• CP : Travailler la compréhension

    CP : Travailler la compréhension

    Au CP, c'est à deux niveaux qu'il convient de travailler la compréhension :

    1. La compréhension des propos oraux ou oralisés :

    Elle comprend :

    ♦ la compréhension des consignes données par l'adulte ou un camarade,

    ♦ celle des propos échangés en relation duelle et en relation collective, que nous appellerons l'écoute d'échanges,

    ♦ et celle qui doit naître de l'écoute littéraire. 

    Toutes ces formes de compréhension ont normalement été travaillées depuis la Petite Section.

    Cependant, comme pour un enfant, tout changement de lieu et de temps remet en cause les acquis antérieurs, il sera prudent de travailler à nouveau ces différentes facettes de la compréhension orale.

    ♦ la compréhension des consignes

    On fera obligatoirement en début d'année un travail particulier sur les consignes orales, grâce aux jeux de type « Jacques a dit », « Dans la mare, sur la rive » et autres jeux de colo.

    Ces jeux pourront se prolonger en salle de classe, par des jeux de doigts ou d'ordres rapides, des rythmes à reproduire, des coloriages ou dessins à exécuter grâce à des consignes successives rapides :

    « Sur la feuille que je viens de vous donner, dessinez un petit rond. Coloriez-le en rouge. En-dessous de ce rond, dessinez un carré, collé au rond. Coloriez-le en rouge et vert. Au-dessus du rond, mais pas "collé", bien au-dessus, dessinez un grand rectangle avec un poisson à l'intérieur. Etc. »

    Ce sera peut-être l'occasion de caser, de temps en temps, l'exercice qui plaît tant aux évaluateurs de ces 15 à 20 dernières années... Vous savez, celui que nous pratiquons en direct à longueur de journée[1] , et qui, quand au lieu d'évaluer la vie quotidienne, on fait perdre leur temps aux enseignants et aux enfants, consiste à dire une phrase et à faire trouver aux élèves laquelle des quelques images présentées correspond à la phrase énoncée.

    CP : Travailler la compréhension
    Ici, l'élève doit entourer l'image qui correspond à la phrase : « Le stylo est dans le carton. »

    ♦ l'écoute et la compréhension des échanges

    Pour que les élèves prennent (ou reprennent) l'habitude de s'écouter entre eux, on peut désigner l'un d'entre eux comme meneur de jeu des jeux d'ordre proposés ci-dessus.

    On peut aussi s'inspirer de la méthode décrite par Pierre Péroz pour l'écoute en maternelle, dans toutes les séances collectives (dont on allongera progressivement la durée pendant toute l'année, de manière à rendre profitable le système d'enseignement collectif que constitue l'école), tant en français qu'en mathématiques, en EPS qu'en QLM ou en Arts et en EMC.

    Les échanges oraux étant d'autant plus riches et fructueux que le nombre des intervenants est important, il convient donc d'habituer les élèves à s'écouter les uns les autres de manière à pouvoir apprendre à comprendre le langage des échanges à de très nombreuses reprises au cours d'une journée de classe.

    ♦ L'écoute et la compréhension littéraire

    Là aussi, il suffira de continuer sur la lancée de l'école maternelle (ou de ce qu'elle aurait dû être). 

    Chaque jour, à heure fixe (début ou fin d'après-midi, c'est bien), l'enseignant sortira de sa besace un livre qu'il aura choisi pour des raisons qui lui sont propres, et il le montrera à ses élèves.

    Les propos sur la couverture seront menés, comme tout le reste des échanges à la mode Pierre Péroz (voir ci-dessus). Bien sûr, on n'aura peut-être pas exactement la séance 1 de la période1 de la méthode dite « de lecture » habituelle.
    Il est fort probable que personne ne s'intéresse a priori à l'éditeur, ni à l'auteur et à l'illustrateur. Quant au titre, s'il sort en tant que préoccupation d'un ou plusieurs élèves, il arrivera sans doute après l'illustration.
    Mais est-ce si grave et cela nuira-t-il à leur apprentissage de la lecture ? J'en doute fort.

    Et puis, cela viendra peut-être plus tard, sait-on jamais ?... Le jour où un enfant dira : « Ah mais je l'ai, moi aussi, ce livre, mais le dessin n'est pas pareil... »
    Et là, il deviendra intéressant de rebondir et d'expliquer que certaines histoires, très connues, ont été éditées plusieurs fois, par des maisons d'édition différentes ;  que tout ça est bien passionnant et pourra donner matière à une séance ou deux de QLM sur le monde du travail des adultes et le secteur de la production des livres en particulier. 

    Ensuite, il s'agira de l'écouter attentivement pour le comprendre, ce livre. Là aussi, faisons confiance à nos élèves et délivrons-nous des progressions toutes faites qui suggèrent de traiter la première semaine de septembre telle et telle compétences, en octobre telle et telle autres, et ainsi de suite jusqu'en juin.

    Laissons au contraire nos élèves découvrir le plaisir de l'écoute active, en nous aidant de tout ce que conseillent les conteurs pour captiver un auditoire[2] et de tout ce que nous conseille notre bon sens (et celui de nos élèves) pour aller plus loin dans la compréhension de l'histoire que nous découvrons.

    Je suis prête à vous parier que vous n'aurez plus besoin de travailler ni les inférences, ni l'implicite et que les reprises pronominales quitteront le domaine de la littérature pour retrouver la place qu'elles n'auraient jamais dû quitter : celle de l'étude de la grammaire et de la conjugaison.

    Et je suis bien sûre que vous n'aurez pas besoin d'attendre, comme certains « manuels de lecture », la Semaine 4 de la Période 2 pour « Créer du lien entre texte et illustrations » ou la Semaine 2 de la Période 4 pour « Comprendre le début d'une histoire » !

    Nous n'avons donc pas besoin de pages consacrées à la lecture entendue dans un manuel d'enseignement de la lecture.

    Ceux qui en proposent (ou « mieux » qui en font le projet principal de l'année de CP) risquent de détourner notre pédagogie, et donc nos élèves, de l'effort principal qui devrait les occuper : apprendre à chercher à comprendre ce que l’œil découvre au fur et à mesure qu'il le lit, aidé par l'oralisation, dès les premiers jours de classe.  

    2. La compréhension de ce qu'on lit soi-même, au moment où on le lit

     Cette compréhension-ci a de fait été quasiment inexplorée à l'école maternelle, et pour cause !

    Tout au mieux y a-t-il eu parfois quelques courtes incursions en fin de GS dans l'encodage et le décodage de mots et, pour les plus chanceux, l'utilisation de pictogrammes ou d'images pour écrire et lire des « phrases en images » depuis la deuxième partie de la MS[3].

    C'est  donc LE travail  essentiel du CP et il doit obligatoirement être présent dans le manuel de classe que ce soit

    ♥  un manuel de code,

    un manuel « méthode de lecture » à lui tout seul,

    ♥ un porte-vue ou un classeur bâti en classe à partir des découvertes successives des élèves dans le domaine de la lecture autonome[4].

    ♦ Au début de l'année,

    Le peu de connaissances des enfants oblige un travail sur des phrases courtes et très peu ambitieuses. On y trouve cependant toujours, tout aussi bien que dans les écrits longs que lit l'enseignant, un implicite, des inférences, des remarques lexicales et orthographiques à mener.

    Les élèves sont donc bien déjà dans la compréhension, quoi qu'en pensent les personnes chagrines qui sont persuadées que « faire de la syllabique », c'est faire lire aux élèves des textes vieillots et débiles, dénués d'intérêt émotionnel, moral et civique.

    Petit exemple pour rire un peu :

    CP : Travailler la compréhension

    Abel (qui vient de lire) : Ah là là ! Ça va pas la tête ?

    Babacar : Pfff ! Il est fou, lui. C'est sûr que son père, y va le gronder.

    Célia : Le tabac, c'est interdit. Y faut pas fumer sinon on meurt.

    Donovan : Eh ben moi, au mariage de ma tatie, j'ai bu du champagne. Et mon père, y m'a même pas puni.

    Elies : Dans la bière, y'a de l'alcool ; l'alcool, c'est péché.

    Fantine : C'est quoi, péché ? Pêcher des poissons ?

    Elies : Non, péché de Dieu. Dieu, y veut pas qu'on boive de l'alcool.

    Fantine : Ah. Mon père, il en boit, de la bière.

    Elies : Ton père, il est pas musulman. Les musulmans, y boivent pas d'alcool. C'est péché.

    Gabin : L'alcool, de toute façon, c'est dangereux pour la santé. Y faut pas en boire.

    Honorine : Un petit peu, si t'es pas musulman comme Elies, et que tu es adulte, tu peux. C'est dangereux mais pas trop, je crois. Le tabac, c'est très dangereux. Adulte et enfant, tout le monde.

    Izaak : C'est pour ça que son père va le punir, c'est pour protéger sa santé.

    Julia : Les parents, c'est leur travail de protéger la santé de leurs enfants.

    Karima : Oui mais c'est de leur faute aussi, aux parents. Ils avaient qu'à les ranger, leurs trucs dangereux pour les enfants. Rémi, y savait pas peut-être ?

    Loghan : Ouais... Y savait pas, je suis sûr... En plus, il a cru que c'était bien puisque ses parents, y fument et y boivent.

    Maïdema : C'est sûr. Faut donner le bon exemple, elle dit, ma maman. Par exemple, moi, devant ma petite sœur, j'ai pas le droit de faire le cochon pendu à ma balançoire parce qu'après, elle va faire pareil, ma petite sœur.

    Nolan : Moi, je fais de la moto avec mon père. Eh ben, il va pas au bistrot quand il est avec moi, parce que je bois pas l'apéro avec ses copains, y veut pas. Et ma mère, elle veut pas non plus.

    Oscar : Si on revient à l'histoire, c'est mieux. C'est l'histoire de Rémi qui a bu de la bière et qui est malade.

    Perrine : Il a bu de la bière et il a fumé. Une cigarette, peut-être ?

    Quentin : Ou la pipe. Comme le Père Noël.

    Rayan : Mon frère, y fume. Mais pas des cigarettes. Enfin si. Mais il les fait tout seul, ses cigarettes. Et puis dedans y met de l'herbe, pas du tabac.

    Solal : De l'herbe ? De l'herbe de la pelouse ? Il est bête, ton frère : c'est pour les vaches, l'herbe de la pelouse.

    Thérèse : Oui mais les vaches, elles la mangent l'herbe, elles la fument pas.

    Uranie : Des fois, on fait des grands tas d'herbe dans un coin du jardin et on les fait brûler. Ça fait beaucoup de fumée.

    Valentina : Aaaah ! Faut pas le faire, ça pollue ! Elle l'a dit la maîtresse, il faut l'emmener à la déchetterie, l'herbe, et les feuilles aussi. Après, ils font de la compote !

    Wallid : Pas de la compote, du compost ! C'est pour faire pousser les fleurs et les salades ! Tu prends de la vieille herbe et des vieilles feuilles, et ça donne à manger aux nouvelles herbes et aux nouvelles feuilles.

    Xavière : C'est le recyclage. On l'avait vu quand on était allés à la déchetterie avec les CP de Monsieur Rémy.

    Ysadora : Oh ! Monsieur Rémy, comme le Rémi de l'histoire, celui qui fume du tabac et qui boit de la bière.

    Zoé : Et qui se fait engueuler par sa mère... Euh, pardon, gronder par sa mère et punir par son père...

    ♦ Mais très vite, en cours d'année,

    le rythme de progrès des capacités de lecture étant bien plus rapide qu'avec les méthodes qui travaillent de manière prépondérante la compréhension de textes lus par un tiers,

    ♥ les quantités de lecture augmentent cultivant l'automatisation du déchiffrage,

    ♥ la compréhension des relations entre les mots se perfectionne et permet aux enfants d'aborder l'étude de la langue écrite dans ses régularités orthographiques et grammaticales,

    ♥ le lexique s'enrichit de centaines de mots déchiffrables dont les élèves apprivoisent peu à peu le sens

    ♥ l'univers littéraire abordé s'ouvre largement sur des contes, des récits, des textes poétiques, des écrits documentaires, ...

    Si bien qu'en fin d'année,

    le niveau de compréhension de l'écrit lu de manière autonome par des élèves entraînés à déchiffrer et comprendre simultanément de manière autonome a largement rejoint celui de la compréhension des écrits lus par des tiers.

    Notes :

    [1] Mais si, vous savez ! Le truc que nous faisons cent fois par jour en classe et dans la cour quand nous disons : « Dis, Machin, va me chercher le gros ballon rouge qui est derrière l’arbre du fond, celui qui a les longues branches qui pendent... » ou « Ramène-moi la fille qui court là-bas. Non, pas celle-là, l’autre, celle qui a des couettes et un gilet rouge. » ou encore, comme sur la fiche d'évaluation de MM. Dehaene et Ramus : « Comment ? Tu as perdu le stylo que je t'ai donné ce matin ?  Le stylo est dans le carton. »

    [2] À ce sujet, pour ceux qui ne l’ont pas lu, je conseille l’excellent « Comment raconter des histoires à nos enfants » de Miss Sara Cone Bryant. Ici, vous en trouverez un résumé commenté : Racontamus, écoutatis, comprenunt (1)Racontamus, écoutatis, comprenunt (2) ; Racontamus, écoutatis, comprenunt (3)Racontamus, écoutatis, comprenunt (4)Racontamus, écoutatis, comprenunt (5)Racontamus, écoutatis, comprenunt (6) ; Racontamus, écoutatis, comprenunt (7)Racontamus, écoutatis, comprenunt (8) ; Racontamus, écoutatis, comprenunt (9)

    [3] Voir : Méthode « Au commencement était l’image » :  PS/MS : 26 fois 26 symboles (1) ; PS/MS : 26 fois 26 symboles (1bis)MS : 26 fois 26 icônes (1)PS/MS : 26 fois 26 (2)PS/MS : 26 fois 26 (3)PS/MS : 26 fois 26 (4) ; PS/MS : 26 fois 26 (5)

    [4] Lire de manière autonome, c'est, je le rappelle, déchiffrer et comprendre simultanément.


  • Commentaires

    1
    sosie
    Vendredi 30 Décembre 2022 à 12:06

    bp

     

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