L'École Primaire comme je voulais la raconter
Ce n'est pas parce que j'ai arrêté d'exercer que je dois aussi interrompre la réactualisation des leçons de choses, destinées aux élèves de Cycle 31.
Voici donc la huitième fiche, tirée du manuel Leçons de choses, Cours Moyen; de M. Orieux et M. Everaere, édité par Hachette, en 1957.
En fin d'article, les personnes intéressées trouveront les liens qui leur permettront de télécharger les leçons antérieures car, comme nous l'avions précisé dans l'article Qu'importe le flacon, il vaut toujours mieux suivre une méthode que butiner à droite à gauche des documents, des séances, des exercices qui ne feraient pas système et, parfois même, déstabiliseraient les élèves par des techniques ou des méthodes se contrariant les unes les autres.
Ici, il s'agit de mettre à l'honneur l'observation méthodique, la description orale précise accompagnée d'une traduction par le schéma des objets ou phénomènes que l'on étudie.
Cela sous-entend une éducation sensorielle fine et complète, qui ne va pas sans rappeler les écrits de M. Montessori, un appel appuyé à la curiosité naturelle de l'enfant, celle qu'a exposée C. Freinet, une recherche constante d'instruction globale de nos élèves, telle que la concevaient F. Buisson ou P. Kergomard.
Le schéma de la leçon est toujours le même : agir, réfléchir, conclure, retenir.
1. Agir :
Dans l'idéal, le professeur apporte, en complément de la leçon présentée dans le livre, un matériel, toujours simple à se procurer. Les élèves découvrent alors ce matériel ou, à défaut, l'illustration du livre et l'observent avec attention.
Le questionnaire mis en regard des schémas et illustrations ne doit pas être conçu comme un dialogue pédagogique restreint au cours duquel un élève plus rapide que les autres répond à la question lue par le maître, mais comme une aide à conduire un dialogue collectif basé sur les règles redéfinies par Pierre Péroz, dans sa conférence "Apprentissage du langage à l'école maternelle. Pour une pédagogie de l'écoute." sans s'égarer toutefois dans des fausses-pistes innombrables où les savoirs perdent souvent leur caractère scientifique au profit des opinions ou de ce qu'il est convenu de qualifier de sentiments.
Lorsque cela est possible et ne présente aucun danger, l'élève expérimente lui-même. Dans tous les cas, il manipule, observe et décrit les faits. La langue française se précise de nouveaux mots, appartenant tant au vocabulaire scientifique qu'à celui des sens. L'argumentation se construit, enrichie par les savoirs accumulés qui, en se croisant, forment une toile au tissage de plus en plus serré.
2. Réfléchir:
La leçon se doit d'être active afin que les élèves restent attentifs. Le schéma de la leçon permet, par le guidage de l'activité qu'il procure, par l'appel constant à la réflexion, stimulée par ces observations fouillées, d'éviter la confusion entre activité et agitation.
Les élèves, déjà préparés par leurs années d'école maternelle et élémentaire, ont à nouveau l'occasion de considérer l'activité mentale comme une activité à part entière. Nous sommes ici loin des faux-semblants d'une action à tout prix, se soldant bien souvent par des jeux-travaux du type « Découpe et colle », « Colorie » ou « Entoure ». Ici, c'est plutôt le travail apprécié comme un jeu qui est favorisé. Il est mis à l'honneur comme une méthode à employer en toute circonstance lorsqu'on se trouve confronté à un nouveau domaine à découvrir et conquérir.
À l'issue de cette réflexion, les élèves en arrivent naturellement à une conclusion commune qu'ils expriment, aidés par leur maître, le plus précisément et le plus clairement possible.
Ce ne sera qu'après avoir montré ainsi leur compréhension individuelle puis collective des phénomènes observés que le maître les amènera à lire leur manuel ou la fiche qui en tient lieu.
3. Conclure :
Les élèves, déjà préparés par leur propre décryptage attentif, leurs expérimentations et l'expression personnelle de leur compréhension, lisent sans peine la conclusion. Elle arrive comme une deuxième confirmation des réflexions de chacun unifiées lors de l'étape précédente par l'énonciation de la conclusion collective .
Il ne reste plus qu'à la fixer durablement dans la mémoire afin de la rendre réutilisable.
4. Retenir
Les élèves vont pour cela copier une courte phrase qu'ils illustreront ensuite à leur manière. Ainsi, ils s'approprient les nouvelles connaissances, les entremêlent solidement à celles assimilées précédemment, en sciences ou dans les autres disciplines.
Seulement voilà, tout ce travail constructif d'observation, de conversation à bâtons rompus autour d'un même objet d'intérêt, ces conclusions qui s'élaborent sûrement mais si lentement, ce retour sur la compréhension de chacun par l'intermédiaire du schéma, cela prend du temps, beaucoup de temps !
Lorsque MM. Orieux et Everaere rédigèrent leur ouvrage, le temps scolaire comptait 6 heures hebdomadaires de plus ! Plus d'une journée de classe actuelle, chaque semaine ! Pas étonnant, me direz-vous, qu'ils avaient le temps de solliciter régulièrement leurs élèves sur des contenus ambitieux... Alors, à part militer pour moins de temps hors la classe pour les enseignants et plus de temps réellement scolaire pour les enfants, que faire ? Je ne sais pas...
Peut-être condenser le temps consacré aux fondamentaux, sachant que ce sont les enfants les moins accompagnés hors l'école qui en pâtiront le plus, ce qui ne saurait nous satisfaire. Peut-être utiliser des outils moins dispendieux en temps tout en assurant l'acquisition des connaissances, fichiers bien faits, exercices pré-remplis, travaux oraux lorsque l'écrit n'est pas indispensable ? Toujours aussi peu satisfaisant pour assurer le plus à ceux qui ont le moins.
Alors, se résoudre à se dire que nous ne pourrons jamais faire autant et aussi bien, dans tous les domaines, en 24 heures de scolarisation qu'en 30. Mais continuer à se dire que l'enseignement des bases des fondamentaux, s'il est absolument nécessaire, n'est pas notre but ultime et que nos élèves méritent que ces bases soient largement agrémentées de tout ce qui fera la richesse de leur culture et la finesse de leur réflexion, grâce à la leçon de choses, « conçue comme un procédé d'enseignement, une des applications de la méthode intuitive » utilisable en sciences, bien sûr, mais aussi, selon Ferdinand Buisson2, pour « la lecture courante avec les explications qu'elle comporte, la géographie avec les promenades et le matériel qui s'y rattache, le système métrique avec les poids et les mesures, l'arithmétique et la géométrie enseignées au moyen des objets sensibles, des solides et des figures en relief, le dessin appliqué aux objets usuels.
L'instituteur habituera les élèves à voir, à observer, à se rendre compte. Il les exercera à dégager l'idée abstraite, à comparer, à généraliser, en un mot à passer insensiblement de l'intuition des sens à l'intuition intellectuelle. »
Télécharger « 8. Le système nerveux.odt »
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Notes :
1 Pour moi, cela reste CE2/CM1/CM2. Aux professeurs de SVT de voir si ce léger « vernis » de biologie peut suffire aux élèves de 6e…
2 L'article mis en lien est passionnant et tout à fait actuel. Je vous encourage vivement à le lire.