L'École Primaire comme je voulais la raconter
Comme le samedi, c'est « Multi-âges », le dimanche matin, désormais, ce sera « Conter, raconter », le compte-rendu de lecture commencé la semaine dernière.
Aujourd'hui, nous verrons que, tout désuets que soient les termes – les « maîtresses » seules enseignaient alors aux petits-enfants et les « conteuses » venaient auprès d'eux pour les distraire ; l'intelligence se transforme en « âme humaine » ; les petits enfants des milieux aisés avaient des « bonnes » pour les coiffer le matin et les « nouveaux publics » étaient des « membres d'un cercle populaire »... –, nous retrouvons quelques remarques qui nous évoquent bien des choses, dès les premières phrases du premier chapitre.
Petite recension des similitudes avec la situation actuelle :
En revanche, les neurosciences n'étant pas encore passé par là (encore que, si Maria Montessori marche si fort aujourd'hui, c'est que, dès 1905, elle basait sa pédagogie sur l'observation scientifique du développement des individus), l'auteur avoue en toute humilité qu'elle n'a pas de preuve chiffrée de ce qu'elle avance mais que l'observation du climat de classe et des interactions qui se nouent entre celle qu'elle appelle « la conteuse » et son auditoire suffisent à démontrer la véracité de ses assertions.
d'après
MISS SARA CONE BRYANT
F. NATHAN
Que tenterons-nous en disant des histoires à nos élèves ? Que pouvons-nous raisonnablement espérer ?
Ce sont là des questions d'autant plus intéressantes que l'engouement pour les histoires en éducation a conduit bien des gens à se méprendre sur le but essentiel de ces récits, à insister le plus fortement sur leurs fonctions les moins importantes.
La géologie, la zoologie, la botanique, et même la physique, sont enseignées, soi-disant, par des narrations plus ou moins heureusement agencées.Or, ceci est un but parfaitement légitime, mais ce n'est pas le but principal ; il détourne l'attention d'un autre bien plus important.
Une histoire n'est ni un manuel de science, ni un précis de géographie ou d'histoire. C'est avant tout et essentiellement une œuvre d'art.
Se servir d'une histoire pour enseigner aux enfants des faits intéressants touchant les abeilles ou les papillons, c'est comme se servir de la Vénus de Milo juste pour faire une démonstration anatomique.
Une narration est une œuvre d'art. Sa plus grande utilité pour l'enfant réside dans l'appel au sentiment éternel du beau par lequel l'âme humaine est constamment poussée vers des curiosités nouvelles, et marche ainsi vers sont développement harmonique.Le but immédiat est d'abord le plaisir de l'auditeur ; l'instruction vient après.
Il importe donc peu que la conteuse, qui a procuré à ses jeunes auditeurs le plaisir dont je parle, ait ou non augmenté la somme de leurs connaissances techniques.
Elle a atteint le but suprême qui est :
- ajouter quelque chose à la vitalité de leur esprit,
- fournir un exercice sain aux muscles émotifs de leur intelligence,
- augmenter l'intensité de forme ou de couleur de l'idéal de vie et d'art, toujours en formation dans l'esprit d'un enfant.
Naturellement, ce résultat ne peut être prouvé aussi nettement que la constatation d'un fait. La conteuse prendra pour guide les manifestations de ce plaisir naïf et s'étudiera à les faire naître. Heureusement, ces manifestations sont visibles et immédiatement suivies de trois résultats pratiques appréciables :
1) une détente dans l'atmosphère de la classe, dont l'apparence devient reposée et riante.
2) une confiance mutuelle entre la maîtresse et ses élèves
3) une formation excellente des habitudes d'attention.
Ici, quatre longues pages racontant comment l'auteur apprivoisa une jeune nièce timide en inventant une belle histoire pendant que sa nurse la coiffait. Je vous encourage vivement à aller la lire à l'adresse suivante : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9353064/f32.image .
Je n'en recenserai ici que la conclusion.
L'histoire racontée est un moyen simple pour :
1) conquérir la confiance, particularité très appréciable face à des enfants timides ou déracinés,
2) créer l'habitude de la concentration, de fixer l'attention.
Ici aussi, plus de trois pages racontant comment l'auteur put, en quelques histoires racontées, capter l'attention d'un groupe d'une soixantaine de garçons et de filles « ayant largement dépassé l'âge de la docilité enfantine », issu d'un quartier populaire difficile. Ceux d'entre nous qui vivent cette indocilité au quotidien dans leurs classes reconnaîtront facilement l'ambiance de leurs classes aux pires moments de leurs journées de classe ici et aux pages suivantes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9353064/f35.image .
Je n'en recenserai ici que la conclusion.
Ce qui se passa dans ce petit auditoire – soixante enfants, tout de même ! – est un exemple probant de ce qu'on peut attendre de la plupart des enfants dans des cas analogues. Une fois que leur attention est enchaînée par la force même de l'intérêt, les enfants commencent à espérer quelque chose de la part de la maîtresse, et à s'y attendre. En étant conduit pas à pas, d'une proposition à une autre, leur esprit, d'abord retenu seulement par la fascination des faits, prend l'habitude de suivre toute déduction logique.
À l'école, vu la mobilité naturelle à l'esprit des jeunes auditeurs, le résultat est également certain, même s'il est plus long à obtenir. Toute maîtresse qui a pris la peine d'apprendre à bien dire une histoire, peut escompter le gain d'une sympathie confiante de la part des enfants et le développement graduel en eux de la puissance de concentration et d'attention.
À la fin d'une semaine où les enfants ont entendu avec plaisir une histoire par jour, l'habitude d'écouter est prise et l'idée d'une jouissance est associée à l'entrée en matière du conteur.
Là, vu l'importance du paragraphe, je retranscris tout.
Ce sont là des résultats tangibles, facilement discernés en peu de temps. Il y en aura d'autres, plus difficiles à atteindre, mais pourtant beaucoup plus loin, sur les divers modes de développement physiologique, et qui doivent nécessairement influencer le choix des matériaux et la manière dont on s'en sert.
Ce sont ces derniers résultats qu'il faut maintenant examiner dans leurs relations avec les divers types de narration qui leur seront le plus avantageux.
Suit ici, la recension des différents genres d'histoires, dans l'ordre d'importance que leur accorde l'auteur, ainsi que les apports éducatifs et culturels qu'ils procurent.
Ayant peur que ce soit un peu long pour un dimanche, même d'hiver, même pluvieux, je me contenterai de vous donner un avant-goût en ne reproduisant que les titres et sous-titres que je développerai la semaine prochaine.
Le conte de fées
Le conte de fées - Utilité du conte de féesLe conte burlesque ou conte de nourrice
Le conte de nourrice - La gaieté et son action bienfaisanteLes Paraboles de la Nature
Histoires basées sur des faits scientifiques - Utilité de la fiction - Développement du sens altruisteLe récit historique
Le récit historique - Culture du patriotisme - Manière la plus profitable d'utiliser les récits historiques
Racontamus, écoutatis, comprenunt - 1 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 2 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 3 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 4 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 5 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 6 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 7 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 8 ; Racontamus, écoutatis, comprenunt - 9
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N'oubliez pas :
Pour une maternelle du XXIe siècle
Se repérer, compter, calculer en Grande Section
Questionner le monde au Cycle 2