• Tout est dans tout, mais quand même !

    Depuis la primarisation de l'école maternelle (tournant du XXe siècle), nous avons vu fleurir les consignes hiérarchiques prônant l'utilisation de la lettre dans tous ses états dès le plus jeune âge.
    Ce fut d'ailleurs très pratique pour écarter les petits « deux ans » qui, dans certaines circonstances, étaient bien mieux à l'école que sur leur lieu de garde habituel (logements peu salubres, télévision ou même arrière-salle de bistrot, pour certains) mais qui, pour la plupart, étaient totalement hermétiques aux beautés de l'alphabet ! 

    Tout d'abord... l'enfant de maternelle fut un lecteur-expert qui s'ignorait.

    Cette utilisation de la lettre fut à cette époque pas si lointaine justifiée par le « faire comme si ». Elle recueillit de ce fait l'adhésion de ceux qui voulaient une même école de la Maternelle à l'Université.

    Pour les défenseurs de cette théorie, la lecture n'est surtout pas alphabétique et c'est « l'image des mots », à défaut de celle des textes, qui doit s'enregistrer par imprégnation dans l'esprit du petit d'homme.
    Quand celui-ci en aura stocké plus de 3 000, il saura quasiment lire car, en faisant des hypothèses sur le sens général et en tenant compte du « type d'écrit » auquel appartient le texte dont il est censé « s'approprier », il s'appuiera sur les mots connus pour déduire le reste.
    Je me souviens même du ratio : 80 % de mots connus permettent la compréhension instantanée d'un texte appartenant à un genre connu, sans passer par le déchiffrage et l'oralisation !

    En maternelle, il devint alors indispensable de plonger l'enfant dans un bain d'écrits.

    La bibliothèque de classe devait contenir quelques albums pour enfants, bien sûr, mais aussi, c'était impératif, des magazines, des annuaires, des livres de recettes, des dictionnaires, des prospectus publicitaires, des notices de montage, des romans, le tout aussi bien en français qu'en langues étrangères, qu'elles soient transcrites tant grâce à l'alphabet latin qu'à l'aide d'autres alphabets. 

    L'écriture n'était pas oubliée de ce processus. Il ne s'agissait plus, bien entendu, d'apprendre à tracer les lettres cursives une à une puisque ça aurait obligé l'enfant à se focaliser sur la lettre, et même peut-être sur son nom et son son, allez savoir ! Ce qui, c'est bien connu, les aurait privés à jamais de l'accès au sens que seuls des lecteurs procédant par contact idéovisuel peuvent acquérir !
    On n'utilisa plus alors le terme « écriture » que dans son sens de produire un écrit.

    Il y eut alors deux ou trois écoles différentes, selon les IEN, leur capacité de persuasion, les lectures syndicales, les grands gourous privilégiés par l'Inspection Académique du secteur :

    • celle qui remplaça les mots par des « pictogrammes » de manière à ce que les enfants, même petits, puissent produire des textes porteurs de sens ;
    • celle qui continua à utiliser l'écriture cursive mais sans en apprendre les gestes et en ne présentant à la copie que des mots ou des phrases ;
    • celle qui remplaça cette écriture, qui s'avéra difficile à acquérir sans entraînement progressif et structuré, par l'écriture scripte minuscule (souvent en Comic sans MS, de manière à ce que les « a » et les « g » soient plus simples à tracer que ceux d'Arial ou de Times New Roman)
    • celle qui donna à l'enseignant le rôle de secrétaire du groupe, reprenant l'idée que les tenants des techniques Freinet utilisaient depuis les années 1920 : la dictée à l’adulte.

    Cela donna ce que cela donna... c'est-à-dire pas grand chose. Et puis, ça manquait de littérature tout cela. Et puis des cris s'élevaient un peu partout : 

    « Notre langue est alphabétique, il faut s'appuyer sur les lettres de l'alphabet pour apprendre à lire et à écrire ! »

    hurlaient-ils. Pendant ce temps, les autres continuaient à claironner qu'on ne sait vraiment lire que lorsqu'on a oublié l'alphabet et qu'on procède par voie directe, du mot vers l'œil et de l'œil vers le cerveau, sans passer ni par l'analyse visant à décortiquer le mot grâce à l'index par exemple, ni par la voix qui permet à l'oreille d'entendre ce que le doigt pointe et que l'œil voit. Quant à l'écriture, elle fut jugée tellement difficile qu'on choisit de la remplacer par celle des majuscules d'imprimerie qui peuvent être tracées, même maladroitement, par tout enfant de 3 à 6 ans...
    Le tout dans un brouhaha indescriptible, duquel émergeaient néanmoins un consensus : « Les enfants de maternelle doivent être mis en contact avec l'écrit, dès le début, mais il est hors de question qu'ils apprennent à lire parce que la maternelle doit rester ludique ! »

    On décida donc que l'école maternelle devait continuer sur sa lancée mais en rajoutant à sa panoplie[1], de manière déconnectée du reste, l'étude de l'alphabet et de ses lettres d'une part et l'étude orale des phonèmes utilisés pour prononcer la langue française d'autre part.

    Comme, dans le même temps, on s'était rendu compte que l'étude du dictionnaire ou la consultation de l'œuvre de Rabelais éditée dans la Pléiade[2] gonflaient tout autant les enfants de maternelle que la recherche d'un horaire de train à l'aide du guide bien connu dont j'ai hélas oublié le nom (et ça m'énerve ! L'indicateur Chaix ! C'est revenu : je suis soulagée !), le bain d'écrits s'était recentré sur l'album pour enfants, sa vie, son œuvre...
    Un tout petit bain d'ailleurs, puisqu'il consistait souvent, et consiste encore en bien des classes à « exploiter », parfois pendant 6 semaines d'affilée, un seul et unique album, choisi dans une liste horriblement restreinte que mes collègues se repassent sur les réseaux sociaux comme s'il n'existait pas des milliers de livres pour enfants, la plupart intéressants, la plupart « exploitables » pour ce qui devrait être leur seul rôle : amuser, distraire, instruire, questionner parfois nos chères petites têtes blondes, brunes ou rousses ! 

    Alors, il y eut l'étude des lettres de l'alphabet...

    parce qu'il était, paraît-il, totalement indispensable de connaître le nom de toutes lettres pour pouvoir apprendre à lire... Je dis bien « paraît-il » parce que l'histoire de l'apprentissage de la lecture, depuis au moins 1881, prouve le contraire... Mais revenons à notre histoire...

    Il fallut donc introduire la lettre, comme ça, brut, pourrions-nous dire, dans le programme déjà chargé d'une semaine de classe en maternelle, de la Petite à la Grande Section.

    Attention, j'ai bien dit LA lettre, pas sa lecture (= son + sens), juste sa reconnaissance, dans les « trois écritures », ou pas d'ailleurs. C'est encore en débat et les collègues s'écharpent pour savoir si, comme le réclament leurs IEN respectifs (qui n'ont le plus souvent jamais appris à lire et à écrire à un enfant) il faut présenter les étiquettes comme ci :

    Tout est dans tout, mais quand même !

    comme ça :

    Tout est dans tout, mais quand même !

    ou encore comme ça :

    Tout est dans tout, mais quand même !

    Donc, LA LETTRE, parce que, comme nous le disions plus haut, cette étude de la lettre, répétée 26 fois, parce qu'il y a 26 lettres, s'ajoute à celle des mots qui restent vus comme des symboles idéovisuels passant directement du papier au cerveau, par l'intermédiaire de l'œil qui est censé les reconnaître comme des images.

    L'étude de la lettre S'AJOUTE, j'ai bien dit, mais elle n'est surtout pas censée se combiner aux autres études. Ce qui fait que parallèlement — tout est toujours parallèle, notez-le bien, et nous savons que les parallèles ne se rencontrent jamais... — à la création d'abécédaires divers et variés, de chansons sur l'alphabet aux rythmes modernes ou plus classiques, de lignes de A A A B B B C C C et autres Z Z Z Z,

    le modèle est bien toujours le mot, dont on ose certes à nouveau dire qu'il est composé de lettres rangées dans un certain ordre...

    sauf que cet ordre peut être apparemment perçu comme aléatoire puisqu'il n'est jamais expliqué...

    Et c'est ainsi que nous voyons fleurir, partout, mais alors partout, du mois de septembre de la Petite au mois de juillet de la Grande Section,... l'exercice qui consiste à ranger — oserais-je dire bêtement ? —   une suite de symboles appelés « lettres ».

    Tout est dans tout, mais quand même !

    Selon les classes, ces mots sont présentés en majuscules d'imprimerie ou en minuscules, parfois même en cursive, pour les classes de Grande Section dans lesquelles la phrase comminatoire[3] du BOEN n° 2 du 26 mars 2015 n'a pas provoqué les ravages que nous constatons déjà dans l'apprentissage structuré du geste d'écriture...

    À quoi sert cet exercice en termes d'écriture-lecture ?...  Allez savoir...

    Moi, franchement, je ne le sais pas...

    J'ai bien quelques pistes mais elles sont plus « mathématiques » que liées à l'étude de la langue écrite... Je ne vois qu'une compétence vaguement approchante dans le BOEN des programmes de maternelle, c'est : « copier à l'aide d'un clavier ». Un exercice de copie lettre à lettre, mais sans être obligé d'avoir sous la main un clavier d'ordinateur, relié à un écran pour visualiser, peut-être ?

    C'est en revanche un excellent exercice d'organisation de l'espace qui permet de s'entraîner à « reproduire un assemblage à partir d'un modèle » et à « situer des objets entre eux ».
    Ça ne va pas très loin sans doute et l'exercice sera bien plus intéressant et formateur pour l'enfant lorsqu'il aura face à lui un puzzle, une suite horizontale ou verticale plus longue ou encore un pavage à reproduire grâce à des blocs de couleur, des formes géométriques, des petits personnages ou des blocs qui s'encastrent et se superposent.

    Parce que, si on y réfléchit bien, que ces objets soient des lettres et précisément les lettres que toute personne lectrice reconnaît pour être celles qui permettent, rangées dans cet ordre-là, de constituer très exactement le mot "soupe", "loup" ou "chrysanthème" n'a aucune espèce d'importance pour l'enfant. Pas plus que le fait de procéder de gauche à droite...
    On pourrait tout aussi bien proposer le dessin d'un hippocampe et les lettres qui composent le mot « stégosaure » ou toute autre suite aléatoire du type « FEPRUTHSR3GH », ce ne seraient pas les bambins de Petite, Moyenne ou même Grande Section qui y verraient quoi que ce soit à redire...

    La seule difficulté, d'ordre spatial encore une fois, consiste à bien poser le symbole en question dans la même orientation que celle constatée sur le modèle... Et comme aucune mémorisation du mot n'est demandée (sauf quand il s'agit du prénom de l'enfant, que celui-ci se prénomme Lou ou Pierre-Hippolyte-Marie), l'exercice se transforme bien vite en un exercice de dextérité manuelle consistant à prendre délicatement le petit morceau de papier entre deux doigts et à le poser à peu près dans la petite case ou sur la ligne tracée à cet effet.
    Exercice qui serait bien plus joli et motivant avec des gommettes de couleurs aux formes variées, des petits objets à poser délicatement autour d'un dessin pour l'encadrer, des poinçons qui permettraient de découper une image ou de passer un fil de couleur pour reproduire une figure sur une plaque adaptée !

    Tout est dans tout, mais quand même !

    « Oui mais alors, que devons-nous faire en classe à la place de cet exercice en terme d'écriture-lecture ? »

    En matière de repérage dans l'espace, nous avons bien compris... mais en écriture-lecture, que faire ?

    En Petite et Moyenne Section,

    ... puisque désormais, contrairement à ce qui se passait dans les années antérieures à l'introduction de l'étude du langage écrit, les parents, l'Institution et même certains enfants sont demandeurs, nous pouvons sans risque :

    • distribuer chaque matin aux enfants l'étiquette sur laquelle est écrit leur prénom et jouer avec eux au Jeu du Facteur ;
    • avoir dans la bibliothèque quelques abécédaires et répondre aux questions des élèves qui s'y intéressent ; l'abécédaire de Balthazar, en lettres cursives rugueuses, peut faire partie de l'inventaire :
    • avoir quelques jeux d'encastrements dont les pièces sont les 26 lettres de l'alphabet, en majuscules scriptes, en minuscules scriptes et même pourquoi pas en cursive, si l'on en trouve un ;
    • même chose avec des cubes, des plaques de bois, des lettres en forme de personnages ou d'animaux ;

    Si on tient vraiment à « devancer l'appel » — rappelons-nous que depuis septembre 2016, l'acquisition du principe alphabétique a été repoussé à la fin du CE2, c'est-à-dire 4 années scolaires en aval de la Moyenne Section ! — on peut :

    • avoir les lettres cursives Montessori et, en fin d'année, si la plupart sont demandeurs, entraîner les élèves de Moyenne Section à les suivre du doigt avec application et méthode, en leur donnant le son de la lettre[4] ;

    Mais surtout, il serait bon de :

    • réserver un moment chaque jour pendant lequel l'enseignant écrira à la place de chaque enfant, sur son dessin, le commentaire que ce dernier lui dictera ;
    • réserver un moment chaque jour pendant lequel l'enseignant lira aux enfants un album, un conte, une comptine, un poème, une recette, une lettre et même une notice de jeu, en suivant les mots du doigt, en expliquant ce qu'il fait ;
    • réserver de longs moments chaque jour pendant lesquels les enfants exercent leur ouïe, leur vue, leur langage, leurs gestes, que ce soit séparément ou conjointement ;
    • au moins une fois par semaine, écrire au tableau un commentaire composé par les enfants de la classe et profiter du fait qu'ils sont tous là pour ne pas hésiter à rassembler toutes les lignes qui restaient parallèles jusqu'à présent pour en faire une toile tissée encore très lâche mais grâce à laquelle tous les élèves commencent néanmoins à percevoir qu'écrire ou lire, c'est associer très intimement la vue, le geste et le son de façon à produire ou traduire un message intelligible de tous.

    Et en Grande Section :

    Continuer sur la lancée, avec les mêmes objets aux mêmes lieux (bibliothèque, boîtes de jeux, ...) et les mêmes activités collectives d'écriture-lecture (dictée à l'adulte individuelle et collective, observation et participation à la rédaction, écoute de textes dits par l'adulte, exercices d'entraînement de l'ouïe, de la vue, du toucher, du geste, du langage)...
    Mais y rajouter, chaque jour de classe, parce que les enfants sont plus grands et que, contrairement aux idées reçues, commencer à savoir réellement écrire et lire, ça peut être ludique et c'est alors source de grandes joies et de grandes fiertés :

    • une progression raisonnée et raisonnable d'apprentissage du geste d'écriture, démarrant dès le mois de septembre et se prolongeant jusqu'au mois de juillet : des moments très courts mais quotidiens pendant lesquels les enfants apprennent à tenir leur crayon, intègrent les gestes nécessaires à l'écriture des lettres cursives et à leurs liaisons entre elles, apprennent à les combiner pour produire, réellement, des mots simples pour lesquels ils n'ont pas besoin de modèles ;
    • une progression raisonnée et raisonnable qui allie geste, son et sens, parce que lire et écrire, c'est justement être capable de concevoir et utiliser ces liens  !

    Pour ce faire, je conseille :

    • en écriture l'excellent site Écriture-Paris qui, dans sa partie « Pour les enseignants », présente tant des articles de fond (pour comprendre pourquoi, en tant qu'enseignant, nous programmons tel ou tel exercice) que des articles de conseils pratiques ;
    • en découverte de la lecture (c'est-à-dire « observer des lettres grâce à la vue, les associer en les suivant du doigt, les prononcer grâce à la voix, les entendre grâce à l'ouïe, les comprendre grâce à un lexique large et une logique de la langue acquise dans le domaine de l’oral[5]), l'excellent « De l'écoute des sons à la lecture » qui est la seule méthode à réellement faire découvrir ces liens jusqu'à rendre tous les élèves de Grande Section ou presque capables de les utiliser.

    Et, lorsque tout cela sera fait, en toute fin de Grande Section, vos élèves pourront, s'ils le souhaitent jouer librement avec des boîtes de jeux de ce style, sans avoir besoin de modèles pour en être capables :

    Tout est dans tout, mais quand même !

    Mais, à ma connaissance, peu le souhaiteront et ils préfèreront sans doute utiliser leurs connaissances toutes fraîches pour écrire ou lire, pour de vrai, comme des grands.

    Tout est dans tout, mais quand même !

    Notes :

    [1] Constituée je vous le rappelle de l'étude des types de textes et de la constitution d'un « répertoire de mots courants » (directement issu de l'idée des 3 000 mots vus plus haut). 

    [2]  Si, si, je vous assure : il y eut des IEN qui reprochèrent aux maîtresses et maîtres de Petite Section de ne pas avoir d'exemplaire de La Pléiade dans leur bibliothèque de classe... et il y eut des collègues qui s'exécutèrent et s'empressèrent d'en commander un ou deux ! 

    [3] « Écrire son prénom en cursive, sans modèle. », ce qui semble sous-entendre que Lili doit savoir écrire deux lettres : l et i alors que Jean-Chrysostome a la lourde charge de connaître l’art et la manière d’en écrire et lier les unes aux autres exactement 12 : a, c, e, h, j, m, n, o, r, s, t et y !

    [4] Si toutefois un élève de Petite Section est très demandeur, que ce soit pour deux ou trois jours ou pour plus longtemps, pourquoi pas ? Mais on ne devance pas, on suit !!! Et on vise l'équilibre car l'adulte raisonnable, c'est nous, pas le minot de 3 ans qui se voit bien rat de bibliothèque, toute sa vie, sans n'avoir rien d'autre à maîtriser que l'art de la lecture.

    [5] Je me répète, je sais, mais je préfère, tant nous avons été déformés en ce domaine... Ce que certains des IEN qui sont venus me visiter ne savaient pas, comment voulez-vous qu’un simple professeur des écoles le sache ?


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  • Écoute musicale et expression corporelle en maternelle
    Merci à Sophie Borgnet pour son illustration

    M. Blanquer, Ministre de l'Éducation Nationales, réaffirme l'importance de la musique et du chant à l'école primaire et souhaite réactiver l'un des nombreux plans nationaux, régionaux ou départementaux que j'ai connus au cours de ma carrière visant à favoriser la création de chorales dans les écoles.

    Certains collègues pointent cependant sur les réseaux sociaux l'absence totale de formation des enseignants en ce domaine et le peu d'appui qu'ils trouvent dans leurs circonscriptions.
    En effet, il y a bien longtemps que la plupart des postes de CPEM (conseillers pédagogiques en éducation musicale) ont disparu, comme ont disparu les animations pédagogiques ou les stages départementaux ayant pour thème la musique et particulièrement le chant.

    Ce qui fait qu'il n'y a de chorales que dans les écoles où quelques professeurs des écoles, en exercice ou retraités, animent de leur propre chef ce type de structure. À moins que ce ne soient les mairies qui, pour faire vivre leurs écoles de musique et conservatoires municipaux, envoient des professeurs de musique chargés de ces enseignements pendant le temps scolaires (de plus en plus rare depuis que les TAP obligatoires ont contraint les conseils municipaux à des dépenses supplémentaires importantes).

    Ce projet de chorale est extrêmement formateur et permet tant des apprentissages musicaux que des apprentissages sociaux et comportementaux.

    En Maternelle et au CP, c'est par le chant et l'écoute musicale que passe le plus souvent la prise de conscience phonologique tout comme c'est par le rythme que s'installent les capacités à dénombrer et calculer.

    Je contribue donc à l'effort national en faveur du chant choral en vous offrant le chapitre XIII de Pour une Maternelle du XXIe Siècle, consacré plus largement à l'apprentissage musical en général.
    L'une de ses annexes (Comment leur apprendre à chanter) est tout aussi valable pour les grandes classes de l'Élémentaire que pour les petites.

    J'espère que ces quelques conseils permettront à mes jeunes collègues d'oser se lancer et de regrouper deux ou trois classes et même plus pour créer un chœur d'enfants au sein de leur école.

    Nota Bene : Cet article avait déjà été publié en décembre  2016 mais je trouve judicieux de le remettre en « tête de gondole » aujourd'hui.
    À signaler aussi : Musique chez les petits et Encore musique qui racontent tous deux une séance de musique en classe de cycle I (maternelle + CP).

    XIII - L’enseignement du chant

    Le chant, base éducatrice dans de nombreux pays - La musique, un art à haute portée éducatrice. - Il faudrait des instruments dans toutes les écoles. - Pour que les enfants chantent. - Pourquoi les enfants doivent chanter : paroles et musique. - Les PE ne sont pas tous musiciens. - Une lacune de la formation des maîtres.

    ANNEXES : Comment leur enseigner à chanter. De l’écoute musicale à l’expression corporelle.

    Dans de nombreux pays[1], il existe une longue tradition d’enseignement musical basé sur le chant dès le plus jeune âge. Cet apprentissage est souvent accompagné de pratique instrumentale grâce à un instrumentarium simple. C’est pour eux une des bases fondamentales de l’éducation enfantine. Des méthodes actives[2] y ont été appliquées dès la première moitié du XXe siècle. Les élèves apprennent à écouter, chanter et bouger pour découvrir intuitivement des notions qu’ils apprendront ensuite à noter.

    La prise de contact privilégie les exercices sensoriels. On utilise la voix, le langage et toutes ses déclinaisons : les cris, les onomatopées. On introduit le chant grâce à des mélodies élémentaires, des rythmes courts facilement mémorisables. C’est par lui que l’oreille s’affine, que l’on apprend à moduler sa voix, à enrichir l’expression orale.  

    L’éducation motrice et la découverte du schéma corporel s’articulent autour d’exercices d’expression, de danses folkloriques traditionnelles, d’écoute active. Les élèves élaborent avec l’aide de leur professeur des chorégraphies traduisant cette écoute en gestes.

    La percussion corporelle est souvent le premier instrument de la musique élémentaire. On y ajoute rapidement les instruments à percussion, d’abord très simples[3]  puis plus complexes[4], car ils complètent la notion intuitive de durée par celle de hauteur.

    Le rythme, dénominateur commun des activités liées au mouvement, au langage et à la musique en est un élément primordial. La pratique des instruments permet, quant à elle, d’élargir le champ des expérimentations. Les notions intuitives de hauteur, durée, intensité et timbre sont ensuite consolidées par des jeux, des mouvements, des chansons, des exercices...  

    La musique permet de développer l'écoute, le sens rythmique, la motricité, la mémoire et la concentration de l'enfant de manière ludique et agréable. Toutes ces capacités le serviront ensuite dans tous les domaines au cours de sa scolarité. En programmant chaque jour un moment de chant et un moment d’expression corporelle, la Classe des Petits a pu rendre nos élèves réceptifs à nos exercices.

    Ils peuvent maintenant se contenter d’une ou deux séances hebdomadaires longues, au cours desquelles ils approfondiront leurs connaissances intuitives. Ils pourront alors chercher à s’observer et à observer le groupe pour affiner leur production, leur interprétation, leur écoute. L’une de ces séances sera consacrée au chant et au rythme et l’autre au rythme et à l’expression corporelle.

     Pour qu’un enfant chante bien et aime chanter, il faut lui proposer un répertoire à sa mesure. Comme en littérature, ce n’est pas en commençant par la fin qu’on obtiendra que tous accèdent à un niveau correct d’interprétation. C’est en visant au plus simple qu’on accompagnera le plaisir de chanter de l’envie d’apprendre de nouvelles choses. La méthode Kodaly[5] base l’apprentissage de la musique sur le chant. Elle prend pour point de départ le chant folklorique, choisi pour ses qualités de simplicité rythmique et vocale[6]. Cette méthode a été adaptée au répertoire français[7]. Même sans grande culture musicale, on peut y suivre une progression qui ne mettra pas les trois quarts de nos élèves sur la touche en visant trop haut tant rythmiquement que vocalement.

    Les enfants enrichiront leur vocabulaire au fil des thèmes et des chansons. Ils découvriront et utiliseront des tournures de phrases plus recherchées, des temps verbaux rares. Ils expérimenteront et compléteront d’eux-mêmes des jeux de langage (rimes, allitérations, …).

    Pour ce faire, ils seront aidés par la mélodie et le rythme qui fixent un cadre et soutiennent l’effort de mémorisation. Leurs sens s’affineront et ils discrimineront plus aisément les sons[8]. Ils reproduiront des formules rythmiques et acquerront une maîtrise corporelle et un rythme intérieur qui les rendront capable d’agir posément, sans précipitation.

    Malheureusement, les études musicales sont peu développées chez nous. De plus, elles sont de moins en moins basées sur une instruction musicale simple et concrète. Le désir d’aller toujours plus loin et d’offrir un tremplin aux recherches contemporaines a parfois tué chez les professeurs de musique le besoin de démarrer par des bases solides.

    Celles-ci permettaient pourtant à tout futur professeur des écoles de se servir de sa voix ou d’un instrument de musique pour déchiffrer une partition. Il savait juger si le niveau mélodique et rythmique correspondait aux capacités vocales de ses élèves. Il pouvait même, parfois, trouver seul un accompagnement instrumental qui favoriserait chez ses élèves de nouvelles acquisitions. Il était ainsi capable d’établir une progression dans les acquisitions vocales et rythmiques de ses classes.

    C’est pourquoi des méthodes simples, proposant une progression claire et éprouvée, sont précieuses. La meilleure évaluation de la méthode que nous utiliserons, ce seront nos élèves qui nous la fourniront. Nous vérifierons que tous chantent, de plus en plus juste, pendant la séance de chant, et même seuls, pour le plaisir. Nous nous assurerons qu’ils progressent tous dans les activités rythmiques. Nous noterons qu’ils écoutent attentivement les extraits musicaux que nous leur proposons et qu’ils sont ensuite capables de les analyser en phrases musicales qu’ils repèrent seuls. Si de plus, ils proposent et savent reproduire un jeu chorégraphique, la méthode est bonne !

    ANNEXES

    I) Comment leur enseigner à chanter[9]

    Il est tout d’abord nécessaire de prendre en considération les possibilités vocales et rythmiques des enfants:

    - l’enfant ne peut chanter ni trop grave, ni trop aigu. Il nous faut donc veiller à situer l’étendue du chant dans les limites de ces intervalles (de ré à si en PS, de do à do en MS, de do à ré en GS)

    - l’enfant ne peut chanter ni trop lentement, ni trop vite. Son tempo naturel, lié à son rythme cardiaque, est vif, il est plus rapide que celui de l’adulte. On évoluera de 80 pulsations par minute en PS à 92 à 108 pulsations par minute en GS

    - l’enfant dispose d’une capacité respiratoire encore réduite. Sa respiration est abdominale.

    Les chants à choisir sont ceux qui développeront les capacités vocales en amenant les élèves à s’écouter chanter. Ils apprendront à :

    -  varier l’intensité,

    - reconnaître un chant à sa mélodie,

    - le chanter sans les paroles,

    - le chanter en changeant la hauteur de la note de départ, tout en restant dans le cadre des possibilités vocales d’enfants de cinq à sept ans.

    On veillera à ce que le tempo corresponde aussi à leurs capacités et on travaillera leur développement par des jeux chantés s’appuyant sur une pulsation frappée, plus ou moins rapide. Ces exercices pourront s’accompagner de marches, de trots, de galops, de courses, de sautillés qui aideront les élèves à percevoir et reproduire les différents rythmes.

    Les frappés de mains et l’utilisation d’un petit instrumentarium aideront aussi à percevoir et reproduire ces rythmes. De la même manière qu’on peut faire reconnaître un chant à sa mélodie, il est possible de le faire reconnaître à son rythme. Les élèves peuvent aussi être entraînés à le jouer sans les paroles, simplement en en frappant le rythme.

    Les élèves de maternelle apprennent les chansons par audition. Ils écoutent une comptine ou une chanson interprétée plusieurs fois par l’enseignant puis ils en reproduisent chaque phrase l’une après l’autre en imitant l’adulte. Lorsque deux phrases sont acquises, ils les chantent à la suite. On y ajoute la troisième avant de reprendre le tout et ainsi de suite jusqu’à ce que tout le premier couplet soit acquis.

    On veille toujours à la qualité du chant : sa justesse, la clarté des voix, l’intensité, la prononciation correcte des paroles.

    Un certain nombre de jeux soutiennent l’intérêt pour le chant et permettent d’en améliorer la qualité en exerçant la voix :

    - chant en écho de formules mélodiques simples, extraites de la chanson en cours d’apprentissage, chantées sur la, la, la, la… ;

    - chant dialogué en deux groupes : le premier chante la question, l’autre groupe chante la réponse ;

    - chant en relais : un premier groupe chante la première phrase, le second chante la deuxième, le premier enchaîne avec la troisième, etc. ;

    - chant avec variations, dans des limites raisonnables : de l’intensité (fort et doucement), du tempo (vite et lentement), de la tonalité (grave ou aigu).

    Les chants dialogués et es chants en relais obligent à suivre tout le chant dans sa tête, que l’on chante ou que l’on ne chante pas. Ils exercent l’audition intérieure. On peut prolonger ce travail par des exercices qui consistent à :

    - chanter un chant de plus en plus doucement,

    - commencer un chant en frappant doucement la pulsation, se taire progressivement puis chanter le dernier mot,

    - chanter un chant sur des la la la, c’est-à-dire en n’en gardant que la mélodie,

    - chanter un chant bouche fermée,

    - frapper doucement la pulsation d’un chant en chantant la première phrase, en effaçant le son des phrases suivantes, et en chantant la dernière phrase,

    -reconnaître un chant à sa mélodie chantée en entier sur la la la, ou bouche fermée, jouée sur un instrument. Lorsque les élèves sont bien entraînés, ils savent dire à quel mot de la chanson s’est arrêté l’interprète.

    Des jeux vocaux basés sur la hauteur des sons, à l’aide de la voix et d’instruments mélodiques (flûte à coulisse, carillons, métallophones, xylophones) aident les élèves à prendre conscience des notions de grave, d’aigu, de graduations du grave vers l’aigu ou de l’aigu vers le grave. En accompagnant ces jeux de déplacement de la main vers le haut ou vers le bas, ils commencent à intérioriser une notation qui s’apparente à celle réalisée à l’aide d’une portée musicale.

    Appliqués aux chants appris, ces exercices entraînent les élèves dans la direction d’un meilleur contrôle de leur voix et d’un repérage de formules mélodiques communes à plusieurs chants.

    II) De l’écoute musicale à l’expression corporelle

    A l’aide de musiques choisies pour leurs caractéristiques rythmiques marquées, on fera écouter un morceau court (deux à trois minutes) sur lequel les enfants évolueront ensuite librement. On variera le rôle de chaque groupe d’enfants au cours de la séance : ils seront alternativement danseurs et spectateurs. Entre chaque prestation, un moment sera consacré à la verbalisation expliquée ci-dessus. Ce même morceau sera réutilisé au cours de plusieurs séances consécutives :

    • Séance 1 :

    - Écoute ; danse libre (groupe classe).

    - Nouvelle écoute : un groupe danseurs / un groupe spectateurs ; commentaires ; échange des groupes ; nouveaux commentaires.

    - Nouvelle écoute précédée d’une consigne : chercher « dans sa tête » des mouvements adaptés au rythme de la mélodie.

    - La séance se terminera par la reprise d’un morceau travaillé précédemment et, au besoin, par un moment de relaxation.

    • Séance 2 :

    - Écoute ; un groupe danseurs / un groupe spectateurs ; commentaires.

    - Échange des groupes ; commentaires : l’enseignant dégage une ou deux bonnes idées.

    -Relaxation.

    • Séances 3, 4, 5... :

    - Écoute ; groupes danseurs / spectateurs.

    On dirigera un travail par segments corporels :

    - faire travailler les bras : enfants assis dans des cerceaux, avec un foulard dans chaque main

    -  danser sur place : carrés de 1 m x 1 m tracés au sol 

    - etc.

    On s’attachera à ce que chacun perçoive le rythme ou les ruptures de rythmes :

    - jeu du chef d’orchestre : la classe choisit un geste différent par phrase musicale 

    - danse libre sur le même morceau, l’enseignant se contentant de rappeler aux « étourdis » (ceux qui se laissent gagner par le plaisir du mouvement pour le mouvement) de « bien écouter si ça change »...

    • Objectif final :

    - Petit à petit, se dégagera une danse commune à tout le groupe, elle sera alors intégrée au répertoire de la classe et pourra servir, si les habitudes de l’école le réclament, au spectacle de fin d’année.

    Si en Moyenne Section, il vaut mieux choisir des morceaux où l’on reste dans le même rythme pour commencer, en Grande Section, on évoluera progressivement vers des extraits plus complexes. En fin d’année, puis l’année suivante, au Cours Préparatoire, les enfants seront capables d’élaborer puis de respecter une chorégraphie beaucoup plus travaillée avec reprises, ruptures de rythme, en en détectant les caractéristiques. Ils commenceront à reconnaître les familles d’instruments à leur timbre. On pourra prolonger ce travail par l’utilisation de la vidéo de façon à ce que les élèves voient la musique se jouer.

    Le répertoire sera varié : folklore, musique classique, contemporaine, musiques du monde[10]. Il serait bon d’éviter les chants (tout du moins en français) qui mènent le plus souvent au mime de leurs paroles.

    Nota Bene : Pour ceux que cet ouvrage intéresserait, vous pouvez me le commander directement au prix de 23 euros (prix public). Je me ferai un devoir de vous dispenser des frais de port. Cliquez ici : Contact

    Notes :

    [1] Allemagne, Suisse, Royaume Uni, Belgique, Hongrie, …

    [2] Méthodes Willems, Orff, Kodaly, …

    [3] Claves, maracas, woodblocks, tambourins, guiros, grelots, triangles…

    [4]  Xylophones, carillons, métallophones ou même claviers, violons…

    [5] http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_Kod%C3%A1ly

    [6] « Par l’étendue vocale réduite qu’ils emploient, par l’allure générale des mélodies et par le choix des intervalles et des rythmes utilisés, par leur phrasé, par leur sujet, leur vocabulaire et leur style poétiques, par les moyens moteurs qu’ils mettent en œuvre, par les ressorts d’intérêt qu’ils contiennent, ces jeux sont en effet si parfaitement adaptés à l’enfance, qu’ils sous imposent cette évidence : seuls les enfants eux-mêmes peuvent les avoir aussi bien forgés - ou reforgés - à la mesure de leurs goûts et de leurs moyens », in Les jeux enfantins du folklore français (W. Lemit, cité dans Éducation Musicale à l’école maternelle, CRDP de Poitiers)

    [7] J. Ribière-Raverlat

    [8] Voir le parti que l’on peut tirer d’une éducation musicale complète dans la première partie de la méthode De l’écoute des sons à la lecture (op. cité).

    [9] D’après Éducation Musicale à l’École Maternelle (op. cité).

    [10] Attention, au début, certaines provoquent l’hilarité générale...Leur étude, prolongée dans toute la scolarité maternelle puis élémentaire, appuyée de leçons de géographie portant  sur la diversité des cultures humaines, fera, à mon humble avis, beaucoup plus pour l’éducation à la tolérance que toutes les « Journées contre le racisme » saupoudrées par ci par là...


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  • Le préceptorat du pauvre

    Un peu d'histoire

    Les débuts

    Jusqu'à la Révolution Française, à peu près, l'instruction primaire (écrire, lire et compter, pour faire très simple) était réservée à quelques catégories sociales bien spécifiques : les nobles, les bourgeois et laboureurs aisés qui souhaitaient avoir des enfants instruits. Quand l'enfant était petit, on le confiait à un précepteur (ou au curé du village) qui lui dispensait un enseignement individuel.
    Celui-ci était sans doute parfois dispensé à coups de badine, mais pas toujours. En attestent les écrits de Rabelais, de Montaigne ou de Mme de Genlis... Et la méthode globale fut utilisée bien avant Decroly par des parents soucieux d'apprendre à lire à leur enfant dans la joie et la bonne humeur.
    Lorsque les premiers rudiments avaient été inculqués par ces précepteurs – ou institutrices, pour les filles – les enfants issus des familles les plus riches continuaient au « collège » ou au « couvent », établissements dans lesquels il me semble que l'enseignement était le plus souvent dispensé de manière frontale à des cohortes importantes ; la récitation par cœur y jouait un grand rôle.

    Au cours du XIXe siècle, la demande d'instruction dès l'enfance augmentant, tout s'est subitement accéléré et, en 1834, le ministre Guizot faisait appliquer une loi qui obligeait chaque commune de France à entretenir une école publique et à en recruter et rémunérer le ou les instituteurs. Parallèlement à cela, des ordres religieux enseignants élargissaient leur offre aux enfants de familles à petit budget et même, grâce aux dons de personnes charitables, aux enfants des « indigents » qui ne pouvaient payer eux-mêmes des frais de scolarité, même minimes.
    Un enseignement préscolaire se développa à la même époque,sous la forme de « salles d'asile » organisées par les conseils municipaux ou des œuvres à but religieux. Ces salles recevaient parfois jusqu'à 100 ou 150 enfants, assis sur des gradins, sous la surveillance de deux ou trois « femmes de service », recrutées sur leur bonne mine et des témoignages garantissant de leurs bonnes mœurs.

    Ces maîtres d'école, ainsi que ces femmes de services, n'ayant d'autre formation que leurs capacités à lire, à écrire et à compter eux-mêmes un peu mieux que leurs élèves, recrutés pour des périodes de 7 à 9 mois par an, uniquement pour apprendre à lire, écrire et compter, oscillaient entre les trois pédagogies suivantes :

    • l'enseignement individuel des rudiments de la lecture, de l'écriture et du calcul : chaque enfant à son tour était appelé par le maître qui lui dispensait une leçon individuelle en fonction de ce qu'il jugeait être le niveau de l'enfant concerné. Ce dernier, après avoir reçu sa leçon, repartait à sa place s'entraîner, seul, sur le travail qui venait de lui être donné.
    • l'enseignement frontal, qui pouvait concerner une cinquantaine d'enfants et même plus : le maître installait ses élèves face au tableau et leur faisait répéter la leçon qu'il y avait inscrite. Les élèves la répétaient en chœur jusqu'à savoir la réciter. Selon leur âge, ils passaient alors à une série d'exercices écrits progressifs que le maître corrigeait le plus souvent à l'encre rouge.
      Cet enseignement était parfois le même pour tous les élèves du plus jeune au plus âgé. Le maître comptait sur la répétition à l'identique année après année pour que les savoirs deviennent sûrs. C'est ainsi que, dans les salles d'asile, les enfants de deux à sept ans récitaient l'alphabet, la suite des nombres de 0 à 100, la liste des départements, préfectures et sous-préfectures et parfois même les prières en latin.
    • l'enseignement mutuel : cet enseignement, venu de l'étranger (Grande Bretagne, il me semble) consistait à regrouper de 100 à 200 élèves dans une salle et de les partager en plusieurs cercles. Chaque cercle était alors enseigné par un moniteur, choisi par les deux ou trois maîtres parmi les élèves les plus âgés ; celui-ci répétait à ses camarades ce que les maîtres lui avaient enseigné au préalable.  

     Fondation de l'école publique

    Lorsqu'ils instaurèrent l'école publique, gratuite et obligatoire, les pères fondateurs de cette Institution décidèrent que le plus urgent était de former les instituteurs et institutrices qui allaient permettre à l'Instruction de se diffuser.

    Pour ces maîtres, formés dans des Écoles Normales aux programmes riches et ambitieux, il allait s'agir d'enseigner le trio de base (lire-écrire-compter) accompagné d'éléments culturels qui se voulaient universels (histoire, géographie, sciences et techniques, éducation morale et civique, arts, éducation physique).
    Il s'agissait aussi d'abandonner les vieilles pratiques, tout comme on abandonnait peu à peu les vieux bâtiments et leur mobilier, au profit d'une nouvelle : « la méthode française »[1].
    Puisque les élèves étaient réunis dans une salle de classe, c'était pour y être enseignés tous ensemble, l'enseignement individuel qui en privait 40 de l'attention de leur maître pour n'en privilégier qu'un à la fois fut abandonné ; puisque l'enseignement mutuel avait très vite montré les limites naturelles d'enfants de douze à quatorze ans plus facilement prêts à imposer leur façon de voir le monde qu'à réellement permettre à leurs camarades d'étoffer leurs connaissances, ce serait au maître de transmettre l'instruction à ses élèves. Enfin, puisque l'enseignement frontal par répétition laissait trop d'élèves sur le bord de la route, il ne fallait pas le conserver ; cet abandon fut néanmoins moins absolu car beaucoup d'instituteurs en appréciaient les effets dans leurs classes.

    Bien sûr, il s'agit d'un idéal et il a sûrement subsisté des instituteurs et des femmes de service qui ont continué les pratiques dont ils avaient l'habitude mais, peu à peu,  c'est donc par l'observation d'objets concrets, la pratique sensorielle, la curiosité du savoir, le dialogue constructif entre élèves et instituteur menant à la découverte, la déduction et n'imposant la mémorisation que lorsque l'objet d'apprentissage serait déjà connu que les instituteurs et institutrices ont pris l'habitude de mener leurs leçons.

    C'est sur cette base qu'a grandi l'école publique chez nous. Elle a peu à peu grandi, s'enrichissant des apports des pédagogues français et étrangers du XXe siècle, intégrant peu à peu la diffusion plus facile des textes et des images, fixes puis animées, s'ouvrant grâce aux classes-promenades et aux classes de découvertes... Le but restait néanmoins le même : offrir à tous une culture la plus étoffée possible.
    L'école maternelle, tout d'abord réservée aux plus démunis, a séduit toutes les catégories sociales jusqu'à devenir un premier palier nécessaire à tous.
    La durée de scolarisation obligatoire s'est allongée, accueillant les enfants jusqu'à 12, puis 14, puis enfin 16 ans.

    L'école primaire s'est dotée d'un grand frère, obligatoire lui aussi : le collège, chargé lui aussi d'instruire le plus grand nombre, au mieux, en adoptant des méthodes collectives d'enseignement basées sur l'observation, la découverte, la déduction et la mémorisation de savoirs immédiatement mobilisables.

     C'est à partir de cet allongement de la scolarité que certains ont voulu remettre un peu de sang neuf là-dedans. La vieille école publique avait atteint sa centième année et méritait autre chose que ces petits savoirs, petitement dispensés, par d'obscurs petits instituteurs.
    On allait fermer les vieilles Écoles Normales et leurs recettes éculées et remplacer leurs professeurs poussiéreux par des universitaires qui offriraient le fruit de leurs recherches à leurs étudiants. L'enfant étant une personne, il n'avait pas besoin de ce cocon abêtissant et profiterait bien mieux d'un bain culturel l'amenant à construire lui-même des concepts qui seraient les mêmes, de la maternelle à l'université. Les apprentissages pas à pas étaient remplacés par des projets au cours desquels les enfants découvriraient d'eux-mêmes les joies de la lecture, de l'écriture et du calcul, en action, sans instituteur pour les instituer mais grâce à des médiateurs bienveillants, qui leur fourniraient l'aide technique, s'ils en avaient besoin.
    Les vieilles méthodes, abandonnées depuis cent ans, furent ridiculisées ; on encouragea les instituteurs à jeter les vieux manuels scolaires et à se débarrasser du matériel de pédagogie qui encombrait les placards.
    À l'école primaire comme ailleurs, on ferait de la littérature, de la recherche, on bâtirait la démocratie par la réflexion et la confrontation des opinions...

    Comme d'habitude, ça n'a pas été aussi révolutionnaire que cela parce que, bon an mal an, les instituteurs étaient toujours là et continuaient à jouer leur rôle d'adultes dispensateurs des savoirs qu'ils détenaient.

    Et puis on a reculé parce que les résultats des recherches-actions n'étaient pas si bons que cela. Sauf que les contenus à transmettre et les méthodes pour le faire avaient disparu.

    Où en sommes-nous ?

    Aujourd'hui, on les cherche. Pour l'instant, personne n'a encore pensé à s'en prendre aux contenus. Ceux qui sont proposés semblent les bons. Le problème viendrait des méthodes choisies pour les transmettre.
    Parce qu'il faut bien admettre que ça coince... ça coince même méchamment... Il semblerait d'ailleurs que ça n'a jamais autant coincé.

    C'est pour cela que, bon an mal an, chacun y va de sa petite découverte personnelle. Une année, on nous sort la chaussette finlandaise, prête à sauver l'école du marasme où elle a plongé. L'année suivante, on nous refait le coup de l'enseignement frontal , rebaptisé « pédagogie explicite » avec son modèle donné par le maître, appris par les élèves qui le récitent puis s'entraînent à l'appliquer à l'aide d'exercices progressifs et sont enfin évalués sur le degré de maîtrise de la notion, débarrassée de tous ses à-côtés. Une autre, c'est l'enseignement mutuel, euh pardon la « médiation par les pairs » qu'on redécouvre après 130 ans d'oubli ; des petits moniteurs, bienveillants ou pas, sillonnent les cours de récréation pour faire régner une loi passée à la moulinette de l'organisation rationnelle du monde vue par un enfant de cinq à onze ans...

    Cette année, c'est l'enseignement individuel, autrement dit le préceptorat du pauvre qui a le vent en poupe.
    Ce premier degré de la pédagogie, simple reproduction du système originel de la transmission allant d'un adulte vers un enfant, a conquis l'école maternelle et commence à faire des émules dans les CP et les CE1... On l'a toiletté, bien sûr, et accompagné de toute une panoplie d'outils allant de la pince à épiler pour attraper les lentilles à la collection de perles de couleur pour diviser 7 982 par 7 à cinq ans, tout seul comme un grand !
    Pas de contrainte apparente puisque l'élève choisit son activité (... parmi celles que son enseignant propose), pas de difficulté à dépasser puisque chacun avance à son rythme et que personne ne semble jugé par l'enseignant, pas de compétition puisque l'enfant n'est pas confronté à ses pairs, eux-mêmes occupés à leurs activités dans leur petit coin, pas de chahut, pas de brouhaha...
    On peut même les coller face au mur avec une tablette numérique dans les mains pendant qu'on s'occupe d'un seul enfant, objet de toute notre sollicitude pendant les 10 minutes qui lui sont dédiées, tous les jours ou tous les deux jours.

    La pédagogie idéale...

    Adopter un autre point de vue

    Idéale jusqu'à ce qu'on nous en réinvente une nouvelle ! 

    Parce que, si nous réfléchissons bien : pas de contrainte, pas de confrontation aux autres, pas d'effort à fournir, sans doute... mais pas de passion non plus... ou alors les enfants ont bien changé depuis les classes coopératives de Célestin Freinet !

    Pas de passion, pas d'émulation saine et profitable, pas de possibilité d'apprendre à se comparer aux autres, pas de découverte fortuite, née de l'intérêt commun, pas d'ouverture sur des ailleurs insoupçonnés qu'on ne rencontre que si l'on se promène à plusieurs.

    Le point de vue que je propose d'adopter est aux antipodes de l'enseignement frontal. Il se rapprocherait de l'enseignement mutuel mais en éviterait les dérives nées de l'insuffisance de préparation et de culture de ceux qu'on bombardait « moniteurs ». Sa partie « individuelle » passerait d'un butinage libre à un travail structuré et structurant d'entraînement dirigé.

    L'enfant est un être social en construction. Tout petit, il a besoin pour apprendre d'interactions individuelles avec l'adulte.
    Il est donc normal que la Classe des Petits[2] soit aménagée de manière à ce que les activités libres pendant lesquelles l'adulte s'intéresse à l'un ou l'autre des enfants soient la règle. Cependant, puisque le but est  l'éducation au sein d'une structure collective, il est déjà nécessaire que les enfants soient confrontés aux activités collectives et qu'ils en apprennent les règles de fonctionnement[3].
    La classe des petits est donc une classe dans laquelle le temps est partagé en deux parts d'inégale durée : de longues périodes d'activités individuelles libres, dans un environnement riche en stimulations sensorielles, et de fréquentes mais courtes périodes d'activités communes dirigées selon la « méthode française » de Pauline Kergomard.

    Cela permet d'inverser la tendance dans la Classe des Grands[4], lorsque les intérêts communs prennent le pas sur l'intérêt personnel de chaque jeune individu.
    C'est d'autant plus important qu'après des apprentissages en étoile, propres à la petite enfance, les élèves abordent désormais des apprentissages linéaires où les acquisitions se font au jour le jour dans un ordre bien précis.
    Grâce à la mutualisation des connaissances et des compétences, à plusieurs reprises dans la journée, chaque élève peut se voir progresser au sein du groupe et appréhender avec confiance ce qu'il a encore à apprendre.

    Grâce à une méthode collective d'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul, menée par l'enseignant qui est là en tant que « moniteur » capable de tisser les compétences et les savoirs entre eux pour obtenir l'instruction, tous apprennent en se soutenant.
    Les activités libres ne disparaissent pas, elles continuent à jouer leur rôle : provoquer l'intérêt de l'enfant, l'exercer à perfectionner un geste technique – quel qu'il soit : composer un mot à l'aide de lettres tout comme scier une planchette en suivant un tracé ou poser une addition à retenues – mais aussi lui permettre d'expérimenter librement pour découvrir, déduire et mémoriser.

    Dans une classe où les activités libres ne se résument pas à des tablettes numériques sur lesquelles sont téléchargées des activités d'entraînement et des boîtes contenant chacune un jeu bien précis et son mode d'emploi mais proposent surtout des jeux de construction libre (legos, polydron, attrimaths, kapla, engrenages, ...), des jeux d'imitation (village, château-fort, ferme, gare, etc.), une bibliothèque bien fournie, des feuilles, des crayons, des compas, des ciseaux, de la colle, de la pâte à modeler, des horloges, des aimants, des thermomètres, des pailles, ...,  très souvent, lorsque l'enseignant est sur le point d'introduire une leçon, il a déjà les trois quarts de la classe qui a dépassé le stade de la découverte et ce sont ces enfants-là qui, par leurs réflexions, leurs démonstrations, leurs déductions aident le quart restant à se raccrocher au train des apprentissages.

    Ce petit coin d'activités libres, s'il peut continuer à exister jusqu'au CM2 est ainsi le lieu des découvertes fortuites ; l'individuel, ou le tout petit groupe, est aussi le moyen retenus pour les entraînements individuels structurés alors que le lieu où se regroupe la « classe », près du tableau, est l'agora, la place où l'assemblée se réunit pour s'informer et s'instruire tous ensemble, en soutenant les faibles, le point névralgique d'une éducation collective et citoyenne.

     

    Notes :

     [1] http://silapedagogie.weebly.com/pauline-kergomard.html

     [2] De la TPS à la MS.

    [3] Voir Pour une École maternelle du XXIe siècle  

    [4] GS et CP réunis dans la même classe, avec le même enseignant.


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  • Faudrait pas qu'ça grandisse...
    Merci à Claude Ponti dont l'œuvre tout entière, par sa créativité débridée, cherche à prolonger l'Enfance...

    « Je trouve qu’il y a une très forte rupture entre écoles maternelle et élémentaire. Le passage au CP est extrêmement difficile pour les enfants et mortel pour l’imagination. À l’école élémentaire, ils sont enfermés dans l’apprentissage du «  lire, écrire, compter  », qui sont des systèmes clos qui leur interdisent l’imagination, alors que sans elle, je ne pense pas qu’on puisse lire, écrire, compter. » répond le célèbre Claude Ponti à la personne qui l'interroge au nom des Cahiers Pédagogiques.

    Mortel pour l'imagination, rien que ça. Apprendre à lire, écrire et compter tue à jamais l'imagination... C'est brutal. Il ne faudrait pas que ce soit mal interprété et qu'on en déduise qu'il vaudrait mieux ne rien apprendre aux petits enfants pour qu'ils restent frais et drôles comme de petits enfants et continuent à croire que les vilains pieds de table se sont jetés sur leur petit orteil pour le croquer, que les presbytères sont de jolis petits escargots et que les vilains Kontrôleurs de Kastatroffe viennent manger tout crus les petits poussins qui n'ont pas pensé à souscrire à une assurance prenant en charge les dommages dus aux incendies...

    La vieille barbe que je suis a de la peine à laisser dire des vérités aussi tranchées sans renâcler. Surtout quand elle lit dans les commentaires tout un tas de vérités-vraies tout aussi entachées de jusqu'au-boutisme noir et blanc, visant à approuver les dires du grand maître es-enfant-de-6-à-8-ans... Répondons donc point par point.

    La rupture

    Oui, il est vrai qu'au cours de ma carrière, j'ai remarqué une rupture de plus en plus grande entre la Grande Section et le CP. Je pourrais presque la dater, d'ailleurs. Mais j'ai peur qu'on m'accuse encore du « c'était mieux avant »...

    Avant, pour moi, c'était quand on n'apprenait pas les lettres et les chiffres aux enfants dès l'âge de trois ans. Avant, c'était quand on leur donnait du papier, des crayons, de la peinture, de l'argile, des ciseaux, de la colle, du fil, du carton, des emballages vides, des chutes de bois et même des ratons-laveurs et qu'on leur disait : « Fais-en ce que tu veux, je saurai quoi en tirer pour t'aider à grandir ! ». Avant, c'était quand on lisait des histoires en classe sans se demander si elles permettaient de travailler en petit groupe, en grand groupe ou en ateliers décloisonnés ou bien si elles étaient un moyen de « faire rencontrer aux élèves une culture littéraire résistante, à l'incompréhensibilité programmée, afin d'enrayer les automatismes récurrents de l'intrigue » ou encore si elles débouchaient sur la découverte d'une logique non-cartésienne. Avant, c'était quand on ne travaillait pas « à la manière de Machin » sauf si Machin, c'était le petit copain d'à côté, âgé lui aussi de 3, 4, 5 ou 6 ans. Avant, c'était quand, en Grande Section, on ajoutait à tout ça un peu d'écriture, un peu de lecture, un peu de calcul, juste à leur mesure parce qu'ils le demandaient. Avant, c'était quand le CP n'était pas déclaré la classe la plus difficile de tout le cursus primaire et qu'instituteurs comme enfants l'abordaient sereinement en sachant que, sauf rare exception, tout le monde serait lecteur à la fin de l'année. Avant, c'était quand on ne courait pas après le temps parce qu'on savait qu'on avait 27 heures par semaine pour avancer, tous ensemble, sur le chemin de tous les savoirs, réels comme imaginaires.

    Les enfants arrivaient alors au CP tous dessinateurs, ce qui est très rarement le cas aujourd'hui, tous scripteurs, et parfois déjà un peu lecteurs.
    La rupture était moindre puisqu'ils continuaient sur un chemin qu'ils connaissaient déjà et dans lequel l'imaginaire cultivé avait été le leur et non celui des albums de littérature-jeunesse exploités jusqu'aux tréfonds de leurs logiques, de leurs imaginaires, de leurs repères culturels d'adultes faits qui n'évolueront plus qu'à la marge.

    « Lire, écrire, compter »

    Il est amusant de voir qu'après 15 ans de programmes de 2002, on en soit toujours à conclure que c'est au CP qu'on apprend à lire, à écrire et à compter. Amusant et rassurant.
    Si cela pouvait évacuer tous ces « ateliers autonomes » ou « dirigés » au cours desquels nos tout-petits associent des lettres minuscules à des lettres majuscules, trouvent l'initiale d'un mot, comptent inlassablement des bouchons, des pinces à linge, des cure-pipes, des piques à brochettes, cherchent à prouver qu'ils entendent les phonèmes de la langue française, s'exercent à inverser les syllabes d'un mot et autres activités toutes plus inutilement ponctuelles les unes que les autres, ce serait déjà pas mal. Mais même pas !
    N'osons même pas rêver qu'on pourrait à la place faire de l'utile constructif, servant l'imaginaire comme le réel et permettant aux élèves d'arriver au CP tout à fait prêts à ajouter le « lire, écrire, compter » à leur panoplie, sans risque pour leur développement global, celui qui concerne tant l'imagination que le principe de réalité.

    Encore que... y arriverions-nous ? Quand on enlève des heures de classe, et puis encore des heures de classe, à des jeunes enfants toujours aussi lents que leurs grands-parents ou leurs parents au même âge pour se regrouper en un semblant de rang, s'habiller, se déshabiller, vider ou remplir un cartable, écrire en tirant la langue, gommer avec application, passer un cap aussi important que savoir nouer un lacet, passer la dizaine supérieure, élargir son empan visuel jusqu'à pouvoir d'un seul coup d'œil englober 3, 4, 5, 6 ou même 7 lettres à la fois, retenir un nombre astronomique de mots nouveaux qu'ils n'avaient jamais entendus auparavant, comment sommes-nous censés faire ?

    Pas étonnant que, dans certaines classes de CP, on ne fasse plus qu'apprendre à lire, à écrire et à compter et qu'on oublie parfois tout le reste, tout ce qui était si important pour assurer une croissance harmonieuse aux enfants qui n'étaient pas nés avec une cuiller en argent dans la bouche !

    Des systèmes clos qui interdisent l'imagination

    Je reviens de visiter le château de Guédelon où j'ai été plongée dans le monde des bâtisseurs qui ne savaient pas lire. J'ai continué mon périple par Vézelay où j'ai pu observer l'imaginaire de sculpteurs de pierre qui ne savaient sans doute ni lire, ni écrire, ni compter.
    Leurs systèmes clos à eux, c'étaient la corde à 12 nœuds, l'équerre et le compas, l'exemple de leurs anciens qui leur transmettaient, oralement, leurs connaissances dans le domaine du réel mais aussi d'un imaginaire, sans doute très fermé pour nous, leurs descendants du XXIe siècle, mais un imaginaire débordant de créativité tout de même.

    Les systèmes, clos ou non, permettent d'avancer. C'est d'ailleurs ce que découvrent nos « 6 ans » au moment où ils perdent leur première dent de lait à peu près.

    Jusque là, ils avaient accumulé, au petit bonheur la chance. Ils s'installaient, disait Célestin Freinet.
    Puis, petit à petit, une fois installés, ils avaient commencé à aménager leur intérieur ; cela les avait amenés à multiplier les expériences, éliminer celles qui n'aboutissaient pas pour perfectionner celles qui leur avaient permis d'aller plus loin. Dans tous les domaines.

    Pendant leur dernière année d'école maternelle, normalement, si le virtuel n'a pas trop contaminé leur univers, à la maison comme à l'école, ils ont décidé de commencer à ranger toutes ces connaissances. Et pour savoir comment les ranger, ils ont cherché à les trier.
    D'un côté, le vrai, le sûr, le tangible, celui dont on sait d'où il vient, qu'on peut reproduire de façon sûre, qu'on peut systématiser sans crainte et partager avec ses pairs. De l'autre, l'imaginaire, le drôle mais aussi le terrible, celui qu'on n'explique pas et qu'on est de plus en plus conscient de « jouer » quand ce n'est pas lui qui nous « joue ».

    Et là, les petits CP, à 95 % et peut-être même plus, par commodité, par goût du rangement et de la sécurité, se sont tournés vers le réel. Même s'ils chérissent encore la Petite Souris qui échange ces « dents de bébé » (à dire sur un ton méprisant) contre des sous, des vrais, qu'on peut monnayer dans les magasins en échange de solide, de réel. Même s'ils rêvent du Père Noël qui leur apportera monts et merveilles sans les réveiller, à tous, en une seule nuit, grâce à un traîneau et huit rennes enchantés. Même s'ils ne sont pas si sûrs que ça qu'il n'existe pas quelque part un Bouffron-Gouffron qui pourrait peut-être leur faire des misères...

    Et il ne se passe pas une journée sans que leur enseignant n'entende la question lancinante qui a perturbé M. Ponti : « Est-ce que c'est vrai, ça ? »
    Ils tiennent à le savoir, non pas pour renier l'imaginaire, mais pour en faire un bloc à part, un jardin secret pour certains, une originalité pour d'autres, un truc inutile et même un peu idiot pour nos futurs « gros messieurs tout rouges ».

    Leurs super-pouvoirs, ce ne sont plus ceux de Superman qui vole à travers les airs, de Spiderman qui escalade les façades des immeubles, de la Reine de Neiges qui se délivre de je ne sais trop quoi et le beugle à tous les vents...
    Eux, ils savent lire... écrire... compter... et ça leur ouvre le monde ! Comme tous ces apprentissages qui les ont structurés jusque là, comme la station debout sans appui et la marche à pied autonome, sans donner la main à maman ou papa, comme la natation sans brassards, le vélo sans roulettes, les rollers, le chant juste et bien timbré, l'escalade de la cage à écureuils ou de l'arbre du voisin, la descente à skis tout seuls en faisant gicler la neige à l'arrivée, le dessin précis et réel du château du prince et de la princesse, de la locomotive ou du vaisseau spatial qu'ils conduiront un jour, de la robe de princesse ou de l'armure qu'ils porteront quand ils seront grands, c'est sûr !

    Car ils dessinent toujours

    S'ils ont pu pratiquer réellement, en toute liberté, sans consignes ni modèles, le dessin, le modelage, le découpage, le collage, le tissage, la construction à base de d'objets en volume variés et toutes ces activités qui auraient dû rester libres à l'École Maternelle, ils sont même à l'apogée de leur art ! Comme l'année dernière, et celle d'avant, et celle d'encore avant... et celle d'après, et celle d'encore après... Jusqu'à leurs 25 ans environ !

    Parce qu'ils sont des enfants et qu'un enfant, ça évolue, et pas qu'à la marge. Ce qu'ils ont appris précédemment se détruit et se reconstruit plus beau, plus solide, plus réfléchi, plus construit.

    Leur imagination croît au rythme de leurs lectures, des œuvres d'art visuelles ou musicales qu'ils rencontrent, des sciences et techniques qu'ils découvrent et apprennent, elle s'affine, prend ses propres marques. C'est sans doute en cela qu'elle s'éloigne très vraisemblablement, au moins provisoirement, des mondes parallèles chers aux auteurs-illustrateurs de la littérature de jeunesse en vogue.

    Bientôt, cependant, pour faire de la place au reste, certains d'entre eux ne dessineront plus, d'autres ne s'essaieront plus à l'architecture à taille d'enfant ou au tressage de fils de couleurs... Certains se lanceront dans la création musicale, d'autres préféreront la mécanique, l'archéologie, la cuisine, la création poétique, littéraire, l'étude des langues anciennes, l'exploration du petit bois derrière chez eux ou de l'Antarctique, le piratage informatique, la façon de faire fructifier un capital en bourse, l'aide aux personnes en situation de handicap ou d'extrême pauvreté... et il y en a même qui écriront et illustreront des albums de jeunesse qui sortiront de la logique récurrente de l'intrigue et qui entraîneront les enfants vers des paradis artificiels propres sur eux et ne nuisant pas à leur santé...

    Cela s'appelle grandir. C'est moins mignon que rester petit et se sentir prêt à renverser la montagne, combattre le dragon et boire tout l'océan mais c'est plus efficace quand il s'agit d'agir réellement sur les montagnes, les océans et même ces fichus dragons qui nous empoisonnent l'existence depuis que le monde est monde !

    Plaidoyer pour le dessin à l'école :

    Dessiner pour devenir intelligent.

    Dessiner pour s'exprimer


    6 commentaires
  • CP : Que faire maintenant qu'ils savent lire ?
    Merci à X. Laroche pour son illustration.

    Des CP « à peu près lecteurs »

    Si tout s'est bien passé cette année, nous avons désormais des élèves de CP « à peu près lecteurs ». Manque encore chez certains la fluidité mais le déchiffrage, presque mot à mot pour les plus faibles, est maintenant bien installé.
    Quant à nos plus experts, même en première lecture, certains ont déjà dépassé le stade du « mot à mot rapide » et ils s'essaient désormais à lire par groupes de souffle en commençant à corriger leur intonation.

    Si nous ne nous sommes pas égarés dans de fausses-pistes, le manuel de lecture ou ce qui en tient lieu au niveau de l'acquisition de la combinatoire est en passe d'être fini. Sans doute nos élèves ne sont pas encore tout à fait à l'aise pour déchiffrer sans erreurs : « Jean-Chrysostome et Benjamin s'égaillent dans les groseilliers dont ils ont nettoyé feuilles et brindilles de toute trace d'anthracnose ou d'oïdium » mais, lorsque nous choisissons un texte à leur mesure, guidés par le sens, ils corrigent d'eux-mêmes leurs erreurs d'interprétation et découvrent ainsi les derniers « sons complexes » (oy, ay, uy ; ail, eil, euil, ouil ; ph ; gn ; valeurs des lettres c et g ; ...).

    Cependant, ils ne sont pas « tirés d'affaire » et ils ont encore besoin d'un entraînement quotidien pour se métamorphoser en « lecteurs-experts », ces lecteurs qui, comme nous, ont tellement intégré l'écrit à leur vie que leurs yeux lisent tout ce qui passe devant eux et que, parfois, la nuit, leurs rêves se déroulent par écrit !

    Une erreur fréquente

    L'erreur serait, par exemple, de commencer à s'éparpiller et de ne plus utiliser la lecture que comme « outil » visant à ouvrir le débat et l'observation, réservant la part belle de nos séances à l'oral ou à la série de fiches d'exercices traitant un peu de tout.

    C'est un peu comme si, après avoir appris à notre enfant les bases de la natation ou du maniement d'une bicyclette, nous ne fréquentions plus la piscine ou les chemins près de chez nous et que nous remplacions la pratique de ces sports par l'observation dialoguée de tableaux, photos, films sur lesquels nous lui demanderions de disserter !
    Tout le monde s'accorderait pour nous dire que ce n'est pas ainsi que nous allons lui permettre d'acquérir l'aisance que nous cherchons pour lui. On nous signalerait même qu'il risque de perdre le peu qu'il avait acquis et de se retrouver incapable de flotter même maladroitement ou d'équilibrer sa machine tout en la dirigeant vers le lieu qu'il aurait choisi.

    Et pourtant, c'est souvent ce qui se passe avec la pratique de la lecture. Une fois la « méthode de lecture » rangée, nous cherchons UN album à étudier et nous fouillons les sites de collègues pour trouver les situations orales et les fiches d'exploitation qui nous permettraient d'enrichir cette lecture pendant les quatre à six semaines que nous allons consacrer à cette étude.

    Et c'est là que, après l'avoir résolument évitée jusqu'alors, nous mettons le pied sur la fausse-piste, celle que nos conseilleurs institutionnels nous engagent certes à suivre mais qui, malgré tous nos efforts, creuse les écarts et éloigne de la table tous les petits enfants qui n'ont pas une famille lectrice pour les rendre « accro » à la lecture !

    Choisir un autre chemin

    Et si nous nous penchions sur la manière de procéder de la famille lectrice ? C'est la même que celle de la famille nageuse ou habituée des randonnées à vélo... Et elle fonctionne presque à coup sûr !

    Sa bibliothèque est pleine de livres et elle fréquente assidûment des lieux où les livres sont rois. Chaque membre de la famille consacre un moment de sa journée à la lecture et tous sont prêts à prendre de leur temps pour lire à voix haute un extrait qui leur plaît. Il leur arrive de commenter brièvement le dernier livre lu, de parler d'un auteur qu'ils viennent de découvrir, de conseiller une lecture, suite à une question, une discussion, un différend...
    Elle accompagne les non-lecteurs de la famille en leur proposant des lectures à voix haute. Ces lectures sont chaque fois différentes même si, à la demande de l'enfant, elle reprend parfois une « histoire chérie » pour la lire et la relire...
    Au fur et à mesure que l'enfant a grandi, elle a choisi des livres plus longs, aux histoires plus fouillées, et la lecture par épisodes a fini par apparaître quand l'enfant a demandé à accéder à des « vraies histoires », dans lesquelles le texte prime sur les illustrations.

    Tout ceci est facilement reproductible en classe, nous avons déjà presque tout :

    • notre classe ou notre école est dotée d'une bibliothèque, nous nous rendons peut-être même parfois à dates fixes à la bibliothèque municipale, nos élèves vivent donc entourés de livres ;
    • il nous est facile de dégager du temps de classe où nous lisons quelque chose à nos élèves et il serait simple aussi de décider que, chaque jour, en début d'après-midi par exemple, nous allons consacrer quelques minutes (pas plus de 15) à la lecture silencieuse de tous, adulte comme enfants ;
    • depuis le début de l'année, nous avons accompagné nos non-lecteurs de manière à les faire progresser en augmentant peu à peu les quantités de lecture qu'ils sont capables de déchiffrer et comprendre simultanément – c'est la définition du verbe lire – tout en leur proposant parfois de lire ou de relire une « histoire chérie », dans une version plus ou moins fouillée selon leur degré d'habileté.

    Il ne nous reste donc que le dernier point, celui qui consiste à parfaire cet entraînement pour les aider à franchir le cap et les emmener avec nous du côté des lecteurs-experts.

    Méthode

    La méthode est simple. Elle consiste à continuer sur le même chemin, celui que nous a tracé la « méthode d'apprentissage de la lecture » : lire chaque jour une à deux pages composées d'un texte, de plus en plus long, suivi d'une exploitation courte de ce texte : compréhension, lexique, découverte ou révision de relations graphophonémiques.

    Comme nos élèves sont désormais capables de lire un texte d'environ 300 mots en une seule séance de 30 à 45 minutes, en réservant un moment pour l'interprétation et l'exploitation, nos albums de littérature jeunesse risquent fort de ne pas y suffire et nous allons sans doute devoir en prévoir largement plus d'un ou deux d'ici à la fin de l'année... Tant mieux, c'est la preuve que nos élèves vont pouvoir s'entraîner presque physiquement à la lecture dans ce qu'elle a de sensoriel !

    Leurs yeux vont s'exercer quotidiennement à produire des saccades régulières et correctement orientées, leur main à suivre la ligne de manière souple, leurs organes phonatoires à produire des mots, et même des phrases, plutôt que des sons isolés, leurs oreilles vont s'habituer à écouter attentivement une histoire se dérouler à un rythme de plus en plus soutenu.
    Le câblage cher à Céline Alvarez va se renforcer et les connexions neuronales vont se multiplier à l'envi !

    Quant à leur cortex cérébral, que de stimulations diverses et variées va-t-il recevoir ! Pensez donc ! Parmi ces 300 mots quotidiens, reliés entre eux sous forme de phrases elles-mêmes obéissant à une logique de texte, que de connexions de sens, d'implicite, d'inférences, de reprises pronominales ! Que de « mots du jour » ! Que de formes verbales nouvelles !

    Sans parler de l'acculturation... Avec un tel régime, très enrichi, un album de littérature de jeunesse, par exemple Charivari chez les P'tites Poules, de C. Jolibois et C. Heinrich, est lu en une semaine de classe à raison d'une lecture quotidienne d'environ 300 mots.
    C'est donc chaque semaine que nos élèves découvriront un monde nouveau, avec ses références littéraires, historiques, géographiques, scientifiques, morales et civiques !
    Nous sommes bien loin des six à huit albums par an des « méthodes traditionnelles » conseillées par nos formateurs dont la profession de foi peut se résumer en ces quelques mots :

    « D'abord je sous-alimente, ensuite je remédie en tentant de compenser les carences que j'ai provoquées et enfin je relativise mon échec en le rejetant sur l'enfant que je déclare en situation de handicap physique, social ou culturel ! »

    Où se fournir en textes adaptés ?

    C'est un problème qui mérite d'être traité car il n'existe pas, ou plutôt plus, de réservoir de textes prévu pour le troisième trimestre du CP.

    Nous avons plusieurs solutions :

    • Le système D : celui qui consiste à choisir ses albums dans sa bibliothèque de classe ou d'école, à la bibliothèque municipale, dans une librairie et à les taper soi-même sur des feuilles A4 format paysage, sur deux colonnes, en ajoutant une image scannée par ci par là pour égayer.
      Quelques questions de compréhension, un ou deux très courts exercices d'observation des relations phonémiques, en 5 feuilles le tour est joué, pour chaque jour de classe de la semaine. C'est long, chronophage, mais c'est efficace.
      Comme on présente l'album sous forme d'objet-livre à ses élèves et qu'on le place dans sa bibliothèque de classe, on peut prouver à M'sieur ou M'dame l'IEN qu'on est « dans les clous des programmes » et que l'on propose bien à ses élèves la « fréquentation de cinq à dix œuvres complètes empruntées à la littérature de jeunesse et à la littérature patrimoniale ».
    • Le choix « clé en main » : on s'arrange avec son collègue de CE1 et on achète pour les deux classes une série du manuel La lavande et le serpolet, qui est à ma connaissance le seul manuel scolaire qui propose des textes complet présentés ainsi, en quelques pages, une fois dégagés de la plupart des illustrations. On a de même satisfait aux exigences institutionnelles et les élèves ont été pourvus de leur viatique de textes issus de la littérature de jeunesse.
    • Les ressources anciennes : on cherche sur les brocantes, les sites de livres d'occasion, les partages de tapuscrits d'anciens manuels scolaires étiquetés « premier livre de lecture courante » et on s'en sert en classe (sauf le jour où M'sieur ou M'dame l'IEN sont annoncés dans le secteur même si, à bien y regarder le quota de textes, particulièrement les patrimoniaux, il est vrai, a été respecté).
      Il y en a de très bien : Le Livre des Bêtes, chez Istra – je l'ai en tapuscrit, s'il vous intéresse, L'Oiseau-Lyre CP-CE1, chez Hachette, Bien lire et aimer lire, tome 3, chez ESF, composés tous trois de contes pour enfants, connus ou moins connus, ou encore Allons-y, les copains et En vacances, les copains, chez Belin, illustrés par Gerda Müller qui racontent les aventures d'une bande d'enfants, en classe, puis en vacances à l'issue de leur CP.
      Cependant, seul le premier de ces ouvrages propose une exploitation quotidienne du texte lu. Les suivants, plus récents sans doute, avaient déjà perdu cette bonne habitude qui déchargeait l'enseignant d'un travail contraignant. À vous donc de faire marcher votre imagination pour mener vos élèves sur le chemin de la lecture experte sans les lasser ou les perdre sur des chemins de traverses qui mènent à tout sauf à continuer à apprendre à lire.

    Bon courage à ceux qui oseront innover et sortir du schéma traditionnel. Leurs élèves en sortiront gagnants et, une fois les premières angoisses passées, eux aussi découvriront le plaisir d'avoir une classe d'enfants lecteurs, tous passionnés par les textes qu'ils leur proposeront.

     


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