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Le petit livre rouge (14)
Extrait de Lecture et Expression au CE, Chapitre 7
La dernière partie du petit livre rouge explique, tout en ne citant aucun titre, ce que devrait être un Manuel de Français CE1. Enfin un... c'est ce qu'ils disent au début, mais on verra ensuite qu'ils en présentent plutôt deux. Un pour la lecture, le vocabulaire et l'expression et un autre pour la grammaire. Ce qui est raisonnable car on arriverait vite à un manuel de 500 à 600 pages si l'on cherchait à être complets !
Et comme la description du « Manuel de lecture » correspond plutôt bien, et même très bien, au manuel téléchargeable gratuit que j'envoie à tous ceux qui sont intéressés, j'ai choisi comme illustration une des doubles pages qui seront lues par les élèves dans la première quinzaine de janvier.
Pour la grammaire, je vous laisserai découvrir tout seuls si le Fichier d'Étude de la Langue convient aussi. Vous verrez que ce n'est pas simple car il arrive que les auteurs se contredisent. On comprend pourquoi quand on connaît la « petite tambouille » Éducation Nationale mais, de l'extérieur, ce n'est pas simple.
Bonne lecture !
VI. Comment analyser et choisir un manuel de français pour le CE1 ?
En CE1, l’appui sur un manuel scolaire de qualité et le suivi rigoureux du guide pédagogique qui l’accompagne concourent favorablement à s’inscrire dans la continuité de l’enseignement de la lecture et de l’écriture dispensé au CP.
→ Hélas ! Pas forcément. Le tout est de savoir ce qu’on met sous le terme « de qualité » et de voir ce que contient vraiment le guide pédagogique...
a) Qu’est-ce qu’un manuel de français au CE1 ?
L’étude de la langue (vocabulaire, grammaire et orthographe), est un volet marquant au CE1. Au service de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, elle renforce la compréhension de l’écrit du jeune lecteur et améliore la qualité de son expression orale et écrite.
→ En effet.
Le choix d’un manuel de CE1 diffère donc de celui de CP dans la mesure où il vise un double objectif :
— l’automatisation des mécanismes de décodage et d’encodage des mots qui libère des ressources cognitives pour se centrer sur la compréhension des textes lus et sur la rédaction de textes ;
→ Ce qu’il y a de dramatique avec ces gens-là, c’est qu’ils viennent de redécouvrir l’apprentissage de la lecture « raisonnable », celui qui avance pas à pas pendant tout le CP et amène tous les élèves[1] à automatiser les mécanismes de décodage et d’encodage des mots bien avant d’entrer au CE1[2] !
→ À remplacer par :
« l’automatisation de la posture de lecture réflexive et compréhensive grâce à des textes de difficulté échelonnée et l’imprégnation à la langue écrite nécessaire à la pratique de la rédaction de textes ; »
— l’appropriation de l’aspect normatif de la langue (grammaire, orthographe, vocabulaire) qui permet de développer des compétences stratégiques inhérentes à la compréhension de l’écrit.
→ Tout à fait.
→ Ceci dit, on peut très bien avoir deux manuels : un qui traite de lecture et d’expression, et travaille en parallèle le vocabulaire et un autre qui prend en charge l’appropriation de l’aspect normatif de la langue (grammaire, orthographe essentiellement et la partie du vocabulaire qui traite de la construction orthographique des mots).
► Un outil d’apprentissage
L’appui sur un manuel de français s’avère structurant pour l’élève de CE1. S’y reporter régulièrement contribue à construire une autonomie de travail qui l’amène progressivement à investir, seul, les apprentissages.
→ Tout à fait. C’est un gros travail en début d’année, qu’il convient de morceler pour le traiter par étapes, mais une fois ce travail accompli, c’est l’assurance d’un apprentissage efficace et d’une autonomie de travail, relative vu le jeune âge des utilisateurs mais réelle.
Responsabilisé par le professeur, qui l’incite à l’utiliser régulièrement, l’élève apprend à recourir au sommaire et à se repérer dans l’organisation des doubles pages (emplacement des leçons, des exercices d’application et d’entraînement, etc.) pour y retrouver les leçons abordées, les exercices réalisés.
→ Qui l’incite ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Il ne l’incite pas, il l’amène à le faire ! Tous les jours, à heures fixes, pour garantir ce fameux « appel aux mêmes techniques d’entraînement et de réflexion », qui permet que « la répétition de leur usage, a fortiori chez de jeunes enfants, structure et développe l’activité neuronale » cité à la page 97.
→ Le recours spontané au sommaire, j’ai dû le voir trois ou quatre fois au cours de mes plus de 30 années de pratique du CE1. Et toujours chez des élèves qu’on qualifierait d’EIP, souvent très matheux et ayant un excellent repérage spatial. On peut le montrer, en user et en abuser soi-même, et assister les élèves lorsqu’on le leur fait pratiquer mais il ne faut pas rêver, très rares seront ceux qui se l’approprieront.
→ En revanche, tout le reste est vrai :
« Responsabilisé par le professeur, qui le fait utiliser quotidiennement, l’élève apprend à se repérer dans l’organisation des doubles pages (emplacement des leçons, des exercices d’application et d’entraînement, etc.) pour y retrouver les leçons abordées, les exercices réalisés. »
Le manuel est alors, pour l’élève, un outil de méthodologie et de structuration du savoir jalonnant son parcours d’apprentissage.
→ Le ou les manuels !
→ Et c’est un confort et un soutien pédagogique d’apprentissage pour le professeur, particulièrement lorsqu’il est débutant, puisque tout y est fourni : la progression, la programmation, le déroulé des séances, l’évaluation même parfois.
→ Ceci dit, on peut très bien réussir sans manuel et on peut être en échec patent avec un manuel, parce qu’il ne nous correspond pas, qu’il ne correspond pas au niveau des élèves qu’on a en face de soi, parce qu’il emprunte des chemins trop détournés, parce qu’il est d’une utilisation trop difficile ou trop restrictive.
► Un outil didactique et un guide pour organiser l’enseignement
→ Un premier paragraphe explique qu’il n’existe pas de manuel regroupant lecture, expression et étude de la langue et donc que le manuel qu’ils préconisent d’utiliser n’existe pas... C’est amusant, non ?
→ À moins que ce ne soit inquiétant et que des officines privées soient en train de concocter pour le CE1 un outil aussi mal fait et stérilisant que celui qu’elles ont imposé ici ou là pour le CP.
→ Ensuite, ils expliquent qu’il faut être vigilant car :
— un manuel de lecture repose sur une démarche pédagogique progressive et structurée qui lui est propre (progression, rythme d’apprentissage, activités, textes, etc.) et présente, selon des proportions variées, les composantes de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Il est alors nécessaire de se reporter au guide du maître pour comprendre la démarche retenue ;
→ Ce qui est vrai mais un peu moins que pour le CP. Je me suis contrainte à rédiger jusqu’au dernier module le livre du maître de Lecture et Expression au CE mais, selon moi, les collègues n’ont besoin de suivre ces explications que pendant quelques modules seulement.
→ Quant à la progression, au rythme d’apprentissage, aux activités, aux textes, tout est beaucoup, beaucoup plus souple qu’au CP maintenant que le décodage est assuré.
— un manuel d’étude de la langue propose aux professeurs une démarche (inductive ou déductive), des leçons, les règles qui en découlent, des exercices d’application et d’entraînement, oraux et écrits, variables (typologie, quantité, gradation de la difficulté, etc.) selon les choix éditoriaux opérés. Quatre parties distinctes sont généralement relevées : la grammaire, la conjugaison, l’orthographe et le vocabulaire. Il revient au professeur de faire du lien entre ces quatre composantes en veillant à les équilibrer pour couvrir le programme annuel.
→ Inductive ou déductive ? Quoi, nous avons le choix ? Eh bien, ça n’est pas malheureux : il a fallu arriver à la page 123 d’un livret qui en compte 135 pour qu’on nous reconnaisse un semblant de liberté pédagogique ! Ça s’arrose, dites-moi !
→ Les quatre parties distinctes, ce n’est pas systématique. Dans le fichier d’Étude de la Langue que je propose, je n’ai pas fait ce choix, principalement pour éviter à mes collègues d’avoir à veiller « à les équilibrer pour couvrir le programme annuel ». J’ai connu trop de classes où le vocabulaire et la rédaction « sautaient » systématiquement de façon à faire la part belle à l’orthographe, la grammaire et la conjugaison pour ne pas être soucieuse de veiller à l’équilibre moi-même.
Quelle que soit la forme retenue par le manuel de français (lecture et étude de la langue distinctes ou combinées), son choix conditionne la planification de l’enseignement de la lecture, de l’écriture et de l’étude de la langue. Accorder le temps nécessaire à l’analyse de différents manuels pour retenir le plus pertinent au regard de l’ensemble des éléments proposés s’avère donc indispensable pour construire la cohérence et la progressivité des apprentissages.
→ Exactement. On ne choisit pas un manuel parce que les illustrations sont « trop belles », ni parce que l’auteur est le grand gourou des professeurs d’INSPE ou de l’IEN de la circonscription, ni, non plus, parce qu’on adore « La rentrée ratée des maxi-monstres » et « Le lapin des émotions a mal au cœur » et qu’il faut absolument qu’on en profite en classe, avec ses loulous !
Ce choix ne peut relever d’un acte professionnel isolé : il implique à la fois une réflexion collective au sein de l’école et une réflexion individuelle pour inscrire son enseignement dans la démarche retenue par l’équipe pédagogique.
→ Mais qu’est-ce qu’on a fait de mon métier ? Et de la liberté pédagogique ? C’est atterrant de lire ça. Atterrant !
→ Il n’est qu’à voir les résultats français à PISA pour se convaincre que cette réflexion collective qu’on nous impose depuis maintenant 30 ans exactement ne permet pas de tirer nos élèves vers le haut.
→ La réflexion collective, ça ne s’impose pas, ça se choisit. Et le matériel pédagogique aussi.
→ Ici, je n’hésite pas à prôner la désobéissance civile. Tous les moyens seront bons : mentir, tricher, se cacher, jouer les innocents, tout plutôt que de se voir imposer « J’entends, je vois, j’écris » ou « Orthographe graphémique » parce que les collègues l’utilisent et en sont satisfaits !
→ La seule règle devrait être et ce quelle que soit la méthode choisie :
« En fin de CE1,
― un élève lit et comprend un texte simple écrit en deux colonnes sur une page A4 orientation paysage, écrit en Verdana 12, interligne 1,5 et peut répondre à 5 questions fermées concernant ce texte ;
― dans une phrase simple et sans piège, il repère noms, verbes, articles et pronoms sujets ; donne le sujet du verbe conjugué ;
― il reconnaît les trois sortes de points (. ? !) et le montre par son intonation dans la lecture à voix haute ;
― il connaît les terminaisons des verbes en -er, et celles des verbes être et avoir au présent, à l’imparfait et au futur ;
― il connaît les deux parties de la locution adverbiale « ne pas » et sait mettre une phrase à la forme négative ;
― avec de l’aide, il peut mettre un verbe du premier groupe au passé composé à la forme affirmative, à condition que celui-ci se conjugue avec l’auxiliaire avoir. »
→ Tout le reste, c’est de l’ingérence dans la sphère privée du professeur.
Ainsi, le professeur de CE1 doit s’approprier la démarche proposée par le manuel de CP. La connaissance de la progression des correspondances graphèmes-phonèmes étudiées l’année précédente permet, par exemple, d’identifier clairement les dernières correspondances abordées avec les élèves.
→ Normalement, les dernières correspondances abordées avec les élèves, ce sont « ill, aill, eil, euil, ouill ; tion ; ien ; ph ; gn ; ay, oy, uy, ey » et cela date du mois de mai au plus tard.
→ Depuis, il y a eu au moins le mois de juin pour voir et revoir toutes les correspondances en usage dans la langue française grâce à des textes dans lesquelles elles apparaissaient « en situation » au sein de mots intégrés à des phrases qui permettaient à l’intelligence de soulager la bête automatisation « je vois S.C.H.P.R.O.U.I.LL.I.E.N, j’oralise : schprouillien » sans chercher à comprendre ce qu’est un schprouillien.
→ Donc, ce paragraphe est inutile. Normalement. Ou alors, il ne fallait pas écrire de Petit Livre Rouge, tant qu’on n’était pas sûr que le Petit Livre Orange avait été lu, compris et approuvé.
Celles-ci, travaillées en fin d’année, ont bénéficié d’un temps d’appropriation restreint et correspondent aux correspondances graphèmes-phonèmes les plus complexes (ail, euil, etc.). Les aborder de nouveau dès le début de CE1 doit donc constituer une priorité contrairement aux révisions des correspondances simples.
→ Mais non, voyons ! Elles sont beaucoup moins utilisées que les correspondances simples, cela ne sert à rien de les aborder à la rentrée, en dehors des textes où elles apparaîtraient comme elles apparaîtront toujours, une fois ici ou là, au cœur d’une phrase qui en aiguille la prononciation. En procédant ainsi, elles seront oubliées à nouveau, après la révision des correspondances simples, traitées elles aussi en dehors des textes.
→ À la rentrée, on lit un texte simple, de 100 à 120 mots et on procède ainsi :
― Dans ce texte, il y a des correspondances simples et d’autres moins courantes. Quand un élève hésite, le professeur l’aide : « A et N, ça se prononce [ã]... Quand la lettre C est juste avant la lettre Y, elle se prononce [s]... I.E.N, ça se prononce [jɛ̃] comme dans « mien, tien, sien, chien, rien »... ». En fin de lecture, quand tout le monde a tout compris, il propose une révision de 5 minutes, sur une graphie « de difficulté moyenne », comme O.N, O.U, A.N ou encore O.I. Il fait relire les mots du texte qui contenaient cette graphie, puis une liste de syllabes la contenant à leur tour.
― Le lendemain, il recommence avec un autre texte, toujours de 100 à 120 mots. Il aide et rappelle. Il peut aussi demander à la cantonade, quand un élève hésite : « Qui rappelle à Édouard-Emmanuel comment nous prononçons la suite de lettres A.I ?... Jean-Michel a oublié comme il faut lire O.U.I.L.L.E, qui peut le lui rappeler ?... Franck-Stanislas ne se souvient plus du bruit que fait la lettre S quand elle est entourée par deux voyelles, une à droite et une à gauche, qui va l’aider ?... » Et il finit la séance en faisant cette fois lire quelques mots contenant une graphie réellement complexe dont celui présent dans le texte qui servira de référent.
― Ainsi, jour après jour, pendant tout le premier trimestre, il répétera ou fera répéter inlassablement toutes ces petites difficultés qui jalonnent les premières années d’apprentissage.
― Peu à peu, il remarquera qu’il en souligne de moins en moins, que les élèves sont de plus en plus habiles à lire, même lorsqu’il s’agit de mots longs inconnus.
― Il saura alors que le temps est venu de s’attaquer à un autre problème : la lecture de phrases sans les hacher mot à mot, en s’appuyant sur la ponctuation (et la compréhension).
→ Ce qu’il convient de trouver, c’est un manuel qui est organisé ainsi[3].
De même, l’harmonisation des pratiques se révèle essentielle et nécessite une attention particulière, notamment à propos des outils communs (affichages, cahier de mots référents, traces des premières observations en étude de la langue, corpus de mots constitués, liste analogique, etc.)
→ Ce serait vrai si nous étions tous pareils. Seulement voilà, nous sommes tous différents et les belles affiches de Camille seront totalement hermétiques à Thomas qui n’en gardera que l’apparence sans en avoir compris la logique, le cahier de mots référents d’Amandine sera jugé comme trop brouillon par Rémi qui aime que tout soit carré...et on en fera de moins en moins, privilégiant la forme au fond et recommençant tout l'année d'après parce que, finalement, cet outil qui semblait imparable se révèle être aussi peu pratique que les précédents...
→ Quant aux traces des premières observations en étude de la langue, elles sont dans le BOEN ou dans les attendus de fin de cycle normalement. Et puis, il y a la récréation, le repas de midi, les conseils des maîtres qui permettent de rassurer le collègue auquel ses élèves ont assuré mordicus que non, jamais, pas une fois, le professeur de CP ne leur a dit que « chien », c’était un nom d’animal !
→ Et pour les derniers, corpus de mots constitués et autres listes analogiques, je rappelle que, depuis que le ministère a remis au goût du jour l’apprentissage graphémique de l’écriture-lecture, ces outils sont devenus obsolètes puisque les élèves sortant de CP savent décoder et encoder ces mots graphèmes après graphèmes !
et des outils des élèves (cahier de lecteur, journal de lecture, répertoire, etc.) initiés au CP et qui seront également poursuivis dans les classes ultérieures.
→ Ce serait vrai si l’enfant était un adulte. Seulement voilà, ce n’est pas un adulte mais un enfant. Et un enfant a horreur qu’on lui ressorte sa layette sans arrêt en lui disant : « Que tu étais mignon quand tu faisais encore un petit rototo après chaque tétée ! Que tu étais attendrissant quand tu salissais encore tes couches et que je te talquais le popotin six fois par jour ! Que tu collais mal tes feuilles quand tu es entré au CP, regarde, il y en a même une à l’envers ! Et comme tu écrivais gros et mal !... »
→ La rentrée des classes, pour un enfant de sept ans, c’est un nouveau départ dans l’existence, avec un nouveau cartable, des nouvelles chaussures, un nouveau professeur souvent et des nouveaux cahiers !!! Parce que bon, à 8 ans et demi, en fin de CE1, devoir se rappeler ce qu’est un sujet grâce à Bambi qui est le sujet du verbe glisse dans la phrase « Bambi glisse sur la glace. » joliment illustrée par un coloriage cracra dans un cahier tout dépenaillé de deux ans d’âge, c’est limite une injure !
Les premières règles d’orthographe lexicale qui vont être institutionnalisées, mémorisées et automatisées au CE1 et qui seront à consolider et à enrichir au CE2, doivent faire également l’objet d’une concertation au sein de l’école.
→ Pourquoi ? On ne peut pas se faire confiance, tout simplement, plutôt que de « réunionner » à longueur de temps pour des sujets largement battus et rebattus dans les Programmes, les Repères et les Attendus ?
→ Résistez, chers collègues, et utilisez vos conseils des maîtres à autre chose qu’à vous écharper pour savoir s’il convient de « stabyloter » en vert ou en rose les mots en app-, acc-, aff-, arr-, att- puisque le reste est déjà décidé et qu’il convient d’enseigner la règle de toute façon.
► Un outil pour accompagner l’enfant
Le manuel constitue un point d’appui pour les familles, qui sont partie prenante du processus d’apprentissage, et participe au développement d’une bonne relation école-famille. Le manuel leur permet de suivre le déroulement des apprentissages en comprenant la démarche retenue par le professeur et de les consolider, en s’y référant aussi souvent que nécessaire. Il permet ainsi aux parents d’investir le champ scolaire et d’enrichir leur rapport à l’école.
→ C’est pourquoi il est essentiel qu’il soit clair, linéaire, pratique et sans jargon.
→ Pas de texte en page 22 dont l’exploitation à tiroir se trouve à la page 75 pour la compréhension, à la 132 et 135 pour le vocabulaire, à la 12 pour l’orthographe et dans l’annexe aux pages 36, 125 et 173, alinéa 3, pour la grammaire !
b) Ce que doit être un manuel au CE1
► Que doit contenir un manuel qui étudie la lecture et l’écriture au CE1 ?
Le choix d’un manuel s’opère selon la forme que l’on souhaite retenir et les usages que l’on souhaite en faire. Il relève d’une initiative professionnelle réfléchie. Quoiqu’il en soit, il doit contribuer à la structuration des savoirs, à la progression des apprentissages, à la sélection et la complémentarité des ressources.
→ Wouah ! Deuxième allusion à la liberté pédagogique ! C’est extraordinaire !
► Des points d’attention
⇒ UN SOMMAIRE ÉCLAIRANT
L’organisation du sommaire donne une vision d’ensemble du contenu traité par le manuel. En prendre connaissance permet d’apprécier sa conformité avec le programme (notions abordées, terminologie usitée) et d’apprécier s’il le couvre dans sa totalité ou de manière partielle.
→ S’il en fait un peu plus, c’est moins grave que s’il n’en fait pas assez.
Des indications sont également communiquées sur la répartition et la progression annuelles des apprentissages et le type d’activités proposées (recherche, découverte, appropriation, consolidation, réinvestissement, révision).
→ Et c’est là qu’on constate si l’esbroufe des jolies mises en page et des illustrations « attrayantes » cache un vrai contenu pédagogique ou beaucoup de vide et de reculades devant l’obstacle.
Une approche spiralaire des apprentissages contribue à stabiliser durablement les compétences à leur balbutiement contrairement à une linéarité de l’apprentissage qui juxtapose chaque notion abordée.
→ Je ne saurais mieux dire !
⇒ UNE CONSOLIDATION DES CORRESPONDANCES GRAPHÈMES-PHONÈMES LES PLUS COMPLEXES
Dans un manuel, il convient d’interroger premièrement le travail qui est accordé à la révision des correspondances graphèmes-phonèmes.
→ Mouais ? Vous êtes sûrs ? À mon avis c’est la quantité de lecture et la progression dans sa difficulté qui compte... Pour les « révisions », sauf cas lourd d’enfant qui est inscrit au CE1 mais ne peut pas en suivre les programmes, le mieux est de choisir une méthode CP, plus ou moins accélérée. Les autres ont surtout besoin d’accélérer leur vitesse de déchiffrage compréhensif.
Nombreux sont les manuels de CE1 qui reprennent systématiquement les premiers apprentissages selon une progression annuelle identique à celle proposée au CP. Or, l’élève de début de CE1 a déjà étudié l’ensemble des correspondances graphèmes-phonèmes ;
→ Nous sommes d’accord.
seules les correspondances graphèmes-phonèmes les plus complexes nécessitent d’être consolidées dès les premières semaines.
→ Et environ jusqu’à la fin du premier trimestre pour la plupart d’entre elles[4]. L’apprentissage de la lecture n’a rien à voir avec l’apprentissage d’une poésie, ou celui des tables de multiplication ; c’est un apprentissage sur la durée, fait d’habiletés sans cesse approfondies, de réflexes sans cesse améliorés. On pourrait plutôt le comparer à celui de la conduite automobile ou celui de la natation.
Ces révisions prennent nécessairement appui sur le graphème et des syllabes clés universelles qui permettent la lecture de tous les mots, par le biais de textes déchiffrables par l’élève et cohérents avec la progression des correspondances graphèmes-phonèmes proposée.
→ Vous comprenez, vous ? Je suppose qu’ils sont en train de nous dire qu’il ne faut pas faire du Foucambert et Charmeux et constituer des listes de mots à n’en plus finir lorsqu’il suffit d’afficher au-dessus du tableau : ien, un chien, le mien, le tien, le sien et de leur faire lire chaque jour des textes signifiants dans lesquels on rencontre le graphème ien de manière récurrente...
→ Mais rien n’est moins sûr. D’autant que ce serait en contradiction avec tout ce qui a été morcelé, atomisé, éparpillé lors des deux premiers chapitres de ce livret.
Elles consolident les exceptions relatives à la valeur des lettres (« c »/« g » avec « i » et « e », etc.).
→ Les voilà les graphies à consolider jusqu’à la fin du CE1 à la lecture et jusqu’à la fin du CM2 à l’écriture !
⇒ UNE COHÉRENCE ENTRE LES TEXTES À LIRE ET LA COMPÉTENCE TRAVAILLÉE
Les manuels de français proposent différents types de textes qui doivent être questionnés selon la compétence travaillée.
→ On ne peut dissocier les compétences à travailler pour devenir lecteur. L’enfant a besoin qu’elles soient toutes travaillées en synergie.
Les textes des premières semaines facilitent la consolidation des correspondances graphèmes-phonèmes complexes. Ces textes fournissent davantage d’occurrence pour la correspondance graphème-phonème étudiée et concourent à accéder à une identification des mots hautement maitrisée.
→ Oui. Sans pour cela devenir artificiels. « La grenouille qui se mouille », répétée à chaque arrivée d’un nouvel habitant pour la cruche, cela suffit pour fixer durablement l’identification du graphème ouil/ouille.
Rapidement, les textes littéraires ou documentaires sont introduits. Par leurs procédés d’écriture, ils contribuent à développer une compréhension de l’écrit plus fine, et servent de supports à la rédaction de textes.
→ Encore oui ! Littéraires ! Je pleure de désespoir quand je vois des classes de CM1 lire des petits romans scolaires indigents édités spécialement pour l’école alors que, dès le CE1, une partie de la littérature est déjà accessible aux enfants et, passés les premiers instants de surprise, ils y sont tous sensibles.
Guidés par le professeur en début d’année, puis progressivement en autonomie, les élèves utilisent ces textes pour nourrir leurs écrits en prenant appui sur le vocabulaire, les thèmes, les modes d’organisation, mais aussi les fragments à copier qui constituent des modèles à respecter ou détourner.
→ Et toujours oui ! Décidément, c’est Lecture et Expression au CE, ce manuel... Dommage que Canopé disparaisse bientôt. Je le leur aurais proposé...
L’ensemble des textes contenus dans le manuel doivent proposer une longueur suffisante pour permettre aux élèves de s’entraîner durablement à la lecture.
→ Ça se confirme. C’est bien Lecture et Expression au CE ! Mesdames et messieurs les rédacteurs de ce Livret, sachez que je ne demande qu’à diffuser mon travail à une plus grande échelle. Il suffit de demander.
Les textes proposés ne constituent pas, pour le professeur, un prétexte pour aborder des notions grammaticales
→ Ceux qui connaissent la « tambouille Éducation Nationale » savent qu'ils parlent ici de « Faire de la grammaire au CE1 » et de son texte hebdomadaire très court.
→ Cependant, on peut se servir d’un extrait de ces textes littéraires ou documentaires pour initier une leçon de grammaire. Cela permet de susciter l’attention des élèves qui retrouvent avec joie, dans les exemples retenus, les personnages et les situations auxquels ils se sont attachés pendant la lecture.
→ On s’en dégage ensuite très vite pour passer à l’entraînement collectif puis individuel qui est le seul garant d’une automatisation au moins partielle de ces notions.
et le conduisent nécessairement à proposer des temps d’entraînement à la lecture à voix haute.
→ Temps qui doivent occuper la majeure partie de la « leçon » quotidienne de lecture... Tout à fait.
⇒ UNE VARIÉTÉ DES TEXTES PROPOSÉS
Les lectures proposées aux élèves sont diversifiées pour favoriser la pratique de différentes formes de lecture (fonctionnelle, fictionnelle, documentaire), comprendre les spécificités de chacune et s’entraîner à différentes situations de lecture à haute voix.
→ Exactement : 80 % de fictionnel, 15 % de documentaire et 5 % de fonctionnel environ.
→ Par ailleurs n’oublions pas que textes documentaires et fonctionnels seront aussi étudiés en QLM, en Mathématiques, en EMC et en Arts, dans le cadre des 30 minutes hebdomadaires de lecture interdisciplinaire.
Ainsi, le manuel peut proposer des textes intégraux ou des extraits d’œuvres de plus en plus longs.
→ Toujours d’accord.
→ Suit ensuite un long gloubi-boulga où le manuel est conseillé, avec tout ce qu’il doit contenir comme types de textes, en plus des textes intégraux que nous sommes censés faire lire en plus de ceux que le manuel contient déjà, et qui doivent faire partie de la liste de référence de littérature de jeunesse... Pour ceux que ça intéresse, c’est page 126.
→ Autant vous dire que là, je n’adhère plus. Un manuel, c’est fait pour simplifier l’existence de tous, élèves en premier, parce qu’ils ont besoin de stabilité pour progresser, professeurs ensuite et enfin familles, dans le cadre de la co-éducation.
→ Si c’est pour qu’il sorte des cartables le lundi, soit remplacé par l’album « Machin-Chose est jaloux de Bidule-Truc » le mardi, qu’on l’oublie aussi le jeudi et le vendredi matin, parce que le jeudi, c’est lecture libre dans l’espace bibliothèque de l’école et que le vendredi matin, c’est tableaux graphémiques, et qu’on le ressorte uniquement le vendredi après-midi, pour 15 minutes, entre la demi-heure de calcul mental et les 20 minutes de débat citoyen, ce n’est pas la peine de faire dépenser environ 15 € par enfant à l’organisme gestionnaire de l’école !
⇒ UNE ANALYSE DES CORPUS
Le manuel de français est un support privilégié lors des séances spécifiques de grammaire et de vocabulaire. Il permet aux élèves de comprendre et de s’approprier les premiers savoirs lexicaux et grammaticaux selon une progression cohérente de l’apprentissage.
→ Là, on a dû changer de manuel... Ou alors, les rédacteurs sont schizophrènes...
→ Je suis globalement d’accord. Sauf sur le terme « manuel », ce peut être un manuel ou un fichier. L’un et l’autre se valent. C’est l’utilisation qu’on en fait qui fait la différence, pas l’outil.
Ainsi, les corpus constitués en fonction du point de langue étudié doivent présenter des séries riches de mots, mettant en évidence des analogies morphologiques, des marques verbales régulières, une récurrence des marques de nombre dans le groupe nominal de manière significative, etc., pour permettre aux élèves de mémoriser des faits de langue stables.
→ Et nous revoilà dans la « méthode unique » que tout le monde suit sans se poser de questions sur l’utilité de ces « corpus constitués »...
→ On peut très bien mettre en évidence des analogies morphologiques, des marques verbales régulières, une récurrence des marques de nombre dans le groupe nominal de manière significative sans avoir pour cela constitué en amont des « corpus de mots »[5].
→ Suivent des consignes strictes pour analyser ces corpus, leur nombre de mots, la cohérence avec la notion abordée, et tout et tout. Pour ceux que ça passionne, c’est page 126.
⇒ UNE ANALYSE DES ACTIVITÉS PROPOSÉES
Il est important que des situations proposent des liens entre lecture et écriture (copie, dictée et rédaction de textes) pour développer une compréhension fine de l’écrit.
→ Ça se confirme : ils sont schizophrènes !
Les exercices doivent être nombreux et proposer des situations d’entraînement variées, favorisant la comparaison à partir de manipulations syntaxiques sur la phrase : déplacement, substitution, permutation, réduction, expansion pour développer une compréhension fine de l’écrit.
→ Exactement. Sans s’éparpiller toutefois pour aider les élèves à comprendre implicitement ce qu’ils font.
Ils sont en cohérence avec l’utilisation des outils de référence (répertoires, dictionnaires, mémos de conjugaison, etc.) présents dans le manuel et répondent à l’objectif visé pour la leçon.
→ Tant qu’à faire, c’est mieux ! Ceci dit, les auteurs de manuels ne sont pas des abrutis non plus, ils ne vont pas être incohérents avec eux-mêmes. Quoi que... suivez mon regard !
→ D’où l’intérêt de ne pas multiplier les outils de référence. Un affichage au mur, basé sur ce que les enfants ont découvert grâce au manuel et reprenant peu ou prou la même présentation, c’est préférable à tous ces outils qui perdent les apprentis-grammairiens et leur font croire qu’on leur demande la lune.
→ Et cela continue comme ça page 127. Une jolie liste qui définit ce qu’est un manuel scolaire. Un peu comme si on vous expliquait que, si vous choisissez une voiture, il faut que vous fassiez attention à l’existence d’une carrosserie solide, quatre roues garnies de pneumatiques, des sièges, un volant, un tableau de bord, un moteur, des vitres à l’épreuve des chocs, des essuie-glace, un système de freinage et un autre d’éclairage, ...
→ Ceci dit, c’est peut-être utile après des années de fiches piquées sur la Toile ici ou là, parfois incomplètes, pas toujours cohérentes et ainsi de suite.
Focus | Grille d’analyse pour choisir un manuel de français
→ Deux pages (128 et 129) qui résument (bien) tout ce qui a été dit précédemment.
→ On n’arrive pas à comprendre s’il s’agit d’un Livre unique de Français, tel qu’il en a existé jusque dans les années 1980 ou si les auteurs parlent de deux manuels.
→ Allez savoir pourquoi, les textes de lecture ne sont évoqués qu’en dernier, comme s’ils avaient été oubliés et rajoutés à la fin.
En résumé
♣ Le choix du manuel de français au CE1 est essentiel tant il conditionne la consolidation des compétences en lecture-écriture travaillées au CP (apprentissage du code et compréhension de l’écrit), et structure les savoirs grammaticaux et lexicaux.
→ Tout à fait. Il peut y avoir deux manuels. Ou un manuel et un fichier. Ou un manuel et un cahier...
♣ Il convient de choisir le manuel au regard des exigences du programme et des recommandations institutionnelles.
→ Pourquoi ? Les recommandations institutionnelles diffèrent des programmes ? Et pourquoi donc ?
→ Au regard des exigences du programme, ça suffit. Le reste, c'est pour flatter les IEN dans le sens du poil et en rendre certains aussi exigeants qu'un DRH de chez France Télécom. Or, la loi a condamné ces DRH.
♣ Il existe un large choix de manuels disponibles. Certains répondent mieux à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, de la compréhension au CE1 par la révision des correspondances graphèmes-phonèmes les plus complexes dès le début de l’année, par le développement de stratégies de plus en plus élaborées, mobilisées en lecture et en écriture, grâce au choix des textes, par une articulation étroite entre l’étude de la langue et les activités d’écriture et de compréhension de l’écrit qu’ils proposent.
→ Si certains correspondent mieux que d’autres, peut-être serait-ce intéressant de les citer, non ?
♣ L’analyse du manuel et du guide du maître est nécessaire pour organiser son enseignement afin de rendre cohérentes les démarches proposées par les concepteurs du manuel et celles mises en œuvre par le professeur.
→ Et l’analyse de la voiture et de son guide est nécessaire pour avoir un véhicule qui fonctionne et réponde à nos attentes.
→ Professeur des écoles, c’est un métier.
→ Sur ce, j’ai fini et c’est tant mieux parce que, comme disait Marie-Pierre Casey :
Dans la même série :
Le petit livre rouge (1) ; Le petit livre rouge (2) ; Le petit livre rouge (3) ; Le petit livre rouge (4) ; Le petit livre rouge (5) ; Le petit livre rouge (6) ; Le petit livre rouge (7) ; Le petit livre rouge (8) ; Le petit livre rouge (9) ; Le petit livre rouge (10) ; Le petit livre rouge (11) ; Le petit livre rouge (12) ; Le petit livre rouge (13) ; ...
Notes :
[1] Sauf les enfants qui n’ont rien à faire au CP et mériteraient un peu plus d’empathie et de soutien qu’une vague place assise dans un lieu dont les intérêts et les usages les dépassent complètement.
[2] Après les trois ou quatre semaines de rodage après les vacances d’été.
[3] Personnellement, j’en connais deux : Lecture et Expression au CE et Français, Livre de lecture CE1. Mais je ne dis pas qu’il n’en existe pas d’autres.
[4] On verra ci-dessous que deux d’entre elles sont à consolider jusqu’à la fin de l’année de CE1 pour de très nombreux enfants.
[5] Voir Le petit livre rouge (11) et CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (1).
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