pas de les précipiter prématurément dans des techniques élaborées de calcul mental, des récitations de mots dépourvus de sens profond, des montages de réflexes de type Pavlovien, ce qui ne manquerait pas, comme pour la fluence de lecture introduite trop précocement, de fabriquer des têtes bien pleines mais pas forcément bien faites dans le meilleur des cas et des dys-machin-trucs lorsque nous les imposerions à des enfants fragiles, manquant de confiance en eux ou trop éloignés de la chose scolaire pour pouvoir griller ainsi les étapes essentielles de leur construction mentale mais aussi affective.

    Premier enjeu : la permanence de la quantité.

    Souvent, en maternelle, les petits enfants ne font pas le lien entre 2 doigts, 2 chaussures, 2 cubes, 2 ronds de couleur, etc. Ils restent dans l'appréhension sensorielle de l'objet et ont de la peine à concevoir que, quels que soient les objets qu'on utilise, la quantité 2 reste toujours 2.

    De la GS au... CM2, parfois, hélas... il convient d'avancer à petits pas dans ce domaine, jusqu'à arriver à l'abstraction complète qui permettra, dans les grandes classes, d'imaginer les grands nombres sans avoir besoin de manipuler des centaines de milliers de trombones, perles, cubes ou morceaux de papier découpé, de s'y retrouver rapidement dans les nombres décimaux, simplement après quelques exercices concrets utilisant la monnaie, les mesures de longueur, de masses, de contenances puis d'aires et de volumes, de concevoir les fractions, qu'elles soient inférieures ou supérieures à 1, en se dégageant rapidement des parts de pizzas, des horloges, des portions de figures planes, etc.

    → Pour cela, nous nous attachons à varier les représentations concrètes : doigts mais aussi bûchettes, bouliers, perles Montessori, réglettes Cuisenaire, boîtes de Picbille, cubes emboîtables, plaques Herbinière Lebert, monnaie, masses marquées, récipients variés, ..., de façon à ce que les enfants prennent peu à peu conscience du fait que le matériel, quel qu'il soit, leur montre toujours la même chose

    Deuxième enjeu : Passer à l'abstraction

    Si le tout jeune élève, jusqu'au début de la GS, a besoin de l'objet qu'il peut toucher, déplacer, manipuler, comparer pour comprendre, celui qui est en train d'éclore chez les enfants de 5 à 7 ans doit petit à petit se dégager de cette obligation de passer par le toucher, la vue ou l'ouïe pour concevoir le nombre.

    Tout au long de l'école primaire, cette plongée dans l'abstraction restera bien modeste et il est illusoire de croire, comme le faisaient les « mathématiques modernes » dans les années 1970, qu'un élève de moins de 12 ans saura se dégager suffisamment du calcul concret pour raisonner sur le nombre et ses règles d'écriture et de calcul, en utilisant d'autres systèmes que la base dix et les chiffres arabes par exemple.

    Nous resterons donc « sur le plancher des vaches » et nous contenterons de dévoiler à nos élèves le grand secret des mathématiciens, car il a toujours beaucoup de succès dans les classes, qu'elles soient composées de petits enfants de 5 à 7 ans ou de presque préadolescents de 10 à 12 ans :

    Le grand secret des mathématiciens

    Figurez-vous, chers enfants, que les plus grands paresseux du monde, ce sont les mathématiciens. Dès qu'ils peuvent trouver une technique qui leur permet de moins se fatiguer, de moins réfléchir, de moins écrire, hop, ils sautent dessus et s'y entraînent pour que son utilisation devienne la moins fatigante possible... Et ils la gardent jusqu'à ce qu'ils en trouvent une autre, encore moins fatigante, encore plus rapide et encore plus facile...

    C'est comme cela qu'ils ont inventé, utilisé, adopté et même amélioré ces techniques-là (et bien d'autres encore que vous apprendrez plus tard) :

    ♥ les chiffres arabes, qu'ils ont préférés aux chiffres romains, égyptiens ou autres, parce qu'ils étaient plus rapides à écrire, plus faciles à dessiner et qu'avec 10 signes différents seulement, on pouvait écrire tous les nombres, presque jusqu'à l'infini, simplement en rangeant quelques signes de droite à gauche, toujours dans un même ordre, très facile à retenir

    ♥ les signes opératoires qui évitaient d'avoir à écrire des longues histoires à chaque fois qu'ils voulaient expliquer leurs calculs

    ♥ le calcul mental qui permettait de garder ses mains dans ses poches quand il faisait froid ou de continuer à tenir leurs outils de travail ou de jeu, même s'ils avaient un besoin urgent de savoir combien faisait ça plus ça, ça moins ça, ça fois ça ou encore ça divisé par ça... 

    ♥ et enfin... la mémoire !... Vite vite, dès qu'ils remarquaient quelque chose qui donnait toujours le même résultat, ils s'empressaient de ranger ce résultat dans un coin de leur cerveau. Ces petits rangements, bien classés par familles, leur permet de ne plus avoir à faire de longs calculs compliqués. Maintenant, ils les ont toujours sur eux et ils peuvent les ressortir mille fois plus vite que la vitesse de la lumière !

    Ce que ces mathématiciens ont fait, vous pouvez aussi le faire, tranquillement, petite idée après petite idée, juste pour moins vous fatiguer, moins avoir besoin de tout recompter sans arrêt tout en restant sûrs de vous. Vous recevrez alors la médaille d'or du meilleur mathématicien, celui qui sait tout sans jamais se creuser la cervelle inutilement.

    → Pour cela, nous leur apprenons à se passer de leur matériel (doigts, boulier, etc.) pénible à sortir et long à manipuler grâce à l'imagination : « Fermez les yeux et imaginez 3 doigts (ou tout autre matériel cité plus haut), rajoutez-en 2 et encore 1, c'est-à-dire 3. Combien voyez-vous de doigts levés (ou tout autre matériel cité plus haut) dans votre imagination ?... »

    Nota bene : Lorsque le domaine numérique ne dépasse pas 10, passer par 5 est fondamental, comme il sera fondamental ensuite de passer par 10. Au début, procédons nous-mêmes à la décomposition du deuxième terme de la somme (ou du retrait) pour que les élèves prennent l'habitude de « compléter (ou revenir) d'abord (à) la première main ».

    → On peut aussi se servir du rituel du Jeu de la Boîte. Il suffit d'une boîte opaque, dans laquelle l'enseignant place 3 billes puis encore 2 et 1 (toujours le passage par 5, ritualisé par l'enseignant).

    La difficulté sera alors d'empêcher momentanément les élèves de se servir de leurs doigts, même imperceptiblement, pendant que nous manipulons les billes et la boîte.

    Troisième enjeu : Soulager la mémoire de travail

    Pour que nous puissions tenir un raisonnement cohérent, pour réussir à nous organiser, planifier une action, tout ceci sans avoir besoin de matériel concret, il nous a fallu tout d'abord engranger de nombreux souvenirs : des mots (le nom des nombres, des signes opératoires, ...) mais aussi des épisodes marquants de notre vie qui, par les sensations qu'ils nous ont procurées, nous ont donné des repères (numériques et opératoires, dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui).

    Plus ces souvenirs étaient prégnants, mais aussi agréables et joyeux, et plus ces repères se sont ancrés facilement et durablement dans notre esprit. Nous comptons maintenant sans même y penser et nous avons une idée claire des nombres usuels et des opérations qu'ils permettent.

    Nos élèves n'en sont pas là, surtout dans les petites classes ou dans les grandes classes de l'élémentaire, lorsque jusqu'à maintenant, ils ont surtout été invités à faire semblant de compter et calculer (la file numérique que l'on tapote du doigt en récitant une comptine absconse, le matériel unique qu'ils manipulent parfois en virtuose mais qu'ils n'ont pas eu l'occasion de relier avec la « vraie vie », celle de tous les jours où ils comptent pourtant constamment – des billes, des copains, du temps qui passe, les cuillères de soupe pour papa, pour maman, pour le chien Toto et pour le poisson rouge, etc. – les tables d'addition puis de multiplication que l'on apprend par cœur avant même d'avoir eu le temps d'en éprouver l'utilité, les procédures de calcul mental installées en 3 petits exemples et puis « automatisées » en une demi-page souvent largement illustrée, les « leçons » à apprendre à la maison dont le style littéraire déroute plus qu'il n'aide, suivies de leurs évaluations « dénarcissisantes » pour tous les enfants qui n'ont pas eu la chance de tomber dans la marmite de potion magique quand ils étaient petits, ... ).

    S'il y a une compétence que l'école devrait s'employer à installer dans leur esprit de manière à ce qu'ils l'apprécient, c'est l'art et la manière de mettre en mémoire les savoirs et connaissances qu'elle est chargée de leur transmettre.

    Non, ce n'est pas aux parents qu'il revient de faire apprendre par cœur les tables, comme je l'ai lu récemment, mais bien à nous, les enseignants. Nous devons absolument leur créer cet univers dans lequel, ils pourront, comme nous, accumuler des souvenirs prégnants, agréables et joyeux qui leur permettront de ne plus avoir à consacrer un temps infini à compter sur leurs doigts, sur leurs bouliers ou avec leurs « file numérique mentale », espèce d'alphabet interminable qui permet, si l'on est patient et concentré, de trouver combien font 9 fois 9, en récitant à mi-voix la suite des nombres de 0 à 81 (ou 80... ou 82... pour peu qu'on ait été distrait en chemin) !

    → Pour cela, nous multiplions les exercices d'entraînement brassant et rebrassant les mêmes quantités, et, dès la GS ou le CP, très  souvent, nous faisons appel à leur mémoire : « Rappelez-vous, hier, nous avons compté 3 + 3, en imaginant nos doigts... Qui s'en souvient ?... Qui saurait dire le total sans se servir ni de ses doigts, ni des images de doigts dans son imagination ?... »

    → Nous leur apprenons aussi à se servir d'un résultat déjà connu pour en deviner un autre sans matériel, ni création d'images mentales : « Vous vous souvenez que 3 + 3, c'est égal à 6 ?... Alors, quelqu'un saurait-il me dire combien font 3 + 2 ?... Et 3 + 4 ?... Pourquoi ?... »

    A ce moment-là, surtout dans les petites classes, en GS, au CP, ou même dans les classes supérieures lorsque les élèves ont appris à surcompter sur leurs doigts ou sur la file numérique sans se représenter concrètement les quantités, il est important que leur « preuve » soit étayée par le concret, les doigts, les boules du boulier, etc.

     

    → Nous les encourageons alors à montrer (démontrer ?) sur leurs doigts, leur boulier, avec leurs bûchettes, leurs perles ou leurs plaques qu'ils ont bien raison et que cette nouvelle technique, plus rapide, plus économique, plus sûre est bien une procédure de mathématicien...

    Cette habitude de réfléchir sur les quantités et de déduire des régularités de la répétition de cas similaires s'installera d'autant mieux si nous commençons tôt et sur un champ numérique restreint et facilement visualisable (c'est pourquoi je déconseille les méthodes qui en GS ou au CP traitent d'un coup le cas de plusieurs nombres, que ce soit de 1 à 30, de 1 à 9 ou même de 1 à 5).

    → Nous travaillons alors ces procédures construites et vérifiées en commun quotidiennement en classe jusqu'à ce qu'elles deviennent des vrais souvenirs, automatisés et inconscients, qui leur permettront de les appliquer et les réitérer de manière automatique

    Nous libérons ainsi leur mémoire de travail pour des tâches plus nobles qui, à leur tour, créeront de nouveaux souvenirs agréables et joyeux qui leur permettront d'acquérir de nouveaux savoirs, de nouvelles compétences, de nouvelles connaissances.

    Ce sera le moment de leur donner cette procédure à montrer (petites classes : GS et CP) ou à réviser à la maison (du CE1 au CM2), juste pour réactiver la mémoire et pour l'ancrer dans la vie sociale, comme un outil utile partout, à l'école comme hors ses murs.

    Nos élèves ne tarderont pas alors à se passer de leurs doigts aussi souvent que possible, ne faisant appel à eux que lorsqu'ils se trouvent dans une situation qui les déroute, pour se rassurer, tout comme un tout petit revient à la quadrupédie lorsqu'il a peur de tomber s'il reste seulement sur ses deux pieds, sans aucun filet de protection. Ils auront appris à s'en passer à petits pas.


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  • Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Merci à Jacques Risso.

    L'ÉCOLE RURALE,

    HISTOIRE SANS PAROLES

    ... ou presque...

    (suite)

    Ouverture culturelle

    Arts, spectacle vivant, patrimoine culturel,
    découverte du milieu,
    création, éducation physique

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (1)
    Autoportraits, d'après La Joconde... (GS/CP/CE1)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (1)
    Création musicale et théâtrale en école primaire à 3 classes (Cycle 1, cycle 2, cycle 3)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (1)
    Atelier « cirque » avec un intervenant extérieur (GS/CP/CE1)

    Sorties Patrimoine :

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Au château de Grignan (CP/CE1)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Visite d'un village médiéval

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    À Lyon (2 classes, CP/CE1 et CE2/CM1/CM2)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Et l'un des comptes-rendus (classe de CP/CE1)

    Sorties Nature
    Interdisciplinarité

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Au bord du ruisseau

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Dans la colline  

    Sorties sportives
    de la TPS au CM2

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Les Petits dans leur filet

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Les Moyens à l'assaut des cimes

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)
    Les grands qui flirtent avec les nuages.

    Et je vous passe, parce que je n'ai plus les photos : les rencontres d'athlétisme, les cross inter-écoles, les sorties ski de fond, ski alpin et luges pour les tout-petits, les ateliers Bricolage avec les parents, les échanges avec les correspondants, les semaines de classes de découverte, les journaux de classe et d'école, les programmes École et Cinéma, et tant et tant d'autres choses...

    Après ça,
    le premier qui ose encore me dire
    que l'école rurale vivote
    et qu'il convient de rassembler tout ce petit monde dans des Fermes aux Mille Gosses,
    je crois que je lui fais
    une tête de Carmentran !

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)

    Si vous ne l'avez pas vu, vous pouvez aller jeter un petit coup d'œil au volet 1 de cet article : Plus mon petit Liré que le mont Palatin (1)

     


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  • Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Merci à Jacques Risso.

    L'ÉCOLE RURALE,

    HISTOIRE SANS PAROLES

    ... ou presque...

    Éducation morale et civique:

    interactions entre pairs, coopération, échanges, différenciation, entraide, organisation,
    créativité...

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Œuvre collective (TPS/PS/MS/GS/CP/CE1/CE2/CM1/CM2)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Et si on se construisait un vaisseau spatial ?

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    « Tu m'aides à lire ? »

    Apprentissages fondamentaux :

    Niveau scolaire, coopération, échanges, entraide,
    différenciation, organisation,
    créativité...

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Construction libre en CP/CE1 dans un triple niveau (GS/CP/CE1)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Autodictée collective en GS dans un triple niveau (GS/CP/CE1)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Entraide en CE1 dans un triple niveau (GS/CP/CE1)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Grammaire en CE1 dans un triple niveau (GS/CP/CE1)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Production d'écrits : Conte collectif à la manière de Pef (classe de CP/CE1/CE2/CM1/CM2)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Histoire de France en classe unique (CP à CM2)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Tiens, il y a même le début de la Marseillaise... (classe unique CP à CM2)

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Mathématiques au CE1 dans un triple niveau GS/CP/CE1

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin, ...
    Français au CP dans un triple niveau GS/CP/CE1

    La suite :

    Plus mon petit Liré que le mont Palatin (2)


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