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II. 2. B. Mise en route - MS/GS (3)
Merci à Sophie Borgnet pour son illustration, tirée de Une Maternelle du XXIe SiècleChez les Moyens-Grands (3e partie)
Premier jour de classe
Après-midi[1]
1) Conte et Observation
Le début d’après-midi, après accueil hors de la salle de classe si possible, se passe au coin de regroupement. S’il est d’usage de coucher les enfants de Moyenne Section au dortoir, le maître prend néanmoins le temps[2] de les accueillir et de les préparer au sommeil par un court temps de lecture offerte[3].
Si, au contraire, les élèves de Moyenne Section ne bénéficient pas de place pour un temps de repos, ce moment de lecture peut être un peu moins contraint. Il convient néanmoins de ne pas trop solliciter des enfants qui ont encore besoin d’une sieste méridienne surtout s’ils ont dû rester à l’école et manger dans un réfectoire bruyant et surpeuplé. Les coins de jeux d’imitation peuvent ensuite servir de lieux de repos où les enfants fatigués pourront s’allonger, somnoler ou même s’endormir sur des nattes prévues à cet effet. Il se peut qu’un ou deux élèves de Grande Section, surtout parmi les plus jeunes, demandent à bénéficier de ce temps calme. Le maître les y autorise en espérant que, d’ici la fin octobre, ils auront suffisamment mûri pour s’en dispenser.
Le conte, choisi en lien avec le thème que le maître a choisi pour cette rentrée des classes[4], sera lu en courts épisodes, séparés par des observations du réel.
Le maître s’attache, dès ce premier jour, à faire participer tous les élèves à l’écoute active des quelques lignes qu’il lit. Il n’hésite pas à s’interrompre aussi souvent que besoin pour que l’attention de chacun soit captée. L’objet qu’il a choisi de montrer est exposé depuis le matin. Il le met en scène à travers sa lecture, demande à des élèves de venir le manipuler, il en interroge d’autres pour qu’ils réemploient les tournures de phrases de l’auteur…
Cette séance qui dure tout au plus 15 à 20 minutes est active, très active. Il ne s’agit en aucun cas d’une écoute qualifiée de plaisir que rien n’interrompt si ce n’est le bruit des pouces que l’on suce ou des camarades que l’on bouscule, histoire de se désennuyer, pendant que l’adulte égraine les mots qu’il n’explique pas pour ne pas déflorer la découverte de chacun.Comme dans tous les autres temps communs, il fait participer en premier les élèves les plus jeunes qui sont aussi souvent les plus démunis. Si ce n’est pas le cas, il adaptera sa conduite de manière à ce que chacun trouve une activité, une découverte, une notion à sa mesure dans l’activité collective qu’il mène.
De la prononciation à la découverte de vocabulaire, de l’articulation des idées à la formulation d’hypothèses, de la création poétique à l’écoute fine des sonorités de la langue, de la découverte du vivant à l’aspect technique des objets qui nous entourent, le choix est vaste et chacun, quel que soit son âge et son degré de développement, peut très bien apprendre, partager et comprendre au milieu de tous ses camarades, si le maître est attentif à tous et se laisse guider par les objectifs de ses élèves[5] .2) Expression corporelle : mime ou danse
Après ce moment d’intense concentration, tout le monde a besoin de mouvement. Le petit groupe rejoint la salle de motricité où une musique entraînante, simple[6] est proposée à l’écoute des élèves. Une seule fois, car ils ont envie de bouger.
Alors, la classe, séparée en trois ou quatre groupes selon l’effectif[7], va montrer à ses camarades ce qu’elle sait faire. Pour maintenir l’attention des spectateurs, le maître leur demande de frapper la pulsation dans les mains et les accompagne afin de donner aux moins auditifs d’entre eux une vague idée de ce qu’il attend d’eux. L’usage d’un foulard ou ruban permet de préparer la séance d’écriture des élèves de Grande Section[8].
Après chacune des prestations libres, en quelques mots, les élèves sont invités à raconter ce qu’ils ont vu. Le maître encourage les remarques constructives et condamne toute moquerie, attaque ou prétexte à chahut.
Lors d’une dernière écoute, les élèves assis sont encouragés à entendre le ou les mouvements du morceau en imitant les gestes du maître qui a choisi un ou deux gestes simples[9] symbolisant chacun d’eux. Cet exercice sert de retour au calme tout en permettant à chacun d’intégrer le rythme du morceau et la succession de ses mouvements.
3) Motricité fine :
- Préparation à l’écriture
Réunie dans le coin de regroupement, toute la classe apprend avec le maître les premiers jeux de doigts visant la bonne tenue du crayon[10]. Ces jeux sont complétés par un atelier Montessori pour les élèves de Moyenne Section alors que les élèves de Grande Section sous l’œil attentif du maître entament la première séance de découverte du geste d’écriture[11].
- Expression plastique, jeux sensoriels et d’imitation
Après ces quelques minutes de travail en groupe-classe, chaque enfant va pouvoir retrouver son individualité et exercer son autonomie. Le maître, aidé de ses élèves et de l’ATSEM si elle est disponible, installe le matériel d’expression plastique. Les élèves s’y répartissent selon leurs envies et leurs affinités, en fonction des places disponibles. Si certains, déçus de ne pas avoir obtenu la place qu’ils convoitaient, n’ont pas envie de s’essayer à autre chose aujourd’hui, ils s’installent à la table des jeux sensoriels en attendant qu’une place se libère à l’atelier d’expression convoité.
Les coins-jeux ne seront accessibles qu’après fréquentation d’un atelier plastique afin d’éviter qu’un enfant qui n’ose pas se lancer à créer sans filet cache cette inquiétude derrière une irrépressible envie de jouer… qui tourne en rond.
Pour le moment, il s’agit d’apprivoiser le matériel et les consignes simples données par le maître.
- À l’atelier de peinture, il faut peindre sur la feuille, essuyer son pinceau sur le rebord du pot, s’arrêter lorsqu’on trouve cela joli.
- Sur la piste graphique, chacun travaille à côté des autres ; il peut intervenir sur leurs tracés s’il a obtenu l’accord de ses camarades.
- Au modelage et au découpage, on évite de joncher le sol de déchets, on travaille sur le sous-main pour ne pas salir la table, on apprend à ne pas faire dégouliner la colle.
- À l’atelier de fil, les élèves s’essaient à emprisonner la boule de cotillon au centre du carré de tissu s’ils le souhaitent ; mais ils peuvent aussi simplement faire un rouleau de tissu qu’ils ficellent ensuite et qu’ils nommeront saucisson, coussin ou baguette magique…
Alors que les plus courageux entameront un second atelier après le premier, les autres s’égailleront dans les coins-jeux ou utiliseront librement le matériel d’activités sensorielles. La fin de la journée est proche. Le temps de récréation se fait urgent pour les plus remuants d’entre eux.
4) Récréation
Voir matin. Si l'école possède un jardin, une partie de la récréation peut s'y dérouler. Les élèves volontaires participent alors aux travaux de jardinage que le maître exécute, tout en gardant un œil sur ses élèves.
5) Comptines et jeux d’écoute
Ce dernier moment de la journée joue, dans l’esprit du maître, un triple rôle :
- Il veut en faire tout d’abord un moment de plaisir et de rassemblement avant la séparation du soir afin que chacun se quitte sur un bon souvenir ;
- il souhaite qu’au cours de ce moment, ses jeunes élèves de Moyenne Section acquièrent une prononciation éclaircie par une ouïe affinée et un vocabulaire chaque jour plus riche et plus précis ;
- enfin il ne perd pas de vue la progression de découverte de la langue écrite qu’il va dérouler tout au long de l’année scolaire pour ses élèves de Grande Section.
Dès ce premier jour, il présente les instruments de musique nécessaires aux premiers exercices d’écoute de la méthode De l’écoute des sons à la lecture[12]. Lorsque, ensuite, les instruments cités seront distribués aux élèves, ils serviront à rythmer la comptine proposée par cette méthode[13].
Ainsi, pendant que les élèves de Moyenne Section s’entraîneront à s’exprimer en articulant correctement, leurs camarades plus âgés commenceront à mémoriser précisément le texte qu’ils décortiqueront bientôt jusqu’à en extraire intuitivement la notion de phrase, de mot et même de phonème.Premières semaines
1) Buts poursuivis
Le lendemain et les jours suivants, le maître continuera à faire de son groupe d’élèves une classe, c’est-à-dire un groupe d’enfants, accompagnés d’un adulte, qui marchent main dans la main sur la route des connaissances et des savoirs.
Le rythme des journées, toujours identique, permet l’acquisition de repères temporels sûrs. Le maître, et dans une moindre mesure l’ATSEM, s’emploient à aider les élèves en variant le moins possible l’ordre et la durée des activités. L’acquisition du rythme hebdomadaire, ainsi que le nom des jours viendra plus tard, lorsque des événements marquants viendront perturber ce rythme quotidien.
Le maître souhaite ainsi ne pas proposer avant l’heure aux enfants des savoirs savants qui, trop éloignés de leurs intérêts immédiats, mobiliseraient un temps infini pour un résultat bien ténu. Ce qui est déjà valable dans une classe à un seul niveau peut devenir encore plus crucial dans une classe qui en accueille plusieurs. En effet, la variété des âges rend encore plus précaire le difficile équilibre entre plaisirs et savoirs que se doit d’établir un professeur des écoles.
C’est en héritier des instituteurs et institutrices chargés par la fondatrice de l’École Maternelle[14] qu’il choisira de rendre plaisants les premiers apprentissages plutôt que d’en faire des pensums dignes des salles d’asiles du XIXe siècle.
2) Premières habitudes
- Le regroupement du matin
Il devient naturellement le point de ralliement de la classe. Les élèves savent qu’ils vont aller s’y installer à la suite du maître.
L’habitude est prise de commencer par un rapide tour d’horizon des présents et des absents, rapidement notés sur le cahier d’appel. Ensuite, le maître indique quel jour nous sommes[15] et explique si c’est un jour d’école complet, moyen ou court. Cette information, plus importante que le nom pour quelqu’un qui vit encore au jour le jour, est affichée, sous forme de symbole, sur le tableau du coin de regroupement.Puis chacun y raconte son histoire, rapidement, ou montre l’objet qu’il a apporté de chez lui. Le maître expose à son tour une image, une page d’album qu’il lit, un objet en rapport avec un événement évoqué la veille. Il commence ainsi à préparer le terrain de ce qui fera le quotidien des élèves de Grande Section au cours de l’année scolaire : la continuité des apprentissages au fil des jours.
Cependant, puisqu’il a également en charge des plus jeunes qui, eux, n’entreront que très progressivement dans cette continuité, il pense à cibler ses interventions en fonction de ses interlocuteurs et, comme dans une famille où les âges s’échelonnent, ni les plus jeunes, ni les plus âgés ne sont gênés par le niveau de langue qu’il emploie et les thèmes qu’il développe.
- Les déplacements
Ils sont bientôt parfaitement installés[16] grâce à une organisation très routinière.
Le maître comme les élèves profitent des temps de latence pour mener ces conversations à bâtons rompus qui assurent ce que les programmes scolaires baptisent pompeusement « compétence à échanger et s’exprimer ». Du plus jeune au plus âgé, chacun reçoit ce dont il a besoin dans un temps d’échanges informels où, bien vite, le maître a su repérer ceux qui ont besoin de plus d’attention et d’encouragements.- La classe : un lieu d'apprentissages et de partages
Ainsi, tous les temps de la journée prennent leur place, assurent la prise d’autonomie et l’envie d’apprendre de chacun. La cohésion du groupe s’installe d’elle-même et, au bout de quelques jours, chaque enfant connaît et peut nommer tous ses petits camarades. Les échanges se chargent d’une dimension instructive et les apprentissages, sous leur forme adaptée à de jeunes enfants, se structurent. En Moyenne Section et plus encore en Grande Section, l’année scolaire est lancée. Chaque jour, chaque élève de cette section sait qu’il va au cours de trois moments institutionnalisés s’exercer avec ses camarades de classe à prendre des repères de plus en plus fins dans le monde de l’écrit, entendu, tracé, vu et bientôt lu. La classe a pris son rythme de croisière et s’éloigne vers des horizons insoupçonnés !
Dans la même série :
Tous les chapitres déjà mis en ligne sont répertoriés dans la Table des matières évolutive que vous trouverez dans la partie Sommaires.
Pour la partie présente :
I. Idées reçues ; II.1. Deux niveaux dans la même classe ; II. 2. B. Mise en route - MS/GS (1) ; II. 2. B. Mise en route - MS/GS (2) ; II. 2. B. Mise en route - MS/GS (3).Notes :
[1] Horaire prévu pour un après-midi de 2 h 15 minutes.
[2] S’il le peut et que ses élèves ne lui ont pas été retirés pendant la pause méridienne.
[3] Les albums et magazines pour tout-petits sont parfaits pour cela. Même si l’histoire en est très simple, elle a l’avantage d’être courte et de ne pas nécessiter d’explications pour être comprise par tous.
[4] Été et vacances, fruits de saison ou rentrée des classes.
[5] Reproche entendu lors d’un stage à l’IUFM de Valence, dans les années 2000. Espérons que les ESPE et leurs professeurs sont plus ouverts à la pédagogie intuitive que les didacticiens obsédés par les cases à cocher !
[6] Les danses folkloriques sont un excellent matériau de départ si on les utilise comme lanceurs d’expression et non comme danse codifiée à apprendre pas à pas et à répéter. Le morceau ne doit pas excéder 2’30’’ et doit pour le moment ne proposer qu’un à deux mouvements, répétés plusieurs fois.
[7] Sept à huit enfants par groupe, c’est suffisant.
[8] Le rythme de valse amène facilement les enfants à enchaîner des boucles, tout comme le réclament la progression d’écriture proposée sur le site de Laurence Pierson, ecritureparis
[9] Moulinets, rotations des poignets (comme s’il faisait danser des marionnettes à gaine), frappés d’index l’un contre l’autre, mains alternativement levées puis baissées, etc.
[10] Voir idées d’ateliers pour les plus jeunes ici :Vers l'écriture en PS et MS . On trouvera aussi sur ce site, toutes les données nécessaires à la mise en place d’une progression d’écriture simple et efficace (L'écriture cursive en grande section : activités préparatoires ).
[11] Jeu des boucles sans ruban.
[12] Chapitre I A, Les suites de sons. Séquence 1 : Présentation des instruments. T. Venot, éditions du GRIP, déjà cité.
[13] Chapitre I B, La souris verte. Séquence 1 : Apprenez la chanson.
[14] P. Kergomard (1838 - 1925).
[15] Sans quantième ni mois… Trois codes millénaires d’un coup, pour des enfants de moins de six ans, c’est aussi indigeste que dans la Petite Classe !
[16] Sauf enfant à problèmes comportementaux lourds qui aura besoin, sans doute encore très longtemps, d’un accompagnement personnalisé. Pour lui, les adultes ne peuvent qu’anticiper les facteurs de stress et d’excitation et faire en sorte que cela se passe le moins mal possible pour lui et pour tous ses petits camarades. L’accompagnement des familles qui devrait incomber à la Protection Maternelle et Infantile, à la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales ou la Maison Départementale de la Personne Handicapée, retombe malheureusement bien souvent, surtout en l’absence de Réseau d’Aide Spécialisée pour l’Enfance en Difficulté, sur les épaules du maître, de l’ATSEM et des enfants qui partagent le même lieu de vie. Chaque cas étant un cas très particulier, le maître mot est l’adaptation des conditions de vie de cet enfant en fonction de ses difficultés propres et l’anticipation constante des facteurs de risques (agitation, bruit, excitation mais aussi trop grande concentration, immobilité trop longue, …) qui provoqueraient immanquablement une « crise »…
Tags : multiâge, double niveau, maternelle, moyenne section, grande section
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