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Des fondamentaux, mais lesquels ?
Animation pédagogique... Avant de commencer, nous nous promenons dans l'école... Classe des Petits et Moyens... Classe de ... ? Mince alors ! Petits et Moyens !
Pas un dessin d'enfants aux murs ! Pas une œuvre de pâte à modeler exposée ! Des coins de jeux quand même, mais sommaires. Des jouets, des jeux, de la peinture, mais sur les étagères, pas vraiment à portée d'enfants...
Un tableau noir, enfin, vert foncé... Couvert d'écrits, comme il se doit ! La file numérique jusqu'à 31, la date, la liste des présents et des absents, les règles de vie, les consignes (j'entoure, je découpe, je colle, je relie...), le tableau des compétences, etc. Comme d'hab', quoi...
Et puis là, à gauche, le thème de la semaine : la pomme. Euh pardon, LA POMME ! Une jolie pomme coupée en deux et un trognon, en noir et blanc, dessinés par la maîtresse. Légendés, les dessins. TROGNON, POMME, PÉPINS, QUEUE...
Sur une table, tout près, les feuilles de l'exercice réalisé par les élèves... de MS, osé-je espérer. Le même dessin, photocopié. En noir et blanc. Et, complété par les mêmes étiquettes, placées au même endroit : TROGNON, POMME, PÉPINS, QUEUE... Tout juste ! Chez tous les élèves.
Bien entendu, ils n'ont pas lu, au sens où nous l'entendons, nous. Ils ont autoconstruit une procédure leur permettant de recopier l'exemple donné par la maîtresse sans se tromper. Les étiquettes auraient été écrites en turc ou en javanais qu'ils y seraient aussi arrivés. J'ose même espérer qu'un adulte était derrière eux, à leur simplifier la tâche de ses conseils et qu'ils ont pu ensuite, vite, vite, aller jouer au coin-dînette et faire semblant de couper des fruits factices et de se les partager entre potes dans les petites assiettes en plastique !Rassurez-vous : je vous assure qu'ils n'ont pas plus lu que chaque matin ils ne lisent, au sens qu'un adulte donne à ce verbe. Les noms des jours et du mois, les consignes qu'ils doivent peut-être repérer seuls sur leurs fiches d'exercices, tout cela, c'est du javanais. Changez-les de place, de couleur, et ils ne les reconnaîtront plus. Attribuez-leur une autre valeur (tu vois mon lapin, là, POMME, ça veut dire baignoire, tu te souviendras ? Baignoire !), ils vous croiront sur parole ! Puisqu'ils ne savent pas lire...
Ailleurs encore, des peintures sèchent. Ouiiiiii ! De la peinture ! Chouette !
Calmez votre joie. Les petits bouts ont bien peint... mais quatre petites pommes dessinées par la maîtresse et barbouillées, en dépassant, la première de jaune, la deuxième de rouge, la troisième de vert et la dernière de bleu.
À côté, le travail fini... Ouh que c'est zouli ! Un petit livret de 4 pages reliées, sans doute par l'ATSEM, aux feuillets découpés en forme de pomme. Super, on ne verra pas que nos apprentis peintres en bâtiment ont fait baver leurs pinceaux en dehors de l'espace à colorier !Sur chaque pomme, on a collé une étiquette : une pomme JAUNE, une pomme ROUGE, une pomme VERTE, une pomme BLEUE. Eh zut ! C'est reparti... Demain, ils vont encore coller des étiquettes en copiant le modèle !
Encore une classe maternelle où on considère que les objectifs fondamentaux sont les mêmes qu'en élémentaire (du pauvre) : lire, écrire, compter !
Et, comme c'est vraiment difficile pour un petit bout de trois ou quatre ans, on se contente de la partie la plus visible de l'iceberg mais aussi la plus éloignée de l'acte réel de lire ou d'écrire : je te donne un modèle et je te le fais recopier servilement en te simplifiant la tâche au maximum.
Le premier travail, il y a bien des chances que cela ait donné : " Regarde... Tu cherches POMME. Regarde bien le modèle. Fais attention, tu es sûr que c'est celui-là ? [Ton désapprobateur pour l'enfant qui, au mieux, pioche le mot PÉPINS et au pire, pique au hasard l'une des deux autres] Ah voilà ! Oui ! Où vas-tu le coller ? Regarde bien le modèle. Voilà, ici... Colle vite avant d'oublier. Là..."
"Bon, et alors, allez-vous me dire. Rien que de très classique... Il suffit de lire l'ordre dans lequel sont donnés les domaines dans les BO des Programmes (2002 et 2008, puisque nous savons très bien que les collègues, pour la plupart, et leur hiérarchie aussi, sont restés à 2002 et n'ont jamais lu 2008) : 1) Langage oral ; 2) Langage écrit ; 3) Le reste, mais on n'a pas toujours le temps...
L'objectif central de l'école maternelle est l'acquisition de la capacité de faire semblant de savoir lire. Voilà, voilà... Ton histoire, elle est rigolote mais on la connaissait déjà."
Attendez ! Je n'ai pas fini.... Après, il y a eu la pause. Et la collègue amoureuse des trognons de pomme bleue (pour le côté imagination... c'était la p'tite touche créative de l'activité !) cause avec les copines.
Elle cause et se plaint. Elle a deux élèves de CE1 en APC de lecture à voix haute. Le collègue qui leur a imposé cet atelier est fou ! Ils savent lire, ces petits, enfin ! Ils ânonnent à peine ! Elle connaît des CM1 qui lisent moins bien que cela et qui s'en sortent... Ce collègue est malade, bien trop exigeant ! Elle est sûre que les gosses sont traumatisés par cette exigence... Ils n'ont plus le temps de jouer, les pauvres !D'ailleurs, en parlant de CM1... La collègue de CM1 est une véritable tortionnaire, elle aussi. Figurez-vous qu'hier, elle lui a envoyé un élève récalcitrant qui refusait d'écrire. Elle partait en sport et le gamin n'avait toujours pas fini ses trois exercices de maths commencés une heure et demie plus tôt... Notre amie des lettres ne s'était pas gênée pour le lui dire (peut-être même devant le gamin ) : s'il avait su faire à l'oral, pourquoi l'obliger à réaliser une trace écrite ?
"Les collègues d'élémentaire sont trop fermés et trop à cheval sur leurs principes ! C'est scandaleux" disait-elle à haute voix.
Eh ! Oh ! Eh ! Oh ! Les Petits et les Moyens passent leur journée à faire semblant d'écrire et de lire et, trois à cinq années plus tard, il faudrait que cela ne soit toujours pas plus efficace ?
Mais c'est quoi ce monde où les petits de quatre ans doivent coûte que coûte reproduire le plus exactement possible un modèle sans aucun intérêt pratique pour eux puisqu'une fois seuls avec leur feuille, aucun d'entre eux ne pourra retrouver le mot "trognon" qu'il a oublié, simplement parce qu'il pourra le lire sur la feuille ?
Mais c'est quoi ce monde où, au contraire, un enfant de sept ans ne doit pas être encouragé à mieux lire parce que ce qu'il sait faire suffit bien ? Mais c'est quoi ce monde où un tout petit doit coller des mots pour coller des mots alors qu'un élève de CM1 n'a pas à se contraindre à passer à l'écrit, même si ça l'ennuie, pauv' petit biquet ?Pourquoi cette maternelle obsédée par des apprentissages fondamentaux dignes d'une salle d'asile de 1850 débouche-t-elle sur une école élémentaire où l'on n'exige rien, où l'on ne fixe rien, où l'on admet et excuse tous les prétextes ?
Pouquoi survaloriser l'inutile, l'inaccessible, l'indescriptible et l'indécodable et considérer comme superflu l'acquisition utile, accessible et descriptible d'un code commun reproductible à l'infini ?
Je ne sais pas...
Ah ! Dernière petite chose... Une broutille... Les enfants de la collègue, ils sont au collège, avec une année d'avance, en section européenne ! Cherchez l'erreur !
Tags : maternelle, lire, college, petits
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Commentaires
1PhiMercredi 20 Novembre 2013 à 16:20Répondre2SapotilleMercredi 20 Novembre 2013 à 16:58Je connais une petite MS qui m'avait expliqué très doctement :" Tu comprends, si on ne sait pas lire, on ne peut pas coller les étiquettes !
Alors il faut beaucoup réfléchir !"
Et elle se débrouillait avec les lettres affichées au mur pour les GS.
Oui, ceux-là sont les plus chanceux. Moi, je me débats depuis un an et deux mois et demi avec un jeune homme arrivé au CP en étant persuadé qu'il savait lire parce qu'il connaissait le nom des lettres de l'alphabet.
Il galère encore pour acquérir, après deux mois et demi de CE1, une toute petite dose de principe de réalité !
Et son copain Loulou, qui avait baissé les bras en MS, ne les a toujours pas relevés ! Il sait lire, lit bien mais ne sait pas qu'il sait lire et qu'il n'a plus besoin de faire semblant de ne pas comprendre pour qu'on lui fiche la paix.
Section européenne, c'est le must ?
(je me renseigne pour me fille à qui j'ai fait faire - quelle horreur- du latin cette année. Ce qui lui bloque la section euro, je crois)
Chez nous, c'est le must. Mais renseigne-toi. Ça dépend du projet pédagogique de l'établissement, ça... Et continue à faire lire tes CE2 non et mal-lecteurs, sinon je m'en voudrai de t'avoir transmis ces informations
6LebagMercredi 20 Novembre 2013 à 17:35Incroyable, j'ai l'impression d'être à nouveau en observations dans les classes l'année dernière....
8coindeparadisMercredi 20 Novembre 2013 à 18:58Dans la classe de mon fils (TPS/PS) : pas de dessins au mur, pas de pâte à modeler, bricolage, patouillage... Des étagères de matériel pédagogique pour les adultes (bien achalandées d'ailleurs), un micro coin poupée et ... c'est tout. Lors de l'accueil on sort le garage, les clippo et un jeu de perles immenses en plastique qui s'emboitent. On apprend à reconnaître son prénom et à tracer les chiffres, mais on ne fait pas de graphisme. On passe une période sur un album. C'est bien triste la maternelle moderne !
9SapotilleMercredi 20 Novembre 2013 à 19:32J'aurais furieusement envie de vous dire quelque chose à propos de la Maternelle ...
Mais je ne le dirai pas ...
A la fin d'un entretien au sujet de l'expérimentation SLECC, un ancien directeur de la DGESCO avait lâché d'une voix couverte : "Pour la maternelle, on s'est planté ..."
Affirmatif, oui vous vous êtes plantés, et grave.
Ils se sont plantés grave, je confirme, mais l'école continue toutefois à offrir une alternative intéressante à la garde d'enfants par la voisine du dessous, qui ne descend jamais de son huitième étage de la tour HLM, la jeune fille au pair pakistanaise qui ne parle pas un mot de français, la télévision, j'en passe et des meilleures.
Tout le monde n'a pas la chance d'habiter à la campagne avec une famille élargie disponible prête à accueillir gratuitement la nichée pendant que les parents partent gagner la pitance familiale.
Sujet clos. Merci.
12françoise svelMercredi 20 Novembre 2013 à 23:0013ArchebocMercredi 20 Novembre 2013 à 23:00Rentrée de septembre 2009 en MS, la maîtresse nous avait expliqué que c'était l'année du graphisme : du dessin, essentiellement, avec l'objectif de savoir faire un bonhomme qui tienne debout. Et puis le début du tracé des lettres.
Un bonhomme qui tienne debout, c'est bien mais c'est peu. Ils peuvent faire bien plus si on les fait dessiner tous les jours et qu'on valorise leurs productions par l'affichage et les commentaires.
Quant aux lettres, je laisserais volontiers cela à la GS où, en un trimestre, tous les élèves acquièrent le sens de l'écriture cursive et développent très vite de bonnes aptitudes.
En MS, en cours d'année, on travaille les gestes : les files de boucles, de ponts, de "pointes", les rotations anti-horaires. On travaille la taille : petit, moyen, grand. En combinant cela en GS, les élèves apprendront à écrire vite et sans peine.
Surtout s'ils ont beaucoup dessiné, modelé, découpé, enfilé, peint, tissé, tressé, etc., en MS et que leurs mains sont habitués aux gestes fins et précis.
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