• OrthoGraph' en CP-CE1
    Merci à C., GS, pour sa participation involontaire à cet article

    De nombreux collègues s'inquiètent :

    « Comment mettre en œuvre OrthoGraph' CE1 dans une classe dans laquelle nous accueillons aussi des élèves de CP ? »

    Ma réponse :

    Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas si difficile que cela avec des CP à côté.

    A. Les trois premières semaines :

    Ceux-ci peuvent très bien participer tous les jours à la partie collective au tableau pendant les trois premières semaines. Cela leur donnera implicitement (pas la peine qu'ils sachent le réciter par cœur)  les bases des bases de l'écriture graphémique de notre langue :

    → on écrit avec des lettres qui codent un son (plus tard, nous élargirons et compléteront... Rome ne s'est pas faite en un jour)

    → il y a 26 lettres, 6 sont des voyelles que l'on prononce et les autres des consonnes que l'on articule

    →  dans notre langue, certaines consonnes sont doublées sans que cela en affecte la prononciation

    →  dans notre langue, certaines lettres sont muettes

    →  parmi ces lettres muettes, certaines ont un rôle grammatical

    Ils retrouveront toutes ces données (d'où l'inutilité de les leur faire apprendre par cœur, l'important étant la pratique), à leur rythme, page après page, dans leur manuel d'apprentissage du code et dans les exercices d'écriture et de dictées qu'il propose.

    B. À partir de la quatrième semaine :

    En revanche, à partir de la quatrième semaine, ces petits CP ne pourront plus suivre le rythme d'acquisition des régularités de l'orthographe de leurs camarades de CE1 et il nous faudra leur prévoir un travail individuel pendant les 20 minutes que durent les séances collectives d'orthographe graphémique (méthode OrthoGraph').

    Nous pourrions presque dire que cela tombe bien puisque, après trois semaines de scolarisation au CP, ils débutent la phase d'autonomisation prévue dans leur progression d'écriture-lecture.

    Nous pouvons ainsi prévoir de leur donner à faire  des « jeux de lecture » qui reprennent les bases qu'ils ont déjà effleurées lors des trois premières semaines

    ♥ remettre des syllabes dans l'ordre pour légender des illustrations 

    ♥ encoder des mots transparents (ou des mots pour lesquels nous leur avons signalé par un code qu'ils comportaient telle lettre muette à la fin ou telles consonnes doubles à l'intérieur)

    ♥ illustrer eux-mêmes une phrase à décoder seuls

    ♥ passer du singulier au pluriel ou du pluriel au singulier (GN ou GN-S + V)

    ♥ passer du masculin au féminin ou du féminin au masculin (Adj ; N ; GN)

    Ou d'autres exercices qu'ils maîtrisent déjà assez bien pour se dispenser de notre présence :

    ♥ faire des lignes d'écriture en respectant les gestes étudiés

    ♥ calculer en ligne 

    ♥ ranger des nombres du plus petit au plus grand 

    ♥ illustrer le poème ou le compte-rendu que QLM

    ♥ etc.

    C. À plus large et long terme :

    Bien évidemment, nous ne nous contenterons pas de cela et mettrons aussi en œuvre dès les premiers jours, avec nos CP, les principes de la « dictée réussie ».

    Si nous pouvons obtenir de garder nos élèves de CP au CE1, toute cette gymnastique mentale nous permettra dès la deuxième année dans cette classe,  d'avancer beaucoup plus aisément dans la méthode OrthoGraph' et de pouvoir ainsi consacrer plus de temps aux activités d'acquisition de lexique « vivant » : QLM, Poésie, Chant, EPS, HDA et Lectures offertes, afin d'offrir à nos élèves, même s'ils sont en REP+, toutes les chances de réussite scolaire que nous leur souhaitons.

    Pour plus d'informations sur la mise en pratique en classe :

    Voir, dans les commentaires ci-dessous, le témoignage d'Alexiane que je remercie.


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  • Qualifier les compléments (4)
    Merci à Sophie Borgnet pour ses personnages !

    Maintenant que nous avons fait le tour des compléments du verbe, passons aux autres mots que nous pouvons compléter.

    Compléter le nom

    Allez savoir pourquoi ce complément-là pose tant de problèmes aux élèves (et parfois à leurs enseignants) !

    Peut-être à cette fameuse manie de l'analyse grammaticale grâce aux réflexes construits autour de questions-types auxquelles correspondraient des réponses-types ?

    C'est ainsi qu'il nous arrive de lire, y compris chez des adultes ayant mission de transmettre les connaissances, que, dans la phrase : Les marins portent des tee-shirts à rayures. ou dans celle qui explique que La hauteur de la Tour Eiffel est supérieure à celle de la Statue ... de la Liberté., puisque nous répondons quatre fois à la question « à quoi ? » ou « de quoi ? », nous allons forcément découvrir quatre Céhohi ! Et c'est encore pire chez nos élèves à qui manque la base des bases : la conscience de la notion de nom ! 

    C'est pourquoi il nous faut urgemment repartir du début, ce qui devrait se faire dès la Maternelle (et jusqu'au CM2), lors de séances de langage impromptues, au sujet de ce que nous pouvons dire...

    Imaginons des tout-petits qui nous parlent de leurs vélos. L'un évoque son vélo bleu, l'autre son vélo de course, un troisième son vélo à roulettes et un dernier son vélo qui va très vite ! L'air de rien, juste en faisant parler des petits enfants, nous avons implicitement travaillé toutes les expansions du nom d'un seul coup. Et nous pouvons continuer en leur posant des questions :

    → « Louis nous a parlé de son vélo bleu. Qu'est-ce qui peut être bleu aussi ? Donnez-nous le nom d'objets qui sont bleus. »

    → «Inaya nous a dit qu'elle avait un vélo de course. Connaissez-vous des noms d'objets qui sont "de course" ? »

    → « Jade a dit qu'elle avait un vélo à roulettes. Y a-t-il d'autres objets à roulettes ? Pouvez-vous me donner leur nom ? »

    → « Imane nous a dit qu'il a un vélo qui va très vite. Connaissez-vous des noms de choses, d'animaux ou de personnes qui vont très vite ?... Une voiture qui va très vite ? Oui, très bien. Et encore ?... »

    Suite à ces séances informelles, si au CP puis au CE1 et même CE2, nous avons par de très nombreux exercices exercé nos élèves:

    → à bien repérer les noms et à ne jamais les prendre pour des verbes

    → si, à l'oral et à l'écrit, nous les avons entraînés à compléter ces noms par des adjectifs, qu'ils  savent repérer et nommer

    → si, à l'oral comme en maternelle, ils ont fréquemment complété des noms par d'autres noms ou par des propositions relatives,

    nous n'aurons pas de difficulté au CM1 à faire découvrir aux élèves qu'il n'y a pas que les adjectifs qui complètent les noms et qu'il arrive aussi qu'ils soient complétés par d'autres noms !

    Ce qui nous ramène à notre premier exemple. 

    Les marins portent des tee-shirts à rayures.

    Il nous sera facile de leur faire dire que :

    Le nom rayures donne un complément d'information sur les tee-shirts que portent les marins. Il complète donc le mot tee-shirts. Le mot tee-shirts est un nom communà rayures est un complément de nom puisqu'il complète un nom.

    Et nous pourrons même leur faire créer eux-mêmes leur trace écrite qui dira à peu près :

    Parfois, les noms sont accompagnés d'un complément qui en précise la forme, la matière, le contenu, la possession, l'époque, etc. Toutes ces précisions sont des compléments de ce nom. Les noms qui sont complément de nom sont très souvent introduits par une préposition.

    Compléter l'adjectif

    Ah, celui-là, il n'est que pour nous ! Avec dix puis huit malheureuses heures de français par semaine, je ne pense pas que nous ayons le temps en Primaire de le travailler par écrit jusqu'à la prise de conscience et la formalisation.

    Restons donc entre adultes même si, dès la Maternelle, plutôt que de leur apprendre à tracer des lignes verticales avec de la peinture, et puis des lignes verticales avec des feutres, et puis de lignes verticales avec le doigt dans de la semoule, et puis encore et toujours des lignes verticales, nous pouvons (et même nous devons), enrichir tous azimuts leur langage, non pas seulement avec deux mots par jour, mais aussi grâce à des exercices qui les amènent à travailler implicitement la structure de la langue.

    Maman a été contente...

    à enrichir en demandant de préciser son idée. On obtiendra :

    elle a été contente... de son cadeau, ... de la photo de classe, ... de voir mes cahiers, ... du spectacle, ... de la peinture que j'ai rapportée, ... et même... du collier de nouilles !

    Cela ira donc très vite si tous les adultes présents ici :

    → se souviennent que le réflexe questions-types = réponses-types est un réflexe à combattre

    → se souviennent qu'il faut toujours chercher à comprendre qu'apporte comme précision le mot qu'on analyse

    → reconnaissent facilement les adjectifs

    Il nous suffira de savoir que :

    Parfois, les adjectifs sont accompagnés d'un complément qui les précise.

    Exemples : Cet exercice est facile à faire. La pluie est bonne pour les plantes. Ta gourde est pleine d'eau fraîche. Un coffre rempli de pierres précieuses est caché dans ce château.

    Toutes ces précisions sont des compléments de cet adjectifs. Les mots qui sont complément de l'adjectif sont très souvent introduits par une préposition.

    Un complément du nom particulier : l'attribut

    Petit rappel :

    Les verbes d'état :

    Comme leur nom l'indique, ils indiquent un état (être candidat, devenir grand, rester calme, demeurer persuadé de ceci ou cela, sembler sérieux, paraître un personnage original).

    Les verbes d'état ne sont que six et peuvent tous être remplacés par le verbe être :

    être, paraître, sembler, demeurer, rester, devenir.

    On peut ajouter à cette liste quelques locutions verbales : avoir l'air, passer pour, ...

    Un verbe d'état ne peut pas être complété par un complément d'objet qu'il soit direct ou indirect puisqu'il indique un état et non une action.

    L'attribut du sujet :

    Le mot ou le groupe de mots qui attribue une qualité (une manière d'être) au sujet d'un verbe d'état (et de quelques autres verbes comme s'appeler, se montrer, se trouver, se nommer, se faire,  ...) s'appelle tout naturellement un attribut du sujet.

    Exemples : Paul est fiévreux. Il semble malade. Malgré les médicaments, sa température reste élevée. Heureusement, son oncle est médecin. Il nous rassure : « Cette maladie se fait rare aujourd'hui. Elle s'appelle la rougeole ! Elle n'est pas à redouter. »

    Contre-exemples (pour éviter le pilote automatique qui associe verbe d'état = attribut) : Paul est à Paris. J'appelle mon chien.

    Remarquons que dans les exemples, l'attribut désigne une qualité attribuée au sujet (la fièvre de Paul, sa maladie, l'élévation de la température, l'oncle médecin, ...) ou encore une manière d'être du sujet alors que dans les contre-exemples, le pseudo-attribut ne désigne absolument pas une qualité attribuée au sujet (Paris n'est pas Paul, pas plus que moi, je ne suis mon chien).

    L'attribut de l'objet :

    Ça, comme le complément de l'adjectif, c'est pour nous, pas pour les élèves. Alors pourquoi en parler, me direz-vous ?...

    Eh bien pour ne pas dire d'âneries et pour sélectionner avec rigueur les phrases que nous présenterons à nos élèves pour un exercice d'analyse grammaticale.

    Imaginons que, par exemple, nous donnions cette phrase :

    Les élèves ont imaginé un véhicule moitié avion et moitié train.

     et que nous nous apprêtions à leur en faire analyser chacun des groupes.

    Comme d'habitude, nous leur demandons d'abord de trouver le verbe conjugué et de l'analyser :

    → ont imaginé : verbe imaginer, premier groupe, mode indicatif, passé composé, 3e personne du pluriel

    Ce qui les amène à analyser le sujet de ce verbe, celui qui a imaginé :

    → Les élèves : groupe nominal, masculin pluriel, sujet du verbe imaginer.

    Une fois ces deux éléments placés, comme le verbe imaginer a toujours un objet, nous le cherchons (au besoin à l'aide de la voix passive)

    un véhicule (moitié avion et moitié train) : groupe nominal, complément d'objet du verbe imaginer.

    Et là, nous arrivons à cette partie que j'ai indiquée en grisé et entre parenthèses parce que, dans de très nombreuses classes, enfants comme adulte n'auront pas forcément réalisé que ce groupe est une « qualité » attribuée au véhicule, ou, plus simplement, une manière d'être de ce véhicule, et non un simple complément de nom qui ferait partie GN complément d'objet. Nous l'analysons, nous adultes, ainsi :

    moitié avion et moitié train : GN coordonnés, attributs du complément d'objet direct véhicule

    Je conviens avec vous que la différence est subtile, raison de plus pour ne pas y confronter les enfants. Quelques exemples pour nous aider à ne pas tomber dans le piège :

    Le travail sur écran l'a rendu myope. - On surnomma Louis XIV, le Roi Soleil. - Lorsqu'une ville était fortifiée, on la jugeait imprenable. - J'aime ma maison, je la trouve charmante. - J'ai trouvé les portes fermées.

    En conclusion :

    C'est sur ce petit casse-tête que nous finirons cette série d'articles. Cela nous permettra d'établir quelques règles d'or à appliquer dans nos classes, qu'elles soient de TPS ou de CM2 :

    → Nous devons avoir les mêmes ambitions pour nos tout-petits, nos petits, nos moyens ou nos grands élèves : celles d'enrichir leur façon de parler, d'écrire, de lire et de penser.

    → Cet enrichissement passe par la structuration de la langue, à leur niveau, par des exercices d'abord très concrets, basés sur les échanges langagiers oraux, puis de plus en plus abstraits, jusqu'à arriver progressivement à l'analyse grammaticale des mots d'une phrase.

    → Pour mener à bien cet enseignement, nous devons nous-mêmes avoir les idées claires sur une grammaire scolaire simple et efficace, basée sur l'analyse du rôle des éléments qui constituent la phrase au niveau de la compréhension et sur ce qu'ils apportent au discours 

    → Pour cela, il convient de ne jamais raisonner en terme de questions-types apportant des réponses-types, ni, au risque de nous transformer en Monsieur Jourdain, en terme de place du mot ou groupe de mot dans la phrase.

    Dans la même série :

    Qualifier les compléments (1)Qualifier les compléments (2)Qualifier les compléments (3)   ; ...


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  • Qalifier les compléments (3)

    Avant de passer aux compléments qui ne complètent pas un verbe, voilà  le grand oublié de l'École Primaire, le complément d'agent (disparu des programmes du Primaire en 1972, après n'avoir été enseigné qu'aux CM2 et Cours Supérieur et 6e et 5e des Collèges) et son corollaire, la voix (ou forme) passive (disparue des programmes de l'École Primaire, beaucoup plus tardivement, en 2002).

    Si son rôle est intéressant, même pour des bons élèves de CM2, c'est surtout pour les enseignants qui y découvriront une manière simple de :

    ◊ distinguer un verbe conjugué à un temps composé de la voix active d'un verbe conjugué à la voix passive

    ◊ repérer plus aisément le complément d'objet direct et le sujet d'une phrase à la voix active

    Définir le sujet n'est pas toujours simple.

    ♠ Si nous disons à nos élèves qu'il est placé avant le verbe (encore cette fichue manie de faire de la grammaire comme on emboîterait des Lego), c'est très souvent faux ! Bonjour alors aux « Au milieu est le sujet du verbe couler » dans les phrases qui nous informent que Au milieu coule une rivière.

    ♠ Si nous disons qu'il désigne la personne qui fait l'action, nous perdons les élèves dès que, dans une phrase, un sujet totalement passif subit  tout un tas de choses malgré lui (La souris est poursuivie, attrapée et dévorée par le chat. → Qu'a-t-elle fait, cette pauvre petite souris ? Rien de rien... Et pourtant c'est bien elle le sujet de ces trois verbes !)

    C'est pourquoi il vaut mieux s'en tenir à deux définitions simples auxquels les utilisateurs de Du Mot Vers la Phrase ou d'OrthoGraph' sont habitués :

    ♥ Le sujet commande le verbe (Il conduit la voiture-verbe

    ♥ On le trouve en posant la question: « Qui est-ce qui commande (ou conduit) le verbe ... ? » ou « Qu'est-ce qui commande (ou conduit) le verbe ... ? » et en y répondant par « C'est ... qui commande (ou conduit) le verbe ... »

    Exemples :

    D'une voiture tomba un jour une grosse cruche. Passe une petite souris.

    Elle aperçoit la cruche.

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe tomba ? → C'est une grosse cruche qui tomba.

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe passe ? → C'est une petite souris qui passe.

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe aperçoit ? → C'est elle qui aperçoit.

    Et comme ceci fonctionne même lorsque le sujet subit l'action au lieu de la faire, il est bientôt temps pour nous, et éventuellement pour nos élèves de CM ensuite, de nous intéresser aux formes (ou voix) que peut prendre le verbe.

    Découvrir la forme (voix) active et la forme (voix) passive

    Un groupe de comédiens envahit la rue piétonne.

    La rue piétonne est envahie par un groupe de comédiens.

     Dans la première de ces phrases, le sujet un groupe de comédiens est actif. C'est lui qui fait l'action d'envahir un objet, la rue piétonne.

    Dans la seconde, en revanche, l'objet la rue piétonne est devenu un sujet qui subit l'invasion tout en restant passif devant cette action de l'envahir. 

    En nous intéressant à la forme prise par le verbe envahir dans ces deux phrases, il nous est facile de noter ce qui s'est passé entre ces deux phrases :

    ◊ Dans la première phrase, le verbe est conjugué sous sa forme active car le « conducteur de la voiture verbe » est l'acteur (ou agent) de l'action qu'il exprime

    ◊ Dans la seconde phrase, cet acteur (ou agent) n'est plus le conducteur de la voiture-verbe conduite par un sujet qui subit l'action qu'il effectue. Le verbe est conjugué sous sa forme passive. On note que, pour cette forme, nous avons utilisé l'auxiliaire être au même temps que le verbe de la phrase active suivi du participe passé du verbe de la phrase active.

    Exemples :

    Un groupe de comédiens envahira la rue piétonne. La rue piétonne sera envahie par un groupe de comédiens.

    Un groupe de comédiens envahit la rue piétonne. La rue piétonne fut envahie par un groupe de comédiens.

    Un groupe de comédiens a envahi la rue piétonne. La rue piétonne a été envahie par un groupe de comédiens.

    Un groupe de comédiens avait envahi la rue piétonne. ⇒ La rue piétonne avait été envahie par un groupe de comédiens.

    Nous retiendrons (et ferons éventuellement retenir à nos élèves de CM par de nombreuses manipulations orales) que :

    Dans certains cas, le sujet ne fait pas l'action exprimée par le verbe ; il la subit seulement. On dit que le verbe est conjugué à la forme (ou voix) passive.

    À la forme (ou voix) passive, le verbe transitif est à une forme composée où son participe passé est conjugué avec l'auxiliaire être conjugué au même temps que le verbe de la phrase active.

    Nota bene : Il ne faut pas confondre les temps simples des verbes transitifs directs conjugués au passif, 

    Exemples : elle est envahie ; j'étais abattu ; tu seras accompagné ; ...

    avec les temps composés de certains verbes intransitifs conjugués à l'actif avec l'auxiliaire être.

    Exemples : elle est venue ; j'étais sorti ; tu seras allé ; ...

    Nous verrons plus tard comment éviter cette confusion (voir Troisième et Quatrième Conclusions).

    Analyser les GN d'une phrase passive

    Cet exercice est intéressant pour l'enseignant, non seulement pour mieux comprendre le rôle du sujet dans une phrase, comme nous l'avons vu ci-dessus, mais aussi pour repérer grâce à la compréhension  le complément d'objet direct de la phrase active.

     Reprenons notre exemple ci-dessus en l'enrichissant de quelques compléments circonstanciels.

    Pendant l'été, un groupe de comédiens envahit chaque après-midi la rue piétonne.

    Devant une telle phrase, nous savons que certains de nos élèves – et malheureusement quelques collègues dressés au jeu de Lego grammatical – risquent de mettre en route le pilote automatique et de ne pas trouver le sujet (qui n'est pas le premier groupe de la phrase !) et encore moins le complément d'objet direct (qui n'est pas placé directement après le verbe !)...

    Grâce à la règle sur le sujet énoncée ci-dessus, le sujet émerge très facilement :

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe envahit ? → C'est un groupe de comédiens qui envahit quelque chose.

    Le groupe de comédiens est le sujet acteur (ou agent) de l'action d'envahir.

    Et grâce à la notion d'objet travaillée précédemment (Qualifier les compléments (1)), nous savons que :

    la rue piétonne est l'objet de l'action d'envahir exécutée par le sujet, agent de l'action d'envahir. ⇒ comme il n'est pas introduit par une préposition et que le verbe envahir ne fait pas partie de la liste des verbes transitifs indirects, le GN la rue piétonne est le complément d'objet direct du verbe d'action transitif direct envahir.

    Et grâce à la transformation passive, nous en avons confirmation :

    Pendant l'été, la rue piétonne est envahie chaque après-midi par un groupe de comédiens.

    Ici, le sujet n'est plus agent de l'action. Il la subit.

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe est envahie ? → C'est la rue piétonne qui est envahie. (Remarquons au passage que nous ne serions pas obligés comme dans la phrase active de compléter le verbe envahir).

    Le complément d'objet direct de la phrase active est devenu le sujet de la phrase passive.

    Première conclusion : Pour s'assurer d'avoir bien repéré le complément d'objet direct du verbe à la forme active, nous pouvons opérer une transformation passive. Le sujet du verbe à la forme passive est le complément d'objet direct du verbe à la voix (ou forme) passive.

    Deuxième conclusion : Seuls les verbes d'action transitifs directs peuvent être mis à la voix (ou forme) passive.  

    Quant au sujet de la phrase active, qu'est-il devenu ? Nous le retrouvons facilement puisqu'il reste l'acteur ou agent de l'action d'envahir !

    Mais nous remarquons que :

    ◊ même s'il reste utile à notre propos, et même fondamental – en effet, il vaut mieux que la rue piétonne soit envahie par des comédiens que par des soldats en armes, des aliens aux intentions coupables ou des fauves assoiffés de sang ! –, il n'est plus indispensable (Pendant l'été, la rue piétonne est envahie chaque après-midi. , c'est moins précis mais tout à fait compréhensible)

    ◊ il est introduit par la préposition par (il pourrait l'être aussi par la préposition de : Pendant l'été, la rue piétonne est envahie chaque après-midi de comédiens qui se mêlent aux promeneurs.)

    C'est donc un complément, puisqu'il complète le verbe envahir, indirect, puisqu'il est introduit par une préposition, utile à notre propos mais pas indispensable. Comme il nous informe sur l'agent de l'action d'envahir, nous pouvons le désigner par le terme de complément d'agent du verbe envahir, conjugué à la forme (ou voix) passive.

    Troisième conclusion : Quand nous mettons le verbe d'une phrase active à la voix (ou forme) passive, le sujet de l'action (ou agent) complète le verbe à la voix (ou forme) passive. Comme ce complément nous renseigne sur l'agent de cette action, nous le qualifions de complément d'agent.

    Quatrième conclusion : Le complément d'agent nous renseigne sur la personne, l'animal ou la chose qui fait l'action exprimée par le verbe à la voix passive. Il est introduit par les prépositions par ou de.

    Dans la même série :

    Qualifier les compléments (1)Qualifier les compléments (2) ; ... ; Qualifier les compléments (4)


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  • Qualifier les compléments (2)

    Les compléments circonstanciels

    Comme leur nom l'indique, les compléments circonstanciels indiquent une circonstance de l'action exprimée par le verbe.

    A priori, c'est tout simple mais il n'y a qu'à suivre une discussion entre collègues, que ce soit sur les réseaux sociaux, dans une salle des maîtres ou en animation pédagogique pour savoir à quel point on peut pinailler sur ce type de complément !

    ◊ Un peu d'histoire...

    ♦ Observons :

    Autrefois, avant 1972, date du premier chambardement dont l'école actuelle est issue, on considérait que :

    « On distingue plusieurs sortes de compléments :

    1) le complément direct d'objet

    2) le complément de temps

    3) le complément de lieu

    4) le complément de manière »

    (Livre unique de Français, Cours Moyen, L. Dumas, 1931)

    Un peu plus tard, on apprenait aux élèves que :

    « Les compléments de circonstance ne sont pas indispensables. Mais ils sont utiles par les renseignements qu'ils donnent sur le lieu, le temps, la cause de l'action, la manière dont elle s'effectue, ... »

    (Grammaire, Cours Moyen 1re année, G. Villars, J. Marchand, G. Vionnet, 1963)

    Enfin, tout juste cinq ans avant le grand chambardement, on enseignait que :

    « Le groupe complément qui permet d'indiquer le lieu où se passe l'événement exprimé par le verbe est appelé complément circonstanciel de lieu. Il répond à la question posée après le verbe. Il précise : le lieu où l'on est - le lieu d'où l'on vient - le lieu où l'on va.
    Quand on veut attirer l'attention sur le lieu où se passe l'événement, on place le complément circonstanciel de lieu en tête de phrase. »

    (De la lecture à l'expression française, Rigaud-Vasconi, 1967)

    Nota bene : trois autres séances sont consacrées dans ce dernier ouvrage aux compléments circonstanciels (CCT, CCM, autres CC) en suivant exactement la même démarche.

    ♦ Analysons :

    Lorsque nous lisons ces trois résumés à apprendre par les élèves après avoir travaillé la notion de manière active et concrète (voir La grammaire à l'école élémentaire) nous constatons que :

    ⊗ L'adjectif circonstanciel est apparu tardivement (tant mieux, parce que c'est du charabia pour adultes et ça n'aide pas les élèves à mieux comprendre et mieux s'exprimer). On a d'abord parlé de complément (ce qui est très vague mais reste exact) puis de complément de circonstance (ce qui a le mérite de préciser un point important sans tomber dans le charabia). 

    ⊗ On considérait que ces compléments précisaient l'action exprimée par le verbe en donnant le lieu, le temps, la manière, la cause, etc. de cet action (ou événement), ce qui a totalement disparu après le chambardement de 1989 ou 2002.

    ⊗ On n'a commencé à parler de la possibilité de déplacer ces compléments que tardivement et uniquement dans un but stylistique. Un  de ces trois manuels explique qu'ils ne sont pas indispensables mais simplement utiles (s'ils sont utiles, alors, pourquoi chercher à les supprimer ?)

    ⊗ On y a passé de plus en plus de temps : d'une leçon consacrée à tous les compléments dits du verbe, qu'ils soient d'objet ou de circonstance, on passe à quatre leçons pour la notion de complément circonstanciel

    Après cette digression historique, revenons au but de cette série d'articles : enseigner une grammaire élémentaire qui permettra à nos élèves de mieux comprendre ce qu'ils lisent et mieux s'exprimer, tant à l'oral qu'à l'écrit.

    Pour cela, voyons ensemble quelques renseignements nous permettant de définir quel est le sens et l'utilité de ce type de complément.

    ◊ Il indique une circonstance

    Le complément circonstanciel indique une circonstance de l'événement exprimé par le verbe (action, état) : lieu de l'événement, moment de l'événement, cause de l'événement, but de l'événement, etc.

    Elle attache son vélo au lampadaire. → au lampadaire précise le lieu où elle attache son vélo, c'est un complément circonstanciel de lieu.

    Quand nous regardons l'immensité de l'univers, nous semblons minuscules. → Quand nous regardons l'immensité de l'univers précise le moment où nous semblons minuscules, c'est un complément circonstanciel de temps.

    À cette réunion, je meurs d'ennui ! → À cette réunion précise le lieu où je meurs, c'est un complément circonstanciel de lieu.
    → d'ennui précise la cause de cet événement, c'est un complément circonstanciel de cause

    La plupart du temps, les compléments circonstanciels sont introduits par une préposition. Mais il arrive que ce ne soit pas le cas :

     La nuit, je dors.

    J'irai à la Poste cet après-midi.

    ◊ Il ne peut pas toujours être déplacé

    Malgré cette loi qui nous semble intangible, mais qui n'a pourtant qu'une petite quarantaine d'années, il arrive de temps en temps qu'on ne puisse pas déplacer ce complément, sauf à se prendre pour Monsieur Jourdain et son maître de philosophie.

    Exemple :

    Lola rejoindra ses amis au terrain de jeux après l'école.

    si l'on peut facilement dire :

    Après l'école, Lola rejoindra ses amis au terrain de jeux.
    Lola rejoindra ses amis
    après l'école au terrain de jeux.

    il est plus compliqué, voire bizarre, de dire :

    Au terrain de jeux, Lola rejoindra ses amis après l'école.

    Pourtant, si nous nous attachons au sens de chacun des groupes de cette phrase, nous voyons bien que :

    au terrain de jeux indique une circonstance de l'action de rejoindre ses amis

    au terrain de jeux précise le lieu où Lola rejoindra ses amis

    ⊗ et en plus, comme dirait notre manuel de 1963, au terrain de jeux est utile mais pas indispensable !

    Il est donc clair que au terrain de est bel et bien complément circonstanciel de lieu.

    ◊ Sa suppression n'a aucun intérêt

    Bien sûr, grammaticalement parlant, dans la phrase ci-dessus (Lola rejoindra ses amis au terrain de jeux après l'école), nous pouvons supprimer les deux compléments circonstanciels (après l'école ; au terrain de jeux). Grammaticalement parlant...

    Si nous restons au niveau du sens et de ce que nous cherchons à apprendre à nos élèves, en revanche, l'action de supprimer ces compléments ne présente strictement aucun intérêt. En effet, seuls des détraqués complotistes auraient intérêt à appauvrir la compréhension de textes longs et l'expression orale et écrite d'une génération d'enfants !

    Bien au contraire, lorsque le petit Jordan nous apporte son jogging d'écriture du jour (raconte ton dimanche), et que nous le lisons (ponctuation et orthographe restituée pour que la lecture soit moins pénible à nos yeux d'adultes) :

    Je me suis levé. J'ai déjeuné. Je me suis habillé.J'ai joué. J'ai mangé. On a regardé un film. J'ai goûté. J'ai fait mes devoirs. J'ai mangé. J'ai pris ma douche. Je me suis lavé les dents. Je me suis couché.

    nous n'avons qu'un but, lui faire ajouter les circonstances qui précisent chacune de ses actions !

    Ce qui nous permet de revenir à la phrase ci-dessus et de dire que ce qui nous intéresse dans l'histoire de Lola, ce qui en est le propos principal, c'est le lieu et le moment où elle doit rejoindre ses amis. C'est la première chose que nous demandera un enquêteur si malheureusement Emma n'est pas rentrée après cette sortie.

    Concluons donc :

    Le complément circonstanciel n'est pas indispensable au point de vue grammatical, mais il l'est à son sens.

    ◊ Attention aux verbes de situation dans l'espace !

    Il va à New York.

    Elle habite près de la forêt.

    Il reste dehors.

    J'y suis.

    Nous avons vu dans l'article précédent (Qualifier les compléments 1) que les Instructions Officielles, négligeant totalement le sens de ces propositions, classent ces compléments dans le groupe des compléments d'objet indirect, ne s'attachant qu'à la préposition, quand il y en a une, et à l'impossibilité de les supprimer et de les déplacer  !

    Il m'est même arrivé (assez fréquemment hélas) de rencontrer des collègues persuadé.e.s de prouver leurs dires en confondant l'adverbe de lieu y avec le pronom indirect homophone.

    Je persiste et signe, face à tous les grammairiens de la terre s'il le faut : « Faites ce que vous voulez dans vos universités et vos instituts de recherche mais, par pitié, laissez en paix les petits enfants qui apprennent à parler, écrire et lire le français ! »

    Bien que ces mots ne soient pas une simple circonstance de l'événement relaté, bien que nous constations qu'ils ne sont pas simplement utiles mais bel et bien indispensables à la grammaticalité de la phrase, les jeunes enfants voient très bien que tous ces mots expriment le lieu où se déroulent ces événements. Apprenons donc à nos élèves que ces mots ou groupes de mots sont des compléments de lieu.

    ◊ En conclusion :

    Ne serait-il pas plus simple, pour ne pas entraîner les élèves sur des fausses pistes, et pour faire de la grammaire scolaire un outil utile pour bien comprendre et bien s'exprimer, de la débarrasser de son charabia ?

    Nous avons vu dans les extraits de manuels scolaires anciens que, lorsque l'adjectif circonstanciel est venu s'ajouter à la notion de circonstance, les rédacteurs de manuels ont été obligés de passer de une à quatre leçons pour que les élèves soient sûrs de leur travail.

    Nous avons vu que les derniers programmes en viennent à mélanger allègrement des objets d'une action introduits par une préposition avec les lieux où se déroulent des actions ou états, introduisant de ce fait la confusion autant chez les enseignants que chez leurs élèves.

    Nous avons vu que tous ces excès de formalisme encouragent les enseignants à ne plus faire d'analyse grammaticale du tout (phrase récurrente sur les réseaux d'enseignants : « Si nous-mêmes, nous hésitons et ne sommes pas d'accord entre nous, c'est bien que c'est beaucoup trop difficile pour des enfants ! »).

    Nous avons enfin vu que, dans certains cas, on peut avoir besoin de compléter une action ou un état par un lieu (ou une mesure : Il pèse cinquante-quatre kilogrammes. - Ce film dure deux heures trente).

    Toutes ces raisons me poussent à proposer une solution pratique qui évite tous ces écueils incompréhensibles pour des enfants (et même parfois pour leurs professeurs) :

    Et si nous parlions tout simplement de compléments de lieu, de temps, de manière, de cause, de but ou de moyen ?

    → Nous ne mentirions pas

    → Cela ne nous empêcherait pas d'évoquer au cours de nos dialogues pédagogiques la notion de circonstance de l'action préparant ainsi nos élèves pour la Sixième

    → Nos élèves ne perdraient pas de temps à jouer les universitaires, tout en continuant à progresser dans le domaine de l'expression et de la compréhension.

    Qu'en pensez-vous ?

    Dans la même série :

    Qualifier les compléments (1) ; ... ; Qualifier les compléments (3) ; Qualifier les compléments (4)


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  • OrthoGraph' CE1 est-elle « papivore » ?

    Quelques collègues, par conscience écologique, sont réticents à employer une méthode à qui certains ont fait la réputation d'être horriblement papivore.

    Pour clarifier le sujet, je me suis livrée à quelques calculs :

    Je comprends que votre conscience écologique vous fasse reculer devant toutes les méthodes papivores. Cependant, ce qui m'étonne, c'est que cette réticence s'applique à une méthode qui peut très bien n'imprimer au CE1 que 3,5 feuilles A4 non réutilisables par année scolaire en faisant des impressions recto-verso.

    Tout le reste du matériel pour les élèves, travail du soir et manuel d'exercices d'orthographe, n'est à imprimer qu'une fois pour toutes, même si on garde cette méthode jusqu'à la fin de sa carrière, puisque les élèves n'écrivent pas dessus.

    C'est, la première année, en effet, un petit budget : 16 feuilles A4 recto verso pour le manuel d'exercices et 9 feuilles A4 recto verso pour le travail du soir, soit 25 feuilles A4 par élève pour cette première année d'utilisation.

    Cependant, on peut très bien réduire cela à 9 feuilles A4 recto-verso, en considérant que le manuel d'exercices d'orthographe peut très bien être reproduit sur le tableau à craie (parce que, franchement, pour l'écologie, les feutres à tableau, on repassera) en moins de 5 minutes.

    Quant au matériel pour l'enseignant.e, c'est encore plus simple. À part pour les premières semaines où, pour se familiariser, on a peut-être besoin d'avoir la feuille sous les yeux – ou l'écran d'ordinateur, ce qui évite la papiphagie ! – autant prendre quelques notes sur son cahier journal une fois qu'on a compris le principe de la méthode...

    Il restent les dictées, qui, à mon humble avis, peuvent très bien rester sur l'écran d'un smartphone, si on préfère les data center aux feuilles de papier.

    Soit un bilan global de 12,5 feuilles A4 par enfant la première année, soit une ramette entière pour équiper totalement une classe de 40 élèves, puis de 3,5 feuilles A4 chaque année (une ramette entière pour 142,8 élèves), pour ré-équiper les enfants en cahiers d'exercices pour la première période. Ce qui, avouons-le, ne classe pas cette méthode parmi les méthodes papivores...


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