• Merci,merci, mille mercis !
    Portrait de Laurence Pierson réalisé par Tom Choquart

    Mille mercis à Laurence Pierson pour son article élogieux concernant Pour une maternelle du XXIe siècle !

    Un petit extrait pour vous donner envie d'y aller :

    L'école maternelle a longtemps été une spécificité française. Grâce aux nombreux combats menés par ses défenseurs, elle fait partie intégrante de l'école primaire, au même titre que l'école élémentaire. Elle a su résister à la vilaine appellation de "pré-élémentaire" pour rester "maternelle", au sens où elle accueille de très jeunes enfants, dont les besoins de soins et d'attention doivent être pris en compte.

    Cependant, ces dernières années ont vu une évolution inquiétante nier de plus en plus la spécificité de l'école maternelle pour y introduire progressions rigides et évaluations normées, en faisant une "mini-élémentaire" bien éloignée de l'esprit de ses fondateurs.

    Catherine Huby, qui vient de prendre sa retraite après 40 ans d'enseignement, a vu toutes les évolutions récentes de l'école. Souvent sollicitée par de jeunes collègues en manque de repères, elle nous livre dans cet ouvrage, joliment illustré au trait par Sophie Borgnet, sa vision d'une école maternelle idéale. Elle se replonge aux sources des grands pédagogues d'hier – Pauline Kergomard, Marie Pape-Carpantier, Maria Montessori, Elise et Célestin Freinet – pour proposer une école heureuse pour les enfants d'aujourd'hui.

    ÉcritureParis, un site qui gagne à être connu !

    Et quand vous serez sur son site, profitez-en pour fouiner un peu et voir tout ce qu'elle propose pour aider nos collègues professeurs des écoles ou nos amis parents d'élèves à savoir apprendre ou réapprendre à écrire aux enfants, adolescents ou même adultes qui les entourent.

    Mention spéciale pour les PE :

    Formation pour les enseignants du primaire prévue le Samedi 26 septembre 2015, à Paris, XXe.

    Et pour les IEN, DASEN, Recteurs, Ministre de l'Éducation Nationale et autres professeurs d'ESPÉ qui, je n'en doute pas, se pressent nombreux sur mon blog :

    Laurence propose aussi des animations pédagogiques à l'intention des enseignants d'école primaire — en particulier de cycle 2.
    Ces animations durent une demi-journée qui peut avoir lieu soit le mercredi, soit le samedi.

    Encore une fois grand merci à Laurence qui, en plus de tout ce qu'elle fait pour diffuser notre pédagogie de l'écriture-lecture,  s'est proposée pour tenir, à son cabinet, un petit dépôt-vente des ouvrages du GRIP. Vous y trouverez, entre autres, Écrire et Lire au CPÉcrire, Analyser CE1 et Pour une Maternelle du XXIe Siècle.

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  • Les quatre cents coups

    Je voulais juste dire que, de tous temps, on a vu des gosses, et particulièrement des bandes de gosses, s'introduire quelque part, commencer à commettre des dégradations et continuer jusqu'à tout ficher en l'air si toutefois aucun adulte ne passait par là, simplement par pur plaisir de constater le pouvoir qu'ils détiennent sur les objets.
    Cela commence presque au berceau lorsque le petit enfant éclate de rire en renversant vingt fois la tour de cubes qu'un adulte tout fier construit pour lui...

    Je voulais juste dire que, depuis le milieu du XXe siècle chez nous, le législateur avait décidé qu'il s'agissait d'actes commis par des irresponsables. Alors qu'avant cette date, s'ils n'avaient pas la chance d'avoir des parents ayant des relations, on les envoyait au bagne pour enfants où ils restaient jusqu'à leur majorité.
    Enfin, je n'en suis pas sûre pour les plus jeunes... il me semble que les "moins de sept ans" n'y étaient plus envoyés depuis déjà un petit bout de temps (après la Première Guerre Mondiale, peut-être). Il faudrait que je relise Les Enfants du Bagne, de Marie Rouanet...
    Ils en ressortaient presque systématiquement complètement braqués contre la société et n'ayant acquis aucune des valeurs que la République croyait leur inculquer de force dans ces établissements carcéraux pour mineurs.
    On avait donc préféré la prévention avec tout son arsenal instructif et éducatif : l'école, bien sûr, mais aussi les patronages, les colonies de vacances, la protection maternelle et infantile, les dispensaires, les centres médico-psycho-pédagogiques... tout ce qui est en train de disparaître ou de devenir tellement cher ou tellement élucubrant qu'on se demande s'il n'y a pas quelque part, caché en embuscade, un "intelligent design" d'un autre genre qui cherche à achever leur disparition en dégoûtant les usagers de faire appel à eux !

    Les quatre cents coups.

    Je voulais dire aussi qu'il fut une époque où la communauté des adultes se mobilisait lorsqu'elle voyait une bande de mômes s'agiter discrètement autour d'un bâtiment public ou privé et donner des signes de vouloir y entrer.
    Et qu'elle n'hésitait pas à intervenir, sachant qu'il serait vraiment très exceptionnel que la famille du petit interpellé se rebiffe et vienne lui chercher des noises. Au contraire, la plupart du temps, lorsque celle-ci était avertie, elle se rendait compte que son enfant avait encore bien du chemin avant de devenir un être doué de raison, de capacités de choix et de valeurs morales et civiques et elle rajoutait un complément éducatif à l'arsenal déjà déployé depuis sa naissance.
    Ceci dit, il ne fallait pas être trop regardant sur l'arsenal éducatif parfois... Dans certaines familles, c'était plus souvent le martinet ou le ceinturon que le dialogue éducatif qui extirpaient le mal que le jeune pervers polymorphe nourrissait en son sein ! Loin de moi l'idée de défendre ce modèle éducatif, soyez-en bien persuadés.
    Je le réprouve largement plus que le modèle actuel de l'enfant prescripteur, libre de ses choix depuis la naissance et considéré par sa tribu d'adorants comme le chef de famille.

    Les quatre cents coups.

    Enfin, je voulais dire qu'à l'époque des logements de fonction et des concierges, il y avait des adultes présents tout près des groupes scolaires et qu'ils venaient voir ce qui se passait lorsqu'il arrivait que des individus rôdent ostensiblement autour, n'hésitant pas de même à les disperser un peu énergiquement au besoin.

    Cerise sur le gâteau, j'aimerais appeler à une toute autre façon de faire acquérir le respect du bien de tous en redorant le blason d'une école où l'Enfance se sent réellement embarquée dans un projet d'éducation qui l'inclut et non pas divisée en autant d'individus qu'il y a d'enfants dont chacun est "maître d'un faux-projet de vie qui exclut tous ceux qui n'ont pas cinq pétales verts à leur fleur du comportement hebdomadaire", comme on le fait bien souvent.
    Généralement, insérés dans un groupe, les enfants aiment réussir et se surpasser. Il est dommage que certains n'aient d'occasion de le faire qu'en renversant le contenu des placards, en déchirant des stocks de livres et de papier à dessin et en explosant avec méthode toutes les réserves de peinture d'une école.

    Peut-être, je dis bien peut-être, car je suis bien consciente que l'école, à 24h chrono qui plus est, est bien démunie, que si cette école maternelle leur avait offert autre chose que ce qu'elle leur propose ou a proposé quand ils en étaient élèves, ils en auraient été fiers et n'auraient pas été aussi tentés d'afficher à leur cahier de réussite interne les gommettes vertes : "J'ai un super pouvoir sur les objets" et "Je suis un membre éminent de ma communauté de pairs".

    Les quatre cents coups.

    Car, en conclusion, je suis bien obligée d'avouer qu'autrefois, malgré l'encadrement bien plus présent des adultes, la prise en compte de la jeune enfance comme un âge particulier où rien n'est fixe, ni règles, ni lois, ni permissions, ni interdictions, parce que l'enfant est régi par d'autres lois presque physiologiques, et même avec la peur du bagne ou de la "maison de correction", il arrivait quand même que des groupes de deux à une quinzaine de gamins échappent assez longtemps à la vigilance des adultes pour aller profaner des tombes (des petits copains à moi étaient allés rétablir la justice et répartir un peu plus équitablement les fleurs, plaques commémoratives, etc., et en avaient au passage tagué quelques-unes au stylo-feutre indélébile pour leur apprendre à être un peu plus partageuses), déféquer et uriner dans des bâtiments qui ne leur plaisaient pas ou dont ils n'aimaient pas le propriétaire, dégommer consciencieusement et méthodiquement toutes les patères dans les couloirs d'une école (cf la trilogie Les Rebelles, JP Chabrol), écraser brin à brin quelques ares de luzerne prête à faucher ou de blé prêt à moissonner, se battre à coups de fruits mûrs dans des vergers qui ne leur appartenaient pas, ouvrir les portes des pacages provoquant la fuite des vaches, des chèvres, des moutons, des porcs ou des volailles qu'ils contenaient, se coucher au milieu de la voie ferrée pour voir ce que ça fait quand le train passe, boire (ou pisser) dans tous les pots à lait d'une rue, dans le flacon de vin de messe du curé, dans l'encre que l'instituteur a réclamé pour son bureau, commander trois tonnes de charbon pour leur prof d'anglais qui habitait au cinquième étage d'une tour, ...

    Ils se prenaient une bonne dérouillée, des lignes ou une privation de barres de chocolat, s'ils se faisaient prendre, et il ne serait venu à l'idée de personne d'aller coller l'événement en première page du journal local parce que tout le monde se serait esclaffé et y serait allé de la sienne, bien pire, qu'il avait faite quand il avait douze ans et qu'il voulait impressionner la petite Eliette, le voisin Paulot ou se faire admettre dans la bande du grand Jules...
    Et s'ils ne se faisaient pas prendre, ils continuaient leur petit bonhomme de chemin, plus ou moins loin de la ligne de bonne conduite, et, à part M. Sarkozy et sa bande, personne n'aurait eu l'idée d'aller consigner les méfaits de mouflets de moins de sept ans dans un carnet qui les aurait suivis jusqu'à leur majorité.


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  • Paru !  
    Illustration de Sophie Borgnet.

    Il est paru ! Il est paru ! Il a de jolies illustrations qui complètent à merveille la prose que j'ai l'habitude de vous servir. On peut le consulter, l'admirer et même le commander sur le site de l'éditeur (le titre est faux mais c'est bien ce livre). 

    Vous pouvez aussi vous le procurer ou en discuter avec moi en m'écrivant via l'icône Contact. Cela vous évitera des frais de port prohibitifs.

    Paru !

     


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  • J'ai rendu mes clés...

    ... et j'ai un petit peu le blues...

    La blanche école où je vivrai  

    La blanche école où je vivrai

    N'aura pas de roses rouges

    Mais seulement devant le seuil

    Un bouquet d'enfants qui bougent

    On entendra sous les fenêtres

    Le chant du coq et du roulier;

    Un oiseau naîtra de la plume

    Tremblante au bord de l'encrier

    Tout sera joie ! Les têtes blondes

    S'allumeront dans le soleil,

    Et les enfants feront des rondes

    Pour tenter les gamins du ciel.

    René Guy Cadou

     

    À un de ces jours, mes zouzouilles !

    J'ai rendu mes clés...


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  • Mon départ à la retraite[1] m'a permis d'être aux premières loges pour réaliser enfin ce qu'aurait dû être mon taf à la tête de mon staff pendant les vingt-neuf années où j'ai exercé, mal, très mal, ma mission de directrice d’école[2]... Maintenant que je n'en ai plus besoin, je vous récite vite ma leçon, avant de l'oublier et de rêver à une autre École, celle que j'aimais et que je rêvais d'améliorer.

    Le directeur est une statue, tutélaire et patiente, pleine de bienveillance et de douce fermeté, qui surplombe l'école de son ombre protectrice et calmante et l'illumine par sa clarté organisationnelle et didactique.

    • La statue du directeur transcende la diversité des territoires

    Il se doit d'établir de bonnes relations avec la mairie, tout en sachant que celle-ci fera exactement comme elle veut. Certaines ne s'en privent d'ailleurs pas et vont jusqu'à décider qu'en fournissant la moitié, voire moins, du matériel demandé par les PE et en le choisissant de la plus piètre qualité qui existe, cela suffira bien pour occuper des enfants quelques vingt-quatre heures par semaine[3] et quelques trente-six semaines par an.
    C'est au directeur de se faire tellement bien apprécier et comprendre que les conseils municipaux, la main sur le cœur, organiseront des PEdT[4] de rêve dans la droite ligne de l'intérêt de l'enfant, celui imaginé par des PE consciencieux et vigilants au bien-être, à l'éducation et à l'instruction des bambins que la société leur confie.

    La statue du directeur

    Ces relations apaisées et constructives avec la mairie incluent bien sûr le service des ATSEM qui, elles aussi, doivent être envoûtées par les paroles pleines de charisme du directeur qui met en place leurs horaires de service, en remplit les petites cases de travaux qu'il est chargé de leur faire apprécier afin qu'elles les exécutent en toute joie professionnelle.
    Évidemment, tout cela avec l'approbation de la mairie qui aura été suffisamment entourloupée par le directeur pour ne pas décider de placer de RTT des ATSEM pendant le temps scolaire, ni de comptage de tickets de cantine, de plannings des TAP et autres inscriptions au centre de loisirs du mercredi et des petites vacances scolaires... Si le directeur a été mauvais et n'a pas réussi à les circonvenir, il ne pourra s'en prendre qu'à lui-même car il aura failli à sa mission d'interface.

    Il gère aussi tous les médiateurs, coordinateurs et autres harmonisateurs, nommés par la Région, le département ou la commune et se mêlant de pédagogie et de vie de la classe, de l'école comme s'ils étaient chez eux. Il joue alors à nouveau le rôle d'interface et sait rester courtois, poli, aimable avec ces gens-là comme avec ses collègues ou avec les parents qui se trouvent écartelés entre des visions si différentes de leurs enfants qu'ils en viennent à ne plus savoir à quel saint se vouer. Au directeur de les convaincre de rester dans la bonne chapelle !

    • La statue du directeur harmonise les représentations familiales de l'école

    La statue du directeur

    Tout vient de lui. Il admet les élèves, en les enregistrant sur Base Élèves, tout en déplorant le travail du dirlo précédent qui n'aura pas encore eu le temps de valider la radiation ; ce qui fait que, parfois, un enfant se retrouve doté de deux INE (quand ce n'est pas plus pour les enfants du voyage qui restent moins d'une semaine dans chaque école). Il n'oublie pas le registre matricule papier, qui reste en vigueur et fait doublon corrobore les données enregistrées dans la Base Élèves à l'aide de la clé OTP, merveille de technologie qui a rendu possible le fichage à grande échelle des mineurs en garantissant l'inviolabilité des renseignements dûment enregistrés[5].

    La statue du directeur

    Il se tient au portail tous les matins, ayant un mot gentil pour tous. Gentil mais ferme, tout en restant courtois, voire un peu charmeur, pour donner une bonne image de notre beau métier. Il peut ainsi désarmer les conflits, les envies de meurtre[6], les débuts de rumeur, etc.
    Il est le garant de la fréquentation scolaire. Il sait que le spectre de l'absentéisme scolaire, père des enfants décrocheurs (en Petite Sestion, c'est archi courant) rôde sournoisement autour des bacs à sable et des cages de foot en plastique !
    Chaque matin, il exige de chaque collègue, avec bonté mais fermeté, qu'il lui signale illico toute absence. Même le môme qui mouchait, crachait ses poumons et brûlait de fièvre la veille au soir ; même la gamine dont la maman avait annoncé que le week-end serait un peu chargé car ils allaient fêter les noces d'or de papy-mamie à Thionville et qu'ils doutaient de pouvoir être de retour très tôt le dimanche soir à Biarritz.
    Là, tout sourire, miel et sucre, le directeur téléphone aux familles contrevenantes à l'obligation scolaire (ou à l'obligation de fréquentation[7], pour les moins de six ans). S'il n'est pas déchargé, il se débrouille pour occupationner avec intelligence ses propres élèves (voir points suivants).
    Il explique alors avec bienveillance et pédagogie (mais ces deux mots ne sont-ils pas synonymes ?) que les parents du petit Alfred auraient dû dès ce matin l'avertir que leur bambin, brûlant de fièvre, ne viendrait pas et que la petite Léocadie, malgré l'importance du lien intergénérationnel, aura à fournir un mot écrit par les parents qui, s'il n'excuse pas, justifiera au moins son absence.
    En revanche, il oublie toute velléité de réclamer un certificat médical, même pour les élèves absents une semaine sur deux en raison de maux fantaisistes et invérifiables, car l'automédication raisonnée a le vent en poupe et la Sécu les caisses en berne.
    Et, si Léocadie enterre régulièrement des membres de sa famille tous les week-ends aux cinq coins de l'hexagone qui sont loin de chez elle, justifiant ainsi toutes ses absences du lundi et du vendredi, il n'aura que l'artillerie lourde (ou la pédagogie bienveillante, on y croit très fort) à opposer à la famille réellement contrevenante à l'obligation scolaire : information préoccupante, signalement pour carence éducative, plainte anonyme au 119.. Ce qui débouchera sur... rien ou pas grand-chose, ce qui est très bien parce que ce n'est pas en pénalisant les familles en carence éducative qu'on obtiendra que l'élève sorte de la spirale infernale de l'échec scolaire.

    • Combattre l'échec scolaire par la loi (d'orientation), une mission sacrée de la statue du directeur

    L'échec scolaire ! Lourd spectre qui suit partout la statue du directeur !

    Il est le garant de la réussite scolaire dans son école. C'est lui qui impulse la dynamique qui donnera à son équipe la pêche nécessaire à la réalisation de tous les projets d'anticipation plutôt que de remédiation ! On y croit très fort...
    Tous, même la collègue épuisée par deux heures de trajet matin et soir, même l'autre qui lutte vaillamment contre une maladie qui l'handicape au quotidien, même celui qui a un emploi du temps de ministre en dehors de l'école et arrive tout juste à faire ses 5 h 15 de présence par jour ! Même le petit PES à qui l'on n'a rien appris et qui débarque, perdu et déprimé avant même d'avoir commencé.
    Le directeur n'hésite pas à les réunir autant de fois que nécessaire pour que jaillisse LE projet fédérateur, ludique, interactif et innovant qui sera mis en œuvre avec son appui et sous son contrôle vigilant dans toutes les classes de l'école. Au besoin, il aide les collègues ayant du mal à renouveler leurs pratiques et à mettre l'apprenance au cœur de leur système d'enseignement en assistant à une séquence dans leur classe[8] et en leur procurant ensuite un rapport d'inspection une analyse de séquence pointant les erreurs qui compromettent l'engagement de leurs élèves dans la spirale ascendante de l'implication, mère de la réussite !
    Bien sûr, il s'appuie pour cela sur l'Administration et n'hésite pas à demander l'aide de l'équipe de circonscription, nouveau maillon du flicage de l'aide à l'innovation. C'est elle qui viendra à l'école et confortera son autorité de pilotage face aux collègues récalcitrants. Elle leur fournira une aide logistique en filmant des séquences dans leurs classes, soumises ensuite à la critique forcément constructive et formatrice de l'équipe. Elle proposera des outils de régulation adaptés, issus de la recherche didactique et "conseillés" par le Ministère lui-même, via les programmes scolaires et leurs documents d'application. Elle prônera l'autoformation managériale, menant la réflexion d'équipe jusqu'à l'expression totalement spontanée d'une volonté d’apprendre et d’apprendre ensemble à quatre niveaux : individuel, organisationnel, interorganisationnel et sociétal.

    La statue du directeur

    Que ses "collègues" lui en veuillent ensuite d'avoir ainsi mis sous les feux des projecteurs leurs insuffisances, peu lui chaut ! Il est une statue et son importance de statue le met à l'abri des crachats, des lazzis, des rancunes tenaces et des coups bas.

    • La statue du directeur ne connaît ni le doute, ni la fatigue, ni l'angoisse

    Il est le bras armé de la Refondation de l'École et il agit en conséquence, nouveau Hussard Noir d'une nouvelle société qui a dépassé les clivages politiques imbéciles et ne raisonne plus qu'en manager objectif d'un meilleur des mondes enfin réalisé.

    Insensible et parfait, il sait le bon, le politiquement correct, le juste, la bienveillance pragmatique et ignore doutes, remises en question, empathies culpabilisantes qui lui feraient ressentir les souffrances des autres.

    Entièrement dévoué à sa cause et conscient du bien-fondé de sa mission, il ne ménage pas son temps. Imaginons par exemple qu'il ait à faire valider le règlement intérieur par le Conseil d'École. S'il arrive seul près de cette instance composée de représentants de la mairie, de ceux des parents d'élèves et de l'ensemble de ses collègues, il risque fort d'avoir à batailler ferme pour imposer sa version du projet dont il sera pourtant ensuite le garant...
    Alors, il fait sien les principes de Machiavel et organise autant de réunions qu'il y a d'instances à convaincre.

    Il rencontre le maire, car c'est lui qui détient le nerf de la guerre, et le convainc de la légitimité de ses principes. Généralement, c'est vite fait parce que le maire se fout de la pédagogie comme d'une guigne. En le brossant dans le sens du poil au niveau des financements et de la couverture médiatique, tout se passe bien même si, ensuite, dans la gestion quotidienne du relationnel mairie-école, il peut y avoir une légère disparité entre les promesses et la réalité...

    Une fois ceci fait, il réunit les parents délégués. S'il leur parle bienveillance, sorties, innovations pédagogiques, suppression des notes et du redoublement, tablettes numériques et anglais dès la maternelle, il joue sur du velours. Leur accord est bien vite obtenu et il a toutes les armes pour les convaincre de ses pleins pouvoirs décisionnels au sein de son équipe pédagogique.

    C'est alors qu'il pourra s'attaquer à ses collègues. Quelques conseils des maîtres plus tard, en utilisant le 49-3 du pauvre au besoin[9], il a obtenu leur accord, désabusé, réprobateur ou euphorique, peu importe.

    La statue du directeur   Merci à Jacques Risso pour son illustration fidèle de la réalité d'un conseil des maîtres...

    Et c'est fort de ces quelques heures supplémentaires  d'investissement personnel non-rémunéré, qui déboucheront peut-être un jour sur une promotion interne bien méritée, qu'il peut arriver confiant et présenter à l'instance démocratique qu'est le conseil d'école un projet de règlement intérieur que tous les membres valideront en quelques secondes.

    Ce dévouement appuyé aux grandes causes nationales fortement médiatisées se renouvellera à toute occasion... Il plongera successivement ses troupes dans des bains d'ABCD de l'égalité, de J'ai trois ans et Je Suis Charlie, de Twictées, d'inclusion de l'enfance handicapée, à 30 par classe, parce que "rien ne dit qu'une classe de 15 soit plus intéressante pédagogiquement parlant", de tablettes numériques en Petite Section, de... que sais-je encore, l'avenir nous le dira.
    Tout pourvu que ça brille, que ça en jette et que ça regorge de mots savants[10].

    • La statue du directeur n'a pas d'élèves

    Ou du moins, il n'en est pas question au cours de sa formation...
    Elle reçoit les parents au portail, dialogue avec les services municipaux pour établir un climat serein avec son bâilleur de locaux, de fonds et de personnel, réunit ses collègues et les convainc de se former aux lubies institutionnelles  transformations nécessaires de leurs pratiques, selon un projet ambitieux piloté par les Services Départementaux de l'Éducation Nationale...
    Et les élèves là-dedans ? Pas un mot sur eux, à part, peut-être une vague référence à l'élève décrocheur, l'élève vulnérable, le regard synthétique sur les enfants les plus en difficultés. 

    La statue du directeur
    A nouveau merci à Jacques Risso... Un vrai directeur, ça se reconnaît ! 

    Il n'a pas de classe, pas de programmes scolaires, pas de responsabilité l'engageant à les mener d'un point A à un point B situé nettement en aval du point A... Lui, il alerte quand tout va mal et engage son équipe à l'analyse et à la réflexion.
    Bien entendu, pas plus que pour sa hiérarchie, les contenus n'ont aucune importance pour lui et il se préoccupe plus du développement d'attitudes d'élève, de rapport construit à l'écrit que du niveau scolaire où l'on abordera, consolidera, élargira la notion de complément d'objet direct, de volume de la sphère ou de relief d'un terrain...

    Bien entendu, quand tout ira mal et que tout partira en biberine, c'est qui qui va tout prendre en pleine figure, hein ? Qui ?

    • La statue du directeur a des pieds d'argile

    Parce que rien n'est prévu pour que la loi soit appliquée, en tous lieux, en tous temps et en toutes circonstances. Parce que cette loi n'est pas une loi mais une myriade de recommandations sociétales inapplicables en l'état et inadaptées à la diversité des territoires. Alors, lorsque la statue du directeur est attaquée, que ce soit par les familles, ses collègues ou son administration, elle ne peut que s'écrouler d'elle-même ou être renversée par ses contradicteurs, sans que son administration de tutelle ne fasse un seul geste pour elle.
    Et personne ne viendra la pleurer lorsqu'elle sera là, gisante, au milieu des immondices où on l'aura reléguée après l'avoir jetée à bas !

    La statue du directeur

    Les doigts sur la couture du pantalon, prête à tout accepter, y compris les coups de règle appuyés, très peu pour moi, merci.
    Le drapeau noir flotte sur la marmite. Sous les pavés, la plage, bande de castrateurs du plaisir d'apprendre, de démolisseurs de la confiance mutuelle développée par un professionnalisme d'instituteurs chargés d'instruire les enfants des autres, de pourrisseurs de l'envie de bosser ensemble, entre collègues, comme ça, juste parce qu'on s'entend bien et qu'on sait qu'à plusieurs, on est plus forts !

    "Je suis d'la mauvaise herbe, braves gens, braves gens, c'est pas moi qu'on rumine
    et c'est pas moi qu'on met en gerbe" disait l'ami Georges et comme lui je préfère  "pousser en liberté dans les jardins mal fréquentés" que "vivre en bande, comme les moutons, et suivre leur droit chemin".

    Votre fausse convivialité, votre care qui vise à gérer la pénurie et à coller sur le pauv'monde les responsabilités que vous préférez ne pas assumer vous-mêmes, vos compétences à installer sur chacune des variables d'ajustement que nous vous préparons pour que vous puissiez profiter de leur flexibilité, gardez-vous-les ! Moi, je n'en veux pas !
    Cette conception du métier ne peut donner naissance qu'à deux catégories de directeurs :
    - les bourreaux : ceux qui veulent un statut et rêvent d'être des petits chefs administratifs ayant droit de vie et de mort ou presque sur leurs employés
    - et les victimes: ceux qui souffrent au quotidien, seuls et abandonnés de leur hiérarchie qui, bizarrement, leur colle même tous les échecs sur le dos ; ceux qui désespèrent de ne pas arriver à tenir les objectifs du merveilleux projet de monde nouveau où tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil et animé des meilleurs intentions du monde...

    [1] Yéééh yéééh, les copains, c’est demain qu’on fait la fête ! Yéééh yéééh, les copains, c’est demain qu’on prend le train !
    [2] À deux, puis trois, puis deux, puis trois classes, dans un charmant petit village, perdu au fond de la campagne provençale, je le rappelle.
    [3] C'est vrai quoi, déjà qu'il faut entretenir, chauffer, mettre aux normes des locaux qui seraient bien mieux utilisés à autre chose, on ne va pas en plus investir pour des "poids morts" de la société, tels que des enfants et les fonctionnaires qui les encadrent, non ?
    [4] Vous comprendrez qu’en choisissant ce lien, je vous mets dans la peau d’une statue de directeur en train de recevoir la bonne parole, tel Moïse sur la montagne, sans doute ni recul.
    [5] Je suis bête sans doute, et horriblement passéiste et subjective, mais j’ai toujours un pincement au cœur en pensant aux petits M. et D. L., et à tous leurs cousins, voisins et amis, dont le nom de famille aurait signé l’arrêt de mort dès 1942 malgré toutes les clés OTP fournies aux directeurs d’école de l’époque.
    Maman, tu ne peux plus me lire, ta vue est trop mauvaise, mais sache qu’à chaque fois que j’ai inscrit un enfant au nom à consonance « minorité visible » sur cette putain de saloperie de cochonnerie de fichier, j’ai pensé à toi et à ton petit frère, bien planqués sur des registres matricules papier qu’il fallait venir éplucher ligne à ligne pour y répertorier les jeunes sous-hommes à éliminer.
    [6] Pensée pour la collègue décédée l'an dernier à Albi.
    [7] Vous savez, le truc monstrueux qui consiste à prendre l’enfant de trois ans pour un jeune de quinze et oblige sa famille à passer de zéro heure en collectivité à vingt-quatre minimum, là, tout de suite, maintenant, et même si ça se passe difficilement !
    [8] Où sont ses propres élèves pendant ce temps-là, la chanson ne le dit pas.
    [9] Vous savez, le fameux recours à l’aide de l’équipe de circonscription
    [10] À ce sujet le suffixe « ance » ou « ence » a le vent en poupe : la douance, la fluence, l’apprenance, la bienveillance… mais pas encore la connaissance, hélas, ni même la désespérance ! Pensez-y en rédigeant vos projets d'école, amis "nouveaux-directeurs" ! 


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