• Minute de silence

    MInute de silence Merci à Jack Koch pour son illustration.

    Et si le plus bel hommage à rendre aux victimes de cette barbarie, c'était de leur montrer que les petits enfants vivent en sécurité, loin de la rumeur effrayante du monde ?
    Dans ma classe, je répondrai aux éventuelles questions et puis, vite, bien vite, je laisserai mes petits, trop petits Duduches jouer dans la cour des p'tits, loin, bien loin du monde des adultes et de ses atrocités.

    Ni minute de silence,
    ni "dessin en la mémoire de"...
    Laissons en paix les petits enfants.


  • Commentaires

    1
    Jeudi 8 Janvier 2015 à 19:08

    Mes élèves ont été privés de récréation cet après midi car notre école était trop proche des lieux de la traque des criminels assassins. Mais à part ça, ils ont pu vivre une journée d'école normale avec ses joies et ses peines normales.

    Leur innocence et leur envie de vivre m'ont bien aidé à passer cette journée de deuil.  Ce fut dur les premières secondes de la matinée mais rapidement grâce à leur "Maitreeeeessse!!!!!" et leur "bonjours, maitresse!" matinaux, la vie et les rires ont repris leurs droits.

    C'est un des plaisirs de ce métier, avoir en face de soi des êtres, qui sont à fond dans la vie et ses joies et qui ne sont pas encore complètement abîmés par les horreurs du monde.

     

    2
    Jeudi 8 Janvier 2015 à 19:26

    L'école était au bord du monde
    L'école était au bord du tempsAu-dedans, c'était plein de rondes
    Au-dehors, plein de pigeons blancs
                          (Maurice Carême)

    Nos enfants ont pour le moment la chance de pouvoir vivre une enfance heureuse et protégée. Ils accueillent parfois parmi eux des enfants dont la courte histoire comporte déjà des drames atroces, des blessures vives.

    Notre rôle d'adultes est de préserver les premiers et d'apporter aux deuxièmes la lueur d'espoir qui déclenchera chez eux un phénomène de résilience.

    Ce matin, un petit bonhomme, de cinq ans, racontait qu'hier, il est allé au rassemblement commémoratif et qu'il y avait des gens qui pleuraient et d'autres qui parlaient tout doucement dans le micro.
    Et il était tout fier de dire à l'ATSEM que lui, il parlait fort parce que lui, il n'avait même pas peur des gens qui ont des armes et que lui, il les aurait pris et que lui...

    N'aurait-il pas été plus à sa place dans sa chambre ou dans son salon, avec sa caisse à jouets et son imaginaire d'enfant de cinq ans ? Qu'a-t-il construit comme images hier soir, au milieu de ces adultes qui pleuraient ? Quelles défenses s'est-il édifiées pour résister au trouble qui le gagnait ?...

    3
    Jeudi 8 Janvier 2015 à 19:33

    Mon ATSEM n'a pas réussi à empêcher son fils (dans ma classe) de 4 ans de voir les images du policier qui est achevé par un des deux terroristes. Il lui a ditun truc du genre:  "Maman, quand je serai grand, je serai policier et crois moi ça ne se passera pas comme ça. Moi, je te protégerai maman." Imaginer le petit Yanis, dissipé à la maison mais tellement adorable en classe et élève parfait, tenir ces propos m'a fait beaucoup de bien. Cela ne fait pas disparaitre l'horreur et la douleur de ce drame mais cela me redonne de l'espoir. MÊME PAS PEUR!!!

     

    4
    françoise svel
    Jeudi 8 Janvier 2015 à 23:24

    Je n'aurais pas aimé que l'un de mes fils me dise ça... Je crois que je lui aurais dit qu'il faut avoir peur des armes, au contraire! Et s'en servir le moins possible...

    5
    françoise svel
    Jeudi 8 Janvier 2015 à 23:32

    " C'est un des plaisirs de ce métier, avoir en face de soi des êtres, qui sont à fond dans la vie et ses joies et qui ne sont pas encore complètement abîmés par les horreurs du monde."

    Sur ce point je suis parfaitement d'accord avec vous, alors protégeons-les et ne leur imposons pas brutalement nos haines et nos horreurs d'adulte...laissons-leur un peu de temps. Le choc risquerait d'être trop brutal si nous les mettons sauvagement devant une telle réalité qu'ils n'ont pas la possibilité d'appréhender avec leurs propres moyens.

    6
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 06:21

    Françoise, je comprends et partage votre réaction face aux armes. Ce qui m'a touché, c'est qu'un si petit bonhomme ne cède pas à la peur qui commençait à m'envahir.

    7
    Normandyx
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 07:37

    Je ne sais pas où et comment vivent ceux qui ont pu ne pas en parler, la première heure du jeudi matin est chez nous l'heure d'un quoi de neuf, pas besoin de dire que vu l'heure de l'évènement et le mercredi après midi libre devant la télé pour certains, l'évènement ne pouvait que les avoir marqué, d'autant que des images choquantes ont été relayées au début par les médias tout info. Comme en plus certains parents ne se sont pas retenus de déverser des propos sans nuance, il fallait bien remettre les choses en ordre, ne serait-ce que parce que nous avons aussi des enfants dont les parents sont musulmans et qu'il faut bien que mes élèves ne fassent pas d'amalgame et que ces conflits d'adultes ne débarquent pas dans la classe et dans l'école et si possible que ces enfants ne s'y jettent pas en grandissant.

    Nous avons l'exemple proche de Maxime,un jeune normand français "de souche" (comme disent les imbéciles) converti,  aujourd'hui parti faire le jihad et reconnu sur les vidéos de décapitation de l'otage américain et d'une dizaine d'otages syriens.  Et comme le disaient encore récemment ses proches qui s'étonnent, "on ne comprend pas, il ne s'intéressait absolument pas à l'actualité", peut être que c'est aussi une partie du problème.

    Alors, hier, conformément aux instructions ministérielles et de l'IEN, nous avons fait juste avant de sortir pour la cantine, une "minute de repos" comme l'a dit une élève, elle devait faire dans les 30 secondes, mais c'est l'intention qui compte.

    Pour moi, le job est fait, j'ai laissé les élèves s'exprimer et poser leurs questions, j'espère avoir désamorcé les haines qui risquaient d'arriver dans la classe, aux parents qui me solliciteraient une fois de plus, je conseillerais de lire avec leurs enfants les éditions gratuites de Mon Quotidien et Le petit Quotidien, parce qu'aujourd'hui, dans la plupart des familles, l'actualité arrive directement à table entre la poire et le fromage avec son cortège d'horreurs, et que parfois les adultes ne mesurent pas plus la portée des images d'actualité que de leurs propos excessifs tenus sous le coup de l'émotion.

    http://www.playbacpresse.fr/documents/charlie/lpq_charlie.pdf

    http://www.playbacpresse.fr/documents/charlie/mq_charlie.pdf

     

    8
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 08:00

    Ceci dit, rien ne dit que je n'en parlerai pas un jour... Je préfère attendre que la situation soit moins "à fleur de peau" et que les enfants apprennent à raisonner non sur des sentiments exacerbés et dans la violence de l'immédiateté mais avec la réflexion et le calme rendus possible par l'éloignement dans le temps.

    Là, ce ne seront plus "le dessinateur que j'ai vu à RécréA2", le "chroniqueur économique à la pensée qui me convenait", le "monsieur qui faisait des BD que papa et maman rangeaient dans les rayons du haut de la bibliothèque", et ainsi de suite,  mais des êtres humains semblables à tous ceux que les extrémismes, religieux,  politiques et "économiques", éliminent injustement sur Terre chaque jour.
    Peut-être qu'ainsi la réaction dépassera l'horreur épidermique et se transformera en un tout petit début (ils sont jeunes) de conscience profonde et de tabou majeur.

    9
    françoise svel
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 21:28

    Les enfants n'ont pas peur... ils sont encore inconscients ! C'est comme les "magnifiques" gymnastes de 10 ans des anciens pays de l'Est... Ils veulent tous être Tarzan ou le héros du moment.. Mais l'adulte est là pour les protéger, pour les amener petit à petit à prendre conscience du danger , graduellement, chacun à son rythme, y compris celui de l'adulte et du recul nécessaire face à un évènement qui nous fragilise nous aussi. Moi, j'avoue avoir besoin d'y réfléchir avant d'en parler, pas vous?

    PS: J'aime bien la "minute de repos"!!!

    10
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 21:39

    Certains enfants ne sont au contraire que peur et ne tentent rien tout seuls car ils voient du danger partout. Danger d'échouer, danger d'être repoussés et même danger de ne pas être au-dessus des autres, pour certains de nos petits "je sais tout faire tout seul" et "je ne sais pas demander de l'aide".

    Ceux-là, il faut leur apprendre que risquer une patte hors du nid n'est pas forcément dangereux.
    Pas facile en ce moment...

    11
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 21:39

    "Les enfants n'ont pas peur... ils sont encore inconscients !"

    C'est très vrai. Je regrette d'avoir perdu cette innocence, même si bien sûr, il vaut mieux être conscient de ce qui se passe plutôt que d'être inconscient.

    Consciente, je suis fracassée ce soir par tout le stress qui peut enfin sortir (je n'ai plus l'obligation de faire semblant que tout va bien. Je peux ouvrir les soupapes et laisser sortir la pression).

     

    "Mais l'adulte est là pour les protéger, pour les amener petit à petit à prendre conscience du danger , graduellement, chacun à son rythme, y compris celui de l'adulte et du recul nécessaire face à un évènement qui nous fragilise nous aussi. Moi, j'avoue avoir besoin d'y réfléchir avant d'en parler, pas vous?"

    Gros besoin d'y réfléchir, oui mais aussi de parler avec des gens de bonne compagnie. J'en peux plus de me taire pour ne pas affoler les élèves et les parents d'élèves. Mon mari n'est pas causeur. Il a fallu que les terroristes circulent à moins de 50 km de mon école pour qu'il ait le courage de m'appeler à l'école pour vérifier que j'allais bien... Là, j'ai envie d'aller me coucher pour "oublier" (j'ai la chance d'être hypersomniaque) mais j'ai aussi besoin de vous parler/écrire, de vous entendre/lire. ;)

     

    PS: j'adore l'expression "minute de repos", magie des mots d'enfant! Finalement, j'aurai bien aimé faire une "minute de repos" dans ma classe, j'aurai bien aimer partager avec mes élèves un moment de communion silencieuse...

    12
    françoise svel
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 21:58

    On est bien d'accord, tout est question de dosage! Mettre une patte hors du nid ou ne pas se jeter la tête la première dans l'angoisse du moment, c'est la même chose... le temps nécessaire à l'apprentissage et à la découverte du monde. Mais je sais que c'est beaucoup demander aux adultes que d'arriver à prendre ce recul, cette mesure, surtout quand les "ordres" de l'IEN et de l'administration sont aussi stupidement directifs!!!

    13
    françoise svel
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 22:01

    "mais j'ai aussi besoin de vous parler/écrire, de vous entendre/lire. ;)"

    On en est tous un peu là, et c'est bien, non?

    14
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 22:06

    "je sais que c'est beaucoup demander aux adultes que d'arriver à prendre ce recul, cette mesure, surtout quand les "ordres" de l'IEN et de l'administration sont aussi stupidement directifs!!!"

    Ministère et circonscription qui nous demandent d'être des super-profs mais nous enlève tout (pause du mercredi, collègues du RASED, véritable formation continue) ce qui pourrait nous permettre de nous former pour affronter ce genre d'événement dans nos classes. Avec la semaine des 5 matinées et des 3 après midi, je n'ai pas le temps de me reposer et de me former au calme. :(

    15
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 22:07

    Réaction d'une petite fille de sept ans et demi, ce midi, en entendant parler de la prise d'otages : "Quoi ? Encore ? Mais ils nous en ont déjà parlé hier à l'école !"
    Quand je vous disais qu'on les endurcit inutilement...

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    16
    Vendredi 9 Janvier 2015 à 22:21

    C'est vrai quoi, "ils" nous fatiguent avec leurs prises d'otage quotidiennes... ils ne pourraient pas trouver des occupations plus sympas???

    (à prendre au 10e degré clown  )

    17
    Normandyx
    Mardi 13 Janvier 2015 à 12:55

    Au vu des incidents dont se sont faits l'écho des enseignants de CM2 lors de cette minute de silence, je vais finir par penser qu'elle était nécessaire et qu'il faudra mettre dans la formation des maîtres la conduite de classe et la gestion des conflits.

    18
    Mardi 13 Janvier 2015 à 18:41

    Sans doute...

    J'aurais plutôt tendance à penser qu'il aurait mieux valu pour ces enfants-là, déjà habitués à réagir comme des perroquets, leur raconter ou leur faire lire une histoire, un conte dont le héros se serait trouvé confronté à l'intolérance de personnes qui préféraient utiliser la force brutale, la censure qu'ils espéraient définitive et l'éradication des étrangers à leur communauté.

    En les laissant dialoguer autour de ce conte, forcément lointain, forcément hors d'âge, il me semble qu'on aurait plus facilement établi une part de raison, de réflexion, d'empathie, là où, au contraire, l'injonction d'adhérer à des valeurs qu'ils croient étrangères à leur communauté  les a fait réagir comme des p'tits cons.

    Mais je peux me tromper.

    19
    françoise svel
    Mardi 13 Janvier 2015 à 21:31

    Je ne pense pas que tu te trompes!!!

    N'y aura-t-il pas toujours de nouveaux conflits auxquels on n'aura pas été "préparés"? Il y a des évènements que l'on n'apprend pas à gérer... et pourtant tous ceux qui ont caché, sauvé des enfants pendant la guerre, sans avoir été formés pour cette "conduite" n'ont-ils pas eu la bonne réaction?

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