• L'ordre des facteurs sonne toujours trois fois

    Ce matin, la leçon de mathématiques des CE1 portait sur l'ordre des facteurs. Et zut... juste la semaine où on m'explique, à moi la pas-matheuse-du-tout, que c'est très difficile pour un enfant de moins de huit ans...  Bien sûr, les autres années, ma leçon a toujours fonctionné et je ne me souviens pas de difficultés insurmontables mais allez savoir... D'ici à ce que ça me porte la poisse, cette re-révélation (on me l'avait déjà dit, il y a assez longtemps mais j'avoue que j'avais oublié).
     Si l'enfant de sept ans à huit ans peut, de lui-même, comprendre que l'achat de trois bonbons à 50 centimes pièce lui feront dépenser 150 centimes, il lui est quasiment impossible de réaliser que l'achat de 50 bonbons à 3 centimes [si, si, quand j'étais petite, il y en avait : des fraises chimiques, rose vif, à 1 centime de franc. C'était à la boulangerie au-dessus du bâtiment de l'ENS où on habitait, je me souviens très bien ! On déboulait à sept ou huit là-bas dedans, gosses de profs et gosses de factotums, c'était super...]  lui coûterait aussi 150 centimes.

    Hier soir, du coup, j'ai vraiment bien préparé mon tableau. À gauche, j'ai positionné des aimants en 6 rangées de 5 aimants. En-dessous, il y avait des ronds dessinés à la craie, 4 rangées de 8...
     Et à droite, quatre opérations écrites en ligne : 3 x 43 (prononcer 3 multiplié par 43) ; 5 x 21 ; 4 x 62 et 2 x 540...

    À l'heure dite, j'installe mes sept élèves de Grande Section, mes sept élèves de CP et mes huit élèves de CE1 face au tableau... "Combien ai-je positionné d'aimants au tableau ?" Les petits GS s'affairent... quelques CP ainsi qu'un CE1 aussi.  Les autres ont déjà le doigt levé.
    Je laisse parler un élève de CP, issu du groupe des compteurs, qui me dit : "Cinq... dix... quinze... vingt... vingt-cinq... trente ! Il y a trente aimants !"
     Les doigts levés s'impatientent : "On ne doit pas faire comme ça. Il faut dire l'opération. Là, il y a 6 rangées de 5 aimants. C'est 5 aimants multiplié par 6. Six fois cinq, c'est égal à 30..."
    J'envoie un élève de GS compter les aimants de la première rangée. Celui chargé de la deuxième rangée me dit :" C'est 5 aussi, parce qu'ils sont juste en-dessous de ceux d'en haut ! Et après, encore 5, encore 5, encore 5, encore 5 !"
     Un autre vient compter les rangées. Il y en a 6. Six rangées de cinq. Les CP me dictent alors l'opération : 5 aimants x 6 = 30 aimants.

    Là, rien que pour embêter, j'entoure en jaune les aimants de la première colonne. Combien d'aimants, les petits ? Six, il y en a six. Et là ? Six encore, et puis six là, six là et six là. Un CE dicte, vite fait : "Six aimants multiplié par 5 égale... bah 30 aimants... il y en avait 30 tout à l'heure. Trente, c'est trente, hein ?"

    Très bien. Et les ronds ? Combien de ronds dans chaque ligne, Lambinette ? Huit ronds, encore huit, encore huit, encore huit. Combien de rangées de huit ronds, Kass'andrah ? Quatre, une en haut, encore deux au milieu et puis une en bas.  Ibiza, qu'écrit-on ?... Huit multiplié par quatre ou alors quatre multiplié par huit, comme on veut.
     Les CE1, combien de ronds ? Trente-deux, quatre fois huit, ça fait seize et encore seize, alors trente-deux.

    D'accord. Passons au plat de résistance, maintenant... Les GS vont aller travailler avec Véronique et nous allons continuer. Il faut vous dire que cette année, j'ai quelques élèves de CE1 qui n'étaient pas très sûrs d'eux en résolution de problèmes alors que les CP sont très à l'aise. Du coup, dès que j'en ai l'occasion, je leur fais inventer des problèmes qui peuvent correspondre  aux opérations que j'ai écrites à l'avance au tableau.

    Nous commençons avec "3 x 43". Mon petit Aimé, CE1, en délicatesse avec beaucoup de concepts, lève le doigt. Allons-y, Aimé, raconte-nous ton "histoire" [les problèmes s'appellent "histoires", chez mes petits, ça passe mieux]. "Une maîtresse a 43 élèves. [Eh oh ! Aimé ! À bas les cadences infernales !] Elle donne 3 cahiers à chaque élève. Combien doit-elle préparer de cahiers ?
     - Les autres, ça vous va ?
     - Oui, c'est bien.
     - Alors ?
     - Il faut la poser. Tu mets le 43 en haut, le 3 en bas et tu comptes.
     -Trois fois trois, neuf. Il y a neuf unités.
     - Trois fois quatre, douze. Il y a douze dizaines.
     - Cent vingt-neuf ! La maîtresse doit préparer 129 cahiers ! Wahh, c'est long à préparer, ça, 129 !

    - Deuxième problème, un amateur ? Boucle d'Or du CP ? Si tu veux...  - Au loto de l'école, un carton coûte 5 euros. La maîtresse en vend 21. Combien avons-nous gagné de sous ?
     Pour la suite, se reporter ci-dessus. La table de cinq, c'est trop fasss', maîtresse ! Deux cinq, ça fait dix ! Même les CP la comptent à toute vitesse !

    - Passons donc au troisième... Toi, Oui-Oui [un prénom inventé à consonance anglo-saxonne, comme on en trouve beaucoup dans nos contrées reculées] ?  - Un livreur de pizzas fait tous les jours 4 km pour livrer une pizza chez Maxence [Oui-Oui adore les prénoms classieux. Ses personnages s'appellent toujours Louis, Charles, Maxence...] Combien aura-t-il parcouru de kilomètres en 62 jours ?
     Et là, comme d'habitude, mes zozos me conseillent de calculer plutôt 4 fois 62 et m'annoncent ensuite tout fiers que le livreur de pizzas a quand même parcouru 248 kilomètres pour nourrir Maxence et que ça fait vraiment beaucoup, finalement !

    Ça a si bien marché que, du coup, j'ai abandonné le quatrième exercice. L'ordre des facteurs sonne toujours trois fois, c'est connu.

    Ensuite, chacun est parti vaquer à ses occupations de maîtresse, de CP, ou de CE1... Et après la récréation, les CE1 ont pris leur cahier de mathématiques.  Ils ont d'abord posé et calculé : 3 x 560 ; 245 x 6 ; 5 x 286 ; 704 x 4 ; 450 x 5 ; 3 x 530 ; 485 x 4 et 6 x 913.
     Ensuite, ils ont résolu le problème suivant, tous, même Aimé après une sortie de route en première question [Toujours le problème du pilote automatique mal programmé... 125 croissants à 2 euros l'un... Bon sang mais c'est bien sûr ! La maîtresse ne va même pas se rendre compte que je n'ai lu que les nombres... Essayons 125 + 2 ! ]

    Un boulanger vend 125 croissants à 2 euros l'un, 35 gâteaux à 3 euros l'un et 200 baguettes à 1 euro l'une. Quelle somme d'argent encaisse-t-il pour chacune de ces ventes ? Quelle somme encaisse-t-il en tout ? 

    J'avais préparé le tableau ainsi, parce que, comme je l'ai signalé tout à l'heure, j'ai cette année des élèves faibles en résolution de problème et que je préfère leur donner confiance en eux plutôt que les noyer :

    o : .... € O ... = ... ..s : Pour les croissants, il ...

    o : ... € O ... = ... ..
    s : Pour les gâteaux, il ...

    o : ... € O ... = ... ..
    s : Pour les baguettes, il ...

    o : ... € O ... ... ...

    s : En tout, il ... 

    À droite du tableau, j'avais tracé la ligne rouge qui indique qu'il y aura des calculs à poser. Un seul élève s'est laissé entraîner et a posé 200 x 1 en regard de son 1 € x 200 et a bien ri de son travail inutile.

    Conclusion : Eh bien je ne sais pas... Un micro-climat peut-être, juste au-dessus de l'école où je travaille, qui rend l'air particulièrement propice à la fabrication de conceptualisateurs de talent ? Trop de facilitateurs, de béquilles, de garde-fou ?

    Oui mais quand même, l'histoire des cahiers, des cartons de loto et du livreur de pizza, ce sont bien les élèves qui les ont inventées, non ? Des élèves tout ce qu'il y a de plus normaux, avec des prénoms qui fleurent bon la série américaine du début d'après-midi, en plus... Aucun ne doit cirer de chaussures pour gagner sa vie, sans doute, mais aucun non plus n'est né avec une cuillère en argent dans la bouche, de parents estampillés "Réussite Scolaire Obligatoire" [Enfin, si, une au CE1. Mais aujourd'hui, elle n'est pas intervenue parce que, justement, je voulais voir ce qu'arrivaient à faire mes petits cireurs de chaussures.].

     

     


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  • La vérité sort de la bouche des enfants...

    Cet après-midi, je donne à mes élèves le mot du maire avertissant leurs parents des horaires prévus pour la rentrée 2014 suite à l'intervention du Préfet et du DASEN :

    - Surtout, surtout, ne perdez pas ce papier. C'est très important. Vos parents doivent savoir que l'année prochaine, la classe finira à 16 heures au lieu de 16 heures 30 et que vous aurez classe tous les mercredis matins !

    - Hein ? Le mercredi matin ? Mais, moi, je peux pas, j'ai "psychologue" !

    - Moi non plus, j'ai "poney"...
     - Et moi, j'ai "athlétisme"...
     - Oh ben non... Le mercredi, c'est le jour où j'allais chez mon papa !
     - Et moi, chez ma mamie...
     [Et j'ai gardé la plus triste pour la fin... Ma petite Mafalda qui vit seule avec sa maman bénéficiaire d'une allocation...]
     - Tu sais, maîtresse, moi, j'ai vraiment pas de chance. Cette année, c'est la première année où ma maman a pu m'inscrire à un sport. Et l'année prochaine, ce sera déjà fini. J'en aurai fait une seule année...

    On ne sait pas, Mafalda... On ne sait pas... D'ici là, les associations auront peut-être trouvé comment faire rentrer deux fois plus d'enfants dans les gymnases, les stades, les salles de danse, les ateliers d'art, les salles de musique pendant l'après-midi du mercredi...


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  • Mal parler pour bien comprendre ?

    Je remercie ma copine, Sophie Borgnet, pour son joli dessin qui illustre si bien mon propos.

    Depuis quelques années, j'entends parler d'un matériel, en usage dans les écoles maternelles...

    Ce sont des albums illustrés de grand format, excellente idée au demeurant.

    La plupart d'entre eux sont issus de la littérature enfantine traditionnelle, Le Petit Chaperon Rouge, Boucle d'Or, les Trois Petits Cochons, Cendrillon... Mais il y a aussi des "contes modernes", comme La Moufle, Un Dimanche au Zoo, ... Et enfin, et c'est vraiment une idée formidable, des contes issus d'autres cultures (Epaminondas, Urashima, ...) et quelques classiques de la littérature et de la musique (Le Corbeau et le Renard, Pierre et le Loup, ...).

    C'est extraordinaire ! Voilà un matériel dont toutes les écoles devraient se doter sans retard ! [Ce qui m'étonne un peu, c'est que toutes ces œuvres existent déjà, dans de nombreuses collections, de nombreux formats, illustrées de mille manières. Cette "nouvelle" collection doit forcément apporter un plus... Oui, mais lequel, ah, ah, ah ?]

    Hélas, comme dans le conte des Fées, il y a un mais... Sans doute les auteurs de ces petites merveilles n'ont-ils pas été assez polis avec la vieille femme qui leur réclamait de l'eau lorsqu'ils sont allés remplir leur cruche à la fontaine. Voilà pourquoi ils ont été victimes de la malédiction.

    Car figurez-vous qu'au lieu de la "petite fille de village, la plus jolie qu'on eût su voir", si l'on a trois ans on entend : "Cette petite fille, elle s'appelle le Petit Chaperon Rouge parce qu'elle s'habille toujours en rouge."

    Si on a quatre ans, ce sera : "Cette petite fille, c'est le Petit Chaperon Rouge. On l'appelle comme ça parce qu'elle s'habille toujours en rouge."

    Et à cinq ans, comme on est grand, on a droit au chef-d'œuvre suivant : "C'est l'histoire d'une petite fille. Elle habite près de la forêt avec sa maman. Elle a un joli habit rouge. C'est sa grand-mère qui l'a tricoté. Elle le met tout le temps. C'est pour ça qu'on l'appelle le Petit Chaperon Rouge. Elle met aussi un tablier pour (ne) pas salir son beau costume."
    Il est sûr qu'avec cela, les héritiers de Charles Perrault, s'ils en avaient encore la possibilité, ne pourraient pas réclamer de droits d'auteurs ! 

    Le massacre est présent dans tous les albums de la collection... Négations enlevées [mises entre parenthèses pour être exact. Sans doute est-ce laissé à l'appréciation du conteur...], phrases mal construites, vocabulaire indigent se bousculent de pages en pages ! 

     Il paraît que je n'ai rien compris... Ces albums ne servent pas à faire entrer les enfants dans le monde magique de la littérature. Ils ne servent pas à les imprégner de beau langage et de phrases bien construites. Ils n'ont pas l'ambition d'offrir le meilleur de nos grands écrivains aux tout-petits qui bientôt seront grands.
     Ils sont redoutablement bien faits, me dit-on, pour "travailler" les objectifs pour lesquels ils ont été prévus et que je n'arrive pas à saisir réellement...

    Les Oralbums sont des supports innovants pour aider l'enfant, dès 3 ans, à développer et à construire son langage oral.
    Voilà ce qu'on lit sur le site de leur éditeur (Retz).

    Ah ? Vraiment ? Apprendre à un enfant à dire "Le chêne, il était pas loin d'un étang où le corbeau, il pouvait aller boire quand il avait soif", cela peut être considéré comme développer et construire le langage oral d'un enfant de Grande Section ?  Chacun ses ambitions, alors. Je préfère "Un agneau se désaltérait dans le courant d'une onde pure"...
     Mais passons... Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi choisir le moyen du livre si c'est pour travailler l'oral.

    Il est évident que des livres aussi mal écrits ne peuvent que faire bondir d'horreur toute personne ayant elle-même bénéficié d'une toute autre imprégnation pendant ses années d'école maternelle. Et tout parent qui, à la maison, choisit avec soin les albums qu'il lira à sa progéniture.

    Passons aussi sur le fait que ces contes ont été abîmés et adaptés d'une bien drôle de manière aux stéréotypes qui sont censés régner chez nos moins de sept ans.
     Ainsi, Pierre, celui de Prokofiev, ne vit pas seul avec son grand-père, il ne faut pas exagérer. On lui a donc adjoint une grand-mère, pour rétablir la parité sans doute... Et, ce n'est pas "dans les grands prés verts" qu'il part gambader au son de cette musique sautillante qui le caractérise mais dans la neige, allez savoir pourquoi ? Ce qui fait que la musique sautillante, hein... Avec les moonboots ou les raquettes aux pieds, il fallait oser !

    Revenons donc au véhicule choisi pour transmettre l'oral... Pourquoi le livre ? Pour avoir du "clé en main", me répond-on. L'intérêt est que pour des enseignants non spécialistes du langage, de ses étapes d'acquisition, le support est prêt, les étapes tant lexicales que syntaxiques sont proposées.

    Objection rejetée. Les étapes d'acquisition sont présupposées, calquées sur le langage apparemment standard d'un enfant standard construit de toutes pièces, au mépris des particularismes régionaux, par exemple. Les étapes lexicales et syntaxiques, nous ne pouvons réellement les découvrir qu'en direct, dans le quotidien de notre classe.

    Nous découvrirons bien mieux l'étape où s'est arrêté chacun de nos jeunes élèves en les écoutant parler, "en direct", le matin au "Quoi de neuf ?" qu'en leur demandant de commenter une image.

    Nous serons bien plus à même de leur apporter le lexique qui leur manque en leur donnant à découvrir un objet, une corbeille de fruits, un animal qui se promène dans sa cage ou remplit l'écran de sa présence, un artisan qui travaille près de l'école, une plante qui pousse et change chaque jour.

    Nous serons bien plus efficaces pour faire évoluer leur syntaxe en reprenant patiemment leurs tournures maladroites, leurs reprises pronominales (ma maman, il a dit qu'il viendrait me chercher), leurs pataquès de tout-petits qu'en leur en imposant d'autres qui leur étaient étrangers. C'est en nous exprimant en bon français devant eux, toute la journée, que nous corrigerons et enrichirons peu à peu ce langage relâché qu'ils entendent employer autour d'eux.

    Le lexique, c'est à longueur de journée, en les faisant peindre, dessiner, jouer, courir, observer, danser, chanter, réciter que nous le développons. Cette syntaxe correcte, enrichie chaque jour par de nouveaux apports grammaticaux, nous nous devons de la leur offrir chaque jour, à travers nos échanges avec eux, les textes que nous leur faisons élaborer lorsqu'ils nous dictent ce que nous devons écrire près de leurs dessins, les albums dont nous leur lisons les textes et que nous avons choisis avec soin et rigueur, les chants, les comptines et les poèmes que nous leur faisons apprendre par cœur.

    C'est en apprenant à réciter Le Corbeau et le Renard, comme ça, par imprégnation, que ma Yasameen et ma Kass'Andrah égalisent leurs chances avec celles de mon Jules-le-Grand.  Et si je souris, une larmichette d'émotion à l'œil, lorsque tous trois truquent un peu et, du haut de leurs cinq ans et demi, disent "Vous êtes le phénix des autres de ce bois" ou "Jura mais un peu tard qu'on ne lui prendrait plus", je les reprends tout de même et rétablis les paroles de l'auteur. Je vous assure qu'on peut le faire très gentiment en rassurant l'enfant sur la normalité de son erreur.

    J'ai beau réfléchir, je n'arrive pas à voir ce que cela apportera à nos élèves les plus démunis de laisser les parents de ceux de leurs camarades bien-chanceux continuer à diffuser le beau langage pendant que l'école accumulera au-dessus de leurs têtes les difficultés en diffusant pour eux en mauvais français des œuvres amoindries et sorties de l'originalité qui ont fait leur succès.

    J'ai beau réfléchir, je n'arrive pas à voir pourquoi un album mal écrit aiderait nos collègues "non-spécialistes" du langage à apprendre à parler à leurs élèves. Je leur conseillerais plus volontiers d'enrichir eux-mêmes leur vocabulaire et leur syntaxe en lisant, en allant écouter des conteurs, en fréquentant les théâtres et les salles de spectacle pour y entendre du beau langage.  Quant à leurs élèves, qu'ils instaurent un climat de dialogue dans leur classe, qu'ils les rassemblent souvent, plusieurs fois par jour, tous ensemble, pour parler tout en agissant. Qu'ils leur fassent pratiquer l'observation sensorielle d'objets, de plantes, de documents, le dessin d'observation et d'imagination, la "patouille", les jeux sportifs. Qu'ils programment chaque jour musique et poésie, ainsi qu'un moment de conte où ils expliquent le vocabulaire et les actions des héros avec leurs mots. Ils verront alors qu'ils n'ont pas besoin d'un support tout prêt dont les étapes lexicales et syntaxiques sont imposées, et de quelle manière !

    Pour finir, ce superbe poème de Nazim Ikmet qui, pour moi, illustre ce que devrait être l'ambition de l'école maternelle :

    Le globe

    Offrons le globe aux enfants
    Au moins pour une journée
    Donnons-leur afin qu’ils en jouent
    Comme d’un ballon multicolore,
    Pour qu’ils jouent en chantant
    Parmi les étoiles.
    Offrons le globe aux enfants,
    Donnons-leur comme une pomme énorme,
    Comme une boule de pain toute chaude
    Qu’une journée au moins,
    Ils puissent manger à leur faim.
    Offrons le globe aux enfants,
    Qu’une journée au moins le monde apprenne la camaraderie.
    Les enfants prendront de nos mains le globe
    Ils y planteront des arbres immortels.

    Nazım Hikmet Ran (traduit par Charles Dobzynski)

    Ça a une autre gueule que "Aujourd'hui la chèvre, elle va aller au marché pour acheter des légumes. Ses petits, ils restent à la maison tout seuls. Ils (ne) doivent pas ouvrir la porte au loup." , non ?


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    Réforme des rythmes en haute montagne

    La suite, c'est là :

    La réforme des rythmes scolaires quand tu peux pas la faire

     


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  • De 11 à 19 : les irrégularités de langage

    Pour m'occuper 34 minutes, en attendant de partir animer l'après-midi Loto de l'École, traditionnel dans les petits villages provençaux.

    Le système "programmes de 1945" proposait d'étudier ces nombres aux noms bizarres un à un, comme on l'avait fait pour les nombres de la première dizaine. Comme les élèves étaient déjà entraînés, on continuait à remarquer les particularités, les doubles, les carrés, auxquels on ajoutait bien sûr la décomposition en dizaine et unités.

    Cette décomposition permettait d'introduire une difficulté nouvelle, bien préparée par le travail fait en amont sur les dix premiers nombres : le passage de la dizaine. Du travail avec matériel (et là, le boulier a tout son intérêt) au travail "de tête" puis à l'automatisation, l'élève apprenait à se servir de ce qu'il savait déjà pour décomposer 7 + 6, d'abord en 7 + (3 + 3), puis en (7 + 3) + 3 pour n'avoir pas besoin, comme on le leur apprend parfois maintenant, de surcompter sur une file numérique ou sur leurs doigts pour obtenir un résultat sûr.
    De même, on n'évoque pas l'apprentissage mécanique de tables d'addition devenues inutiles du fait de la connaissance intime des décompositions de chacun des dix premiers nombres sur laquelle se construira la connaissance intime des décompositions "intéressantes" des dix suivants (celles où l'on doit "passer la dizaine").

    L'initiation au calcul entre 5 et 7 ans (H. Canac, 1947)

    Progression : Les nombres de 11 à 19.

    Ces irrégularités sont surtout redoutables entre 11 et 19, et c'est l'une des raisons pour lesquelles les nombres de la deuxième dizaine doivent être étudiés avec beaucoup de soin. Le programme officiel (1945) prescrit l'étude concrète de ces nombres comme il l’a fait pour les nombres de la première dizaine. Il n'est pas sans intérêt, en effet, d'attirer l'attention des enfants sur les décompositions les plus intéressantes de certains de ces nombres : 12, la douzaine, le double de 6 ; 16, carré de 4 ; 15, triple de 5. Mais il serait bien encombrant de pousser très loin la décomposition de nombres beaucoup moins maniables que les 10 premiers et de s'attarder , par exemple, aux décompositions assez banales de nombres comme 11, 13, 17 ou 19.

    Certaines de ces décompositions offrent toutefois un intérêt pratique assez considérable ; ce sont celles qui apparaîtront ensuite dans les tables d'addition. Les additions correspondantes (au nombre de 20 exactement) doivent être réalisées d'abord avec les bûchettes (8 + 7 : je   prends 2 bûchettes dans le tas de 7 ; je les ajoute au tas de 8 pour faire un  paquet de 10 ; j'obtiens une dizaine et 5 unités, que j'écris : 15), puis ces mêmes opérations concrètes sont effectuées « de tête   » (de mémoire) ; et, enfin, on passe dès qu'on le peut au calcul abstrait . On mène de pair les soustractions correspondantes. Ainsi se trouve dépassé un cap assez difficile : le « franchissement de la dizaine ».

    Par contre, les opérations du type : 11 + 4 ou 11 = 15 -... ou 4 = 15 -..., ne présentent aucune difficulté si l'on opère d'abord sur les unités puis sur les dizaines. Il n'y a donc pas lieu de faire un sort spécial aux décompositions correspondantes : pour un nombre de 2 chiffres, la décomposition essentielle est la décomposition en dizaines et unités.

    Pour lire le reste de l'article :

    1. Après l'écriture, les nombres !

     2. Savoir compter jusqu'à 100
     

     3. Les cinq premiers nombres
     

    4. Les nombres de 6 à 10

    5. Le nombre 10, la dizaine

    ...
     

    7. De 20 à 69, "Trop fass', maîtresse !"

    8. Où l'on voit bien que 30 > 24

    9. Évaluation des acquis


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