• Racontamus, écoutatis, comprenunt (5)

    Racontamus, écoutatis, comprenunt (5)
    Illustration de K. Turska, pour Le Roi de la Rivière d'Or, de Ruskin.

    Les problèmes que l'on rencontre lorsqu'on lit aux enfants une histoire en un, deux ou trois jours ne sont pas les mêmes que ceux qui assaillent nos collègues qui exploitent jusqu'à plus soif quelques cinq à six contes par année scolaire.
    En voici quelques-uns, accompagnés bien sûr, comme toujours depuis le début de cette lecture de conseils pour y arriver et d'exemples pour illustrer.

    Je tiens à rassurer tous ceux qui se sentent incapables d'un tel travail : nous disposons de nos jours d'une offre abondante de contes adaptés, certains très simplement, d'autres avec plus de détails. Cela peut nous dispenser de ce travail certes très intéressant et très formateur (de la vraie formation de professeur des écoles efficace et pertinent) mais long et délicat.

    Et pour ceux qui voudraient se lancer, je me permets de leur conseiller deux choses :

    • user et abuser du copié-collé et du travail sur écran. On coupe, remplace, revient en arrière, trouve des synonymes, reprend des ritournelles facilement et sans efforts
    • lire à voix haute sa production et s'écouter la dire. On constate alors l'effet produit sur soi-même et, l'habitude aidant, sur le public enfantin à qui le conte est destiné

    COMMENT RACONTER
    DES HISTOIRES
    À NOS ENFANTS

    d'après
    MISS SARA CONE BRYANT
    F. NATHAN

    CHAPITRE III
    ADAPTATION

    Nécessité d'adaptation

    Il n'est pas très difficile de choisir une histoire intéressante mais il n'est jamais facile d'en trouver assez. Les récits valant la peine d'être contés sont rares et, parmi ceux qui répondent à ce critère, tous ne sont pas lisibles dans leur forme écrite.
    À moins qu'on ne soit capable de changer la forme d'un récit, on risque de se trouver embarrassé.

    Comment raccourcir une histoire trop longue

    La nécessité d'adaptation la plus commune se rencontre dans les histoires trop chargées de faits ou trop longues alors qu'elles apporteraient quelque belle leçon.

    Ici, Miss Sara Cone Bryant cite deux contes : L'histoire du Poêle de Nuremberg (en français, Le petit Comte), dans la version originale de son auteur, Ouida, et celle du Roi de la Rivière d'Or, adapté d'après le conte de Ruskin, beaucoup plus long.
    Le premier conte et l'adaptation du deuxième se trouvent reproduits dans son ouvrage. On y accèdera en cliquant sur les liens.

    En ce qui concerne le Poêle de Nuremberg, le problème réside dans l'élimination ; pour le Roi de la Rivière d'Or, c'est une affaire de réarrangement. Ces exemples sont extrêmes mais les changements à opérer sont toujours similaires, à divers degrés.
    Condensation et réarrangement, voilà les formes presque constantes de l'adaptation.

    Condensation. Exemple : le Poêle de Nuremberg

    Le récit original a 2 400 mots, beaucoup trop long pour être conté tel quel. Qu'enlever ? Que garder ?
    Revenons au texte primitif et lisons-le avec attention.

    Analyse du Poêle de Nuremberg

    Le point culminant est la découverte d'Auguste par le roi et l'offre que ce dernier lui fait de l'aider à devenir un grand artiste. La joie d'Auguste est double : il reste près de son poêle bien-aimé et il peut suivre sa vocation.
    Pour faire comprendre ces sentiments, il faudra préalablement insister sur deux faits initiaux :

    1. l'affection des enfants pour le poêle, expliquée par quelques détails sur leur vie familiale
    2. l'envie qu'avait Auguste de marcher sur les traces de l'artiste qui avait orné le poêle.

    Dès le début, nous élaguerons les développements superflus et les termes difficiles ou héraldiques.

    Ayant déterminé le début et la fin de l'histoire, il s'agit de les joindre par une certaine quantité d'incidents :

    • la catastrophe de la vente du poêle
    • le voyage d'Auguste dont nous ne retiendrons que les épisodes les plus typiques : les débuts, le séjour dans le train de marchandises, les cahotements lorsque les hommes portent le poêle, l'effroi quand le roi ouvre la porte.

    L'intermède de la nuit passée dans le magasin de bric-à-brac peut prêter à confusion : on le supprimera.
    La digression au sujet du prix du poêle est de peu d'intérêt, c'est une histoire dans l'histoire : on l'omettra.

    Il restera :
    a) courte exposition de la place du poêle dans les affections de la famille et ambition d'Auguste
    b) catastrophe de la vente et décision d'Auguste
    c) impressions dans le train et sur les épaules des porteurs
    d) frayeur dans le palais du roi
    e) découverte d'Auguste par le roi et dénouement heureux

    En procédant ainsi, on ramène le récit à des proportions raisonnables, faciles à reproduire oralement. De plus, ce procédé laisse subsister des omissions suggestives qui augmenteront plus tard la jouissance du lecteur.

    Réarrangement. Le Roi de la Rivière d'Or.

    Ce conte est plus difficile à adapter : il est beaucoup plus long et le style en est élevé, très descriptif et allégorique.
    Pour le simplifier, nous devrons choisir les événements essentiels parmi ceux qui préparent le dénouement, et les présenter clairement et brièvement pour que les enfants les comprennent tout en n'étant pas lassés.
    L'histoire comprend 8 000 mots dont les premiers 3 000 servent à dépeindre la vallée du Trésor, les habitudes cruelles de ses possesseurs, Hans et Schwartz, et amènent l'incident final qui amène à leur bannissement.
    Les 2 000 mots suivants concernent l'apparition d'Éole et l'accueil que lui font les trois frères.
    Enfin, viennent 3 000 mots qui racontent l'histoire des trois frères après le décret d'Éole : la révélation faite à Gluck par le roi de la Rivière d'Or, les échecs et le châtiment de ses frères aînés, l'essai de Gluck, sa réussite obtenue grâce à son sacrifice.

    Il est aisé de voir que la partie dramatique de l'histoire, c'est la triple tentative pour obtenir le trésor. Mais cette tentative n'aurait aucun sens sans l'apparition du Roi de la Rivière d'Or, incident sans doute très apprécié des enfants.
    Nous aurons donc besoin des faits principaux narrés par les 3 000 premiers mots. L'épisode d'Éole sera supprimé pour abréger et pour éviter d'introduire une confusion entre les deux apparitions surnaturelles.

    Notre récit abordera :
    a) l'exposé sommaire des caractères de la Vallée des Trésors et de ses possesseurs
    b) les causes de sa transformation
    c) l'intervention du Roi de la Rivière d'Or
    d) le succès de Gluck, le héros, qui fait triompher l'idée fondamentale : la supériorité de la charité sur l'égoïsme.

    Les descriptions seront réduites au minimum et le langage deviendra plus simple et plus concret.

    Suit alors l'adaptation conçue pour être racontée aux enfants : Roi de la Rivière d'Or.
    Puis Miss Sara Cone Bryant explique, et cela ne peut que ravir les adeptes de la méthode des petits pas, que l'original restera réservé pour la lecture personnelle (une deuxième couche, en quelque sorte).

    Règles générales pour raccourcir une histoire trop longue.

    Premier pas : analyser soigneusement la version originale de
    l'histoire choisie
    - les événements qui forment la chaîne
    - les descriptions pures

    Deuxième pas : après réduction du récit à ses éléments constitutifs
    - examen des pas à faire vers le dénouement pour y arriver en sûreté
    - réduction à une seule enjambée de toutes les successions de deux ou trois pas qui peuvent être contractées
    - réduction une seule phrase de toute explication préliminaire trop longue
    - suppression des digressions

    Troisième pas : Quand plusieurs fils conducteurs s'embrouillent
    - chercher le principal et le suivre sans s'inquiéter des autres

    Quatrième pas : on peut aussi diminuer le nombre de personnages
    - envisager l'action du point de vue du héros principal.

    Lorsque le travail d'analyse est terminé, on s'attache à rendre le tout dans un langage très simple, quoique imagé, se rapprochant de l'original, mais élaguant les termes obscurs ou techniques et simplifiant les images.

    Exemple d'amplification : Le fil rouge du courage.

    La transformation est également nécessaire lorsqu'il s'agit d'amplifier un récit trop court, une anecdote ou une fable trop sèchement indiquée (voir Ésope et La Fontaine).

    Suivent alors deux exemples d'amplification, le premier, un exemple d'héroïsme, raconté sous sa forme « militaire » courte et concise puis adapté sous forme de conte après analyse pour :

    provoquer la surprise et l'admiration produites par la fin de l'histoire car :

    Quand il s'agit d'un récit oral, nous ne devons jamais oublier que c'est la dernière proposition qui doit renfermer l'idée principale.

    Ici, suit l'adaptation  sous forme d'un conte : Fil rouge de l'héroïsme
    Ensuite, c'est un conte adapté d'un court poème (introuvable) d'Olivier Kerford  : La Fée et la Marmotte.

    Résumé.

    Principes généraux d'adaptation :

    L'étude préliminaire aboutira toujours à l'analyse de l'histoire.

    Le but sera de :
    - raccourcir une trop longue narration
    - amplifier un récit trop court

    Dans le premier cas :

    - éliminer les faits secondaires
    -
     supprimer les personnages inutiles, les descriptions, les incidents accessoires

    Dans le deuxième cas :

    - inventer des détails intéressants

    Dans les deux cas :

    Conserver :
    a)
     une suite logique des événements
    b) un but unique
    c) un style simple
    d) un dénouement bien préparé

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