• Qualifier les compléments (1)

    Les compléments

    Avant de commencer à s'écharper sur l'usage dans la grammaire française des extensions nombreuses et variées du nom « complément », posons-nous d'abord deux petites questions ?

    À quoi peut bien servir ce travail d'analyse grammaticale pour un élève de 7 à 12 ans ?

    À ceci, je répondrai par une seule phrase :

    Cela sert à mieux comprendre et à mieux se faire mieux comprendre.

    Et c'est tout.

    Pour plus de précisions à ce sujet, je vous renvoie vers La grammaire à l'école élémentaire.

    Quel intérêt y a-t-il à transmettre ce travail de désignation à nos élèves de 7 à 12 ans ?

    Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et [, normalement,] les mots pour le dire arrivent aisément. (Nicolas Boileau [sauf l'ajout]). Il y a donc tout intérêt à doter les élèves d'un vocabulaire commun leur permettant d'échanger autour de la langue française, de sa signification, de sa construction et son orthographe.

    Oui mais voilà :

    Cela, c'était vrai jusqu'aux années de grands chambardements, où, tout à coup, toute la nomenclature élémentaire, primaire, de la grammaire scolaire a été déclarée obsolète, stupide et même dangereuse.

    La première attaque que je connaisse date de 1972, la deuxième, de 1989, la troisième, de 2002, et la quatrième, de 2015, si mes souvenirs sont bons. Chacune de ces attaques a été suivie d'un retour en arrière, avec des concessions à chacun des deux partis en présence, anciens comme modernes.

    Ce qui fait que désormais, dans les écoles, et même au ministère, selon les années de scolarisation des enseignants et des rédacteurs de programme, nous nous trouvons face à des factions rivales qui ne jurent que par ce qu'ils ont connu étant jeunes adultes, lorsqu'elles ont été formées au métier d'enseignant ou de grammairien. Certains collègues sont même contraints de s'en référer aux années où ils étaient enfants de Primaire, puisqu'ils ont été recrutés sur le tas comme « contractuels ».

    Et ceci, je pèse mes mots, devient vraiment catastrophique ! Et cela rend les leçons de grammaire totalement sans intérêt pour les enfants, pour ne pas dire pire !

    C'est ainsi qu'au ministère, des grammairiens arrivés d'une planète inconnue peuvent construire des programmes à base de copiés-collés auxquels personne ne comprend rien et dont l'utilisation comme amélioration de la compréhension et de l'enrichissement du langage écrit est plus qu'improbable.
    Nous avons tous en mémoire l'apparition du  prédicat, vraisemblablement arrivé à partir des programmes scolaires québecois, alors que le mot n'avait jamais été employés dans des programmes scolaires français. 

    Ces concepteurs de programmes scolaires peuvent aussi se saisir d'un mot (indirect, par exemple), l'associer à une notion très vaguement comprise (l'objet, par exemple, dont le critère de reconnaissance a été déconnecté du sens pour ne plus s'attacher qu'à sa place dans la phrase, comme lorsque le maître de philosophie se moque du Bourgeois Gentilhomme dans la comédie du même nom) et employer cette association en dépit du bon sens, quand ça les arrange.
    C'est ainsi que, observant que le groupe nominal  « à Paris », introduit par la préposition à, est donc de construction indirecte et qu'il est très difficilement déplaçable, et en négligeant le sens qui indique clairement que c'est un complément qui indique le lieu où habite Pierre, on utilisera le terme suffisamment opaque de complément d'objet indirect pour ce groupe nominal dans la phrase Pierre habite à Paris alors que Paris n'est en aucun cas l'objet sur lequel s'exerce l'action d'habiter !

    Ils peuvent aussi bâtir leur analyse grammaticale sur des questions de base (voir l'illustration ci-dessus) et poser ces questions en les déconnectant de la signification de la phrase (exemple : Pierre est riche. Pierre est comment ? riche. Riche se retrouve affublé de la fonction complément de manière au lieu d'être un attribut du sujet, alors que si nous posons la question Pierre est quoi ? l'adjectif riche devient complément d'objet direct... si, si...). Ils peuvent aussi faire le contraire et s'attacher à la place du mot dans la phrase (exemple : Pierre est à la plage. Ah, facile, à la plage est placé à droite du verbe être, c'est donc un attribut du sujet).

    Après ce musée des horreurs, rempli de glaces déformantes,

    et fidèle aux préceptes que j'ai développés dans l'article qui expliquait l'ouverture de cette nouvelle rubrique (La grammaire à l'école élémentaire), il m'a semblé nécessaire de remettre un peu d'utilitaire au centre de cette grammaire qui n'a plus rien d'universel depuis la dernière attaque (qui a fait très mal) et concevoir à l'usage des enseignants d'école élémentaire un petit cours, très simple, remettant la recherche du sens au cœur de l'analyse grammaticale.

    Qualifier les compléments

    Pour classer les compléments selon leur sens, il nous faut d'abord :

    Classer les verbes selon leur sens :

    Ce classement est important car la signification d'un verbe a des conséquences sur leurs relations avec les autres mots de la phrase.

    1) les verbes d'état

    Comme leur nom l'indique, ils indiquent un état (être candidat, devenir grand, rester calme, demeurer persuadé de ceci ou cela, sembler sérieux, paraître un grand personnage).

    Les verbes d'état ne sont que six et peuvent tous être remplacés par le verbe être :

    être, paraître, sembler, demeurer, rester, devenir.

    On peut ajouter à cette liste quelques locutions verbales : avoir l'air, passer pour, ...

    Nous verrons plus tard qu'un verbe d'état ne peut pas être complété par un complément d'objet qu'il soit direct ou indirect.

    2) les verbes d'action

     Tous les verbes, exceptés les six verbes d'état, indiquent une action : courir, manger, discuter, ..., mais aussi dormir, réfléchir, apprécier, ... et autres actions sans mouvement apparent, et même recevoir, écouter, ..., où l'action visible ou audible semble faite par celui qui envoie ou qui parle.

    Les verbes d'action sont classés en deux catégories, selon qu'ils exercent ou non leur action sur quelqu'un ou sur quelque chose qui est l'objet de cette action.

     ◊ Les verbes d'action transitifs

    Lorsqu'un verbe exerce son action sur un objet (quelqu'un, quelque chose),on le qualifie de verbe transitif.

    Par exemple : Le chien attrape la balle. → la balle est l'objet que le chien attrape. ⇒ le verbe attraper est un verbe transitif.

    Ou encore : En juin, les professeurs rêvent de vacances. → les vacances sont l'objet dont rêvent les professeurs. ⇒ le verbe rêver (de) est un verbe transitif (indirect)

    Nous verrons plus tard que seuls les verbes transitifs peuvent être complétés par un complément d'objet direct ou indirect.

     ◊ Les verbes d'action intransitifs

    D'autres verbes expriment une action qui ne s'exerce sur rien de particulier, comme briller, galoper, courir, mourir, naître, aboyer, ...

    Ces verbes-là sont dits intransitifs.

    Nous verrons plus tard qu'un verbe d'action intransitif ne peut pas être complété par un complément d'objet qu'il soit direct ou indirect.

     ◊ Les verbes d'action transitifs qui peuvent être utilisés sans précision sur l'objet de l'action

    Pierre mange. Tout va bien, il n'est plus malade, lui qui ne mangeait plus se remet à dévorer !

    Dans ces phrases, les verbes manger et dévorer n'exercent pas leur action sur un objet précis.

    Il n'en reste pas moins que les verbes manger et dévorer peuvent, contrairement aux verbes intransitifs, continuer à exercer une action sur des objets multiples et variés.

    Pierre mange une assiette de pâtes. Tout va bien, il n'est plus malade, lui qui ne mangeait plus rien se remet à dévorer tout ce qu'on lui présente !

    Comme nous avons maintenant compris comment classer les verbes selon leur sens, nous pouvons nous attaquer au sens des différents compléments en commençant par le plus maltraité par la dernière attaque...

    2) Le complément d'objet

    Comme son nom l'indique, un complément, cela complète (verbe transitif qui peut être utilisé sans précision sur l'objet de l'action).

    Et que complète-t-il ? Un autre mot ou groupe de mots, forcément. En lui apportant une précision.

    Et quelle est cette précision ? L'objet, c'est écrit là, juste après le mot complément !

    Cela nous permet d'énoncer la première règle qui régit le complément d'objet :

    ◊ Le complément d'objet complète toujours un verbe !

    Son rôle, sa fonction, c'est d'indiquer l'objet sur lequel s'exerce l'action exprimée par le verbe.

    Par exemple : Le chat dévore une souris. une souris est l'objet de l'action de  dévorer exécutée par le chat. ⇒ le GN une souris est le complément d'objet du verbe d'action transitif dévorer.

    Cet exemple, et tous ceux que nous pourrons trouver d'autre (J'essuie la vaisselle. - Jules César a vaincu les Gaulois à Alésia - Les enseignants attendent les vacances avec impatience. - ...) nous permet d'énoncer la seconde règle :

    ◊ Le complément d'objet ne peut compléter qu'un verbe d'action !

    Nous avons remarqué plus haut que certains compléments d'objet sont introduits par une préposition.

    Par exemple : Mon ami pense à la prochaine rentrée scolaire. La prochaine rentrée scolaire est l'objet des pensées de mon ami. Mon ami exerce son action de penser sur la prochaine rentrée scolaire. ⇒ le GN prépositionnel à la prochaine rentrée scolaire est le complément d'objet du verbe d'action penser

    On dit que ce complément d'objet est indirect car le verbe penser a besoin de la préposition à pour introduire son complément.

    Ce qui nous amène à les troisième et quatrième règles.

    ◊ Le complément d'objet est direct lorsqu'il complète par un objet l'action d'un verbe transitif direct !

    La plupart des verbes d'action transitifs sont directs. Nous rencontrerons donc essentiellement des compléments d'objet directs.

    ◊ Le complément d'objet est indirect lorsqu'il complète par un objet l'action d'un verbe transitif indirect ! 

    Les verbes d'action transitifs indirects sont si peu fréquents qu'on peut en dresser la liste : dépendre de, douter de, habituer à, se moquer de, nuire à, s'occuper de, penser à, plaire, à, profiter de, réfléchir à, ressembler à, rêver de, se servir de, songer à, se souvenir de, tenir à.

    ◊ Quelques précisions pour les courageux :

    ♦ Le complément d'objet second :

    À ces verbes transitifs indirects, nous pouvons ajouter une série de verbes qui  sont complétés par deux objets. Le premier d'entre eux le complète directement et le second, indirectement, par l'intermédiaire d'une préposition.

    Par exemple : Jules César prive Vercingétorix de sa liberté.

    Vercingétorix est l'objet de l'action de priver qu'exerce Jules César, ce complément d'objet n'est pas introduit par une préposition, c'est le  complément d'objet direct du verbe priver

    de sa liberté est un autre objet de l'action de priver qu'exerce Jules César. En revanche, ce complément d'objet est introduit par une préposition, c'est le complément d'objet indirect du verbe priver (qu'on a pu un temps appeler complément d'objet second).

    ♦ Le complément d'attribution

    On a peu à peu classé dans la catégorie des compléments d'objet seconds un type de compléments, cousin des compléments d'objet, le complément d'attribution. On le classe désormais dans la catégorie des compléments d'objet indirects.

    Pourtant, dans l'optique d'une grammaire servant à mieux comprendre et à mieux s'exprimer, c'est un complément qui ne manque pas d'intérêt ! Surtout pour les enfants qui, comme nous le savons, aiment connaître les personnes dans l'intérêt desquelles s'accomplit une action !

    Car c'est cela dont nous informe un complément d'attribution. Il nous dit à qui est « attribué » l'objet de l'action.

    Par exemple : Le génie a donné une lampe à Aladin.

    la lampe est l'objet de l'action de donner, c'est donc le complément d'objet direct du verbe donner

    Aladin est la personne à qui le génie a attribué la lampe, c'est donc le complément d'attribution donner.

    (à un de ces jours pour tenter d'éclaircir la notion de circonstance)...

    Dans la même série :

    ... ; Qualifier les compléments (2)  ; Qualifier les compléments (3)  ; Qualifier les compléments (4)


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