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Le petit livre rouge (7)
Aujourd'hui, on ne file pas la métaphore Révolution Culturelle...
Merci à Laurence Pierson pour ses excellents cahiers d'écriture.Une fois la première partie du petit livre rouge finie, il faut s'attaquer à la seconde partie, celle de l'écriture.
En voici le premier chapitre (il y en aura 6 autres !), celui qui présente l'écriture au CE1...
Enseignants de CP, accrochez-vous, vous allez être habillés pour l'hiver qui se profile ! Vous allez apprendre que vos élèves arrivent au CE1 :
♠ avec un geste d'écriture imparfait
♠ avec une connaissance du code aléatoire
♠ tellement inhibés par ces défauts qu'ils n'osent pas écrire
Enseignants de CE1, sachez que pour porter remède à cette situation peu reluisante, vous devrez :
♥ aller au-delà des savoirs segmentés pour les faire écrire dans tous les domaines
♥ accorder une large place à l'écriture
♥ multiplier les activités d'entraînement
♥ pratiquer la rédaction...
♠ ... avec des objectifs dignes d'une classe de Sixième et des techniques d'écriture qui, jusqu'aux années 1990, étaient réservées aux écrivains
♠ et... tadadam... faire passer des tests !!!
Les curieux en sauront plus ci-dessous (Pour le code de lecture, se reporter à Le petit livre rouge (1).)
L’écriture au CE1
I) Quelques principes sur l’enseignement de l’écriture
a) La spécificité du CE1
Les objectifs du CE1 appellent un véritable saut qualitatif. La mise en œuvre guidée, puis autonome, d’une démarche de rédaction de textes exige de l’élève qu’il trouve et organise ses idées pour rédiger une puis plusieurs phrases, qui s’enchaînent avec cohérence. On attend de lui qu’il soit en mesure d’identifier les caractéristiques propres à différents genres de textes, qu’il mobilise des connaissances sur la langue (mémoire orthographique des mots, règles d’accord, ponctuation, organisateurs du discours, etc.) dans des écrits autonomes.
→ Mais comme nous avons environ 10 mois pour le faire et que, pendant cette période, l’enfant va « grandir » de 10 mois environ aussi, le saut qualitatif est tout à fait à sa mesure, surtout si on avance à petits pas, sur un terrain déjà bien préparé.
Dans les tâches d’écriture, plus encore que dans celles de lecture, l’élève doit mobiliser son attention :
— forcer et structurer son regard
— être attentif à la fois au sens, à la langue et au geste
— s’entraîner à former et accrocher les lettres entre elles
— découvrir les stratégies qui facilitent la copie et évitent les erreurs et les oublis
— écrire de courtes phrases dans le cadre d’activités guidées.
→ Rien que des choses qu’il a déjà faites au CP, normalement... Évidemment le détour par les pseudo-mots peut avoir rendu délicat le point n° 2 ; tout comme la copie d’éléments non déchiffrables...
La rédaction est susceptible de conduire l’élève à percevoir ses besoins en lexique, en structures syntaxiques, en organisations textuelles. Dans le même temps, la lecture lui permet d’étendre ses connaissances lexicales et syntaxiques, et de se centrer sur des organisations textuelles qui peuvent être réinvesties en rédaction.
→ Eh bien voilà. Donc on oublie tout ce qui a été lu précédemment sur l’atomisation de l’activité de lecture en micro-compétences, sur les horaires délirants réservés à l’étude de la langue et on repart sur des bases saines !
b) Écrire dans tous les domaines d’enseignement
Il convient d’aider les élèves à aller au-delà de savoirs segmentés. Envisager l’écriture dans tous les domaines – écrits scientifiques, littéraires, historiques – contribue à ce nécessaire tissage entre les enseignements.
→ Qu’est-ce que je disais juste au-dessus ?...
Écrire dans tous les domaines permet d’éclaircir la spécificité disciplinaire des mots très fréquents, qui présentent la particularité d’être polysémiques et dont la signification varie selon le contexte discursif et scientifique dans lequel ils sont utilisés (par exemple, les mots « milieu » ou « temps »).
→ Nous voilà bien loin de La Grenouille à la Grande Bouche proposée comme lecture offerte en page 55 ! Ce n’est pas moi qui m’en plaindrai...
→ Suivent quelques exemples intéressants, à pratiquer collectivement d’abord avec le professeur comme expert qui encourage et régule et, dans un deuxième temps, pour certains exemples, en autonomie. Je vous préviens, ceux qui n’ont pas de piscine à proximité de leur école vont pénaliser leurs élèves...
c) La régularité au service de l’acquisition des automatismes
L’élève, en début d’année, est freiné par un geste graphique encore lent ; il utilise imparfaitement ses connaissances en grapho-phonologie et reste bloqué s’il ne sait pas écrire un mot.
→ En temps qu’instit’ de CP, je m’insurge. S’il est vrai qu’un élève entrant au CE1 est moins rapide qu’un élève en sortant, il n’en est pas moins capable d’un geste graphique rapide, une fois revenus les réflexes amoindris par les vacances[1].
→ Par ailleurs, si la méthode de lecture utilisée a permis que les deux derniers mois de CP soient déjà réservés à la consolidation des connaissances en grapho-phonologie grâce à la pratique quotidienne de la lecture et de l’écriture courante, les enfants ne restent pas bloqués. Il est même parfois difficile de leur faire comprendre que l’écriture « phonétiquement exacte » qu’ils pratiquent n’est pas « la bonne orthographe »... Mais non, ils ne sont bloqués, sauf si la méthode de CP n’a pas assez pratiqué l’écriture !
→ Suit une longue liste de tous les défauts dont souffrent les élèves sortant de CP... passablement déprimante pour tous les enseignants qui mettent tout leur cœur et leur savoir-faire à faire avancer leurs élèves pas à pas... Tout cela pour conclure que :
Aussi faut-il accorder une large place à l’écriture et proposer des séances d’écriture quotidiennes mais aussi dans des activités d’entraînement spécifiques. La fréquence, la régularité des situations d’écriture et la quantité d’écrits rédigés dans leur variété, sont gages de progrès.
→ Franchement, ce n’était pas la peine de casser du sucre sur les collègues de CP pour conclure cela. Il suffisait de le dire (et le répéter au CE2, au CM1, au CM2 et plus si affinités !)
Multiplier les activités d’entraînement sert, d’une part, à automatiser certaines dimensions de la rédaction d’écrits et, d’autre part, à favoriser l’élaboration de stratégies et de démarches différentes pour rédiger des textes variés.
→ Un peu ambitieux pour un CE1... Un CE2/CM1/CM2 peut-être ?
Elles contribuent également à la consolidation des connaissances en cours d’acquisition et à la réactivation de connaissances antérieures grâce à des rétroactions régulières.
→ Pas également mais essentiellement !
Les automatismes en écriture (copie, dictée, rédaction) s’obtiennent en privilégiant la répétition au travers d’entraînements très réguliers, notamment lors d’activités ritualisées (dictée quotidienne, autodictée, phrase du jour, « jogging d’écriture »).
→ Vous pouvez enlever « autodictée », que certains élèves font « sans le cerveau », parce que papa et maman le leur ont fait apprendre « sans le cerveau », la « phrase du jour » puisque vous en rédigerez 10 en mathématiques, dans le domaine Questionner le monde, etc., et le « jogging d’écriture » qu’il vaut bien mieux remplacer par un programme structuré de production d’écrits.
→ À la place vous ritualiserez les exercices de grammaire, conjugaison, orthographe lexicale et grammaticale et vocabulaire. Et la production d’écrits.
Toute séance portant sur une nouvelle notion ne doit pas faire l’économie, en guise d’introduction, du brassage des acquis.
→ Eh oui ! Nous sommes à l’école é-lé-men-tai-re, pas à la fac ! Et on peut même enlever le « en guise d’introduction » : à l’école élémentaire tout s’emboîte et la notion du jour découle de celle de la veille qui découlait de celle du jour précédent... Donc, nous rebrassons, à longueur de séances, toute l’année et en tous les domaines !
d) Des tests de positionnement pour appréhender la marge de progrès
→ Dès que je lis les mots « tests » ou « évaluations », je vois rouge ! Marre de ces chercheurs qui, dans leurs laboratoires, ont besoin de tester leurs cobayes. Nous, les nôtres, nous les voyons tous les jours, nous les faisons lire et écrire tous les jours. Nous n’avons pas besoin de tests pour savoir qui écrit vite et bien, vite et mal, lentement mais bien, lentement et mal, etc.
Les tests réguliers amènent les élèves à construire des compétences méta-mnésiques, qui consistent à apprendre à utiliser, au mieux, leur mémoire de travail et leur mémoire à long terme.
→ Faux ! C’est le rebrassage qui permet cela. Les tests paniquent et découragent, élèves comme enseignants. Au mieux, ils ne servent à rien, sauf à institutionnaliser ce que nous savions déjà.
→ Nous sommes là pour leur donner du temps et de l’attention et permettre à nos élèves de développer leur mémoire de travail et leur mémoire à long terme, pas pour évaluer dans quel état ces dernières se trouvent à l’instant T.
→ Arrêtez les tests et remplacez-les par de l’entraînement réussi et vous verrez que vos élèves iront bien plus loin que ceux de vos collègues qui testent, chronomètrent, classent et mettent en cases !
e) Le choix des supports d’écriture
Il importe d’accorder une attention toute particulière aux supports dédiés à l’écriture, tout en évitant une multiplication des cahiers, qui constitue une gêne pour de jeunes élèves.
→ Tout à fait !
Il est souhaitable d’envisager un cahier d’écriture pour le geste graphique, la copie et la rédaction.
→ C’est ce qu’on appelait naguère le « cahier du jour ». Parfait au CE1. On y met aussi la dictée, les exercices d’étude de la langue et les mathématiques.
Ce dernier a le mérite d’offrir une bonne lisibilité des progrès de l’élève. Il garde la trace des travaux successifs (textes rédigés, planification collective avant un écrit).
→ Oui, c’est ça. Bon la planification, je ne vois pas l’intérêt. Elle sera bien mieux au tableau ou sur une affiche au mur de la classe.
Les élèves peuvent s’appuyer sur les travaux passés pour entamer un nouvel écrit.
→ Oui, excusez-moi, mais là, c’est du rêve. Peut-être Marie-Ségolène ? Et encore... Les enfants de sept à huit ans, cela s’appuie plus sur la mémoire orale que sur la consultations des vieux grimoires, vous savez...
Les essais successifs, qui ont le statut d’écrits provisoires, ont toute leur place dans le cahier d’écriture et participent pleinement à la construction des compétences attendues.
→ Alors là, non ! Parce qu’il ne faudrait pas non plus que ça devienne un torchon, ce cahier. On travaille au brouillon lorsqu’il y a besoin d’essais successifs ; pour l’orthographe surtout, pour le reste, si le travail a été bien balisé en amont par la fameuse « planification collective » et par une progression adaptée aux capacités des élèves, il n’y a pas besoin d’essais successifs qui les découragent et leur donnent l’impression qu’ils n’y arriveront jamais.
→ Sinon, oui, en effet, les essais successifs, en orthographe et ponctuation, participent pleinement à la construction des compétences attendues. Pour le reste (rédaction d’une phrase puis plusieurs syntaxiquement correctes ; enchaînement logique des idées ; ...), c’est la progressivité des exigences qui participe à la construction des compétences attendues.
→ Suivent 10 lignes sur le travail de l’écrivain, selon Balzac, Victor Hugo et tous les grands auteurs. Très, très prématuré au CE1. Ceux que ça intéresse, mais ils connaissent déjà car ça va faire bientôt 30 ou 40 ans qu’on nous serine ces fadaises, iront lire à la page 67 ce qui, depuis cette époque, plombe l’enseignement de l’expression écrite en France et décourage les enseignants de l’école élémentaire de le programmer.
Note :
[1] Vacances qui, contrairement aux idées reçues, n’ont pas forcément nui à cet apprentissage mais ont, on le constatera ensuite, permis qu’il décante et devienne plus performant.
Dans la même série :
Le petit livre rouge (1) ; Le petit livre rouge (2) ; Le petit livre rouge (3) ; Le petit livre rouge (4) ; Le petit livre rouge (5) ; Le petit livre rouge (6) ; ... ; Le petit livre rouge (8) ; Le petit livre rouge (9) ; Le petit livre rouge (10) ; Le petit livre rouge (11) ; Le petit livre rouge (12) ; Le petit livre rouge (13) ; Le petit livre rouge (14)
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Commentaires
Merci Cécile. La suite samedi ou dimanche prochain, normalement...