• Dictées C2 : corriger a priori ou a posteriori.

    Dictées C2 : corriger a priori ou a posteriori.
    Dictée CE2, Semaine 22, Jour 4 dans OrthoGraph'

    Lorsque je lis les interventions de certain.e.s collègues, je remarque que les corrections a posteriori sont beaucoup plus longues, et souvent moins suivies d'effet à long terme, que les corrections a priori.

    ♥ Dans la méthode OrthoGraph', les préconisations sont d'anticiper les erreurs avant même que les enfants n'écrivent.

    Cela permet d'engager les enfants dans une spirale de réussite et de leur apprendre à raisonner l'orthographe avant de se jeter dans le vide de la feuille blanche.

    La méthode préconise la technique de la « dictée réussie » qui se présente en plusieurs courts cycles de trois phases, déclinés l'un après l'autre, pour que lorsqu'on arrive à la dernière phase du dernier cycle, il n'y ait plus rien à faire.

    ♠ Dans la méthode classique, les enfants écrivent sous la dictée en autonomie et la correction se fera a posteriori

    Les enfants sont jetés dans le grand bain directement et doivent repérer et utiliser seuls les outils dont la nature et la transmission de contenus pédagogiques les ont dotés (ou pas). L'enseignant ne s'attend pas à une réussite totale, mais il reste souvent persuadé que celles et ceux qui échouent plus que de raison ne travaillent pas assez, ne sont pas assez encadrés à la maison, sont victimes de leur milieu d'origine.

    ♥ Dictée réussie : première phase clairement éducative

    En demandant aux enfants s'ils connaissent les irrégularités de tel mot ou s'ils ont repéré telle ou telle chaîne d'accord, pour quelques mots seulement, nous leur apprenons à focaliser leur attention sur les difficultés de la langue qu'ils ont déjà travaillées et à réactiver leur mémoire à long terme pour les résoudre.

    Exemple : Avec la dictée ci-dessus, pour une classe de CE2 après 22 semaines de classe (Période 4, après 4 semaines de classe), cela donnerait :

    Enseignant : Vous allez écrire : Demain, je prendrai mon panier... Albert, peux-tu nous dire comment nous devons écrire le son [ɛ̃] dans l'adverbe Demain ?

    Albert : A.I.N.

    Enseignant : Tout le monde est d'accord ? Le son [ɛ̃] de Demain s'écrit bien A.I.N ?

    La classe : Oui.

    Enseignant : Très bien, je suis d'accord aussi, Demain, A.I.N. Vous l'écrirez tout à l'heure. La suite : je prendrai... Bérénice, comment devons-nous écrire le son [ã] du verbe prendre ?

    Bérénice : E.N.

    Enseignant : Tout le monde est d'accord ? Moi aussi. Calixte, et la terminaison du verbe prendre ? Demain, je prendrai. Le verbe est conjugué à quel temps ?

    Calixte : Au futur ? Alors c'est R.A.I.

    Enseignant. Oui, c'est cela. Je prendrai, avec [ã], E.N. et la terminaison du futur R.A.I. À Désirée pour le son [jE] du nom panier. Comment vas-tu l'écrire, Désirée ?

    Désirée : I.E.R.

    Enseignant : Parfait. Panier, I.E.R. Vous vous souvenez de tout ? Nous allons voir. Écrivez : Demain, virgule, je prendrai mon panier.

    En commençant dès les premiers jours de l'année avec cette technique et sans jamais en varier, la vigilance orthographique s'installe un peu plus rapidement qu'avec une méthode classique où l'on se fie d'abord aux réflexes autonomes des enfants, pour les redresser ensuite au besoin.

    ♠ Dictée classique : première phase évaluative

    L'enseignant.e commence par dicter tout le texte de la dictée. Il se prépare un travail compliqué en plus de compliquer celui des enfants, qui doivent savoir seuls repérer les difficultés et mobiliser leur mémoire pour les résoudre.

    ♥ Dictée réussie : deuxième phase auto-évaluative.

    L’enfant, en autonomie, doit mobiliser sa mémoire immédiate pour retranscrire sans fautes le court  tronçon de phrase qu'on lui a donné et qui a été décortiqué par le groupe-classe.

    Il exerce sa vigilance orthographique et, si l'on en croit les neuropsychologues, le fait d'écrire le mot, sans erreur, à la main, l'aide à en fixer l'orthographe de façon plus durable. Comme nous lui avons simplifié la tâche a priori, il est vraisemblablement en situation de réussite, ce qui l'aide à progresser.

    ♠ Dictée classique : deuxième phase évaluative

    Souvent, avant de procéder à la correction au tableau, l'enseignant.e procède alors à une phase de passage dans les rangs avec pointage des réussites (ou des erreurs, ce qui revient au même, puisque toute réussite pointée met en avant les erreurs qui n'ont pas été pointées). 

    Cette phase individuelle de correction est souvent longue, surtout lorsque les classes sont chargées ou que les enfants cumulent les difficultés orthographiques.

    Par ailleurs, elle peut être ressentie comme très dévalorisante pour les enfants, confrontés directement un à un à l'échec.

    ♥ Dictée réussie : troisième phase éducative

    Nous en arrivons à la dernière phase active de chaque tronçon de la dictée réussie : la correction collective au tableau.

    Après avoir écrit leur tronçon de phrase, les enfants posent leur crayon ou leur stylo et prennent un stylo rouge ou vert, selon les habitudes locales. L'un d'entre eux est désigné pour épeler le ou les mots de ce tronçon de phrase. S'il se trompe, la correction est immédiate, effectuée par ses pairs (effet feedback immédiat). La correction, en rouge, sur les cahiers, sous le tronçon fautif, joue aussi le rôle d'effet feedback immédiat : on ne reste pas sur son échec, on rebondit immédiatement vers la réussite (on peut par exemple demander aux enfants qui ont fait une faute de ne pas revenir au modèle du tableau lorsqu'ils écrivent la correction sur leur cahier).

    ♠ Dictée classique : troisième et quatrième phases

    Pour la dictée classique, il reste encore deux phases : 

    - La troisième est auto-évaluative

    C'est celle, autonome, de la correction des erreurs préalablement pointées par l'enseignant.e.

    Les enfants doivent d'eux-mêmes sérier leurs erreurs en se demandant si elles sont lexicales (oubli de lettre muette, de double consonne, mauvaise direction d'un accent, etc.), ou grammaticales (repérage de la nature des mots de la chaîne d'accord, choix du morphème grammatical à ajouter)...

    Dans certaines classes, cette phase est inter-évaluative, car les élèves sont alors rassemblés par petits groupes de deux à six enfants pour « négocier » l'orthographe de chaque mot avec leurs pairs. Ils sont alors censés débattre entre eux pour savoir si l'écriture demain est préférable à l'orthographe demin choisie par Elie et si le je prendrais de Fabiola est aussi recevable que le je prendrai de Gaspard et Hicham...

    Qu'on choisisse l'option « seul face à son destin » ou celle « la raison du plus fort est toujours la meilleure », ils sont à nouveau en situation évaluative plutôt qu'éducative, tant au niveau des connaissances que des compétences puisqu'aucun expert n'est là pour corroborer leurs choix.

    La quatrième est (enfin) éducative

    C'est celle de la correction collective où l'effet feedback et le côté éducatif prennent toute leur place.

    À partir de ce moment-là, les enfants sont vraiment en situation d'apprentissage et l'expert en orthographe de la classe, l'enseignant.e, les conseille, leur donne des procédures expertes et les réconforte.

    Les seuls bémols, c'est que ça arrive tout à la fin, après une trentaine de minutes d'efforts, et que les difficultés présentées ainsi toutes d'un bloc, les unes après les autres, risquent de ne pas se fixer correctement dans la mémoire à long terme et que leur rôle éducatif risque de se diluer dans tout ce magma (particulièrement vrai pour les enfants en difficulté).

    ♥ Quelques conseils pour terminer

    En respectant à la lettre la technique de la dictée réussie, dès la rentrée, nous pourrons sacrifier moins de temps au service de la dictée. Les premières dictées sont très courtes et permettent de bien fixer l'organisation, nouvelle pour nous, mais souvent aussi pour eux, plus habitués aux dictées classiques qu'aux dictées où, dès le départ, l'enseignant.e sollicite leur réflexion.

    Quand nous arriverons avec nos élèves aux dictées un peu plus longues, les réflexes seront pris et la plupart des élèves ne feront quasiment plus aucune faute d'inattention depuis longtemps. Les corrections seront donc une formalité rapide, surtout si nous leur donnons l'habitude de recevoir un bonus pour les zéro faute et un autre, de moindre qualité, pour une dictée dont toutes les fautes, tronçon après tronçon, ont été correctement corrigées.

    Chez moi, c'était Étoile d'or pour zéro faute, et Étoile d'argent lorsque toutes les fautes avaient été corrigées en cours de dictée (coût : deux feutres or et argent en plus du stylo rouge ou vert de la maîtresse).

    Soit pour faire encore plus bref :

    « Arrêtons de les évaluer pour vérifier si, depuis hier, ils sont devenus plus autonomes, éduquons-les pour que, progressivement, ils deviennent de plus en plus autonomes. »

    ♥ Petit conseil supplémentaire :

    Pensons à réactiver tout cela à longueur de journée, dans tous les domaines, à tout moment :

    « Ah tiens, vous avez vu ? Dans le problème de maths, il y a écrit "Pierre et Léa", c'est le "et" qui veut dire "et puis" et qui s'écrit E.T...»

    ou encore, lorsque vous êtes en train d'écrire un mot pour les parents pour annoncer une sortie pour qu'ils le recopient sur leur cahier de liaison :

    « Là, vous pouvez m'aider... Nous irons... vous connaissez la lettre muette à la fin du verbe. Nous, c'est la première personne du pluriel, la terminaison s'écrit ?... O.N.S, très bien ! »

    et ainsi de suite.

    Ils comprendront peu à peu que, pour nous, adultes, l'orthographe, c'est tout le temps, et que nous ne commençons jamais par écrire « comme on peut » pour nous corriger ensuite, lorsque nous avons tout fini.

    Conclusion :

    Au Cycle 2, la découverte de l'orthographe est encore bien trop récente pour que les enfants soient capables d'écrire le français complètement seuls, notre accompagnement est leur seule chance de progrès.


    Bon courage !


  • Commentaires

    1
    batmarie
    Lundi 10 Avril 2023 à 07:21

    Merci pour Ortho'Graph et pour ces articles qui continuent de m'éclairer après quelques années de pratique. C'est très satisfaisant d'oeuvrer utilement à la construction des savoirs des élèves. Le sentiment d'efficacité en tant que transmetteur de connaissances est très motivant; c'est un cercle vertueux dont tout le monde sort grandi! =)

    2
    Lundi 10 Avril 2023 à 08:17

    Merci de ta réponse, à la fois sur le blog, et personnalisée par mail.

    3
    Crocoline
    Lundi 10 Avril 2023 à 13:59
    Crocoline

    Merci beaucoup ! Les explications sont très claires (et convaincantes !), et les exemples "dialogués" bien précieux lorsqu'on manque de formation et de bons modèles pédagogiques...

    4
    Rapha
    Mardi 25 Avril 2023 à 21:13

    Bonsoir,

    merci pour cet article fort utile. J'enseigne en CM2 et je fais parfois, plus souvent en début de période, des dictées que j'appelle réussies, que mes élèves apprécient beaucoup. Mais jusqu'à présent je dictais la phrase et demandais qu'au fil de l'écriture ceux qui voient des règles à rappeler le fassent.

    Et après vous avoir lu je prévois de dissocier le temps de rappel des règles de celui de l'écriture: cela me parait très utile d'activer ainsi une forme de mémoire sur l'écriture d'un tronçon de dictée. J'hésite pour les mots à épeler, en CM2. Plusieurs de mes élèves ont des diagnostics de dyslexie ( vraie, ou faux dys.... et vrai blocage à l'apprentissage.).

    Merci pour votre "dialogue", fort utile car il fait bien réfléchir à la pratique, comme vos publications.

      • Mercredi 26 Avril 2023 à 10:57

        Merci Rapha pour ce témoignage intéressant. Pour vos élèves vrais ou faux dys, avec blocage à l'apprentissage, peut-être conviendrait-il pour eux de leur faire pratiquer (et peut-être même découvrir, c'est ce que j'ai constaté avec deux élèves que je prends en soutien scolaire cette année) ce que Laurence Pierson et moi appelons l'oralisation graphémique. Je vous cite son ouvrage "Bien Écrire et Aimer Écrire", paru chez MDI :

        « En écrivant, l'élève doit oraliser en synchronisant geste et son. Ainsi, pour écrire "minute", il dira "mmmiiinnnuuuttteee", en prononçant le e qui est d'habitude muet (ou pas, selon la région dans laquelle on vit). »

        Cette technique, que mes deux élèves en soutien, l'un élève de CM2, l'autre de 6e, découvraient les aide énormément à ne plus oublier de lettre et à prendre conscience que l'orthographe de l'immense majorité des mots est, contrairement à ce qu'on pense, totalement ou presque totalement, régulière.

        Bonne continuation et n'hésitez pas revenir dialoguer avec moi, ici ou dans le groupe Facebook, Catherine Huby Éducation.

    5
    KarineF
    Mardi 18 Juillet 2023 à 13:37

    Bonjour Catherine,

    Merci pour vos conseils et pour l'ensemble du travail que vous partagez ici. J'utilise vos méthodes d'Orthographe et de lecture depuis quelques années et je ne peux que constater les progrès de mes élèves.

    Grâce à la dictée réussie expliquée ici, le moment de la dictée n'est plus redouté par les enfants.

    Bonne journée

      • Mercredi 19 Juillet 2023 à 10:26

        Merci Karine ! Bonnes vacances à vous !

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