• La compréhension, c'est pas automatique...

    Illustration de Sophie Borgnet, Écrire et Lire au CP, expression écrite.

    M. Goigoux explique au cours d'une de ses conférences (Enseigner la compréhension) que certains élèves attendent d'avoir fini de lire le texte (déchiffrer péniblement parfois) pour chercher à comprendre ce qu'ils viennent de lire.

    Au cours de cette lecture, ils resteraient dans un processus passif de réception,  ne s'engageraient pas dans un processus d'intégration sémantique cyclique où chaque nouvelle information du texte leur permettrait de rebrasser leur compréhension en intégrant ces nouvelles données. 

    Passons rapidement sur l'implicite et le fait que le lecteur a besoin d'aller sans arrêt plus loin que ce que le texte dit précisément. Il me semble évident qu'il doit comprendre ce que ce qu'il lit sous-entend comme circonstances et événements forcément liés au contexte décrit. Faire des inférences, ça s'apprend et M. Goigoux nous dit que certains élèves n'ont pas appris.

    Moi, je dis que ce n'est pas étonnant du tout, tout simplement parce que c'est exactement ce qu'on nous a dit de faire lorsque nous lisons des histoires, des albums, des contes et des récits aux plus jeunes de nos élèves.

    On nous a formellement interdit d'interrompre sans cesse notre lecture pour éclaircir un point de vocabulaire, une tournure de phrase, un événement trop légèrement suggéré et difficilement interprétable pour nos apprentis-écouteurs-d'écrits. On nous a demandé d'attendre la fin de l'histoire pour demander aux élèves de nous donner leurs sentiments sur ce qu'ils venaient de partager avec nous. On nous a dit de ne pas influencer leur propre ressenti en plaquant notre interprétation du texte sur la leur qu'ils pouvaient choisir de ne pas nous dévoiler. On nous a enfin conseillé de ne pas nous cantonner à un univers trop terre et à terre, trop lisible, et de ne pas hésiter à choisir des textes résistants n'obéissant pas à une logique cartésienne ou s'éloignant résolument d'un monde connu trop bien balisé.

    Comment s'étonner qu'arrivés au cycle 3, les plus fragiles de nos élèves, tous ceux qui n'ont pas rencontré en dehors de l'école de conteur familial ou associatif qui les aura conduits à petits pas sur le chemin des livres, soient toujours persuadés que le temps du conte est une annexe du dortoir ? Depuis le temps qu'ils subissent sans comprendre une activité dans laquelle on ne leur a jamais appris à agir, ils seraient drôlement costauds s'ils ne fermaient pas les écoutilles dès le premier mot.

    Toujours selon R. Goigoux, après avoir lu le texte, le même type d'élève dit ne pas pouvoir le raconter parce qu'il ne l'a pas appris. Il croit qu'on lui demande une restitution mot à mot d'un texte appris par cœur plutôt qu'un résumé rapide, dit avec ses propres mots, des événements qui ont fait l'histoire qu'il vient de lire.

    Tiens... Voilà qui me rappelle quelque chose... Et là, nous ne sommes plus à l'école maternelle à l'heure du conte mais bien à l'école élémentaire, au CP plus précisément. Réciter, le plus précisément possible, des phrases extraites d'un album de littérature de jeunesse, n'est-ce pas exactement ce qu'on demande de faire à bien des petits élèves de cette classe dès les tout premiers jours de classe ? J'ai rêvé que j'étais un gros monstre vert... Maman est prête mais elle boude... Ma maîtresse est une ogresse... Et si les plus à l'aise de ces jeunes enfants apprennent petit à petit à se repérer dans ces centaines de mots plus ou moins bien identifiés, il n'en est pas de même pour les plus faibles. Pour eux, la récitation par cœur de tirades difficilement restituées après des heures de découverte lente et pénible continue toute l'année. Nombreux sont ceux d'entre eux qui, à l'aube du CE1, pensent encore que lire, c'est réciter un truc qu'on a appris à l'oreille en écoutant agir les autres !

    Pour ces enfants-là, souvent faibles déchiffreurs, pépéherrisés parfois même avant d'entrer à l'école élémentaire, classés petits parleurs dès la Petite Section, pourquoi ce qui était pour eux le signe de reconnaissance de l'activité de lecture pendant toute l'année de CP devrait, l'année suivante, changer et devenir tout autre chose ? Surtout si cette chose, la compréhension au fil du texte et la traduction de celui-ci en quelques phrases simples, n'a jamais été pratiquée à l'oral avant d'être transférée à un support écrit.

    Heureusement, pour eux, mais aussi pour les autres, M. Goigoux nous offre des solutions : un  décodage bien établi (c'est selon lui le rôle du... Cours Élémentaire), une syntaxe et un lexique riches, des connaissances variées (histoire, géographie, sciences) et littéraires (stéréotypes, stratégies narratives, ...), des stratégies de compréhension (régulation, contrôle et évaluation de sa stratégie de lecteur). Les PE qui établiront cela dans leurs classes de CE et CM verront sans doute leurs élèves progresser et comprendre... oserais-je dire enfin... ce que signifie le verbe lire.

    Son équipe de recherches a d'ailleurs observé les Stratégies de ceux qu'on appelle les "bons maîtres" :

    Ils précisent les intentions ou le but de la lecture, ils expliquent le lexique, ils mobilisent les connaissances nécessaires, ils segmentent le texte au fur et à mesure de son déroulement, ils synthétisent, reformulent ou font reformuler les idées essentielles, ils aident à relier les éléments du texte, ils font expliciter l'implicite en posant des questions et en guidant la "lecture à rebours".

    Tout ceci se fait en public, collectivement, et, à la fin, les élèves ont compris le texte.

    Tout d'abord, je remercie sincèrement M. Goigoux de remettre à l'honneur le collectif, la classe, celle que le savoir-faire de notre métier fait avancer ensemble, en différenciant le moins possible et en gardant le maximum de cohésion. Cela fait vraiment du bien d'entendre cela et il est tellement nécessaire de le dire en cette époque folle d'individualisation des parcours !

    Ce qui est dommage, c'est que ces stratégies des "bons maîtres", de la façon de décrypter un texte à la manière de mener une classe ne soient pas valorisées pour toute l'École Primaire. Je ne dis pas qu'il n'y aurait que de bons élèves mais il me semble tout de même que ce serait plus simple pour ceux d'entre eux qui ont de la peine à changer de stratégies ! Et c'est aussi valable pour la compréhension et pour la façon de travailler en groupe-classe que pour l'apprentissage du code grapho-phonétique... Pourquoi ne rien faire pendant toute la Grande Section et une grande partie du CP et dire ensuite que c'est primordial et qu'un décodage trop lent perturbe la lecture compréhensive ? 

    Là, dans sa conférence, au contraire, il revient au problème de la lecture autonome et nous nous retrouvons au début de notre histoire : comment redresser ce qui a été bâti tordu ?

    Les "bons maîtres" s'en prennent plein la figure parce qu'ils mèneraient ce travail de compréhension sans en avoir conscience. Ils n'apprendraient pas à leurs élèves à le faire vraiment et ne le transmettraient pas à leurs jeunes collègues.

    Et comme ils n'arrivent pas à transmettre réellement à 100% de ces élèves mal démarrés, à qui l'on a fait faire semblant et mal, depuis leur entrée à l'école, comment on lit vraiment, ils sont presque accusés de faire encore plus mal que tous ceux qui ne font rien et continuent à laisser un quart de leur classe mener le débat pendant que les trois autres quarts dorment, s'ennuient, se demandent ce qui se passe, comme ils l'ont toujours fait depuis tout petits.

    Je crois que, sans doute à cause de mon âge et de mon amour des histoires, j'ai toujours fait partie de ceux que M. Goigoux appelle un peu ironiquement je crois les "bons maîtres" avant de les accuser d'être trop intuitifs et pas assez rigoureux dans leur approche de la compréhension.

    J'aurais volontiers transmis mon savoir-faire à mes jeunes collègues mais on ne me l'a jamais demandé et quand je l'ai fait quand même on s'est empressé d'expliquer aux jeunes collègues qu'il ne fallait surtout pas faire comme ça.
    Comme j'ai la chance de récupérer mes élèves à cinq ans et de les garder jusqu'à huit, je peux mener ce travail de formation de mes élèves sur le long terme. Ce qui fait que, depuis que les évaluations nationales existent, et bien que n'ayant jamais mené de travail de conscientisation des enjeux auprès de mes élèves, ceux-ci ont toujours su intuitivement ce qu'il fallait faire pour répondre aux questions de compréhension des textes que la DGESCO leur proposait.

    Depuis bien des années, je peste contre les directives qu'on a données à mes collègues de maternelle et passe tout mon premier trimestre à m'agiter comme un derviche tourneur pour susciter l'intérêt de mes petits GS et les faire sortir du bain d'écrits dans lequel certains s'endorment dès que le robinet à mots se met à remplir la baignoire. À force de salive, de gestes, de mise en condition, d'explications, de reformulations, j'arrive peu à peu à les faire pagayer, nager, plonger, explorer les fonds marins avec les héros au lieu de couler comme des pierres ou des ânes morts.

    Et je ne suis jamais aussi fière d'eux que lorsque, après avoir entendu ces vers : "Vous chantiez, j'en suis fort aise, Eh bien, dansez maintenant !" la petite Yasameen, 5 ans et demi, s'exclame, les yeux exorbités : "Oh la vache !... Elle l'a foutue dehors !"

    Là, je sais que c'est gagné et que ma pépette issue de milieu défavorisé apprendra à lire en s'attachant tout de suite à décoder les mots et comprendre leur sens. Je sais aussi qu'en fin de CP, elle sera déjà capable de lire, ce qui s'appelle lire, La Chèvre de Monsieur Seguin, dans la version écrite par Alphonse Daudet, parce que décodage et compréhension auront été menés de front, tout au long de l'année scolaire, sans jamais lui faire croire qu'elle doit d'abord réciter pour après savoir lire.

    Ainsi, pour elle, comme pour tous ses petits camarades, j'ose espérer que la compréhension, ce sera forcément automatique


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  • Plus précisément...

    Illustration de couverture du livret 2 d'Écrire et Lire au CP, X. Laroche

    J'ai reçu récemment un exemplaire de Litournelle, paru chez Bordas, pour la rentrée prochaine.

    Comme j'avais un peu de temps, je me suis amusée à faire une recension précise des mots importants du texte et des mots outils à mémoriser suite à la lecture découverte du texte par les élèves avec l'aide de l'enseignant. [Les mots en caractères gras sont, le plus souvent, tirés du Manuel 1 de cette méthode sauf lorsqu'ils sont en italiques.]

    Suite à cette recension, j'ai compté à combien de reprises ces mots réapparaissaient dans les lectures découvertes suivantes, comme dans les faits de langue ou dans la liste de mots servant à la localisation du son qu'on étudie à chaque épisode.

    Pour faire bonne mesure, j'ai compté aussi le nombre de mots lus par décodage complet utilisés dans les lectures découvertes. J'ai en revanche laissé de côté les mots de ces pages qui n'apparaissaient qu'à cette occasion et ne faisaient pas partie du panel de mots utilisés lors d'activités vraies de lecture compréhensive. Faire déchiffrer une fois un archer ou elle rumine peut très bien rester une activité purement mécanique n'ayant aucun rapport avec la lecture autonome d'un enfant construisant grâce à elle sa première culture de lecteur.

    Selon mon expérience personnelle, j'ai souvent remarqué, lorsque je travaillais en méthode naturelle, que si un mot indécodable apparaissait cinq fois ou moins au cours d'un trimestre, il était généralement oublié par tous les élèves (sauf ceux qui étaient déjà lecteurs ou presque lecteurs et donc capables de le décoder seuls, bien entendu). Ce mot était d'autant plus oublié qu'il était loin du dictionnaire mental de l'enfant et cela même si l'on s'appliquait à les seriner en classe le plus souvent possible. 

    Lorsqu'un mot indéchiffrable, même simple, apparaissait entre 6 et 10 fois, c'était encore très difficile pour les plus fragiles de nos élèves (ceux nés en fin d'année scolaire ; ceux originaires d'un milieu où l'on parle peu ou pas ; ceux qui n'ont pas pour priorité principale de bien travailler à l'école...).

    Pour les autres, tout dépendait de l'affectif qu'ils mettaient derrière le mot. Un prénom, le nom d'un animal remarquable, un objet important de l'histoire, un verbe d'action, tout allait bien et le mot se gravait aisément dans leur mémoire à condition qu'il réapparaisse à intervalles très, très réguliers. S'il est vu une ou deux fois au mois de septembre et qu'il ne ressort du bois qu'en novembre pour trois apparitions puis en décembre pour une nouvelle, il a souvent été oublié et peut même être confondu avec d'autres appris au même moment ("Maîtresse, s.i.n.g.e, c'est singe ou c'est chauve-souris ?")

    [Je vous rappelle qu'on a affaire à des non-lecteurs stricts qui ne possèdent aucun repère sûr dans le codage alphabétique de notre langue. Pour eux, rien ne leur permet de choisir tant qu'ils n'ont pas appris au moins le son produit par les lettres s et ch. Et c'est lorsqu'ils commencent à avoir ces quelques repères qu'il convient de leur en faire adopter de plus précis afin qu'ils ne restent pas bloqués sur l'idée qu'en déchiffrant les deux ou trois premières lettres, on s'en sort toujours... Et là, quand on voit le nombre de fois où, ayant "appris à lire" dégusta, on fait deviner déguster ou déguste ou quand l'acquisition du verbe manger à l'infinitif rend inutile l'apprentissage des formes mange ou même mangèrent, ce n'est pas vraiment gagné... Tremblez collègues de cycle 3 et de collège !]).

    Enfin, lorsqu'un mot est vu plus de 10 fois, surtout si ce mot est fréquent dans la langue parlée quotidiennement par les enfants, pas de souci, il est retenu par tous, même ceux qui ont énormément de peine avec tous les autres mots. À condition bien sûr que ces derniers se sentent encore soutenus et épaulés et qu'ils n'aient pas purement et simplement renoncé à apprendre à lire devant l'ampleur de la tâche demandée et le temps gaspillé en pure perte pour eux.

    Une petite étoile supplémentaire au guide de la bonne lecturisation de l'enfance, ce sont les mots présentés plus de 20 fois. Ceux-là, non seulement tous les enfants les reconnaissent mais en plus, ils savent les écrire sans le modèle, et ça, ils en sont très, très fiers ! Ils rejoignent dans leur cœur les mots qu'ils ont écrit tout seuls "parce que, maîtresse, je savais que pa, c'est un p et un a, pi, un p et un i et pour faire illon, on met deux l comme dans Camille et on comme dans ballon ! "

    Voici le résultat de mon petit ouvrage :

    Nombre de mots utilisés dans les parties "Lectures découvertes", "Langue", ainsi que dans les textes intitulés "Je sais lire !" des pages de Révision et consolidation : du Manuel 1 destiné au premier trimestre de l'année scolaire : 268

    Mots apparaissant 5 fois ou moins : 164 (dont mots-outils : 15)

    Mots apparaissant entre 6 et 10 fois : 46 (dont mots-outils : 9)

    Mots apparaissant entre 11 et 20 fois : 16 (la liste en est intéressante puisqu'elle permet de voir ce que peuvent réellement lire seuls les élèves à la mémoire la moins alerte : c'est, est, prête, Pauline, boude(nt), sur, chemin, fait(e), en, loup, Louis, qui, se, d', éléphant, étai(en)t). 

    Mots apparaissant plus de 20 fois : 13 ((l')école, maman(s), elle(s), et, sont, le, de, les, enfant(s), une, un, il(s), la). 

    Mots lus par décodage total : 29 (ne, au, chat, rient, tu, ami(es), lire, relire, mot(s), Aline, Annie, Lili, te, mal, nuit, lit, mort(e), relis, rire, acheter, lui, chez, allumer, tarte, ont, rôtir, chaud(e)).

    Voilà. Nous sommes théoriquement le 20 décembre, à la veille des vacances de Noël. Si nos élèves ont 5 matinées de classe, ils auront ingurgité une moyenne de 3,4 mots globaux par jour de classe ! Sur ces 3,4 mots, seul un pourcentage infime sera fonctionnel chez une grande partie de ceux qui ont justement besoin de toute notre sollicitude et notre aide car insuffisamment réemployés, parfois à plusieurs semaines d'intervalle (mais qui apparaît dans la première lecture découverte, page 22, n'est plus réemployé jusqu'à la page 94, sauf une fois, page 33, pour servir à la localisation de la lettre m ; dans qui apparaît page 57 disparaît quant à lui jusqu'à la page 72 ; dernier sert de repère pour le son er à la page 87, alors qu'il a disparu après deux malheureuses utilisations à la page 39).

    Alors, bien sûr, cette méthode va fonctionner, dans de nombreuses classes. Elle est prévue avec un fichier photocopiable de différenciation parce que, avant même que l'année scolaire ne démarre, on sait que, n'est-ce pas, les élèves n'avanceront pas tous au même rythme...

    J'ai même lu qu'il était sain de voir ainsi les écarts se creuser entre Pierre-Hippolyte et Dylan ou Farid, Anne-Sixtine, Fatoumata et Kass'andrah ! Il paraîtrait que c'est prendre en compte leurs différences et ne pas leur imposer de marche forcée... Et là, je bous ! J'explose, je pulvérise, je ventile !

    Mes charmants collègues seraient-ils pour la reproduction sociale ? Penseraient-ils comme les dames patronnesses de Brel qu'il faut, pour reconnaître ses pauvres à soi, tout tricoter en couleur caca d'oie ou plus exactement tout trier dès le début à coups de :"Mais enfin, petits camarades de classe, V.i.n.r.e.n.t, nous savons le lire. N'est-ce pas madame, puisque, la semaine dernière, nous avons lu revinrent. Regardez, c'est bien simple, il suffit d'enlever les deux premières lettres et nous retrouvons le mot vinrent qu'il ne faut pas être grand clerc pour comprendre... Ne trouvez-vous pas cela évident, chers petits amis ?"  pendant que d'autres peinent à se souvenir du verbe soulager ou à mémoriser l'immense tirade : "C'est l'histoire d'un serpent qui n'est pas content à cause d'un singe qui a eu peur d'un éléphant qui a mal dormi à cause d'une chauve-souris qui a fait "crunch crunch" toute la nuit, pile au-dessus de son lit." (page 77, mois de novembre...) qui contient la bagatelle de onze mots nouveaux non-déchiffrables en totalité.

    Elle va fonctionner, c'est sûr... Les enfants seront tous en train d'avancer sur le chemin de la lecture, certains en Ferrari, d'autres en 4L, d'autres encore dans ces voiturettes pour cul-de-jatte qu'on rencontre dans les bandes dessinées et dans les romans populaires évoquant la Cour des Miracles... En revanche, qu'ils soient tous fin prêts pour le CE1... je ne peux pas m'empêcher de douter. Je suis désolée.


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  • Où l'on voit bien que 30 h > 24 h...  

    Merci à W., CE1, de m'avoir prêté son cahier pour illustrer cet article.

    Dernière partie de la Progression Canac 1947 pour le Cours Préparatoire.

    Nous avions laissé nos élèves sur la mer d'huile des nombres de 20 à 69. Ils avaient profité de ce voyage pour apprendre à poser "en colonnes" les additions et les soustractions sans retenue. Nous avions par ailleurs supposé qu'ils continuaient à résoudre de petits problèmes par la manipulation concrète mais aussi en apprenant avec leurs enseignants à traduire leur raisonnement par un calcul et une phrase de réponse puisque cet exercice était préconisé dès lors que les élèves auraient une "image mentale" des premiers nombres.

    Ils n'ont plus maintenant, en élèves qui bénéficient pendant 30 heures par semaine d'un enseignement structuré, qu'à boucler un programme au contenu bien plus ambitieux que celui que, malgré toute notre bonne volonté, nous arrivons à rendre profitable à nos élèves. Même si leurs Programmes Scolaires ne prévoient que trois fois 15 minutes par jour de calcul (soit 3 h 45 pour eux contre 5 h pour les enfants de 2014), il semblerait que l'imprégnation générale aidant, nos parents ont eu la possibilité d'aller bien plus loin dès leur Cours Préparatoire que ne peuvent le faire leurs petits-enfants...

    On nous rétorquera sans doute "enfants en échec scolaire", "redoublements" et tutti quanti... Cependant ne me faites pas croire que les institutrices et instituteurs d'il y a 60 ans étaient tous des monstres insensibles qui continuaient à manipuler leurs bûchettes seuls au milieu d'un désert d'enfants perdus. Sauf exceptions de sinistre mémoire, ils devaient bien être un peu comme nous tout de même et se sentir tenus d'emmener leurs petits élèves tous aussi loin que possible, non ? Ne serait-ce que pour leur estime d'eux-mêmes... Il me semble que depuis la plus haute antiquité, les êtres humains ont toujours eu à cœur de se sentir réussir et de contempler avec satisfaction le résultat de leurs efforts.

    D'autres nous répondront "nouveaux publics", "enfants en grande détresse", "communautés" et ainsi de suite. J'irai pour eux de mon anecdote personnelle, comme d'habitude. Lorsque j'étais en Seconde, en 1971/1972, notre professeur d'histoire avait fait un sondage parmi les 45 élèves de notre classe pour savoir lesquels d'entre nous avaient quatre grands-parents français de souche. Avec un seul grand-père immigré, je faisais partie des quatre ou cinq élèves les plus "franco-français" de la classe. Conclusion : mes camarades et moi étions tous peu ou prou "issus de la diversité" et nos parents avaient été nombreux en leur temps à faire partie des "nouveaux publics".

    Quant à la détresse, il suffit de regarder trois minutes d'un reportage consacré à la France entre 1945 et 1955 environ pour constater de visu que les enfants qui apprenaient à compter dans les classes dont parle M. Canac souffraient eux aussi de mal logement, de carences alimentaires et autres symptômes qui se développent lorsqu'une société tombe lourdement ou se relève avec difficultés.

    Mais revenons-en aux nombres de 69 à 100. Nos petits CP de 1945 comme de 2014 vont peiner avec la nomenclature, tout le monde en est convaincu.  Cela exigera du temps et du soin. Et si ce temps était mieux réparti lorsqu'on faisait trois fois un petit quart d'heure qu'avec les grandes plages horaires de la semaine à 24 heures chrono où, quand on sort le matériel, il faut que ça vaille le coup ? Peut-être était-ce plus payant ?

    On profite de cette fin d'année pour apprendre à multiplier et diviser par deux et cinq de la règle concrète à l'opération posée dans sa nudité... On ne se presse pas, on sait que les élèves auront cinq années d'école primaire, sept pour ceux qui n'allaient pas au collège ensuite, pour passer doucement des 36 : 5 et des 24 x 2 du CP aux divisions et multiplications de nombres décimaux ou de fractions des élèves de Cours Moyen ou de Cours Supérieur.

    Enfin, parce que c'est très difficile, on apprend à poser les soustractions avec des retenues... Au CP ! Là, j'avoue que je suis bluffée et que je n'y crois qu'à moitié... On nous dit d'ailleurs que l'enfant l'aura vue et comprise au moins une fois mais qu'il n'est pas sûr qu'il puisse ni l'expliquer, ni vraiment reproduire le mécanisme seul (voilà un autre sujet d'article qui pourrait s'intituler "L'école primaire, cinéma permanent des compétences en cours d'acquisition").

    Ce qui m'a intéressée, c'est la technique proposée. Elle tient à la fois de la "technique par cassage" que nous voyons vantée un peu partout depuis une trentaine d'années et de la "technique traditionnelle" qui garde malgré tout ses adeptes parce qu'elle évite de barrer, raturer, surcharger les opérations.

    Et ce qui m'a étonnée, c'est que cette année, quelques jours après avoir lu cet article, ça a été la technique que m'ont spontanément proposée mes deux "matheux" du CE1 : "Puisqu'on n'a pas assez d'unités, on n'a qu'à ouvrir un sac. ", m'ont-ils dit.

    Comme ils me proposaient de noter "à côté" ce sac ouvert pour le déduire plus tard en plus des dizaines qu'on nous demandait d'ôter, j'ai vite suggéré de le noter plutôt en bas à côté des dizaines du nombre à retrancher. Et lorsque nous en sommes arrivés à ce deuxième calcul, tout le monde se souvenait du "sac ouvert de tout à l'heure", même mon petit poussin perdu et certains CP qui assistaient à l'exercice. J'ai trouvé qu'en effet, c'était plus simple pour des enfants jeunes que le jonglage avec la conservation des écarts qui fait quand même un peu tour de passe-passe malgré l'introduction du gentil grand-père qui donne un billet de 10 euros à l'un et 10 pièces d'1 euro à l'autre de ses petits-enfants.

    Voici donc l'avant-dernière intervention de M. Canac qui ne reprendra plus la parole que pour proposer une évaluation terminale pour les élèves de CP. Nous nous retrouverons donc encore une fois avec ce monsieur courtois et agréable qui ne prend pas les instits de base de trop haut. C'est tellement précieux un formateur qui ne les croit pas incapables de comprendre ce qu'ils font quand ils le font et qui les juge aptes à déterminer tout seuls s'ils ont bien réussi à transmettre savoirs et savoir-faire à leurs élèves qu'ils côtoient au jour le jour.

    Initiation au calcul entre 5 et 7 ans (H. Canac, 1947)

    Les nombres de 69 à 100 - Multiplication et division - La soustraction à retenue

    Reste enfin une dernière étape : les nombres de 70 à 100, qui présentent quelques difficultés de nomenclature où s'empêtrent assez souvent les élèves et dont l'étude demande donc du temps et du soin. Vers le même temps (fin de l'année préparatoire), on pourra faire effectuer et poser de petites multiplications et de petites divisions par 2 et par 5, en partant de manipulations concrètes pour passer peu à peu à la règle opératoire dans sa nudité ; et enfin on initiera les enfants au secret de la soustraction avec retenue.

    La pratique de cette dernière opération ne va pas sans quelque difficulté et l'explication en est délicate avec de jeunes enfants. Il nous est arrivé d'entendre de jeunes maîtres ne rien dire qui vaille là-dessus ou se borner à énoncer le mécanisme opératoire sans aucune justification.

    Ce mécanisme peut toutefois se justifier simplement, même devant des enfants assez jeunes.

    Soit, par exemple, la soustraction : 42 - 27. Que signifie cette écriture ? Que j'ai 42 bûchettes et que je veux, de cette collection, en retirer 27. Réalisons d'abord, devant nous, le grand nombre : 42, par 4 dizaines de bûchettes plus 2 bûchettes. Comme pour les opérations déjà connues, considérons d'abord les unités. Je dois enlever 7 unités. Mais, contrairement au cas de la soustraction sans retenue, je ne trouve pas ces 7 unités parmi les unités « hors dizaines » du grand nombre. Je prends donc l'un des 4 paquets de 10 bûchettes, je l'éventre et je mets ces 10 bûchettes, avec les 2 bûchettes isolées. De ce tas de 12 bûchettes, j'en retire 7 et il m'en reste 5. Mais, avant d'aller plus loin, je note bien que j'ai enlevé une dizaine au grand nombre   j'en garde la mémoire, je retiens cette dizaine. Passons à présent aux dizaines : j'enlève 2 paquets de bûchettes et je constate qu'il ne m'en reste qu'une. L'opération faite, il me reste donc 1 dizaine et 5 unités, ou 15. C'est que, des 4 dizaines primitives, j'ai enlevé en tout 3 dizaines : les 2 du petit nombre plus la dizaine de retenue ; de là le mode opératoire...

    Cette explication une fois donnée, avec toute la simplicité et la patience convenables, il n'est point sûr que les enfants soient capables de la reproduire et, par exemple, de l'exposer à leur tour. Du moins garderont-ils le souvenir de l'avoir une fois comprise et la recette de l'opération ne leur apparaîtra plus comme un mystérieux tour de passe-passe.

    Pour lire le reste de l'article :

    1. Après l'écriture, les nombres !

     2. Savoir compter jusqu'à 100

     3. Les cinq premiers nombres

    4. Les  nombres de 6 à 10

    5. Le nombre 10, la dizaine

    6. De 11 à 19, les irrégularités de langage

    7. De 20 à 69, "Trop fass', maîtresse !" 

    ...

    9. Évaluation des acquis


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  • École mixte, couple mixte, méthode mixte...

    Quand j'étais toute petite, je suis allée à l'école maternelle, d'abord à Joinville-le-Pont puis à Saint-Cloud.

    C'étaient des écoles mixtes, c'est-à-dire qu'en classe et dans la cour, nous étions mélangés filles et garçons et que, tous ensemble, nous jouions, bavardions, dessinions, fabriquions (la massue de Mowgli en argile, pour la fête des mamans, un grand moment !), chantions, faisions la ronde et apprenions à écrire, à lire et peut-être à compter, mais ça je ne m'en souviens plus du tout, du tout.
    Ensuite, je suis allée à l'école de filles, à Saint Cloud, puis à Massy, et les garçons étaient dans l'école d'à côté. Nous ne rencontrions jamais, pour aucune activité. Sauf l'année où, au troisième trimestre, une classe supplémentaire a dû être créée. Là, on nous regroupa moitié filles, moitié garçons, dans une salle de classe. Chacun sa rangée. Aux récréations, le rang des filles descendait, par la porte du fond, côté filles vers la cour des filles et celui des garçons faisait de même, mais côté garçons, par la porte près du tableau.
     Cependant, en classe, il ne me semble pas que la maîtresse ne faisait pas participer et étudier seulement les garçons tels jours et seulement les filles tels autres.

    J'ai retrouvé la mixité au collège Blaise Pascal, à Massy, en 1967/1968. Si, pour une année encore, la dernière, il y avait en classe la rangée des filles et celles des garçons, toutes les activités scolaires, sauf l'EPS et les Travaux Manuels, étaient mixtes. Les réflexions des filles enrichissaient celles des garçons et vice-versa.

    On m'a raconté qu'au Haut Moyen-Âge, certains savants européens débattaient pour savoir si l'enfant qui naîtrait de l'union d'un couple mixte, blanc et noir, aurait la peau à rayures ou à damier... 

    Depuis, tout le monde sait que ce n'est pas le cas et que la progéniture issue de la mixité d'un couple est un mélange complet dans lequel l'enfant prend la moitié du capital génétique de chacun des deux parents.

    Tout le monde, oui... Sauf... les auteurs de certaines méthodes qu'ils qualifient pourtant de mixtes.

    Pour eux, la mixité est celle des enfants à damiers ou à rayures des auteurs anciens. À moins que ce ne soit celle des débuts de l'École Publique dans certaines régions et certains villages. 

    C'étaient des lieux où, contrairement à mon école maternelle, et pour faire encore plus fort que dans ma classe de Sixième ou de CM1, sachant que l'école recevrait dans la même salle des enfants des deux sexes, on l'avait bâtie de manière à ce que ceux-ci ne se croisent jamais. Le bâtiment avait deux cours de récréation et deux portes d'entrée, une de chaque côté. Les filles arrivaient dans le bâtiment par l'ouest alors que les garçons faisaient leur entrée en classe côté est, par exemple.

    Dans la salle de classe, une cloison longitudinale plus haute qu'un enfant de douze ans, séparait le côté "filles" du côté "garçons". Elle s'arrêtait au niveau de l'estrade sur laquelle était juché le bureau du maître qui pouvait ainsi enseigner à tout son effectif sans que les éléments féminins et masculins ne se croisent jamais.

    Aux récréations, l'instituteur (ou l'institutrice) gardait les filles en classe pendant qu'il surveillait les garçons par les fenêtres qui donnaient sur leur cour puis il envoyait ces demoiselles prendre l'air de leur côté pendant qu'il récupérait ces messieurs. On peut donc penser que même l'enseignement avait au moins une partie non-mixte...

    Nos auteurs de méthodes dites mixtes ont donc des livres à damiers ou à rayures et de hautes cloisons entre les pages de leurs manuels et fichiers d'exercices de lecture. Il arrive même qu'ils aient deux livres, l'un pour les filles, euh non, pour le code, et l'autre pour "la compréhension"...

    Les derniers que j'ai consultés font, je dois l'avouer, une part beaucoup plus conséquente au code que leurs grands frères des années 1990/2000. En cela, ils ne méritent plus totalement le titre de "méthode idéovisuelle" qui avait accompagné l'arrivée sur le marché de ces manuels censés faire entrer dans la lecture les petits enfants du XXIe siècle.

    Cependant, méritent-ils vraiment de se qualifier de "méthodes mixtes" ? Ou ne devraient-ils pas plutôt garder l'appellation "méthodes intégratives" que M. Goigoux avait inventée lorsqu'à la "voie directe" jusqu'alors seule route possible pour ce type de méthode, les chercheurs avaient jugé bon de rajouter une pincée de "voie indirecte" à leur manuels.

    En effet, si ces pages de code sont bien présentes, et de manière régulière, dans ces méthodes, elles ne semblent pas naître de l'observation et de l'analyse auditive et visuelle des phrases et mots acquis préalablement par voie directe.

    On se sert plus volontiers d'un dessin à observer, d'une comptine à mémoriser oralement, et de la seule analyse auditive pour encourager les élèves à reproduire par écrit ce qu'ils entendent. C'est amusant parce qu'en cela, on se rapproche  plus de ce qu'il est convenu d'appeler une "méthode syllabique" et qui se nomme en fait une méthode "synthétique" que d'une méthode "mixte" ou "analytico-synthétique".

    Comme dans l'introduction d'une nouvelle lettre chez les "vilains-pas-beaux de la syllabique", dans ces pages de code soigneusement parsemées entre les pages intitulées "Lecture", "Découverte et appropriation du texte" ou "Des histoires à lire",  l'enseignant apprend aux élèves à entendre un phonème de la langue française. Ensuite, il enseigne une lettre aux élèves (parfois plusieurs, mais de moins en moins souvent). Enfin il leur apprend ensuite à former des syllabes et des mots grâce aux lettres qu'ils connaissent déjà.

    Hélas, très grosse différence avec les méthodes alphabétiques strictes, cet apprentissage est très peu fourni, ne gagne pas en importance au cours de l'année, s'interrompt tout de suite et ne débouche jamais sur un réel exercice de lecture compréhensive !

    Et le texte de la semaine suivante est à nouveau construit comme le premier autour de la lecture par hypothèses, la découverte de mots nouveaux grâce à des lexiques, ou même dans certains ouvrages, par la lecture du maître qui, jusqu'en fin d'année, est toujours le seul à savoir lire des textes un peu fournis.

    Les enfants évoluent ainsi toute l'année dans deux univers parallèles, sautant de case en case du damier sans que jamais ils ne soient encouragés à abattre la cloison qui sépare très hermétiquement les "deux manières d'identifier les mots", comme disaient les instructions officielles de 2002, la "voie directe", voie privilégiée qui permettrait "l'identification quasi instantanée des mots" et la "voie indirecte", toujours considérée seulement comme un ultime recours, parsemé d'embûches qui plus est.

    Que cette opposition entre voie directe et voie indirecte pose un problème à ses auteurs qui croient qu'on est obligé d'apprendre à lire "couvent" et "couvent", "portions" et "portions", "fils" et "fils" alors que tout élève apprenant à lire avec une méthode alphabétique synthétique ou analytico-synthétique s'en débrouille fort bien du moment où, comme pour tout lecteur vrai, ces mots se trouvent intégrés dans une phrase montre que ces méthodes ne sont pas des méthodes mixtes. [Oserai-je dire que ce sont plus des méthodes d'acculturation orale à l'univers de l'écrit que de réelles méthodes d'apprentissage de l'écriture et de la lecture, comme le sont les méthodes alphabétiques, qu'elles soient synthétiques, comme Bien Lire et Aimer Lire, ou analytico-synthétiques, comme Écrire et Lire au CP ?... ]

    Car les vraies méthodes mixtes, comme les vraies écoles et les vrais couples mixtes, comme les salades mixtes, les commissions mixtes, et tous les trucs et machins mixtes, sont bien sûr composées de plusieurs éléments de différente nature mais elles se servent de plus de la nature des uns et des autres pour construire LA compétence de lecteur des élèves qui les utilisent.

    École mixte, couple mixte, méthode mixte...

    Les deux illustrations de ce texte sont extraites la première des premières pages (leçon 4), la seconde de la dernière leçon (leçon 46) de la méthode Écrire et Lire au CP.

     

     


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  • De 20 à 69, "Trop fass', maîtresse" ! (7)

    Après quelques jours de silence, recommençons à faire parler M. Canac ! Nous l'avions laissé après l'étude des nombres de la deuxième dizaine, et leurs nombreuses irrégularités de langage.

    Nous voici maintenant embarqués sur une mer plus étale, sans risques ni écueils. Nos élèves ont bien intégré le principe des unités de deuxième ordre et savent composer et décomposer les nombres avec talent. Apprendre les mots vingt, trente, quarante, cinquante et soixante ne va leur occasionner aucune difficulté majeure. Tout est affaire de vocabulaire et d'habitude. Le jeu du furet, par deux, par trois, en augmentant ou en diminuant, en partant de 0 ou de 1, va fixer ces mots nouveaux qui, une fois sorti du mot vingt, s'associent facilement euphoniquement avec le nom du nombre de leurs dizaines. Cela devrait donc être simple pour des élèves qui commencent par ailleurs à savoir bien lire.

    Nous remarquerons dans ce paragraphe, très court, qu'Henri Canac profite de cette époque où peu de sollicitations intellectuelles nouvelles perturbent les élèves pour installer les techniques opératoires : addition sans puis avec retenues, soustractions sans retenue. En effet pourquoi différer plus longtemps ce que l'enfant fait déjà depuis un moment avec ses bûchettes.

    N'oublions pas qu'il a appris à additionner et soustraire les unités de deuxième ordre avant même d'aborder les nombres de la deuxième dizaine. Qu'avant cela, il avait étudié le nombre dix jusqu'à n'avoir plus besoin de matériel pour en réciter les diverses décompositions additives. Enfin, lors de l'étude des nombres de la deuxième dizaine, il avait appris à franchir la dizaine. Il est donc fin prêt à aborder les techniques opératoires.

    Remarquons qu'Henri Canac préfère assurer les apprentissages pas à pas et qu'il conseille de procéder d'abord à des additions sans retenue avant d'aborder le cas où l'enfant doit matérialiser le fait qu'il a franchi une dizaine.

    Je me permets d'ajouter parce que cela n'est pas rappelé que, lors de l'étude des nombres de 1 à 5, Canac conseillait d'ajouter aux petites opérations abstraites sur les [5 premiers] nombres (additions et soustractions) des problèmes oraux où réapparaissent, avec les lapins, carottes et sucres d'orge, la vie et la variété, mais un moment où la notion des nombres étudiés, indissolublement liée avec des schémas géométriques simples, ne peut plus être obscurcie dans la pensée de l'enfant par la profusion du concret .

    Il me semble que ceci est forcément toujours valable et qu'aux exercices abstraits sur l'addition et la soustraction (puisque Canac n'introduit la multiplication et la division que dans le paragraphe suivant), il convient de continuer ces problèmes oraux et peut-être même de profiter des capacités de lecteurs des élèves de CP en cours de deuxième trimestre de l'année scolaire pour les proposer sous une forme écrite.

    Le texte est court, le voici :

    Lorsque les 20 premiers nombres sont bien connus et les tables d'addition assimilées le moment vient d'aller décidément de l'avant. La formation des nombres de 20 à 29 est des plus simples, la seule irrégularité (vingt et un) est de l'ordre du langage usuel et n'est pas même sentie par les enfants. Les nombres des 4 dizaines suivantes peuvent de même être acquis au pas de charge puisqu'il ne reste qu'à faire apprendre les noms des dizaines (trente, quarante ...).

    On peut donc très rapidement se donner du champ jusqu'à 69, ce qui ne peut qu'agréer aux enfants, récompensés par ce progrès rapide de la patiente étude des 20 premiers nombres. Sur ce vaste parcours, on peut alors multiplier les exercices : additions et soustractions orales (compter de 2 en 2, de 3 en 3... en partant de 0, en partant de 1 ; mêmes opérations conduites à rebours) ; additions écrites, sans retenue, puis avec retenue ; soustractions sans retenue...

    Pour lire le reste de l'article :

    1. Après l'écriture, les nombres !

    2. Savoir compter jusqu'à 100

    3. Les cinq premiers nombres

    4. Les  nombres de 6 à 10

    5. Le nombre 10, la dizaine

    6. De 11 à 19, les irrégularités de langage

    ...

    8. Où l'on voit bien que 30 > 24

    9. Évaluation des acquis


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