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L'École Primaire comme je voulais la raconter

Qu'importe le flacon !

Qu'importe le flacon !

Tranche de vie

Mollement étendue sur ma serviette, derrière les vitres du solarium de la piscine, je profite des rayons du soleil de novembre quand mes oreilles d'instit m'alertent : « Attention, discussion pédagogique de grand intérêt dans les parages ! »
En effet, juste à côté de moi, cinq jeunes femmes discutent... Sont-elles mères, sont-elles instits, sont-elles les deux ?... je ne saurais le dire. En tout cas, heureusement qu'elles sont amies, parce que dites donc, sinon, cela pourrait tourner au vinaigre !

Mécontente
Madame Sergent-Major est très remontée... Son fils ne travaille à  l'école que sur des monceaux de fiches, les unes bien rangées dans un classeur et les autres dûment reliées en un cahier d'exercices. Cela prouve qu'il étudie, d'accord... mais sur des fiches quand même ! Comme s'ils ne pouvaient pas les faire écrire !  Bien sûr, l'enfant est ravi, tu parles, dès lors qu'il s'agit de flemmarder, ils sont toujours partants !
On ne peut cependant pas dire qu'il flemmarde vraiment. L'enseignement reçu est même très complet et couvre largement tout le programme. Pour vous dire, leur institutrice trouve le temps de faire chaque semaine de l'anglais, sur fichier hélas, de la musique, des arts visuels et plusieurs séances d'éducation physique et sportive. Ils lisent énormément, font des dictées, des rédactions... Mais tout de même, ces fiches, cela ne peut pas être sérieux !

Inquiète
Son amie, Madame Stylo-Bic lui coupe la parole. Elle aimerait tant que sa fille rapporte à la maison au moins ces témoignages d'un apprentissage structuré, progressif et efficace ! Mais hélas, rien de tout cela pour Plumette...
Lorsqu'on ouvre le cartable de la petite, il n'y a rien ou pas grand-chose. Parfois, une ou deux feuilles photocopiées à moitié chiffonnées et mal découpées dont on ne sait pas trop à quoi elles correspondent. D'autres fois, une série de trois ou quatre fiches A5 d'opérations ou d'exercices à trous d'orthographe à rendre finies pour le lendemain, ce qui mobilise la famille entière jusqu'à des heures indues pour n'en entendre plus jamais parler ensuite.
Pas de livres, pas de cahiers, pas de fichiers reliés non plus. Juste un énorme classeur à levier qui reste en classe, un agenda qui balade souvent pour rien entre l'école et la maison et l'indispensable cahier de liaisons où sont collés à la va-comme-je-te-pousse les mots de la directrice... Quand on demande à la petite ce qu'elle a fait à l'école aujourd'hui, elle répond : « On a discuté et puis on a fait des activités » et on n'en tire pas un mot de plus.

Dégoûtée
C'est alors que Madame Trop-Cool intervient : « Wouaaaah ! Ne te plains pas... Au moins, ta fille, elle vit sa scolarité au jour le jour ce qui lui permet d'investir pleinement ses apprentissages. Et toi, Sergent-Major, tu devrais plutôt le plaindre, ton gamin ! Il est aux travaux forcés, le pauvre... Son classeur bien rangé, qui en a décidé le rangement ? Qui a jugé de l'intérêt du travail proposé ? Qui a décidé qu'il devait suivre les pages de ses fichiers l'une après l'autre sans jamais en sauter aucune ? Pas lui, sûrement, vu ce que tu nous racontes !
Et puis, pour qu'ils aient le temps de faire autant de choses, c'est bien qu'ils sont poussés, dans sa classe ! Ce qui, tout le monde le sait, est très mauvais. Un enfant, ça doit être un peu brouillon, ça doit avancer à son rythme, sinon, ça veut dire qu'on l'a bloqué, traumatisé, inhibé... Malgré ses fiches et ses fichiers, il vit le même drame que mes jumeaux cette année, tiens !
Figure-toi qu'ils ont hérité d'un jeune maître complètement has been... Le premier jour, ils sont revenus de l'école avec des porte-vues que je trouvais déjà vraiment très lourds. Pas étonnant, ils étaient pleins ! Pleins de feuilles imprimées recto-verso... C'étaient des LIVRES, cachés sous l'apparence d'un fichier, mais vraiment des LIVRES, en fait ! Des « manuels scolaires » comme nous a dit le faux-jeune à la réunion de parents ! Il les a téléchargés sur internet, imprimés et mis sous pochettes, dans le porte-vue. Des LIVRES, vous vous rendez compte ! Dans toutes les matières ou presque ! Je suis sûre que si les manuels scolaires de gym existaient, ils en auraient un ! C'est même pas des fichiers où on écrit dedans, hein ! Alors il leur a refilé des cahiers comme on avait nous, avec un protège-cahier en plastique de couleur, et ils copient, ils copient, ils copient... Comme au bon vieux temps, quoi.
Et le pire, c'est que les gosses en redemandent ! Avec leur père, on est écœurés par leur conformisme. Heureusement qu'ils vont bientôt changer d'école. Parce que là, question épanouissement, c'est vraiment pas le top ! »

Résignée
«Ah bon ? Je ne savais pas que ce modèle-là existait encore, intervient alors la quatrième, Madame Tout-Venant. Mes enfants, les trois, ont des livres aussi et dans la plupart des matières. Des vrais livres, imprimés dans une imprimerie, avec une couverture en carton.
L'aîné, au CM2, ne les ouvre jamais ou presque. Leur maître leur fait sauter des chapitres entiers, revient en arrière de temps en temps sans qu'on y trouve de logique, prend des leçons dans d'autres livres qu'ils n'ont pas, leur donne à lire seuls à la maison des leçons entières d'histoire sur des photocopies venues d'ici et là et les évalue ensuite en classe sur ce qu'ils ont retenu.
La seconde au CE2 les suit dans l'ordre mais je n'arrive pas à comprendre comment fonctionne sa maîtresse. Un jour, on s'y met et on doit finir à la maison tous les exercices de la page. Ensuite, plus rien pendant plusieurs jours parce qu'on a un « projet » à terminer d'urgence en Arts Visuels ou en Éducation Civique et Morale... Et puis à nouveau, gros coup de collier pour rattraper le retard pris, on fait plusieurs pages à la va-vite, on finit des exercices à la maison le week-end, on ne va plus en EPS... Du coup, la petite angoisse dès qu'elle ouvre un livre de classe.
Quant au dernier, au CP, vous savez ce que je pense du superbe livre de lecture en papier glacé et des magnifiques albums parfaitement reliés de sa méthode de lecture ! Je vous assure qu'avec son père, nous regrettons tous les deux les fiches polycopiées écrites à l'encre violette et collées, pas toujours bien droit, dans nos cahiers d'écoliers de CP... Elles n'étaient peut-être pas terribles esthétiquement parlant mais qu'est-ce qu'elles nous ont bien enseigné la lecture ! Là, quand on voit notre Petitou galérer sur ce truc qui peut servir à tout sauf à apprendre à lire, ça a beau être un livre relié et tout et tout, vous ne pouvez pas savoir comme on les regrette... »

Marginale
Pendant tout ce temps, Madame Poucette les regardait toutes d'un œil narquois... Pfff, quelles ringardes, ces quatre-là... Comme elle avait bien fait d'inscrire les jumelles au cours privé interactif Tape-Sur-Ta-Tablette. Elles échappaient ainsi aux activités sclérosantes de l'école ! Elle expliqua aux autres que ses filles n'allaient plus à l'école, qu'à l'aide de leur tablette numérique, elles se connectaient quand elles le souhaitaient à leur profil numérique et que là, à leur gré, elles apprenaient à lire, à s'exprimer et à compter...
« L'écriture cursive, c'est démodé, ça ne servira à rien dans le monde de demain. Alors, il y a des cours de connaissance du clavier et elles font tout sur leur écran tactile. Et puis, c'est très cadré, comme projet. Mon mari et moi avons une application sur notre Smartphone grâce à laquelle nous pouvons suivre pas à pas les allers et venus de Googline et Appleïa aussi bien IRL que sur le Net. Rien ne nous échappe. Tout est contrôlé même en notre absence. Nous savons à la seconde près si l'une d'elle ouvre la porte du réfrigérateur et pouvons alors envoyer sur leur tablette et dans leur casque audio des slogans spécialement conçus pour leur faire acquérir les réflexes d'une alimentation saine et équilibrée, aussi bien en français qu'en anglais ou en mandarin. C'est vraiment bien fait, vous savez.
Nous ne regrettons absolument pas l'investissement car il faut bien avouer que ça a un coût, n'est-ce pas... Mais, nous avons fait le choix d'avoir des enfants, à nous d'assumer cette fantaisie, maintenant. »

♣ ♣ ♣ ♣ ♣

Si, manquant de recul, je ne me donne pas le droit de juger les méthodes qui instruiront Googline et Appleïa, j'ai en revanche quelques remarques, éclaircissements et compléments à formuler sur les différents flacons propres à contenir ce qui procurera (ou pas) l'ivresse de l'étude et de la connaissance aux élèves d'aujourd'hui.
Nous parlerons donc aujourd'hui des fiches, fichiers, manuels numériques ou non, de ce qu'ils contiennent et de ce qu'ils peuvent apporter aux élèves lorsqu'ils sont bien utilisés. 

La fiche individuelle d'exercice

C'est ainsi qu'elle se présente :

Qu'importe le flacon !

Où se la procurer ?
Le professeur est allé la chercher sur internet grâce à un moteur de recherche, l'a téléchargée sur son ordinateur après avoir commandé un fichier ou, comme dans le cas illustré ci-dessus, a acheté une méthode d'enseignement vendue avec un CDrom sur lequel il peut, à loisir, sélectionner les fiches qui l'intéressent et les donner à ses élèves dans l'ordre qui lui semble le plus adapté à leur façon de comprendre et d'apprendre.

La fiche individuelle d'exercice peut amener au meilleur comme au pire.

Comment s'en servir ?
Sélectionnée avec soin en fonction de l'âge et des connaissances des élèves, intégrée à une progression, expliquée et corrigée soigneusement puis enfin archivée en respectant un ordre chronologique dans un porte-vue (ou collée dans un cahier, mais j'aime moins... les pauvres arbres
et les produits chimiques qui servent à fabriquer des cahiers méritent d'être réservés à un usage plus noble), elle permettra à l'enseignant de maternelle (plutôt fin de MS et GS entière) et à celui de CP de varier les exercices, de proposer un produit fini agréable à l'œil, d'habituer élèves et parents à la nécessité de l'exercice fréquent pour arriver à la maîtrise d'une connaissance.
Quant à celui d'élémentaire, il pourra de manière ponctuelle ou plus ritualisée, utiliser ce médium pour programmer des exercices d'entraînement ciblé de calcul mental, d'orthographe ou de conjugaison (un peu comme la maîtresse de Plumette Stylo-Bic mais en moins aléatoire quand même). Il pourra aussi, toujours grâce à ce matériel, faire étudier à ses élèves un roman particulier, un thème de sciences, d'histoire ou de géographie, découvrir un peintre, un musicien ou un auteur sans passer de longues heures à compiler des documents et à tout réinventer lui-même.

Mais, au contraire, elle deviendra une catastrophe si elle est piochée presque à l'aveugle sur la Toile, juste parce qu'elle s'est affichée la première sur l'écran, après avoir tapé "phono GS écrire des mots". Et elle ne servira à rien sauf à dégoûter les élèves du plaisir d'apprendre si, comme je l'ai vu l'année des Jeux Olympiques d'hiver à Sotchi, cette sélection à l'aveugle après avoir tapé "La Russie, école, fiches", sans lire le résultat et le comparer aux capacités actuelles des élèves de la classe,  entraîne des élèves de CP vers des connaissances qui les dépassent complètement.
On voit aussi malheureusement, dans certains cahiers, des fiches qui entrent en contradiction méthodologiques avec celles qu'on a fait remplir les jours précédents, des classeurs où rien n'est suivi, rien n'est archivé ou dans lesquels la progression ne correspond aucunement à une acquisition pas à pas de connaissances qui devraient s'enchaîner les unes aux autres dans un ordre rigoureux.

D'où l'intérêt d'avoir accès à de "bonnes fiches", étalonnées en fonction de l'âge, présentées avec une progression sérieuse, éprouvées dans des classes, revues et corrigées en fonction des besoins soulignés par les usagers.

À l'école maternelle et au CP
C
hez les petits, comme elles sont censées accompagner et renforcer une notion qui est avant tout travaillée à l'oral, il vaut mieux qu'elles ne soient pas reliées en fichier afin que l'enseignant puisse, tout en étant sérieux et efficace, juger de l'utilité et de la faisabilité de chacune.
C'est pourquoi, quand j'étais au GRIP, nous avions choisi de proposer ce type de fiches pour la classe de Grande Section aussi bien en écriture-lecture qu'en repérage-comptage-calcul. Le maître suit le livre du maître page à page et choisit, en fonction du profil de sa classe, de conclure la séance par la fiche d'exercice ou pas.

Ainsi, dans mes classes, je n'ai jamais utilisé les fiches A, B, C et G du CDrom vendu avec De l'écoute des sons à la lecture et je ne conservais parmi les fiches D, E et F que celles qui ne nécessitaient pas impérativement ma présence afin de rendre ce fichier compatible avec son usage en classe à plusieurs niveaux. En fin d'année, plutôt que de passer aux fiches de la série G, je préférais télécharger sur le site de La Petite Souris, quelques-unes des fiches d'étude des sons complexes.
De même, selon les années scolaires, en fonction des besoins de mes élèves, j'imprimais ou n'imprimais tout ou partie des fiches des périodes 1 et 5 de la méthode Se repérer, compter, et calculer en GS

En élémentaire
Chez les plus grands, c'est en raison du côté « utilisation ponctuelle, en complément du
livre relié ou du fichier d'exercices », que la présentation en fichier ne leur est pas adaptée.
Il y aura, par exemple, des années où seuls les trois exercices écrits du manuel scolaire de la classe permettront à chaque élève de maîtriser la liste des 7 noms en ou qui font leur pluriel en X. Cette année-là, nul besoin d'aller écumer le net à la recherche de fiches de renforcement !
Une autre année au contraire, l'enseignant se rendra compte que sans dix minutes quotidiennes consacrées à compléter à la chaîne des résultats de tables de multiplication, ses élèves de CM1 ne les connaîtront jamais... Quel plaisir alors et quel soulagement de trouver, tout faits, sur un site bien connu, des challenges visant à les faire mémoriser !
Enfin, quand il s'agit d'étudier un roman, de faire lire à des apprentis-lecteurs une histoire adaptée à leurs connaissances actuelles ou d'explorer ensemble un thème de sciences par exemple, quel gain de temps de trouver sur internet un matériel éprouvé, issu du travail de collègues qui
cherchent à être sérieux et compétents et
se sont appuyés pour ce faire sur des méthodes qui ont démontré leur efficacité.
On peut même grâce à ce matériel très souple programmer un apprentissage accéléré d'une notion jusqu'alors négligée, comme l'analyse grammaticale ou l'usage et la technique de la division, et mettre à niveau une classe entière ou quelques élèves, ce qui leur permettra ainsi de suivre un programme plus ambitieux que celui auquel ils ont été soumis jusqu'alors...

CONCLUSION : Choisie avec soin et utilisée à bon escient, la fiche individuelle d'exercices, héritière des fichiers scolaires coopératifs et des fichiers auto-correctifs de grammaire et de calcul mis en place par Célestin Freinet dès les premières années de son expérience, grâce à sa souplesse, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies.

Le fichier relié à usage unique

C'est ainsi qu'il se présente (en cliquant sur l'image vous aurez accès à quelques vues des pages intérieures, scannées par Zaubette dont je vous conseille chaleureusement le blog) :

Qu'importe le flacon !

Petit historique
Apparu certainement très tôt dans les classes de maternelle ou de CP, il a peu à peu conquis les classes élémentaires et de collège où on le trouve depuis bien des années, associé aux méthodes de langues vivantes ou mortes.
Il nous suffira de faire un petit effort d'imagination pour comprendre combien ont été soulagés l'instituteur de « primaire » ou sa collègue de maternelle, penchés tous les soirs sur les cahiers d'écriture de leurs quarante à quarante-cinq élèves, le porte-plume à la main, pour y calligraphier qui ses majuscules et qui ses bâtons, ses cannes et ses boucles, lorsqu'ils ont vu arriver sur le marché ces cahiers tout prêts de modèles d'écriture !

Qu'importe le flacon !

Quel acquis pour nos collègues des temps anciens ! Et sans que leurs élèves pâtissent de leur fainéantise, de plus... Une progression « rigoureuse », adaptée à l'écriture à la plume, une présentation parfaite, un rendu uniforme sur tous les cahiers sans risque de pâté, de plume qui tout à coup crache ou dérape !
Dans le secondaire, la disparition des heures de demi-groupes en LVE, pour les classes de 6e et 5e, ont sans doute poussé les professeurs à rédiger, éditer et employer ces « cahiers d'exercices » qui se mirent à accompagner les méthodes de langues des élèves arrivés au collège dans les années 1970. Pour rappel, ma génération, admise au collège en septembre 1967, profitait d'une à deux heures de demi-groupe par semaine pour copier et réaliser sur cahier d'écolier, sous la houlette de leurs professeurs, les nombreux exercices contenus dans leur livre de classe.

Nous comprendrons fort bien que ces premiers essais de fichiers reliés à usage unique ont été vite copiés, réutilisés par tous ceux qui voulaient gagner du temps et en faire gagner à leurs élèves sans pour cela réduire leurs prétentions à une instruction complète et fournie.
En fouillant les brocantes et les sites consacrés aux méthodes scolaires d'autrefois, on tombe sur ces ancêtres de nos splendides fichiers en quadrichromie. Comme ils nous paraissent sobres et modestes en comparaison de cette débauche de couleurs, de dessins, d'activités ludiques à laquelle renvoie souvent l'évocation de ce véhicule du savoir scolaire !

Vous vous doutez bien qu'une fois conquis cet espace de liberté, les enseignants n'allaient pas revenir en arrière et se passer, surtout pour les petites classes, de ces cahiers tout prêts, qu'on les nomme fichiers, cahiers d'activités ou fascicules, que même les écoles réputées les plus exigeantes utilisent pour leurs propres élèves !

En Primaire, c'est sans doute autant le passage aux 27 heures de classe que la réforme de 1975, et tous les chamboulements pédagogiques qu'elle a mis en marche, qui a encouragé puis généralisé l'usage du fichier relié à usage unique.
Lorsque j'ai débuté, en 1975 justement, les maisons d'éditions commençaient à en proposer dans toutes les matières : écriture - lecture, étude du français, mathématiques, histoire, géographie, sciences...
Pensant légitimement qu'il vaut mieux s'exercer que copier, les institutrices et instituteurs de l'époque, convaincus de la maxime « La répétition fixe la notion » mais pressés par le temps qui manquait, les ont adoptés en même temps qu'ils abandonnaient les porte-plume.

Les fichiers d'aujourd'hui
En quarante ans, pour les élèves de CP, ils sont devenus incontournables en mathématiques. La plupart des méthodes de lecture en adjoignent un consacré aux exercices d'étude des sons, d'orthographe et de compréhension et, jusqu'à la fin de l'utilisation du manuel, dispensant ainsi les élèves de recopier dans un cahier de classe des exercices proposés dans leur livre de lecture, comme il était courant de le voir encore jusqu'aux années 1990
Souvent, ces fichiers à usage unique sont encore utilisés au CE1 et même au CE2, surtout en mathématiques, mais aussi en grammaire-conjugaison et en orthographe. 

L'inconvénient majeur du fichier à usage unique, utilisé systématiquement dans toutes les matières, est évidemment d'exercer insuffisamment l'écriture cursive manuelle des élèves. On peut néanmoins pallier facilement cet inconvénient en concevant ou choisissant des fichiers dans lesquels la part d'écriture de l'élève augmente régulièrement, dans de bonnes conditions, sur des plages quadrillées exactement semblables à celles d'un cahier d'écolier.
Les autres inconvénients sont les mêmes que pour les fiches individuelles d'exercices ou les manuels : mauvaise adaptation au niveau des élèves, exercices pas toujours bien conçus, mauvaise progression, usage aléatoire sans aucune progression, méthodes d'enseignement laissant trop d'élèves sur le bas-côté, manque d'ambition et d'efficacité.

Une mise en place simple qui profite à tous
Les avantages, nous en avons déjà parlé du point de vue de l'enseignant : gain de temps, présentation agréable et toujours semblable visant à donner des habitudes de soin et d'application aux élèves. Bien choisi, le fichier d'exercices à usage unique permet au professeur des écoles, comme dans la classe du fils Sergent-Major, de mettre en place une dynamique de travail et de pallier par une utilisation raisonnable et raisonnée de fichiers d'exercices à usage unique le manque chronique de temps scolaire, amplifié ces dernières années par le passage aux semaines de 24 heures.
Imaginons par exemple la course de vitesse à laquelle sont soumis les élèves inscrits dans ces écoles qui vaquent maintenant deux pleins après-midis par semaine ! Si leur maître, soucieux d'avancer pas à pas, souhaite finir dans la matinée le travail de français et de mathématiques, il me semble qu'il a tout intérêt à concentrer ses élèves sur l'essentiel et, pour cela, à utiliser leur temps plutôt à l'exercice qu'à la copie des énoncés...
Pensons aussi aux autres matières enseignées à l'école primaire. Ne vaut-il pas mieux un fichier d'histoire, de géographie ou de sciences plutôt que pas du tout d'histoire, de géographie ou de sciences, surtout les jours où, après une courte heure et demie de classe en début d'après-midi, les animateurs du périscolaire viennent récupérer les élèves pour qu'ils jouent et se distraient ?

Quant à nos élèves, souvent malmenés par des méthodes élucubrantes qui ne leur ont appris ni à lire ni à écrire, parallèlement à un nécessaire travail d'accession à ces acquisitions fondamentales, quel sera leur soulagement, et celui de leur famille, de voir qu'ils peuvent continuer à progresser en mathématiques parce que leur fichier d'exercices à usage unique leur simplifie la tâche en attendant qu'ils récupèrent des capacités en rapport avec leur niveau de compréhension !
Accompagné de l'indispensable travail d'apprentissage de l'habileté manuelle en général, des gestes d'écriture en particulier  et de l'organisation de l'espace qui aurait dû être le fond de leurs activités scolaires en maternelle, il permettra à nos élèves taxés à tort ou à raison de dyspraxie de suivre aussi bien que leurs camarades le programme d'acquisition naturel à leur classe d'âge.

Autres bénéficiaires de ces fichiers, les familles et les associations d'aide et de soutien scolaire, qui récupèrent après une journée de classe ou pendant les vacances scolaires des enfants souvent bien fatigués, même si leurs journées d'école ont été plus fertiles en amusements de toutes sortes qu'en acquisitions scolaires de qualité !
Pour ces personnes, souvent peu au fait des programmes et méthodes scolaires, bien démunies devant un manuel parfois organisé en domaines qu'il convient de traiter en parallèle selon un ordre précis, pouvoir se procurer des fichiers bien faits, exigeants sur le plan des contenus, à l'organisation chronologique simple, et respectueux d'une progression pas à pas est une garantie de compléter tant que faire se peut le régime de famine imposé à ces enfants par des programmes scolaires et des injonctions méthodologiques de plus en plus discriminantes.

CONCLUSION : Choisi avec soin et utilisé à bon escient, le fichier d'exercices à usage unique, héritier des cahiers et fascicules d'apprentissage ou d'entraînement employés depuis bien longtemps, y compris dans les écoles les plus réputées, grâce au temps scolaire qu'il dégage, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies.

Le manuel scolaire

C'est ainsi qu'il se présente depuis Gutenberg :

Qu'importe le flacon !

Mais on peut désormais le trouver ainsi sur internet :

L'un ou l'autre correspondent à ce que nous avons tous connu ou presque pendant notre scolarité. L'édition au format .pdf, outre le fait qu'elle puisse circuler dans le monde entier sans subir les frais de port exorbitants qui affectent la circulation des éditions traditionnelles, peut permettre, au moins pour l'utilisation familiale mais aussi en classe, lorsque les élèves sont équipés, d'être consultée par écran interposé, déchargeant ainsi les cartables d'un poids parfois effrayant en comparaison avec le poids des enfants qui les portent.

Ces trente dernières années, des manuels dénigrés ou adorés
Une abondante littérature institutionnelle ou plus personnelle a largement recensé ces dernières décennies les avantages et les inconvénients du manuel scolaire. L'éventail est large lorsqu'il va d'un Célestin Freinet qui rejeta violemment ces instruments du pouvoir visant à embrigader la jeunesse3 à nos nouveaux Don Quichotte des temps modernes qui cherchent désespérément dans les oripeaux visibles de l'école traditionnelle, porte-plume, encre violette, blouses grises et vieux manuels jaunis imprimés en noir et blanc, la raison des succès d'une école qui savait utiliser et adapter les outils que l'époque lui donnait et s'en bâtir de nouveaux, dès qu'une avancée technique ou technologique s'avérait utile aux progrès de ses jeunes usagers...
Tous n'ont pas vraiment tort et aucun n'a totalement raison.

On peut tout aussi bien utiliser en classe un très mauvais livre qu'un excellent. Comme dans le cas du fichier à usage unique, le fait que ce livre soit relié n'implique absolument pas qu'il sera utilisé entièrement, de manière linéaire, et qu'on n'ira pas piocher une page au hasard, en dehors de toute progression. Cela est même encore plus facile qu'avec un fichier dans lequel l'élève écrit puisque, dans ce cas, aucune absence de trace ne matérialise le fait que certaines de ses pages ont été laissées de côté !
Le livre papier est pérenne et peut être consulté partout mais il est rare que l'école fasse acheter les manuels aux familles. L'enfant ne le conserve donc pas après l'avoir utilisé. Par ailleurs, un petit être humain en croissance se détache très vite de ce qu'il considère désormais comme des « affaires de bébé » ridicules et trop petites pour lui !
Le manuel scolaire papier est plus abouti, mieux fini qu'un fichier, il est aussi plus lourd et moins maniable.
Nos quatre amies nageuses nous ont démontré ci-dessus que l'usage de livres n'implique en aucun cas que les élèves écriront plus ou moins que dans une classe qui utilisera les fiches individuelles d'entraînement ou des fichiers d'exercices à usage unique. Tout dépendra du contenu de ces différents outils, de la fréquence et du mode d'utilisation choisis par l'enseignant, des à-côtés mis en place pour accompagner la pratique scolaire d'entraînement (dictées, rédactions, compte-rendus, résumés, résolution de problèmes, etc.). 

Quelques avantages incontestables
Le premier avantage incontestable du manuel scolaire sur le fichier d'exercices à usage unique est son rapport usage/prix ! Un manuel, contrairement à un fichier publié sur papier4, est acheté une fois pour toute et réutilisable à l'infini ou presque. Bon plan pour les mairies, les conseils généraux et les régions chargés d'équiper les établissements scolaires publics de leurs secteurs respectifs ! Bon plan aussi pour les collègues qui peuvent ainsi garder une partie plus importante de leur subvention pour l'achat de matériel pédagogique de toutes sortes ! Bon plan par ricochet pour les élèves dont les écoles sont mieux équipées et leur offrent tout le matériel pédagogique et sportif dont on peut rêver...
Son deuxième avantage est sa solidité. Le livre peut être trimballé dans un cartable, laissé ouvert à l'envers plusieurs heures, manipulé par des papattes maladroites sans grands risques pour sa survie, tout au moins quand l'imprimeur chargé de son impression n'a pas cherché avant tout son bénéfice et mégoté autant que possible sur la qualité des matériaux employés !
Par ailleurs, on ne peut pas nier que c'est le livre qui sera le meilleur outil pour apprendre aux élèves à s'organiser sur un cahier d'exercices et à copier intelligemment, en faisant du sens tout en écrivant. Puisqu'il n'est pas modifiable, contrairement au tableau mural sur lequel le maître écrit à la craie ou au feutre effaçable, il habitue l'élève à prendre des repères, observer attentivement, revenir en arrière pour vérifier son travail... C'est parfois malheureusement aussi une souffrance pour certains de nos élèves, affectés de difficultés visuelles ou de graves problèmes moteurs. D'où l'intérêt de pouvoir combiner l'usage du livre et celui du fichier en fonction des circonstances.
Enfin, c'est grâce au livre qu'ils prendront l'habitude de consulter un sommaire, un index ou une table des matières et qu'ils découvriront le plaisir de feuilleter leur livre de lecture, de géographie, d'histoire, de science ou de mathématiques... juste parce qu'ils en ont envie !
Encore faudrait-il pour cela que l'Institution arrête d'enlever des heures de classe aux enfants et leur laisse le temps de lire, d'écrire, d'étudier, de s'entraîner, de se cultiver et de rêver en contemplant les trésors que leur offre l'École.

CONCLUSION : Choisi avec soin et utilisé à bon escient, le manuel scolaire, imprimé ou informatisé, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies. La qualité visuelle du produit fini rend cet outil très attirant et sa solidité permet un usage long qui lui confère une rentabilité bien supérieure à celle des autres outils scolaires. 

Alors, que choisir ?  

Et pourquoi donc vouloir choisir ? Nous venons de voir que l'important est plus dans le contenu que sur le contenant. Rien n'est pire que ces activités scolaires mises en place en fonction d'un dogme universel décrété d'en-haut par des conseilleurs ne s'appuyant parfois même pas sur une expérience de terrain.
Il en est de même pour les outils de l'écolier. Tout est fonction de l'âge des élèves, de leur aisance, de l'effectif et de la structure de la classe dans laquelle on exerce.
Pourquoi interdire à un jeune collègue débutant ou à une famille de tester, juste pour voir, l'apprentissage d'une matière ou même d'une notion particulière en utilisant pour ce faire une série de fiches téléchargées sur la Toile ?
Pourquoi refuser à un autre l'usage d'un fichier à usage unique pour ses grands élèves, lui qui, dans sa classe à plusieurs niveaux, réussit l'incroyable équation qui consiste à fournir trois, quatre, cinq programmes scolaires complets ou même parfois plus dans le même temps que celui que prend son collègue d'ailleurs pour n'en enseigner qu'un ?
Pourquoi empêcher l'usage de manuels scolaires à un troisième parce que, dans sa circonscription, on teste sur des cobayes humains mineurs une « nouvelle pédagogie » vieille de bientôt cent ans, vidée pour la circonstance de toute sa substance ?

Soyons souples et réactifs, abandonnons les vieux réflexes qui consistent à dire que jamais nous ne boirons l'eau de telle fontaine et, dans notre recherche d'une meilleure instruction pour nos élèves et nos enfants, regardons dans le flacon et choisissons en fonction des circonstances celui propre à leur procurer le meilleur des nectars !

Notes :
3… pour les remplacer très rapidement par les outils scolaires édités par la CEL puis l'ICEM !
4… mais cela n'est plus valable en cas de fichier téléchargeable. Le coût d'achat est très vite amorti et le prix des ramettes de papier et des cartouches d'encre nécessaires à sa reproduction n'équivaut jamais à celui auquel reviendrait l'achat annuel d'autant de fichiers papier qu'il y a d'élèves dans la classe !

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