• Ê bô, a fait Koyett' à Mamine !

    Ê bô, a fait Koyett' à Mamine
    Réalisation plastique, école du Loup qui Crée, TPS/PS... Tuto sur demande.

    C'est l'histoire d'une toute petite fille. Elle s'appelle Camille, elle a eu deux ans le 3 décembre. Ses parents, appartenant à la catégorie des parents branchés de l'époque, l'ont inscrite à l'école maternelle, pour optimiser ses chances de réussite, la confronter à la diversité sociale, lui offrir l'occasion de multiplier les expériences dans un milieu riche et aidant.

    Sa classe est une classe de TPS/PS/MS d'une vingtaine d'enfants. L'Atsem s'appelle Colette et Camille l'aime énormément. Elle l'aime tellement qu'elle a même rebaptisé son doudou « Bébé Koyett' », c'est vous dire si ce personnage est très vite devenu central dans sa vie.

    Pourtant, comme elles habitent loin, Camille et Bébé Koyett' ne viennent qu'un jour sur deux, voir la vraie Koyett', alternant journées chez la nourrice et journées à l'école, avec cantine à midi et sieste en collectivité.

    En décembre, elle a rapporté à la maison un joli petit sapin couvert de neige blanche sur son socle de carton ondulé. Sa maman, elle-même enseignante dans l'école, a reçu le cadeau avec un grand sourire, a bien remercié sa collègue et Colette, tout en précisant cependant que, sa fille étant toute petite, et sa mère « de la partie », ce n'était pas la peine qu'elles prennent la peine de prévoir un « objet de Noël » pour elle.

    Maîtresse et Atsem se sont récriées, elles l'avaient très peu aidée et l'enfant avait quasiment tout fait toute seule ! Et puis, elle serait malheureuse si elle ne rapportait pas son objet comme tout le monde...

    Le sapin a été posé parmi les décorations de Noël sans que Camille en fasse un cas particulier. « Ê bô ! Ê bô ! Ê bô ! » De toute façon, tout était bô sur ce sapin !

    Vient la rentrée des classes. Un soir, Camille, comme tous ses petits camarades, sort de sa classe avec une superbe couronne des rois en carton jaune. Sur la couronne, sont artistiquement disposées des gommettes alternativement étoiles et cœurs, vertes et rouges. L'algorithme est parfaitement respecté, la gestion de l'espace est excellente, environ une gommette tous les centimètres et demi, à égale distance du haut et du bas de la bande de carton.

    Cette fois, avant même que la mère n'ait pu joué ses trublions de service, en chœur, Atsem et maîtresse s'écrient : « Elle l'a faite toute seule ! Hein, Camille, dis à maman que tu l'as faite toute seule ! Colette et Maîtresse ne t'ont pas aidée... »

    Camille, bonne pâte, hoche la tête en contemplant la couronne qu'elle tient à la main...

    Sa maman l'installe dans son siège auto et, ayant 40 minutes de route à effectuer, lui donne son doudou et sa couronne pour l'occuper.

    Quelques minutes plus tard, elle entend un grand soupir de satisfaction : « Aaaaaah ! A tini ! » Puis plus rien : comme souvent pendant ce retour, l'enfant s'est endormie.

    Quand, après avoir récupéré le grand frère chez les amis qui le gardent après l'école, la maman découvre la couronne qui a roulé par terre au fond de la voiture, elle éclate de rire !

    Toutes les gommettes ont été soigneusement décollées par la petite file, puis recollées, bien groupées les unes contre les autres, sur une toute petite portion de la couronne ! C'était ça le soupir de satisfaction : la joie de l'œuvre accomplie, de l'erreur corrigée, de la création personnelle enfin mise en pratique !

    Cette fois-ci « l'objet » a été reconnu et réutilisé à la maison, passant de la tête de l'enfant à celles du grand frère, du papa, de la maman, du chien et du chat. Et tout le monde était très fier du très joli petit nuage de gommettes toutes serrées sur une toute petite surface. Et puis, on pouvait les décoller, les recoller. C'était bien.

    En février, il y a dû y avoir un masque mais personne ne s'en souvient...

    En tout cas, il y a eu une très belle réalisation. Un OBJET de luxe !

    Imaginez une branche d'amandier, encore dépourvue de feuilles, nous sommes en février, sur laquelle on a collé à l'endroit où devraient se trouver les bourgeons, des tortillons de papier de soie blanc et rose, imitant à merveille les fleurs à peine écloses de cet arbre qui fleurit en Provence dès les premiers beaux jours[1]. C'est superbe !

    D'ailleurs la petite fille en fait grand cas et, après la réflexion traditionnelle des adultes référents de sa classe, le bisou et le petit signe de la main, elle part, royale, vers la voiture, portant sa petite branchette comme le Saint Sacrement ou peu s'en faut !

    Elle accepte volontiers de la poser, le temps qu'on la sangle dans son siège auto puis la récupère avec révérence, en s'exclamant, des étoiles dans les yeux :

    « Ê bô, a fait Koyett' à Mamine[2] ! »

    Voilà, c'est tout pour aujourd'hui ! Meilleurs vœux à toutes et tous !

    Note :

    [1] J’ai oublié de vous dire que mon histoire se déroule en Provence, à l’époque reculée où, plutôt que d’aller parcourir virtuellement le monde ou l’histoire, les enseignants de maternelle avaient tendance à se servir, pour motiver leurs élèves, de ce qu’ils avaient sous le nez.

    [2] Traduction : « C’est beau, ce que Colette a fait pour Camille ! »


  • Commentaires

    1
    Rikki
    Mardi 31 Décembre 2019 à 12:45

    Cela me rappelle une autre histoire.

    Celle de Petitou, 3 ans bien tassés, qui rapportait de l'école un vague machin tout moche en terre glaise, avec des bouts de je ne sais pas trop quoi piqués dedans. Sa mère, souhaitant prévenir tout traumatisme infantile, s'exclama : "Oh, que c'est beau !" avec enthousiasme. Le gamin, tout étonné, n'en revenait pas : "Tu trouves vraiment ça beau, Maman ? C'est la maîtresse, elle voulait absolument que je le fasse. Moi je trouve ça moche."

    Rentrés à la maison, la mère voulut poser l'objet en bonne place sur le buffet. Mais Petitou lui dit "Si tu veux, on peut le mettre à la poubelle". Ce qui fut donc fait, sans regret.

    Quelques jours après, les parents de Petitou furent invités chez des amis dont la fille fréquentait la même classe que leur fils. Quelle ne fut pas leur surprise de voir, trônant sur la cheminée, une réalisation superbe : un arbre d'automne en terre glaise, avec de belles branches et de magnifiques couleurs en papier !

    Morale de l'histoire : dans cette classe, ni l'ATSEM, ni la maîtresse n'avaient œuvré à la place des enfants...

      • Jeudi 2 Janvier 2020 à 10:23

        J'ai connu ça aussi. C'est même ce "je-m'en-foutisme" enseignant qui a provoqué la vague suivante, celle dans laquelle nous errons toujours, celle du "tout adulte" inventé par l'adulte, géré par l'adulte, magnifié par l'adulte, pour des intérêts adultes.

        Des collègues qui "laissaient leurs élèves construire leurs savoirs" jusqu'à, ici ou à, permettre aux enfants de se battre comme des chiffonniers dans la cour ou martyriser le petit copain ou la petite copine un peu différents, ou tout simplement plus jeunes...  Au prétexte qu'il "fallait qu'ils apprennent à s'auto-réguler" et qu'ils créent leurs propres règles de vie.

        Je continue à être persuadée qu'il existe un moyen terme entre les deux et que c'est de loin le système qui emmène le plus d'élèves au plus haut de leurs capacités.

    2
    griotte
    Mardi 31 Décembre 2019 à 17:43

    merci pour cette jolie histoire!

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