L'École Primaire comme je voulais la raconter
"Ce n'est pas une position pessimiste, ma position, conclut M. Rufo, c'est une position d'avenir, l'avenir autonome de ces enfants."
Au cours de cette émission, qui dure six minutes à peine, le grand pédopsychiatre si médiatique reçoit une mère et ses jumeaux de bientôt quatre ans, atteints d'un syndrome de Prader-Willis qui occasionne un retard de langage, associé à des troubles du comportement.
Ces enfants sont actuellement scolarisés en MS et accompagnés chacun d'une AVS.
J'écoute, m'attendant à entendre parler de la chance qu'ont ces deux petits bonshommes de vivre avec leurs petits camarades, d'être intégrés dans une classe dite "normale", de suivre le cursus scolaire de tout un chacun et... pas du tout !!!
Bien au contraire, M. Rufo parle de sa crainte de les voir développer un trouble de l'estime de soi. Il s'inquiète que ces enfants ressentent très vite leur différence et se dévalorisent en voyant qu'ils "ne sont pas dans la progression des autres petits garçons et petites filles de leur âge."
Il parle d'équipe spécialisée qui les suivrait sur plusieurs années avec plus d'attention et d'occupation.
"L'école, dans ces conditions... ils ne peuvent pas vraiment progresser, même avec l'AVS. Ils auraient un service spécialisé avec toute une équipe éducative qui les suivrait pendant des années, on pourrait envisager des progrès à leur rythme, dit-il à la mère des enfants, en la regardant droit dans les yeux."
Il va même jusqu'à se demander comment fait l'institutrice de maternelle pour leur offrir l'accompagnement dont ils ont besoin.
Il explique qu'il faut choisir entre une scolarité "normale", "standard" et une véritable conquête de l'autonomie.
"Que feront-ils à 18 ans ? demande-t-il. Quelle sera leur capacité à s'intégrer dans la société ? Auront-ils besoin d'une aide spécialisée ? Avec emploi adapté ou pas ?"
Il s'excuse alors d'apparaître comme un peu "attristant" en parlant d'enseignement spécialisé.
"Mais ce n'est pas du tout triste, pour moi, l'enseignement spécialisé, nous dit-il. C'est au contraire une chance offerte à l'autonomie de ces enfants. Plutôt que l'école qui n'est pas faite pour des enfants en décalage de développement. L'école, c'est la norme, avec des possibilités d'intégration qui doivent rester dans le registre du possible..."
Monsieur Rufo, comme je vous remercie au nom de ces deux petits bonshommes, au nom de tous ces petits enfants souffrant d'un handicap lourd qui ne trouvent pas à l'école, dans la norme standard, le cocon dans lequel leurs capacités d'autonomie pourraient s'épanouir.
L'élevage en batterie n'est pas fait pour eux, merci de le dire.
Quand en 2013, vous expliquiez à la France que l'école se porterait beaucoup mieux lorsque ce seraient des animateurs qui feraient faire de l'Optimist en lieu et place des heures de classe que le gouvernement aurait pu nous rendre au titre de la Refondation de l'École, j'étais très en colère contre vous.
Cette fois, au contraire, je vous suis reconnaissante de vous mêler de mon métier. Oui, mes collègues et moi-même n'avons pas été formés pour inclure (on ne parle plus d'intégrer, c'était réducteur) dans nos classes des enfants "en décalage de développement". Non, même avec l'aide d'un ou plusieurs AVS, nous ne savons pas faire. Notre métier, c'est l'école standard et ses possibilités d'intégration ne sont pas extensibles à l'infini. Nos capacités non plus. Nous le savons et vous sommes reconnaissants de l'exposer ainsi à la face du monde.
Puissiez-vous être écouté en haut lieu aussi bien maintenant lorsque vous vous occupez de faire connaître les besoins des enfants en décalage de développement que naguère, lorsque vous promouviez l'externalisation du temps périscolaire !