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Égalité des chances ?
Vous croyez qu'un enfant résidant en France peut compter sur une « égalité des chances » en tous points du territoire ?
Vous croyez que votre pays a signé la Convention des droits de l'enfant et fait tout pour en respecter tous les articles et particulièrement ceux qui disent qu'un enfant a :
⊕ le droit d’être soigné, protégé des maladies
⊕ le droit d’aller à l’école
⊕ le droit d’être protégé de la violence,
⊕ le droit d’être protégé contre toutes formes de discrimination,
⊕ le droit d’avoir un refuge, d’être secouru, et d’avoir des conditions de vie décentes⊕ le droit de jouer et d’avoir des loisirs ?
Alors, lisez ce témoignage d'une collègue professeur des écoles remplaçante, dans une des plus grandes villes de France :
« Aujourd'hui, pour me rendre sur mon lieu de travail, j'ai dû expliquer le concept d'école de rattachement à un guetteur.
Une fois le barrage franchi, j'ai découvert que le directeur était en burn-out, ce qui était prévisible : les "commerçants" ont installé le "drive" sur les marches de l'école, le personnel municipal est tellement en sous-effectif que le ménage n'a pas été fait depuis le 12 juin et hier, ils ont envoyé toute l'équipe en formation et il manquait 6 remplaçants...
Comme la collègue d'Ulis* était en ESS*, j'ai pris sa classe, une classe incroyablement difficile. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une enseignante spécialisée, c'est juste une débutante qui n'a trouvé que ce poste.
Quand je lui ai refilé sa classe ce midi, je lui ai demandé si les ESS avaient été bonnes, elle m'a répondu qu'elle s'était surtout fait attaquer par tous les intervenants.
Ah oui, sinon, je ne sais pas pourquoi ça sort cette année, mais on découvre que s'il y a autant de déficients intellectuels dans cette école, c'est à cause du saturnisme. Sinon, le drive a fait beaucoup de bruit.
Avant, j'avais peur des confinements, maintenant, j'ai vraiment peur de me prendre une balle. »
Notes : Ulis : Unité Localisée pour l'Inclusion Scolaire ESS : Équipe de Suivi de Scolarisation
Enfant et adolescente, j'ai vécu dans une de ces cités poussées dans les années 1960 à la périphérie des grandes villes, coincées entre des bidonvilles qui accueillaient toute la misère du monde. Ce n'était pas encore l'égalité mais on pouvait au moins compter sur l'école et les services municipaux pour aider au respect des droits fondamentaux des enfants.
Pendant ces dix années, j'ai vu disparaître les bidonvilles, remplacer le CEG par un CES qui accueillait à égalité les enfants de pauvres et ceux des plus riches, fleurir les crèches, les écoles, les conservatoires de musique, les bibliothèques, les piscines, les stades et les gymnases.
Les services sociaux recevaient les familles, octroyaient de l'aide, emmenaient les enfants en vacances, faisaient de l'alphabétisation, organisaient des centres de loisirs...Et maintenant, 50 ans plus tard, où en sommes-nous ?
Nous voilà précipités dans Germinal ou l'Assommoir, à la fin du XIXe siècle alors que le capitalisme sauvage précipitait dans la pauvreté et la misère des millions d’êtres humains en les privant des sécurités permettant aux familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir des droits fondamentaux !
Ces enfants-là, victimes de saturnisme, perdus au milieu d'adultes qui, malgré toute leur bonne volonté et privés de toute aide institutionnelle, ne peuvent assurer correctement leurs fonctions, ce sont Nana et Louis, les enfants de Gervaise, Lalie, leur petite voisine qui meurt sous les coups de son père alcoolique, Jeanlin Maheu qui trouve dans la délinquance la seule façon de garder son estime de soi, ses frères et sœurs, souffreteux parce que mal nourris et mal entourés, mourant de faim et d'indifférence.
J'ai honte...
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Commentaires
Quelle tristesse ...
Oui...