• Comment faire en CE1 CE2 ?

    Émilie me demande :

    Bonjour,

    Pour une classe de Ce1 Ce2, vous préconisez de faire la séance de lecture en classe entière ? Ou bien de faire deux groupes, ce qui permettrait que chacun lise plus? De plus, le niveau de lecture est très différent, surtout en début d'année. Ça me semble difficile d'utiliser les mêmes supports.. 

    Ma réponse :

    Cela va dépendre des jours.

    Organisation générale :

    → Les textes marqués en bleu dans le sommaire seront lus par les CE1 pendant que les CE2 seront occupés à autre chose. Pourquoi pas, par exemple, à répondre par écrit aux questions d'un texte « orange »  lu précédemment  ou préparer la lecture du texte orange qu'ils liront ensuite ?

    → Les textes « orange » seront lus par les CE2 pendant que les CE1 seront occupés à autre chose. Par exemple, à recopier et illustrer le texte collectif rédigé collectivement dans la partie « Nous racontons et dessinons ».

    → En revanche, les textes « gris » seront lus par la classe entière.

    Nota bene : Le fait que les élèves lisent peu chaque jour n'a pas énormément d'importance. Tout d'abord parce que lorsqu'ils ne lisent pas eux-mêmes à voix haute, ils sont en contact visuel, auditif et tactile (on suit du doigt) avec le texte que lit leur camarade. On peut renforcer le côté auditif par l'emploi de « chuchoteurs ». Ensuite, les texte étant rapidement assez longs, et toujours suivi d'un questionnaire fourni dans une classe à deux niveaux, les enfants de chaque groupe liront chacun à voix haute au moins deux reprises pendant une seule séance de lecture. Enfin, s'ils lisent peu à voix haute, ce qui peut être rassurant pour des lecteurs encore lents, ils lisent souvent, et toujours pour comprendre, ce qui les entraînent à lire bien. La quantité viendra peu à peu.  

    Lecture en groupe classe :

    La quantité de lecture

    Le fait que les élèves lisent peu lorsqu'il s'agit d'une lecture en groupe classe n'a pas énormément d'importance.

    Tout d'abord parce que lorsqu'ils ne lisent pas eux-mêmes à voix haute, ils sont en contact visuel, auditif et tactile (on suit du doigt) avec le texte que lit leur camarade. On peut renforcer le côté auditif par l'emploi de « chuchoteurs ».

    Ensuite, les texte étant rapidement assez longs, et toujours suivi d'un questionnaire fourni dans une classe à deux niveaux, les enfants de chaque groupe liront chacun à voix haute au moins deux reprises pendant une seule séance de lecture.

    Enfin, s'ils lisent peu à voix haute, ce qui peut être rassurant pour des lecteurs encore lents, ils lisent souvent, et toujours pour comprendre, ce qui les entraînent à lire bien. La quantité viendra peu à peu.  

    La différence de niveau de lecture

    Il est vrai que les CE1 lisent moins vite que les CE2. En début d'année, ces derniers devront en effet ronger leur frein pendant que leurs petits camarades déchiffreront chacun leur phrase.

    Nous pourrons alors leur donner un rôle actif dans cette continuation de l'apprentissage :

    → Tout d'abord, ils valideront la lecture de chacun et donneront éventuellement des aides pour résoudre leurs difficultés (« O et i, ça se prononce [wa]... A et m, avant une consonne, ça se prononce [ã]. La consonne, c'est toujours soit un m, soit un b, soit un p.... »)

    → Ensuite, ils reliront chaque phrase avec l'intonation requise, donnant ainsi un modèle à suivre à leurs camarades plus jeunes

    → Enfin, ce sera aussi à eux que reviendra la charge de la relecture du paragraphe, temps pendant lequel les CE1 devront s'efforcer de suivre du doigt — et éventuellement de la voix chuchotée, grâce à un « chuchoteur » — leurs camarades en train de « lire comme des grands »

    Avertissement :

    Attention à ne surtout pas confondre « lire comme des grands » avec « lire comme des robots » dans le simple but d'avoir un bon score de fluence à l'évaluation ! 

    Si on reçoit dans sa classe des élèves de CE2 habitués à débiter des bruits de bouche au rythme d'une mitrailleuse, il conviendra de faire l'éloge de la lenteur et de leur faire travailler une élocution lente et précise, basée sur la compréhension de ce qu'ils lisent [et non sur la présence de signes de ponctuation !... On ne dénoncera jamais assez la bêtise de ces phrases : « Quand il y a un point, on baisse la voix puis on compte jusqu'à 3 dans sa tête... Quand il y a une virgule, on monte la voix puis on s'arrête et on compte jusqu'à 2 dans sa tête... » qui transforment encore une fois les enfants en machines à débiter du bruit sans tenir compte une seconde du sens de ce qu'ils racontent.]

    En effet, les signes de ponctuation sont là pour traduire à l'écrit l'enchaînement des idées traduites par l'intonation et non le contraire : c'est parce que nous avons montré par le sens de notre propos que notre phrase était finie que le rédacteur a mis un point et non le contraire ; c'est parce qu'il a compris que nous exprimions une question ou une exclamation que ce point a été traduit différemment par le rédacteur ; c'est enfin parce qu'il a perçu que nous souhaitions ajouter, soustraire ou inverser des éléments de notre propos qu'il a placé une virgule avant ou après ces éléments. 

    C'est donc au sens que doivent s'attacher les élèves, sans pour cela avoir à exprimer ce que nous venons de nous expliquer savamment. Avec eux, pour le moment, nous les ferons juste parler du sens, de la signification de la phrase :

    D'une voiture, tomba un jour une grosse cruche qui roula jusque dans un champ.

    « Voilà, le début de l'histoire est fini. On nous dit qu'une grosse cruche tomba et qu'elle roula jusque dans un champ. Ah oui, il ne faut pas oublier, c'est d'une voiture qu'elle tomba cette voiture. »

    Passe en trottinant une petite souris.

    « D'accord, ça continue. On nous dit maintenant qu'il y a une petite souris qui passe. Sans doute près de cette cruche ? »

    Elle aperçoit la cruche :

    « Ah ! Nous avions raison ! C'est bien près de la cruche qu'est passée cette petite souris ! »

    L'enseignant : « S'ils ont mis deux points au lieu d'un après cette phrase, c'est parce que la souris va parler. D'ailleurs, regardez, c'est deux pointes de flèches dirigées vers la gauche, ce sont des guillemets ouverts, c'est pour dire qu'à partir de cet endroit-là, c'est un des personnages de l'histoire qui parle (ou qui pense). Plus tard, lorsque le personnage a fini de parler (ou de penser), les guillemets seront dirigées vers la droite, pour dire qu'ils sont maintenant fermés. »

    « Oh ! La jolie maison, pense-t-elle.

    « La souris trouve que la maison est jolie, alors elle dit « Oh ! La jolie maison ! ». Mais elle ne le dit pas en vrai, elle le pense juste. Elle ne sait pas que c'est juste une cruche. Elle, elle pense que c'est une maison, une jolie maison. »

     

    Qui peut bien y habiter ?

    « Et après, elle se demande qui est-ce qui habite dans cette maison. »

    Cruchon, cruchette, qui habite dans la cruche ?

    « Alors, elle parle à la cruche : elle l'appelle d'abord Cruchon, et puis après Cruchette. Et après, elle lui demande qui est-ce qui habite là. »

    Et pour ceux qui ont déjà utilisé Lecture et Expression l'année dernière ?

    Il n'y aura pas de problèmes pour les textes orange et pour les textes bleus puisqu'il s'agira de nouveaux élèves de CE1 et de CE2.

    En revanche, il y a un problème pour les textes gris. J'ai très vaguement commencé un Manuel, année 2, mais pour le moment, c'est juste une vague ébauche pour le premier module, avec un texte d'Arnold Lobel, tiré de Les quatre saisons de Ranelot et Bufolet, édité chez L'école des loisirs, collection Renard poche.

    Mais ce n'est vraiment qu'une ébauche qui ne suffit même pas à la première quinzaine de classe, pour laquelle il faut un autre texte, lisible en deux jours, sur le thème de la maison.

    Je ne demanderai pas mieux que d'avoir des propositions de textes pour les quatorze thèmes de l'année, pour venir en remplacement des textes gris. Si quelques-uns d'entre vous ont des idées, ils peuvent me joindre grâce à l'onglet Contact.

    Pour vous simplifier la tâche, je vous remets ici le Sommaire et je vous rappelle son code couleur : bleu : CE1 ; gris : CE1/CE2 ; orange : CE2. Ce sont les textes gris qu'il conviendrait de remplacer. Merci d'avance !

    Télécharger « Progression couleur .pdf »

    Pour consulter la méthode :

    Lecture et Expression au CE :

    Lecture et Expression au CE1Module 1 ; Modules 2 et 3  ; Modules 4 et 5 ; Module 6Modules 7 et 8 ; Module 9 ; Module 10 ; Module 11 ; Module 12 ; Module 13 ; Module 14Annexe 2 : Rédaction collective d'une phrase


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  • Nino et Ana : Compréhension

    Comment faire pour que tous les enfants accèdent à la lecture de phrases et que nous ne soyons pas obligés pour certains de nous contenter qu'ils ânonnent des syllabes pudiquement cachées sous le terme savant de logatome ?

    Rien que le fait de se poser cette question est rassurant

    En effet, hélas, après le tout compréhension/zéro déchiffrage – qui perdure en parallèle d'ailleurs – des Ribambelle des années 1990/2000 pendant lesquelles un enfant pouvait quitter le CP totalement non-lecteur à condition qu'il soit capable d'entourer un titre, un nom d'auteur, un logo d'éditeur sur une photocopie de couverture de livre et qu'il ait écouté, plus ou moins attentivement, son enseignant lui lire des albums jeunesse avant d'en colorier les illustrations, nous en sommes revenus dans certaines écoles et certains guides pédagogiques, dont les plus cotés actuellement, hélas – à la méthode antédiluvienne, celle que déjà les grands noms de la pédagogie qui fondèrent l'école publique condamnaient en 1881 !  

    Nino et Ana : Compréhension

    Or, il n'y a pas de lecture sans compréhension. Un enfant qui ne fait que déchiffrer des logatomes ne lit pas !

    Rien ne sert de sortir tous les matins son Nino et Ana si ce n'est pas pour que, 15 minutes plus tard, tous ses élèves aient compris ce qu'ils ont lu. Même si ce n'est que :

    Nino et Ana : Compréhension

    Hélas, ce n'est pas toujours simple et le passage à la compréhension est difficile pour certains élèves, surtout si, en maternelle, on a plus axé la pédagogie sur le faire que sur le comprendre.

    Il arrive en effet que, dans certaines familles, le mot pourquoi ne soit pas souvent invité dans la conversation. Alors, si l'école n'a pas l'habitude de demander sans arrêt « pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ? », les enfants se laissent aller à la facilité du faire, bien plus commode que l'exigence du comprendre...

    C'est pourquoi, il est selon moi indispensable de donner des mots, puis des phrases à lire à tous les élèves, et de les leur faire expliquer. Tous. Même l'enfant non-francophone qui, pour le moment, ne s'exprime pas encore en français (d'où l'importance des illustrations dans les affichages d'une méthode de lecture).

    Dans Nino et Ana, j'ai démarré tout doux.

    Comprendre le mot Nino, c'est à la portée de tout enfant, à condition bien sûr qu'on l'alerte sur le fait qu'il doit comprendre :

    « Dis-moi, qu'est-ce que c'est ça, Nino ? Ah bon, c'est un nom ? Mais c'est le nom de qui ? Tu en connais, toi, des Nino ? Ce sont des garçons ou des filles ? Ou des animaux, peut-être ? Pourrait-on appeler un animal Nino ? Pourquoi le pourrait-on ? Pourquoi ne le pourrait-on pas ? Tu aimerais qu'un chien ait le même nom que toi ?... »

    Aussi redondant que ça puisse paraître, pendant la Semaine 1, on reproduira à peu près tous les jours la même chose pour les autres prénoms.

    Les premiers mots arrivent Semaine 2.

    Il s'agit de allô, allé, lit.

    Après définition, on les fera insérer dans des phrases orales : « Qui peut me raconter une histoire dans laquelle il y aura le mot allô ?... Quand disons-nous allô ? Et le mot allé ?... Allé, c'est un mot qui dit ce que nous faisons. Ça s'appelle un verbe. Le verbe aller.. Qui me fait une phrase où on prononce le mot allé ? Et une autre avec le prénom Nino et le verbe aller ?... »

    [Petit devoir de vacances : faites la même chose avec le mot lit. Attention, c'est un mot polysémique, les enfants vont tout aussi bien vous entraîner dans leur chambre que vers la bibliothèque...]

    Puis vient la première phrase

    Semaine 2, Jour 1 :

    Nino et Ana : Compréhension

    « Attendez, j'ai mal entendu... De qui parlez-vous ? Et qu'est-ce qu'il a fait ?... Mais, c'est qui déjà qui a lu ? À votre avis, notre ami Nino, qu'a-t-il lu ? Et pourquoi a-t-il lu ça ?... »

    En continuant ainsi comme ça, en faisant expliquer tout, tout, tout, pendant les premières semaines, au moment où il y a très peu à lire et où on a le temps de s'étaler sur les raisons qui ont fait qu'on a éprouvé le besoin de noter que la lune (plutôt que le soleil) luit (plutôt que disparaît) la nuit (plutôt que le jour), on arrive à engager tous les élèves dans une dynamique de compréhension dès lors qu'ils posent les yeux sur une ligne de lettres.

    À leur mesure,bien sûr : le petit enfant en attente de dossier MDPH restera plus en surface que son voisin, fils de professeur de lettres et d'ingénieur à la COGEMA. Mais la dynamique sera lancée et on n'aura pas d'élève qui pense que lire, c'est uniquement faire du bruit avec sa bouche.

    Ils liront tous des textes

    Et dès la Période 2, nous passerons aux "textes", bien modestes pour les premiers, parce que l'enchaînement des idées, ça aussi, ça n'est pas gagné dans certains milieux et que l'école maternelle n'a pas forcément réussi à installer dans tous les cerveaux qu'on peut développer une première idée :

    Nino et Ana : Compréhension

    et l'éclairer grâce à une petite extension :

    Nino et Ana : Compréhension

    ce qui est déjà une excellente raison mais reste encore trop opaque pour certains...

    On éclaire alors leur lanterne grâce à une vérité scientifique incontestable, digne d'un manuel d'éthologie féline :

    Nino et Ana : Compréhension

    C'est sans doute moins gratifiant que les longs textes de Narramus ou autre, et ça occupe une longue partie de la séance de lecture, interdisant de monter des projets magnifiques ou de programmer des productions d'écrits affolantes, ou des ateliers de mots croisés, mots mêlés, mots fléchés, etc.

    Ça paraît même peut-être complètement stupide, mais c'est d'une importance capitale et ça permet d'avoir à la fin du deuxième et au troisième trimestres de vrais dialogues d'explication de textes autour de documents écrits aussi riches que Le Vaillant Petit Tailleur, L'Histoire de Babar le petit Éléphant, Les Musiciens de Brême, Le Petit Sapin Orgueilleux, etc.

    Nino et Ana : Compréhension

    Changer de « focale »

    Voilà, j'espère que j'ai participé à éclairer quelques lanterne.

    Vous avez déjà mis le pied à l'étrier cette année en permettant à tous vos élèves, même les plus lents, d'accéder au décodage.

    Vous êtes à deux pas de permettre au plus grand nombre possible d'accéder à la lecture, la vraie, celle qui automatiquement s'adresse à la pensée et l'éclaire, l'informe, la distrait.

    Il vous suffit pour cela de changer de « focale » et de considérer qu'entre le tout compréhension à partir de textes lus par l'adulte et le tout décodage à partir de logatomes lus par les enfants, il y a un moyen terme où tout texte est décodable et où tout décodage doit être signifiant.

    N'hésitez pas à venir m'informer et me dire si vous avez tenté cette ouverture vers l'intelligence de texte, même quand le texte en question dit seulement :

    Nino et Ana : Compréhension

    et ce qu'il en est résulté.


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  • OrthoGraph : Cahier de leçons ou pas ?
    Merci à Groupe scolaire d'Illange pour cette illustration

    Dans mes classes, je n'ai jamais utilisé de "cahiers de leçons". En effet, pour moi, l'enfance est l'âge de l'apprentissage par l'action et par la répétition de cette action plus que celui d'une synthèse de connaissances qu'on avale de manière statique et que l'on sait régurgiter à la demande (ce qui est le mode d'apprentissage de l'adolescent ou de l'adulte, pour l'apprentissage des numéros de téléphone, des adresses, des théorèmes, des verbes irréguliers en langue étrangère, etc.).

    Par sécurité, et pour rassurer les collègues, j'ai quand même prévu des sortes de leçons que vous retrouverez ci-dessous compilées dans le document intitulé OrthoGraph Soir.

    Ce sont ce que j'appelle des « leçons actives », c'est-à-dire que l'enfant, grâce à l'action qu'on lui demande d'exécuter (lire à voix haute, épeler, expliquer, taper dans les mains, repasser en rouge, etc.), fixe dans sa mémoire ce que nous voulons lui voir être capable de régurgiter à la demande.

    Bien sûr, on peut mettre ces travaux du soir dans un cahier de leçons si on le souhaite, mais on peut aussi très bien les faire coller dans l'agenda ou le cahier de textes à la page du jour, ou tout mettre dès le début de la période (ou de la semaine) dans un porte-vue.

    Dans ce dernier cas, malgré le codage « Période ... Semaine ... » et « J... », je conseille quand même d'expliquer aux parents que c'est une seule tâche tous les soirs, et que cette tâche sera coloriée par l'enfant en classe chaque jour pour que personne ne se perde.

    Le fichier OrthoGraph' Soir CE1 : 

    Télécharger « OrthoGraph Soir .pdf »

    Les fichiers OrthoGraph' Soir CE2

    Vous les trouverez aux adresses suivantes :

    CE2 : Orthographe graphémique (1) ; CE2 : Orthographe graphémique (1bis)  ; CE2 : Orthographe graphémique (2)CE2 : Orthographe graphémique (3) ; CE2 : Orthographe graphémique (4)CE2 : Orthographe graphémique (5)

     

     


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  • DMVLP CE1 : Et le GN ?
    Merci à Sophie Borgnet pour cette illustration.

    Question :

    Aborderez-vous la notion de 'Groupe Nominal" dans la suite de la méthode ?

    Réponse[1] :

    Comme je l'ai dit dans l'introduction de la méthode, mon pari est d'aller :

    du MOT vers la PHRASE.

    Tout d'abord, parce que l'enfant est pointilliste et que ce qu'il peut concevoir au CE1 ce sont des mots, les uns à côté des autres D'ailleurs, encore souvent, ses capacités de lecteur le font s'arrêter après chaque mot ou tous les deux ou trois mots et il a  de la peine à pouvoir appréhender un groupe de mots d'un seul coup d'œil.

    1) Les « mots chefs »

    Notre rôle premier est de lui faire sentir, implicitement d'abord, que ces mots ont des liens entre eux.

    Cependant, si nous voulons qu'il suive, et que la grammaire lui apporte autre chose que l'idée d'un immense gloubi-boulga d'abstractions qui s'enchevêtrent en tous sens, il nous faut l'aider à hiérarchiser tout cela.

    C'est pourquoi, en début d'année, nous nous attachons à définir la nature des « mots chefs » : ceux qui disent de qui et de quoi nous parlons et ce qu'ils font. D'où la prééminence des noms et des verbes.

    2) Leurs « compagnons »

    Une fois ces deux natures constatées, différenciées et comprises, nous pouvons parler des autres, ceux qui jouent les « utilités » : articles, adjectifs, autres déterminants, adverbes et prépositions.

    Pour chacune de ces catégories, nous faisons constater et comprendre son rôle : compagnon du nom, aide du verbe ou encore « courroie de transmission » permettant de relier un « mot-chef » à un autre « mot-chef ».

    3) Les fonctions

    Les natures étant définies, nous passons aux différentes fonctions que peut avoir un mot.

    a) Celles des « compagnons »

    Dans ce domaine, nous commençons, implicitement d'abord, puis plus formellement, par définir la fonction des « utilités » parce qu'elle est simple :

    Les compagnons servent leur chef.

    Ainsi les déterminants sont liés à leur nom, qu'ils accompagnent partout « comme un petit chien », et les adjectifs l'habillent, comme s'il mettait un gilet pour être plus facilement distingué de ses homonymes.

    De la même façon, l'adverbe habille le verbe.Nous laissons de côté pour le moment la fonction "d'habillage" de l'adjectif qui viendra au CM, quand l'enfant aura une vue plus claire et plus précise de sa langue.

    Quant à la préposition, que nous effleurons juste (nous verrons son rôle dans la liaison d'un « nom vassal » à son « nom chef » plus tard), elle relie un nom complément (accompagné de tous ses compagnons, déterminants et adjectifs, qui disparaissent au fond de la voiture) au reste des « mots-chefs » de la phrase.

    b) La fonction des noms

    Puis nous passons aux noms, considérés comme des « mots-chefs » et entourés de tous leurs impedimenta. Et c'est là que, pour vous, mais certainement pour de nombreux collègues, le bât va blesser.

    ◊ Démarche descendante

    En effet, depuis des années, nous sommes habitués à la démarche descendante.

    Dans quasiment toutes les méthodes de grammaire, nous commençons par la phrase, puis nous passons aux groupes (GN, GV ou S et prédicat), pour n'arriver aux mots et aux relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres qu'en toute fin de parcours, quand nous arrivons à aller jusque là.

    ◊ Démarche ascendante

    La méthode « Du mot vers la phrase » procède d'une démarche ascendante et entend donner à chaque mot son importance première.

    Par exemple, les articles définis sont différents des articles indéfinis et donnent au nom qu'ils accompagnent une "coloration" différente. Il en va de même pour les autres déterminants, ou pour les adjectifs.

    Les noyer dans un « groupe du nom » trop tôt revient à leur faire perdre cette importance et dessert la compréhension fine de la phrase, celle que nous cherchons à obtenir grâce à notre travail de décorticage grammatical.

    « Mais pourquoi ce choix ?», me direz-vous... 

    Cette façon de faire est née d'un constat fait sur le temps long.

    Pendant des années, j'ai tenté de pratiquer cette démarche descendante sans obtenir des enfants qu'ils soient au clair avec tout cela. J'en étais même arrivée à me dire que la grammaire n'était pas praticable avec des enfants si jeunes puisque, quoi que je fasse, ils mélangeaient tout, les mots, les groupes, les phrases sans jamais arriver à une connaissance solide.

    Jusqu'à ce que je me demande pourquoi c'était si dur, comme c'était dur de partir d'un album dans lequel l'enfant prendrait des repères de plus en plus précis, grâce à une bonne éducation de l'oreille et une bonne mémoire visuelle.

    Et que je conclue que, comme pour l'apprentissage de la lecture, il fallait partir de l'élément pour aller vers le tout et non du tout pour parfois y rester, parfois le scinder en plusieurs « tout » et parfois aller jusqu'à l'élément.

    L'analyse par groupes existe bien toutefois dans Du mot vers la phrase, mais sous la forme d'une activité utile à l'oral lorsque nous cherchons à faire comprendre une phrase à nos élèves.

    Un petit exemple :

    En juillet, Ana promènera le gros chien noir de son oncle.

    Nous, adultes bons lecteurs, nous voyons tout de suite que  le gros chien noir de son oncle forme un groupe dont le mot noyau (le « mot chef » comme nous dirons aux enfants) est chien.

    Lorsque nous aiderons les élèves à comprendre la structure de cette phrase, à l'oral, nous prononcerons le groupe complet : le gros chien noir de son oncle, mais aussi souvent le groupe incomplet : le gros chien, le chien noir, le chien de son oncle selon le détail que nous serons en train de chercher à faire remarquer.

    Mais dans l'esprit de l'enfant, ce qui restera c'est que Ana promènera un chien en juillet. Et c'est sur cette phrase minimale, et sur ses « mots chefs » que nous travaillerons à l'écrit.

    D'où le sujet Ana, le complément d'objet chien et le complément de temps juillet. Sachant qu'implicitement, l'enfant sait que si les noms Ana et juillet n'ont pas de compagnons dans cette phrase-ci, le nom chien, lui, en a énormément et qu'ils sont tous « montés dans la voiture » avec lui.

    Ce n'est qu'en fin d'année, dans les dernières leçons, après avoir revu la fonction des déterminants et des adjectifs que nous commencerons à borner la « sphère d'influence » de chaque nom, permettant ainsi aux enfants d'avoir une première ouverture sur le « groupe du nom » (et non le « géhenne » ou le « groupe nominal » aux noms bien trop abstraits pour des loupiots de 7 à 9 ans).

    Cela sera possible car ce fameux GN ou Groupe Nominal aura désormais pris sa vraie épaisseur. Il pourra donc commencer à trouver sa place sur l'axe syntagmatique, comme chaque mot a trouvé la sienne sur l'axe paradigmatique tout au long de l'année.

    4) La vie après le CE1

    Cette façon de faire sera reprise au CE2, pour ceux qui auraient eu de la peine à concevoir que des éléments séparés puissent constituer de telles « unités de sens » (mais toujours pas pour le complément du nom dont la relation de vassalité à un autre nom reste bien souvent une énigme pour les enfants avant le CM). Les termes « groupe du nom » ou « le nom et son groupe » arriveront bien plus tôt dans l'année scolaire (Semaine 6) et c'est en tant que membres du groupe du nom que les articles, les autres déterminants et les adjectifs seront présentés et analysés.

    Puis, forts de ces deux années où la notion aura été patiemment installée, les élèves seront aptes à reprendre l'un ou l'autre des deux schémas : l'ascendant à nouveau en continuant à suivre les méthodes de mon blog ou le descendant pour la première fois mais sans heurts puisque, ayant déjà tout décortiqué et réassemblé deux fois, ils seront aptes désormais à partir du tout pour aller vers des éléments qu'ils connaissent déjà.

    Voilà, j'ai été très longue... j'espère que j'ai été claire quand même. Pour résumer, la réponse à votre question, c'est :

    « Oui, en fin d'année, ils verront le groupe nominal,
    qu'ils nommeront « groupe du nom ».

    Note :

    [1] Pour les pressés, la réponse courte est en fin d’article.


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  • Dictée ou chasse aux fautes
    Tiré d'un document à la vente sur Internet. Je ne vous donnerai pas le nom
    car ce n'est pas une bonne idée.

    En ce début de deuxième trimestre, les dictées de CE1 et de CE2 s'allongent dans la méthode OrthoGraph'. Ainsi, la première semaine, les dictées de CE1 : Orthographe graphémique (3) ont de 15 à 34 mots, et celles de CE2 : Orthographe graphémique (3), de 29 à 42 mots, sachant que lorsque la dictée comporte plus de mots, c'est que ceux-ci sont moins longs à écrire.

    Écrire moins ?

    Certains collègues dont les élèves écrivent trop lentement ont pensé qu'il valait mieux les faire écrire un peu moins en ne faisant la dictée qu'un jour sur deux.

    Je leur répondrai qu'il vaut mieux peu mains souvent que beaucoup de temps en temps. Une dictée tous les deux jours, cela veut dire seulement 10 occasions de s'interroger sur sa propre orthographe d'ici aux prochaines vacances pour les enfants de la zone A, 12 pour ceux de la zone C et 14 pour ceux de la zone B.

    Et 10, 12 ou 14 occasions longues !... Ce qui n'encourage aucun enfant à écrire plus vite.

    Croyez-moi, il vaut mieux ne dicter que la moitié de la dictée sur l'ardoise ou sur le cahier, tous les jours, et l'autre moitié en écrivant soi-même au tableau sous la dictée des élèves qui épellent chacun leur tour un, deux ou trois mots (le nom avec son article, ou la préposition, l'article et le nom) et se font conseiller par leurs camarades, plutôt que de supprimer des dictées ou d'avancer deux fois moins vite parce qu'on ne veut pas en supprimer.

    Peut-être pouvez-vous aussi instaurer un système de récompense collective (les « Rois de la dictée », par exemple, avec distribution de couronne virtuelle) les jours où la classe réussit à finir toute la dictée dans le temps imparti ?

    Peut-être pouvez-vous prendre en APC « écriture » ceux d'entre eux qui ralentissent tout le monde parce qu'ils n'ont pas assez pratiqué ou mal pratiqué l'écriture cursive en GS et/ou CP ? Les cahiers de Laurence Pierson, chez MDI, que ce soit niveau GS, CP ou CP/CE1 sont de très bons outils et devraient vous permettre de les "récupérer" rapidement.

    Enfin, vous pouvez, comme je le conseille dans la méthode, ne dicter qu'une partie de la dictée le matin, sur l'ardoise ou sur le tableau (voir ci-dessus la « dictée épelée »), et l'autre partie en début d'après-midi, sur le cahier du jour, sachant que toutes les dictées, même les plus longues ne devraient pas excéder 20 à 30 minutes, grand maximum. Si ça menace de durer plus longtemps, c'est que vous n'aidez pas assez, et que vous attendez trop avant d'aider.

    Petit exemple avec la dictée de Jeudi, au CE1 :

    OrthoGraph' : Dictées ou chasses aux fautes ?

    Écrivez : « Nous allons écrire la phrase : "La maman a mis son enfant sur le banc pendant que les gendarmes défilent ; il est content." Nous commençons par "La maman...". Quelle lettre au début de "La", Amin ? Une majuscule, très bien. Et le "an de maman", Baptiste ? Non, ce n'est pas pas E.N. ; Célia, tu sais ? Oui, A.N. Très bien. »

    « Écrivez "La... avec sa majuscule... maman... avec son "an" qui s'écrit A.N. »

    Laisser 10 secondes. Aider X et Y en restant derrière eux et en oralisant : "Lllllaaaa... à côté... mmmmaaaammmmaaannn...".

    « Posez le crayon, je prends la craie. Donovan, épelle : "La maman". » Écrire sous la dictée.

    « Qui a écrit comme ça ? Oui, très bien. Alors je continue : "La maman... a... mis..." Attention, il y a un s à la fin de mis pour dire "mise" au féminin. Écrivez "a... mis..." sans oublier le s muet à la fin. »

    Laisser 10 secondes. Aider X et Y en oralisant.

    « Elina, épelle "a... mis...". » Prendre le bâton de craie, écrire au tableau sous la dictée d'Elina.

    « Qui a écrit comme ça ? Ah, Baptiste, quel mot as-tu mal orthographié ? Mis, tu as oublié le s. Dépêche-toi de recopier "mis, M.I.S", pour dire mise en-dessous, nous t'attendons. » Laisser 5 secondes.

    « Fini ? Je continue. La maman a mis... "son... enfant..." Félix, comment écrivons-nous "son" ? Oui, S.O.N, pourquoi ? Tu ne sais plus ? Gaëlle ? Non plus ? Alors, je vous le dis : c'est son enfant à elle, le sien (geste montrant sa poitrine). Mon enfant, ton enfant, son enfant (gestes montrant sa poitrine, la poitrine du voisin, sa poitrine). Le déterminant démonstratif "son" qui s'écrit S.O.N. Donc, son, S.O.N, et après "enfant", c'est difficile. Tu sais, ça, Félix ? Il y a trois difficultés... Vas-y : le premier "an", E.N., le deuxième, A.N., et un T muet pour dire "enfantin, enfantine, enfantillage".  C'est parfait. »

    « Allez-y, écrivez, la maman a mis... son... le déterminant possessif, S.O.N,... enfant, premier "an", E.N, deuxième "an", A.N., et le T muet pour dire "enfantin, enfantine, enfantillage". »

    Laisser 10 secondes. Corriger en 10 autres secondes.

    Etc.

    En continuant à ce rythme-là, sans se dépêcher, en laissant les élèves parler un peu mais sans non plus autoriser les digressions, on arrive, en 20 minutes 55 secondes, à faire les deux premières phrases, corrections comprises. Et le mieux est alors de laisser la 3e phrase (Comment appelles-tu ton chat ?) pour un autre moment, au tableau, pourquoi pas.

    Ne plus écrire du tout ?

    D'autres se sont dit qu'ils pourraient remplacer cette dictée par une « chasse aux fautes » telle qu'on en présente une sur le document en tête d'article.

    Là, je n'hésiterai pas à dire que c'est une très mauvaise idée qui cumule plusieurs inconvénients.

    En effet, les enfants n'écrivent plus, ce n'est donc pas un exercice de dictée pendant lequel cerveau, bouche, yeux et main communiquent de concert. L'attention se dilue, l'intérêt aussi, surtout chez les plus faibles, car ils ne se considèrent plus comme réellement acteurs puisque leurs mains ne sont pas sollicitées. 

    Dans le cadre de la dictée réussie, moment d'apprentissage de l'orthographe, on passe totalement à côté du volet kinesthésique de cet apprentissage, on ne convoque pas cette main qui a la mémoire du geste, celle qui est le prolongement de l'œil et donne à voir aux autres et à soi-même ce que le cerveau « conçoit à l'intérieur ».

    Enfin, l'enseignant donne « le mauvais exemple », celui de l'élève qui malgré de longues années d'école ne sait toujours pas, celui qui invente des fautes au lieu de chercher à les éviter.

    Et ceci est encore plus grave lorsque les enfants à qui on fait pratiquer cet exercice n'ont que l'école pour leur apprendre l'orthographe (enfants de REP ou REP+ par exemple).

    C'est une forme de mépris que de croire que, parce qu'ils parlent mal ou pas du tout le français chez eux, parce que leurs parents, lorsqu'ils l'écrivent, le font avec des fautes grosses comme ça, on peut leur délivrer un sous-enseignement moins sérieux, moins ambitieux, moins exigeant qu'aux bons petits enfants d'ingénieurs, médecins, professeurs et autres CSP+.
    Rappelons-nous que c'est au contraire pour donner à ces enfants l'occasion de découvrir autant de choses que leurs camarades plus chanceux que l'école pour tous a été créée.

    Croyez-moi, il vaut mieux ne dicter qu'une phrase tous les matins en arrivant, une autre en rentrant de récréation, une troisième en début d'après-midi et la dernière après la récréation de l'après-midi et habiller un peu cela en tamponnant un « passeport pour l'orthographe » à quatre reprises à tous les élèves, qu'ils aient fait des fautes ou pas, qu'ils les aient toutes corrigées ou pas, en leur disant que bravo, plus ils écriront, et plus ils écriront vite, plus ils auront à réfléchir sur l'orthographe des mots avec leur corps tout entier, main comprise, et moins ils feront de fautes.

    Nous pouvons aussi, pour les encourager et leur donner un vrai challenge à battre, leur montrer que nous pouvons garder les yeux fermés pendant que notre main écrit au tableau tous les mots de la dictée sans se tromper, tellement elle a bien été programmée quand nous étions enfants nous-mêmes.

    Nous pouvons, nous devons tout faire pour nous adapter à eux de façon à les adapter à l'école, par l'ambition et l'amusement réunis, par l'émulation et la bienveillance associés et, le plus important de tout, par la mise à mal de tous les tabous qui entachent la réputation des enfants de REP, ces nouveaux parias de la société, ces enfants au rabais qui n'auraient besoin que d'une culture au rabais.

    Éloge de la lenteur et de la souplesse

    Je vais finir par croire que les promoteurs des TBI, TNI et autres Témachinchozi sont en train de tuer le peu d'enseignement de l'orthographe qui restait, tellement ces objets deviennent des « pousse-au-crime » qui nous entraînent tous à faire à l'avance du joli, du clinquant, du magique qui émerge de nulle part par la vertu d'un clic de souris.

    L'orthographe, celle qui permet étymologiquement d'écrire droit, il faut qu'elle naisse d'une main munie d'une craie ou d'un feutre qui trace patiemment ses lettres sur la surface noire, verte ou blanche d'un tableau

    Il faut que la main puisse effacer d'un coup de chiffon l'erreur inopinée, qu'elle puisse souligner d'un trait, d'une vague, d'un pointillé ce que les enfants nous signalent, qu'elle puisse reprendre facilement une règle oubliée en écrivant juste à côté quelques mots qui la rappellent et qu'elle l'efface dès qu'elle est revenue en mémoire.

    C'est de la main de l'artisan que l'apprenti découvre les gestes de sa profession, c'est avec sa propre main qu'il les reproduit ensuite, d'abord lentement et maladroitement, puis de plus en plus vite et de plus en plus aisément.

    De même, c'est de la main de son enseignant que l'enfant apprend les gestes et les usages de l'écriture et c'est de sa propre main qu'il les reproduit ensuite. Cette reproduction, pour devenir rapide et aisée, doit, après enseignement, être exercée quotidiennement pour devenir un véritable mode d'expression.

    Pensez-y !


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