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CP : Logatomes ? Non merci !
Grand retour sur les logatomes, plus simplement désignés par le terme de pseudomots !
Pour ceux et celles qui seraient passés à côté de ce phénomène de mode, cela consiste, comme disent les élèves, à lire des trucs qui ne veulent rien dire.
Personnellement, je ne les conseille pas.
Il y a suffisamment de mots recherchés dans la langue française pour faire décoder uniquement du signifiant et ce dès le début de l'apprentissage.
En effet, même si je le trouve bizarre et peu propre à engager un enfant à réfléchir sur le sens de ce qu'il lit, je préférerai toujours le célèbre :
Lassé Issa s'assit.
de la méthode Je lis, j'écris aux lunvre, bompro et jorsen de la boîte de jeu québecoise ci-dessus ! Et ce, tout simplement parce que, avec beaucoup d'aide de la part de l'adulte, tout élève de CP peut comprendre qu'un enfant fatigué, répondant au prénom de Issa, dut, dans un temps passé – et non pas parce qu'il « ne causait pas bien la France » – s'asseoir, alors qu'il n'y a rien d'autre à comprendre que lunvre, bompro et jorsen dans le second « énoncé »...
Nous nous battons suffisamment au quotidien pour que les enfants mettent constamment du sens sur ce qu'ils lisent et qu'ils ne nous demandent plus ce qu'ils doivent faire lorsqu'ils ont la consigne écrite sous les yeux.
Ce n'est vraiment pas la peine de les encourager, quotidiennement qui plus est, à faire du bruit avec la bouche !Et j'ajouterai une mention spéciale pour les enfants qui sont issus d'un milieu où on lit peu, où on a peu de vocabulaire, où on est peu habitué à s'interroger sur le cours des événements... Pour eux, l'école manque à tous ces devoirs en les collant devant une télé d'un nouveau genre qui leur débite et leur fait débiter des non-mots et des non-phrases qui ne leur apportent ni lecture, ni vocabulaire, ni recherche de sens !
Donc, au quotidien, dans les classes de CP,
le plus vite possible, on privilégiera les écrits qui font sens : les mots et les phrases et, pour éprouver la capacité à décoder pour comprendre, mais, de temps en temps :
→ on glissera
un réséda
une cane
une praline
un peu de potage
de la gelée de coings
et quelques genêts et giroflées
dont le décodage devra impérativement être suivi du traditionnel : « C'est quoi, maîtreeeeesse ? »
→ et on organisera régulièrement des petits jeux de phrases absurdes ou amusantes qui joueront le même rôle au niveau de l'adressage que ces logatomes sans intérêt :
Lola a mal à une dent,
elle ouvre la douche et crie très fort !
Tu te sèches car tu sors de la bouche.
La guêpe pique avec son bar.
Tu as bu une grenadine au dard.
...
Cependant,
les pseudomots peuvent, je dis bien peuvent, être intéressants dans quelques cas exceptionnels :
→ élève ayant une propension naturelle à "lire les yeux au plafond", comptant plus sur sa logique et sa mémoire que sur ce que ses yeux voient,
→ élève arrivant en cours d'année avec un très gros décalage en décodage avec le reste de la classe.
Donc, à la limite, en début d'apprentissage, sous forme de formules magiques qui donneront une légitimité à ces activités qui, sans cette légitimité, restent de la fausse lecture détournant de l'objectif, mais sans en abuser plus que cela, pourquoi pas ?
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Commentaires
J'entends l'objection. Disons que dans mon esprit, on est en train de travailler la mécanique, on fait ça vite, donc on ne prend pas 10 mn pour expliquer ce qu'est la peau de chagrin, la mission Apollo 11 ou un dépôt d'armes.
Le problème avec les mots inconnus, c'est que ça prend du temps à expliquer, et je me demande toujours si ça a vraiment de l'intérêt totalement hors contexte.
Peut-être que oui, je ne sais pas. Tu as plus d'expérience que moi.
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Samedi 26 Janvier 2019 à 15:03
C'est vraiment personnel. Moi, le temps perdu, je le ressentais quand je faisais lire mouconeau tamiprout apluven aux enfants. Et j'avais l'impression de faire œuvre utile en leur disant en 2 secondes que le réséda était une fleur qui sentait très bon, la reliure, cette feuille de carton qui retenait les pages de leurs livre et un arsenal, un truc ayant un rapport avec les bateaux dont j'allais immédiatement chercher la définition dans mon gros dictionnaire.
Pas pour qu'ils s'en souviennent, mais juste pour qu'ils sachent que la langue française, c'était des milliers et des milliers de mots qu'ils allaient savoir bientôt tous lire, si ce n'est comprendre.
Pour moi, ils faisaient de la mécanique, mais pas à vide...
Ça me fait penser à quelque chose : j'ai démarré dans l'Éducation Nationale bien avant la théorie des compétences. Ne serait-ce pas pour cela que je suis allergique aux compétences travaillées isolément, comme la production d'écrits sans l'orthographe ni même la capacité d'encodage ou la combinatoire sans la compréhension ? Peut-être bien...
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3Katerine CéSamedi 26 Janvier 2019 à 18:38J'allais commenter mais Laurence avait écrit ce que je voulais dire... J'ai voulu nuancer mais Catherine a écrit ce que je voulais dire...
Bref, je suis d'accord avec vous deux-
Samedi 26 Janvier 2019 à 20:00
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Généralement, je passais par les pseudo-mots en début d'apprentissage, rapidement, comme une étape, justement pour éviter toute devinette.
En gros, ça donnait :
- une ligne ou deux de lecture de syllabes
- une ligne de lecture de pseudo-mots (ou syllabes assemblées)
- une ligne, puis rapidement plusieurs, de mots, puis de phrases.
Je trouve que c'est efficace pour obliger les enfants à déchiffrer vraiment, mais je n'aurais pas l'idée d'en faire lire de grandes quantités.
J'ai vraiment l'impression qu'on passe d'un extrême à l'autre constamment. Il n'y a pas moyen de rester dans une zone d'équilibre, où on n'essaye pas de faire lire de la "littérature" à des gamins qui ne déchiffrent rien, mais où on ne les fait pas non plus ânonner des trucs dans le vide pendant des mois ?
Oui, voilà, en début d'apprentissage, pourquoi pas ?...
Ceci dit, faire lire bolso plutôt que salsa, ou soal au lieu de Laos, je ne vois toujours pas l'intérêt. Il y a suffisamment de mots français que les enfants n'ont même jamais entendus pour aller se casser la tête à aligner des syllabes pour ne pas risquer qu'un élève devine qu'on cherche à lui faire lire la reliure, alunir ou encore l'arsenal comme le fait Mme Reichstadt et ses camarades dans les premières pages de Je lis, j'écris.