• Ça tournoie autour d'une moribonde...

    Ça tournoie autour d'une moribonde...
    Merci à l'Icem-pédagogie Freinet pour cette vraie peinture réalisée par un enfant d'école maternelle.

    Aujourd'hui, avant de lire les dernières nouvelles des débats autour du projet de loi École de la Confiance, j'avais plein de choses à faire, plein de chantiers à mettre en route ou continuer, pour la maternelle, l'élémentaire, le multi-niveaux, etc.

    Pour l'École Primaire quoi, cette institution vieille de bientôt 140 ans que certains députés ont découvert tout récemment, et qui est en train de se détricoter à toute allure après des années de patients démaillages, souvent insoupçonnables, parfois même souhaitables mais néanmoins dangereux, du moment où la direction de l'ensemble de l'édifice serait confiée à une bande de démolisseurs assumés.

    J'abandonne donc mes grands et petits projets et prends, à nouveau, mon bâton de pèlerin pour tenter, avec mes pauvres moyens, de la défendre, cette école conçue au départ par la Gueuse pour les gueux et qui avait si bien su, pendant 100 ans, devenir un maillon indispensable de l'Éducation Nationale à la française, rassemblant tous les « moins de six ans » : l'École Maternelle.

    Nous n'allons pas faire le recensement de ces démaillages, de ces accrocs au contrat de départ, de ce dévoiement d'un lieu conçu pour ne pas être une école au sens ordinaire du mot mais un lieu qui forme le passage de la famille à l'école, et qui garde la douceur affectueuse et indulgente de la famille, en même temps qu'elle initie au travail et à la régularité de l'école.

    Les derniers de ces accrocs, tenaces, suffiront : 

    "Quatre amendements 1121, 1156, 1135 et 1123 prévoient une formation commune pour les intervenants de 0 à 6 ans. Cette mesure fait suite à une demande de l'OCDE qui a souligné en 2017 l'absence de culture commune de la petite enfance en France à la différence des autres pays de l'OCDE. L'amendement 1121 précise : "Afin d’acquérir une expertise et une culture communes et dans le cadre de l’accomplissement de leurs fonctions, l’ensemble des professionnels intervenant auprès d’enfants de moins de six ans bénéficient de modules de formation continue communs dans les conditions définies aux articles L. 6111‑1 et L. 6311‑1 du code du travail et peuvent demander à faire valider l’expérience acquise dans les conditions définies aux articles L. 6411‑1 et L. 6422‑1 du même code, en vue de l’obtention d’un diplôme national ou d’un titre professionnel enregistré et classé au niveau III ou au niveau IV du répertoire national des certifications professionnelles. Le contenu de ces modules et les modalités de cette validation sont fixés par décret". Reste en effet à mettre en œuvre ce rapprochement de métier bien différents." (Merci à S. L. qui m'a communiqué ces renseignements)

    Avec l'obligation faite aux communes de permettre l'accueil de tous les enfants de trois ans révolus planent à nouveau, en plus du financement obligatoire de l'école privée par les communes, même si elles disposent d'écoles maternelles publiques en nombre suffisant, les risques de voir refuser les « 2 ans » dont les parents font une demande de scolarisation, d'interdire les siestes à la maison sous prétexte de « manquement caractérisé à l'obligation scolaire » et autres joyeusetés du même genre.

    Un petit coup de Montessori obligatoire, un autre de livre orange pour la Grande Section et voilà le spectre d'une école uniformisée, organisée en modules d'acquisition de compétences gérés de A à Z par des « outils d'entraînement » atomisant le groupe-classe en petits groupes d'individus de même profil, au mépris de l'effet-groupe et de ses atouts, allant jusqu'à prévoir à la minute près l'organisation du temps scolaire (rappelez-vous les 10 minutes consacrées par C. Alvarez à chacun de ses élèves successivement, pour qu'ils acquièrent le déchiffrage automatisé le plus tôt possible), à conseiller le rabâchage ad libitum sans varier d'un millimètre la présentation de la notion et enfin, parce que sans cela, on ne serait pas dans le cassage complet des souhaits des fondateurs, en testant, testant et testant à nouveau, sans arrêt, pour chercher à savoir si la compétence est acquise avant d'aborder la suivante.

    Ça tournoie autour d'une moribonde...

    Le contraire de l'École Maternelle chaleureuse, douce et affectueuse, qui initie les petits enfants sans même qu'ils s'en rendent compte au travail et à la régularité de l'école...

    Et pourtant, je vous assure qu'elle est cohérente, cette école maternelle-là, et qu'elle amène largement aussi bien aux savoirs fondamentaux que la monstruosité sans âme qui, en plus de tout ce que nous venons d'évoquer, parle de regrouper dans des « fermes aux mille gosses », les EPSF (établissements publics des savoirs fondamentaux), ces tout-petits, parfois contraints de paraphraser chaque jour Du Bellay lorsqu'ils montent  dans un car de transport scolaire : 

    Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
    Fumer la cheminée, et en quelle saison
    Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
    Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

    Elle est cohérente et elle existe. Elle est simple à organiser et elle ne coûte pas plus cher que l'autre, loin de là.

    Elle n'oblige pas à l'achat de matériel coûteux, ne nécessite pas des tonnes de matériaux destinés à produire des œuvres plastiques somptueuses qu'on affichera sur Pinterest pour faire baver d'envie les collègues. Elle évite autant que faire se peut les méthodes toutes faites qui proposent d'amener de l'extérieur tout ce qui est censé s'adapter à tous les enfants.

    Elle préserve l'estime de soi des tout-petits en leur évitant l'évaluation d'apprentissages fondamentaux savants forcément déconnectés de leurs besoins actuels de développement.

    Elle cultive l'autonomie, la créativité, la confiance en soi, la sécurité affective par le jeu, les jouets, l'expression libre (appelée Patouille dans toutes les vraies classes maternelles), mais aussi par les regroupements autour de la vie quotidienne, d'une comptine, d'une image, d'un chant, d'un album, d'un conte, d'une idée ou d'un projet conçu par des enfants, pour des enfants.

    Elle fait la part belle au développement moteur et sensoriel des enfants, favorisant ainsi l'émergence de leurs capacités de reconnaissance sensorielle et de repérage spatial et développant à bas bruit l'émergence de leurs fonctions exécutives (organisation, jugement, abstraction, flexibilité mentale, gestion des émotions, inhibition motrice volontaire, raisonnement, créativité).

    Elle apprend le vivre ensemble et cultive l'éducation morale, l'égalité et la fraternité en favorisant les échanges entre enfants et avec l'adulte et en apportant des éléments culturels qui les aident à enrichir la palette de leur jugement moral.

    Ayant résolument opté pour le collectif, elle multiplie leurs occasions de communiquer par le langage, cultivant ainsi leurs capacités d'expression et de réception.

    Elle éduque pour pouvoir un jour instruire au lieu d'instruire par moments – Ah, ces alphabets serinés que Lola ou Pedro continuent à chantonner sans en maîtriser les paroles absconses ! Ah, ces techniques imposées d'arts plastiques qu'Emma et Enzo appliquent sans rien y comprendre et qui imposent à la maîtresse et à l'ATSEM des heures de découpage et d'agencement appliquées pour rendre les œuvres produites intéressantes (pour l'adulte qui passe...)  – et d'attendre le clash pour enfin éduquer à la vie en collectivité des enfants perdus qui n'y ont jamais trouvé leurs marques.

    Enfin, s'étant dégagée de tout ce qui volait du temps aux enfants pour satisfaire des désirs d'adultes (rentabilité, reconnaissance, exposition, évaluation) et ayant consciencieusement préparé le terrain par la pratique et le langage, elle peut commencer à instruire les plus grands de ses élèves dans le domaine des apprentissages fondamentaux savants et envoie à l'école élémentaire des élèves déjà bien débrouillés en écriture-lecture, en mathématiques et en connaissances sociales.

    Ça tournoie autour d'une moribonde...

    Ce programme, assistée de Sophie Borgnet qui l'a largement illustré, je l'ai expliqué dans un livre qui expose théorie et pratique, cherchant ainsi à être utile à mes collègues.

    Bien qu'il ne colle pas tout à fait avec ces nouvelles bien inquiétantes, il a la volonté de créer autour des enfants, de leurs familles mais aussi de leurs maîtres, grands oubliés de la réforme qui se profile, une véritable école de la confiance. Confiance en leurs capacités, en leur désir de grandir et d'apprendre qui les mènera, à petits pas sans doute mais avec sérénité, vers les savoirs savants que les « grands » détiennent.

    Certains d'entre vous connaissent déjà ce livre, et j'ai eu de nombreux retours de collègues qui l'apprécient. Pour les autres, sachez que, via l'onglet Contact, vous pouvez me le commander directement (23 € prix éditeur + 5,28 € de timbrage), évitant ainsi les frais de port prohibitifs pratiqués par l'éditeur. Je me ferai un plaisir de vous l'envoyer.

    Ça tournoie autour d'une moribonde...


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