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Six ans pour apprendre à lire (suite)
Illustration de Xavier Laroche
Ici les ajouts que me suggèrent les cris d'orfraie effrayée que je lis çà et là de la part de personnes qui, parfois, n'ont même jamais eu de classe entre les pattes du 1er septembre au 30 juin.
1) Le mois et demi de "globale" au début du CP, à l'époque, c'était du "global" à la sauce de la dame qui, dans l'enquête citée par S. Dehaene, a réussi à rendre Ribambelle efficace.
C'est-à-dire un "global" où on essaie constamment que les enfants s'intéressent aux lettres, en mémorisent le son intuitivement et n'écrivent qu'en copiant ce qu'ils ne savent pas composer eux-mêmes.
2) Généralement, les enfants de deux à six ou sept ans s'intéressent fort peu à la date, sauf occasionnellement, lorsqu'un jour futur précis (et proche) est lié pour eux avec un événement précis (et heureux). Même là, ils se débrouillent très bien sans nommer les jours, en comptant les "dodos" par exemple.
C'est sans doute pour cela, plutôt que pour une question de sexe, qu'ils ont tant de mal à mémoriser à quoi correspondent ces suites de lettres qu'on leur impose de désigner chaque matin dans la nouvelle religion (avant, selon ma grand-mère qui est allée "à l'école des sœurs", c'étaient les prières en latin qu'on faisait réciter aux tout-petits avant que l'envie leur soit venue... ou pas... de croire en Dieu et d'éprouver le besoin de le louer dans une langue qu'ils ne parlaient pas eux-mêmes).
Par ailleurs, je vous assure que si c'est bien fait, en GS, une immense majorité des élèves (mâles comme femelles) arrivent justement à retenir cette suite absconse dès lors qu'ils sont arrivés à y prendre des repères alphabétiques. Et certains y arrivent dès la MS. Mais là, cela leur cause souvent plus de déboires que de contentements car, selon le bon principe du "si c'est pas rouge, c'est bleu", ils ont tendance de ne se fixer qu'à un seul repère et d'en faire une règle générale.
Ainsi, un mot commençant par L se lit LUNDI pour peu qu'il soit affiché près de l'endroit où on écrit la date dans la classe alors qu'en revanche, un mot qui commence par l ne peut être LUNDI puisque, dans leur esprit, celui-ci ne peut commencer que par L.Enfin, sauf cas très particulier d'un CP où on continue toute l'année à apprendre par cœur sans aucune mise en relation avec "le code grapho-phonétique", tout cela n'est pas grave.
C'est ennuyeux et inutile. C'est une perte de temps stupide et une promenade du Petit Poucet dans les tréfonds de la forêt sans petits cailloux blancs, mais ce n'est pas un drame irréversible. Je suis sûre que même les spécialistes des neuro-sciences en conviendraient eux aussi.
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Commentaires
Pour le coup du repère, j'ai un autre exemple : à la maternelle du coin, ils font des fêtes où ils invitent sûrement les parents et qui sont probablement l'occasion de faire du "travail sur l'écrit". Résultat des courses : un bon tiers de ma classe, chaque année, pense que tout mot comportant un accent circonflexe est le mot fête, que ça soit forêt, gâteau ou bûche.
J'avais une Victoria qui croyait qu'on parlait d'elle à chaque fois qu'on donnait un mot donnant une information portant sur le vendredi...
Et un Robin qui croyait que je lui avais tout à coup donné un fichier de maths de CE2 sur lequel il y avait écrit Rémi.J'en conclus : le moins d'écrit possible avant cinq ans révolus.
Quand il était petit — 3 ans, à peu près —, mon fils, à la bibliothèque, ne prenait que les ouvrages d'Helen Oxenbury et d'un auteur dont j'ai oublié le nom, O'Brian ou O'Machin. Je pensais qu'il aimait les illustrations. Pas du tout. Il ne prenait que ceux-là, parce que sur la couverture il y avait un gros "O" de Olivier, donc c'était pour lui.
Ce qui m'avait fait longuement hurler d'angoisse, quand je suis arrivée sur les forums d'instits, c'étaient ceux qui, dans les années 2000, disaient en prenant leur classe de CP en septembre : "Mais je ne peux rien leur faire faire, ils ne savent pas lire !"
J'ai commencé mais pas du tout fini une page Catherine Huby sur le blog Apprendre à lire. Je la poursuivrai demain.
Il faut que je transfère la page C. Huby d'école:références par exemple.
Si tu as des modifs, idées, ... qui peuvent m'aider, je veux bien.
Je vais essayer de suivre le train des nouveautés et de mettre à jour cette page. Mais tu peux aussi poster un lien renvoyant à un nouvel article touchant à la lecture ou à l'écriture dans les commentaires.
Et sinon bonne fin d'année 2013 !
C'est gentil, Spino, mais je préférerais que mes écrits restent dans leur contexte, vois-tu...
9cathmicLundi 6 Janvier 2014 à 16:19A propos des étiquettes prénoms : je me souviens de mes neveux, considérés en échec parce qu'ils n'arrivaient pas à "lire" les prénoms de toute la classe, alors que eux, ils savaient que la lecture est un peu plus compliquée que O = Olivier, R = Robin, ... !
Oui, cela peut en effet être le problème, surtout en MS. Des élèves plus avancés que les autres et qui bloquent en se disant que c'est forcément plus compliqué que cela et d'autres qui partent sur ce que j'appelle les "fausses-pistes"... Je me fais moins de souci pour les premiers qui retrouveront très vite leur joie de vivre et leur envie d'apprendre dès qu'ils apprendront que si O-l-i-v-i-e-r se lit "Olivier", c'est parce qu'il est composé de la lettre O seule qui fait le "son" [o], puis des lettres L et I qui se lisent [li] et ainsi de suite jusqu'à "ER" qui se lit "ééé"...
L'immense majorité est juste effleurée par ce genre de considération et reconnaît Robin de Rebecca à son "petit point qui vole juste avant le pont" et Olivier de Océane à la "grande barre debout juste après le gros rond"... Quand ce n'est pas à la corne sur le coin de l'étiquette ou au petit défaut de l'imprimante qui a laissé un peu de vide dans la troisième lettre du prénom...
En PS et MS, c'est juste un peu de temps perdu, surtout quand les exercices se multiplient, en GS, c'est dommage parce qu'ils auraient beaucoup mieux à faire et au CP, c'est vraiment ennuyeux parce que ce n'est pas avec cela qu'ils apprendront à lire.
Tiens, je vais aller mettre le Jeu du Facteur dans la rubrique Matériel. C'est simple, peu chronophage et on peut très bien s'en servir pour décontracter Robin et Olivier et les conforter dans leur envie d'aller plus loin et de comprendre mieux.
11CyriaqueVendredi 5 Septembre 2014 à 15:23Il me semble, mais je peux me tromper, que dans ma classe de PS (école en milieu très défavorisé), mes élèves repéraient bien le O de Olivier dans d'autres mots mais n'en déduisaient pas qu'il s'agissait d'Olivier pour autant, ils reconnaissaient juste que c'était un O... Le O de Olivier.
En plus, j'insistais en disant oui, c'est le O de OOOOOOOOOOOOlivier (ok, pour Oussama, je disais que quand le O donne la main au U, on n'entend plus O mais OU et qu'ils apprendraient ça plus tard; mais en général, la plupart des lettres pouvaient se rattacher à un prénom de la classe où on l'entendait bien, pour les autres, on expliquait que c'était différent quand certaines lettres se donnaient la main et qu'ils l'apprendraient plus tard...)
Je ne suis plus du tout sûre que c'était une si bonne idée, maintenant, j'ai besoin de réfléchir, mais sans doute que comme pour la plupart des activités, une activité est surtout ce que l'on en fait et que rien n'est tout noir ni tout blanc, mais je suis avide de faire progresser mes idées sur la question, alors merci pour ce blog si riche qui semble être avant tout un lieu de partage !
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La question pour l'apprentissage de la lecture me semble être celle du pilote dans l'avion : s'il y a des détours, ce n'est pas grave, s'il y a du temps perdu, ça n'est pas grave, mais si l'enseignant ne sait pas du tout où on va, parce qu'il attend que les élèves fassent des remarques et s'approprient les choses de leur propre initiative, c'est grave.
Je pense que l'apprentissage de quoi que ce soit (lecture, écriture...) à partir du prénom est une erreur, car le prénom est beaucoup, beaucoup trop chargé d'affect.
Je me souviens bien de mes MS qui me disaient en regardant leur étiquette : "Ya écrit moi".