• Apprendre à conjuguer, de deux à onze ans (3)

    II. À l'école maternelle : de la TPS à la GS.

    C. Vers l'écrit

    À l'école maternelle, on n'écrit pas assez seul pour avoir besoin de connaître les règles d'accord écrit entre les verbes et leurs sujets selon le temps et le mode employés. Cependant, on fait suffisamment écrire les autres pour fréquenter au quotidien les formes orales de ces verbes. Il y a donc bien une partie de l'enseignement1 de la conjugaison, minime mais réelle, qui a fait partie intégrante du temps pendant lequel les enfants approchent, à l'oral, l'écriture normée du français.

    À l'école maternelle, les enfants dictent à l'enseignant des mots, puis aussi vite que possible, des phrases. Celui-ci les transcrit sous leurs yeux, en commentaires à leurs dessins personnels, sur une affiche, un écran d'ordinateur, un tableau lorsque l'écrit concerne toute la classe2.

    Le rôle de l'enseignant est simple :

    - solliciter les élèves pour qu'ils passent du mot-phrase à la proposition et son verbe conjugué, 

    - reformuler les tournures fautives ou familières, engager les élèves dans l'emploi d'une langue écrite sans affectation mais déjà sensiblement différente de celle employée à l'oral3.

    C. 1. En TPS et PS

    • Chaque jour, lorsque les enfants commenteront individuellement leur dessin du jour4, l'enseignant récapitulera en une phrase orale ce qu'ils ont raconté avant de la transcrire sous leurs yeux, en insistant sur chaque mot.
    • Lorsqu'en cours d'année, les élèves formuleront d'eux-mêmes une phrase plutôt que quelques mots plus ou moins associés, il continuera son travail de reformulation lorsque l'élève emploiera une tournure fautive ou tout simplement familière, sans pour cela employer une langue trop affectée et trop différente de celle que l'enfant connaît déjà grâce aux écrits lus, commentés, expliqués et même parfois appris par cœur des séances d'écoute active.
    • Tout en respectant le besoin de mouvement de l'enfant de deux à quatre ans et demi, après une observation, une réalisation ou lorsqu'il aura besoin de contacter les familles pour préparer un événement scolaire quelconque5, il regroupera la classe entière pour une dictée à l'adulte collective de quelques minutes6.
    • Sur la sollicitation de l'enseignant et avec son aide active7, ce texte écrit sous la dictée sera peaufiné par le groupe entier qui décidera de la formulation, recherchera les mots les plus adéquats, retrouvera les règles orales d'écriture que l'enseignant emploie lui-même lorsqu'il lit ou écrit.

    C. 2. En MS et en GS

    • La dictée à l'adulte individuelle continuera pendant les deux dernières années de l'école maternelle, avec les mêmes exigences, les mêmes critères d'écriture que lors des deux premières années.
    • Les textes collectifs s'étofferont. Les élèves emploieront de plus en plus systématiquement les pronoms « nous », « elle » et « elles » ; ils chercheront à utiliser le futur simple plutôt que le futur proche, le passé simple plutôt que le passé composé, si l'enseignant valorise les essais en ce sens.
    • Si elle est complétée, de façon régulière, par des exercices de composition de mots en utilisant le principe alphabétique, la dictée à l'adulte collective prendra toute sa mesure jusqu'à, dans la deuxième moitié de l'année de GS, mener peut-être les élèves jusqu'à la participation active à la transcription lettre à lettre de certains mots et de certains morphèmes grammaticaux dont, bien évidemment, quelques terminaisons verbales. Dans ce cas, l'enseignant n'hésitera pas à employer les termes qu'il utiliserait à l'école élémentaire sans toutefois, bien sûr, exiger des élèves une quelconque mémorisation.  Il désignera par leur nom les verbes, les noms et les pronoms, les qualifiera de sujets du verbe ; il donnera le temps du verbe conjugué en situant son usage dans le temps : « Les cavaliers approchèrent, c'est autrefois, il y a très longtemps, le verbe est au passé simple. », « La semaine prochaine, nous confectionnerons des crêpes ; c'est plus tard, dans le futur, le verbe confectionner est au futur. »…   
    • Cette participation active n'aura lieu qu'après des preuves d'intérêt répétées pour cette écriture des régularités de la langue écrite et restera très limitée8.
    • La production d'écrits individuels, encore très balbutiante, ne devrait jamais aller jusqu'à mener les élèves à produire des phrases de manière autonome. Elle ne participe pas à l'enseignement implicite de la conjugaison à l'école.

    À l'école maternelle, l'enseignant ne cherchera en aucun cas à imposer et encore moins systématiser ces connaissances relatives à la conjugaison écrite à tous ses élèves en les faisant travailler « à vide » dans des exercices écrits individuels. Ceci doit rester l'apanage de l'école élémentaire qui, parallèlement à un enrichissement du vocabulaire facilité par la maîtrise de la lecture, mènera un enseignement raisonné et raisonnable de la conjugaison écrite.

    (voir suite)

    Déjà publié :

    Apprendre à conjuguer de deux à onze ans (1)

    Apprendre à conjuguer de deux à onze ans (2)

    Apprendre à conjuguer de deux à onze ans (4)

    Apprendre à conjuguer de deux à onze ans (5)

    Apprendre à conjuguer de deux à onze ans (6)

    Apprendre à conjuguer de deux à onze ans (7)

    Notes

    1 Même si j'ai fait très peur à certains collègues en employant ce terme, je le revendique : tout implicite qu'il soit, l'enseignement de la conjugaison est mené quotidiennement du premier jour de TPS au dernier de GS.

    2 Information aux familles ; compte-rendu d'activité, de sortie, d'observation ; invention de comptines et de ritournelles…

    3 Négation complète, emploi du pronom « nous » plutôt que « on », forme interrogative avec « est-ce que » en TPS, PS et avec inversion du sujet en MS et GS, choix du passé simple dans les contes en GS, …

    4 Voir Pour une Maternelle du XXIe siècle, page 62 (Dessiner) et p 103 (L'enseignement du dessin).

    5 Confection d'une recette, collecte de matériel, préparation d'une sortie, d'un spectacle, d'un regroupement sportif, …

    6 Dix à quinze minutes me semblent un maximum.

    7 Voir, pour la GS, De la dictée à l'adulte à l'élaboration collective d'un texte, Pour une Maternelle du XXIe siècle, p. 94.

    8 On pourra ainsi avoir des élèves qui auront remarqué quelques régularité parmi les plus souvent employées en classe :« nous avons …é », « il est / elle est », « il a / elle a », « vous ...ez », « nous sommes », « nous …ons », « j'ai », « ils …ont » et « ils ...ent ».


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