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Racontamus, écoutatis, comprenunt (4)
Lors de la dernière parution de la série d'articles intitulée Racontamus, Écoutatis, Comprenunt, j'ai reçu plusieurs courriels me demandant une liste d'histoires à raconter. Vous en trouverez une première en fin d'article.
Je ne saurai trop conseiller aux personnes qui veulent des éléments supplémentaires d'aller tout de suite sur Gallica et de lire la Table des Matières de l'ouvrage dont je tente le résumé. Ils y trouveront toute une liste d'histoires recensées par Miss Sara Cone Bryant.Nous trouverons d'autres histoires reproduites in extenso, au fil des chapitres afin d'illustrer leur propos. Aujourd'hui, par exemple, ce seront trois contes, deux très connus, et le troisième un peu moins, qui seront donnés en exemple :
- Les trois petits cochons
- Les trois ours (début du conte en bas de page)
- La vieille femme et le cochon récalcitrant
Je ne les reproduirai pas dans ce chapitre, d'abord parce que les deux premiers sont très connus, ensuite parce que cela prend de la place et du temps.
Je préfère utiliser cette place et ce temps à expliquer pourquoi je ne juge pas nécessaire de faire fabriquer des masques et des costumes et de faire apprendre par cœur ou presque à nos élèves les contes que nous racontons.La méthode que je privilégie, les habitués de ce blog en ont souvent entendu parler, c'est la Méthode des petits pas.
Elle consiste à :- proposer souvent mais très peu
- avancer à pas comptés
- revenir sans arrêt sur les acquis antérieurs, quitte à relire plusieurs fois, à différents moments des différentes années scolaires
- nourrir l'intuition longtemps avant d'exposer une notion, ce qui sous-entend de ne pas traiter un sujet à fond, d'emblée, pour ne pas avoir à y revenir
- ne jamais lasser par des activités qui « tournent à vide »
- instaurer des routines éducatives et instructives qui ne tournent pas aux rituels presque religieux, vidés de leur substance
- nourrir l'intelligence et la logique (relation de cause à effet)
- partir de la compréhension concrète pour nourrir l'imaginaire, premier pas vers l'abstrait
Cette méthode ne se satisfait pas des longs stages répétitifs sur un matériau surexploité qui disparaît ensuite pour ne jamais revenir.
Plutôt que quatre à cinq semaines sur le même ouvrage, elle va proposer une à deux séances en TPS et PS, passer progressivement à trois ou quatre de temps en temps en PS et MS, pour finir, chez les grands de GS, CP et CE1 à une à deux semaines. Ce ne sera qu'au CE2 ou au CM que nous pourrons rester parfois un mois sur un livre particulièrement intéressant que nous voulons exploiter à fond.
Pas le temps dans ces conditions de faire des masques, apprendre des tirades, jouer plus d'une scène de temps en temps, à l'aide de marionnettes ou avec les enfants eux-mêmes. Pas le temps et pas l'envie. Sauf pour un spectacle bien sûr, offert aux camarades des autres classes, aux correspondants qu'on reçoit pour la journée, aux parents que nous invitons chez nous, dans notre classe, pour leur montrer notre travail. Mais nous ne sommes pas à l'école pour monter sans arrêt des spectacles.
Chez nous, la compréhension naît de la multitude des histoires, de la richesse de leur vocabulaire qui revient sans cesse, de conte en conte, tout comme reviennent les principales étapes de leur schéma.
Si certaines d'entre elles sont lues et relues parfois à plusieurs reprises, au cours d'une ou plusieurs années scolaires, ce sera toujours parce que leurs qualités font que les enfants les réclament ou les retrouvent avec le même plaisir, y dénichant toujours quelque chose de plus, quelque chose de mieux, quelque chose qui leur correspond et qui les fait grandir.
L'intérêt qui suscite la compréhension naît du temps passé à lire, raconter, dialoguer en suivant les pistes que les élèves eux-mêmes entrouvrent et dans lesquelles nous nous précipitons.Le reste, nous savons très bien, et nos élèves aussi, que c'est de l'habillage, du rituel qui tourne vite en rond et qui, trop sucré, trop bourré d'additifs colorés et a priori appétents, finit par lasser tout le monde, enfants comme enseignants, et leur fait réclamer à nouveau « autre chose », un autre truc en -us, en -um ou en -o qui nourrirait vraiment, apportant à tous la Culture dont ils ont besoin.
COMMENT RACONTER
DES HISTOIRES
À NOS ENFANTSd'après
MISS SARA CONE BRYANT
F. NATHANCHAPITRE II
DU CHOIX DES HISTOIRESSouvenirs personnels
Il y a une image qui me revient souvent, nette et fraîche. C'est celle d'une toute petite fille, debout devant la glace, en train de se laisser brosser les boucles d'une chevelure particulièrement rebelle. Elle écoutait une voix qui racontait : « Et la petite Boucle d'Or arriva devant la petite maison. Elle ouvrit la porte et elle entra...»
Et l'histoire allait son train, et la toilette se terminait sans pleurs. Neuf fois sur dix, à la demande quotidienne : « Quelle histoire allons-nous raconter aujourd'hui ? », la petite fille répondait : « Les trois Ours. »Les qualités que les enfants prisent le plus dans les histoires
C'est en me rappelant la petite fille que j'ai pu comprendre le choix de certains enfants à qui l'on avait demandé de désigner leurs trois histoires favorites.
Dans les petites classes, la réponse fut : Les trois Ours, Les trois petits Cochons, Le petit Cochon qui ne voulait pas passer par-dessus la barrière.
Comme il est absolument impossible d'enseigner quoi que ce soit au moyen d'histoires si ces histoires ne leur plaisent pas, il est utile de considérer sérieusement en quoi ces trois contes méritent leur popularité, quelles sont les qualités qui leur sont communes, et que nous chercherons à rencontrer dans les autres récits.[Ici, on trouve dans le chapitre le texte des trois contes, in extenso :
- Les trois petits cochons
- Les trois ours (début du conte en bas de page)
- La vieille femme et le cochon récalcitrant ]
Qualités communes à ces trois récits. Rapidité de l'action.
Un bref examen de ces trois histoires nous révèle un trait qui leur est commun : la rapidité dans l'action. Chaque paragraphe du récit est un événement. Il n'y a ni descriptions, ni explications. Tous les événements forment une chaîne dont les anneaux sont si rapprochés qu'ils se succèdent aussi vite que des événements peuvent le faire et nulle complication ne ramène la pensée en arrière.
Il ne s'agit pas de ce que pensèrent les gens, ou de ce qu'ils ressentirent, mais de ce qu'ils firent.Simplicité teintée de mystère.
À mesure que vous relisez ces courts récits, vous voyez que chaque événement offre un tableau complet à l'imagination, et que ces tableaux sont composés des éléments les plus simples.
Ce sont ceux que l'enfant connaît déjà ou d'éléments analogues à ceux qu'il connaît. Il s'agit de choses qu'il voit ou qu'il entend tous les jours, teintées cependant d'une ombre de mystère, ce qui les lui rend plus agréables :- a maison des trois ours est meublée d'objets qui lui sont familiers mais le merveilleux tient dans le fait que ce sont des lits, des tables, des chaises et des bols appartenant à des ours ;
- la vieille femme utilise des objets connus (bâton, feu, eau et le reste), mais ces objets, habituellement inanimés, prennent une part active à l'action et expriment leur volonté propre ;
- nous retrouvons ces éléments connus des enfants dans les trois petits cochons.
Pour les cerveaux de nos petits auditeurs, toutes ces images sont claires, quoique aucune ne soit absolument familière, parce que les acteurs ne sont pas des hommes mais des animaux.
Simplicité teintée de merveilleux, en même temps que netteté des contours, voilà la note commune à ces peintures.
Élément répétitif
Un troisième élément caractéristique consiste en une certaine quantité de répétitions, plus sensible dans l'histoire de la vieille femme, qui répond au critère d'histoire accumulative, mais toutes trois le possèdent à divers degrés.
Rôle probable de ces qualités dans le plaisir des auditeurs
a) rapidité de l'action :
La préférence de l'enfant prouve seulement que :Son instinct naturel le sert souvent mieux que le goût formé plus tard chez lui par la culture artificielle.
b) choses familières :
Comment l'imagination pourrait-elle créer un nouveau monde, sinon avec les matériaux de l'ancien? Des images étrangères affaiblissent l'intérêt et produisent une confusion dans l'esprit.Des images familières – transportées dans le domaine de la fantaisie – réveillent l'intérêt et satisfont l'esprit.
c) charme de la répétition :
Il flatte un sentiment inattendu de compréhension parfaite.Chaque répétition accentue la note familière, excite le sens humoristique et facilite l'effort d'attention.
Satisfaction produite par la gymnastique intellectuelle
Quand la répétition est pleinement accumulative, comme dans La maison que Pierre a bâtie, la joie des enfants résulte un peu de la gymnastique qu'il leur faut faire pour suivre sans omission un enchaînement de péripéties, enchaînement ni trop difficile pour cesser d'être amusant, ni trop facile pour laisser l'esprit inoccupé.
Amener un ensemble à être parfaitement intelligible, en procédant du simple au composé, puis le réduire de nouveau à ses premiers éléments, cela, c'est une jouissance intellectuelle.
[Tiens, tiens... Nous voici en terrain connu, non ? Analyser une situation concrète, en extraire des éléments pertinents, puis synthétiser tout cela pour pouvoir le réutiliser ici ou ailleurs, voilà qui ressemble bigrement à la démarche utilisée pour apprendre à lire avec Écrire et Lire au CP ou pour apprendre à se repérer, compter, calculer et raisonner dans Maths en Primaire... ]
Conseils pour le choix des histoires
Pour ces raisons, quand vous choisissez une histoire pour la raconter à des tout-petits, laissez-moi vous conseiller d'appliquer cette méthode :
- Est-elle pleine d'actions se suivant naturellement ?
- Les images en sont-elles simples sans tomber dans la vulgarité ?
- Est-elle à répétition ?
Cette dernière qualité n'est pas indispensable mais elle caractérise souvent une histoire à succès.
Âge des enfants
Avec cette méthode, nous avons opéré une sélection générale. Il nous faudrait maintenant passer au choix des genres d'après l'âge des enfants. Hélas, nul ne peut dresser une liste exacte à ce sujet, tellement le goût et les capacités d'enfants du même âge sont variables.
La liste donnée à la fin de ce chapitre est donc simplement dictée par le souvenir de mes expériences personnelles. C'est aux maîtresses de s'adapter aux circonstances particulières de leurs élèves.[Et toc pour ceux qui croient qu'on peut fournir des kits tout prêts, contenant une histoire et une seule, accompagnée de son guide pédagogique personnel et privé et de son CDRom qui ne servira que pour elle, avec ses images à imprimer, ses dictées de dessins, ses masques, ses maquettes, ses figurines... au risque de tomber à plat parce que, décidément, les circonstances particulières des élèves ne s'adaptent pas au beau matériel qui fonctionne si bien ailleurs. ]
Histoires vraies
À un certain âge, variant avec le degré de développement des enfants, nous nous trouvons en face de l'esprit sceptique qui demande continuellement : « Est-ce que c'est arrivé ? »
Pour le satisfaire, on se servira de récits historiques ou scientifiques, on puisera dans le trésor de ses réminiscences personnelles. Mais la demande n'est jamais si exclusive que toute fiction doive être abandonnée.Il suffit, selon le cas, de déclarer franchement que l'histoire que vous racontez est « seulement un conte », ou bien « basée sur un fait vrai, mais brodé » ou enfin « entièrement vrai ».
Récits bibliques
Note du traducteur : Les histoires bibliques font partie intégrante de l'enseignement primaire en pays anglo-saxon. En France, les institutrices publiques devront naturellement user de beaucoup de tact afin de ne froisser aucun sentiment respectable chez les parents de leurs élèves.
Note personnelle : Ce paragraphe est de peu d'intérêt pour nous. Ceux qui voudront le consulter pourront le faire en cliquant sur son titre puis en se rendant en bas de page.
CLASSIFICATION DE CERTAINS TYPES D'HISTOIRES
Les histoires indiquées à la fin de ce chapitres sont groupées suivant les divers degrés de développement dont nous avons parlé. Elles sont toutefois très souvent interchangeables et beaucoup d'entre elles peuvent convenir indistinctement à toutes les classes d'une école.
En ce qui concerne les contes de fées, on trouvera surtout à puiser dans les recueils des frères Grimm, de Perrault et d'Andersen, dont nous indiquons les contes les plus célèbres. Ils ont généralement besoin d'être adaptés, en éliminant tout détail vulgaire ou superflu.Pour les classes maternelles et enfantines
Historiettes rimées
Histoires mélangées de versification
Récits d'histoire naturelle où les animaux sont fortement personnifiés
Contes de ma Mère l'Oye, ou contes burlesques
Contes de fées, les plus simplesPour le degré suivant
Folklore (légendes locales)
Contes de fées et Contes burlesques
Fables
Légendes
Récits tirés de l'histoire naturellePour les grands
Folklore
Fables
Mythes et Allégories
Histoire naturelle, paraboles de la nature
Récits historiques
Récits humoristiques
Histoires vraiesCONTES
Les contes de fées les plus populaires et les plus faciles à se procurer sont sans aucun doute ceux de Perrault, Andersen et Grimm.
Les enfants les réclament si souvent que la liste suivante peut être utile. Ce sont ceux que j'ai trouvés les plus aisés à adapter. La plupart ont surtout besoin d'être abrégés.Une autre source d'histoires faciles à trouver, ce sont les contes tirés des mythologies grecque et romaine.
Les plus intéressantes me paraissent être :Dans la même série :
♥ Racontamus, écoutatis, comprenunt :
Racontamus, écoutatis, comprenunt - 1 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 2 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 3 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 4 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 5 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 6 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 7 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 8 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 9
♥ Contes à dire, contes à lire :
Contes à lire, Contes à dire (0) (Sommaire) ; Contes à dire, contes à lire - 1 ; Contes à dire, contes à lire - 2 ; Contes à dire, contes à lire - 3 ; Contes à dire, contes à lire - 4 ; Contes à dire, contes à lire - 5 ; Contes à dire, contes à lire - 6 ; Contes à dire, contes à lire - 7 ; Contes à dire, contes à lire - 8 ; Contes à dire, contes à lire - 9 ; Contes à dire, contes à lire (10) ; Contes à dire, contes à lire (11) ; Contes à dire, contes à lire (12) ;
Bientôt l'époque des commandes :
N'oubliez pas :
Pour une maternelle du XXIe siècle
Se repérer, compter, calculer en Grande Section
Questionner le monde au Cycle 2
Tags : maternelle, élémentaire, primaire, littérature, raconter, écoute
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