L'École Primaire comme je voulais la raconter
en vue de préparer l’enfant à :
Avant l’âge de cinq ans, en PS et MS, il n’est pas encore question d’apprendre à lire. En revanche, il peut déjà être question de s’y préparer, tout en douceur, en commençant par le plus indispensable : la capacité à s’exprimer par le langage et celle à comprendre celui d’autrui. C’est ce qui, dans les Programmes pour l’École Maternelle de 2015, est précisé dans les « Attendus de fin de cycle » suivants :
- Communiquer avec les adultes et avec les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre.
- S’exprimer dans un langage syntaxiquement correct et précis. Reformuler pour se faire mieux comprendre.
- Pratiquer divers usages du langage oral : raconter, décrire, évoquer, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue.
- Comprendre des textes écrits sans autre aide que le langage entendu.
Vous conviendrez tous avec moi que pour ce faire, le langage doit nécessairement être riche et le lexique le plus large possible. D’où le rôle de l’école : apporter des mots et des structures de phrases en quantité et veiller à ce qu’ils soient retenus et utilisés couramment par tous, à tout instant.
Le deuxième prérequis à favoriser sur le long terme est l’éducation de l’œil : passer du regard qui effleure les choses et les gens, sans jamais se fixer, à une observation précise, structurée par des repères spatiaux d’abord intuitifs puis, progressivement, de plus en plus conscients et intellectualisés.
Sans ce travail, l’enfant aura de la peine à suivre du regard une ligne d’écriture, à en distinguer les éléments proches et, du fait de ces difficultés, risque de s’en désintéresser. Nous retrouvons ces capacités dans les programmes en consultant les « Attendus » suivants :
- Classer des objets en fonction de caractéristiques liées à leur forme.
- Situer des objets par rapport à soi, entre eux, par rapport à des objets repères.
- Utiliser des marqueurs spatiaux adaptés (devant, derrière, droite, gauche, dessus, dessous…) dans des récits, descriptions ou explications.
Tout cela est bien succinct et ne tient pas vraiment compte de la synergie à mettre en œuvre pour que chacun se construise, au mieux de ses capacités, et passe du petit enfant qui balbutie quelques mots et voit sans voir au jeune élève au lexique riche et à l’attention visuelle soutenue, prêt à comprendre et apprendre le code en vigueur pour transformer l’oral en écrit.
Heureusement, dans les programmes, bien que placé hors de la partie « Programmes et attendus de fin de cycle », le dernier des prérequis dont j’aimerais vous parler ― l’habitude à raisonner sur ce qu’on voit, entend et manipule ― est un peu mieux explicité. Cette aptitude est une compétence large qui touche tous les domaines du développement humain et le caractérise.
Contrairement à l’organisme unicellulaire qui vogue au gré des courants, l’être humain dès ses premiers jours d’existence, tend à perfectionner ses sens pour entrer en communication mais aussi analyser son environnement. Cette analyse lui permet, dès qu’il a assez de « matériaux », de pratiquer une synthèse des éléments recueillis afin d’aménager cet environnement proche pour y vivre de manière la plus satisfaisante possible. Les réponses que lui donneront son environnement affecteront la quantité d’éléments recueillis, la profondeur de son analyse et conditionneront le degré d’avancement de la synthèse pratiquée, déjà bien avant son entrée à l’école.
C’est pourquoi, avant même d’exposer les cinq domaines d’apprentissage, le Bulletin Officiel rappelle que l’école maternelle doit forcément être une école qui s’adapte aux jeunes enfants et qu’elle doit le montrer au quotidien en tenant compte de leur développement de manière à pouvoir les entraîner à apprendre en jouant, en réfléchissant et en résolvant des problèmes, en s’exerçant, en se remémorant et en mémorisant.
Hélas, en plus de toutes ces bonnes choses, voici que notre Bulletin Officiel se met à dérailler et qu’il occulte complètement le problème des petits enfants qu’un aménagement précaire du milieu n’a pas encore amenés à collecter puis analyser au moins quelques données relatives à la représentation symbolique. Cette capacité, qu’eux n’ont pas encore, à comprendre qu’à un signe visuel, auditif, tactile ou même olfactif unique correspond une chose, une action ou une qualité unique, permet à leurs camarades dès les premiers jours d’école d’avoir accès aux nombreux symboles qui jalonnent ce nouvel univers.
Et que propose le programme à ce sujet ? Trouvons-nous une seule occurrence de l’expression « représentation symbolique » ? Non. Heureusement, la recherche du mot « symbole » nous permet d’inscrire dans notre cahier journal que l’activité que nous prévoyons quotidiennement ou presque correspond bien à une compétence large, rétrécie pour l’occasion à un seul domaine, mais bel et bien incluse dans un « attendu de fin de cycle » :
- Mobiliser des symboles analogiques, verbaux ou écrits, conventionnels ou non conventionnels pour communiquer des informations orales et écrites [sur une quantité].
Pour élargir le problème au domaine du langage, il nous suffira d’admette que, si la symbolisation écrite des mots exprimant une quantité peut être provisoirement « libre » et ne pas dépendre de l’utilisation du code conventionnel (les chiffres), nous pouvons aussi raisonnablement penser que cela est valable pour la désignation écrite de tous les autres mots ou symboles.
Cela nous permettra d’expliquer pourquoi nous avons choisi de ne pas entamer l’étape ultime de la désignation codée visuelle si tôt et sur des enfants encore si peu concernés. Nous attendrons la dernière année du Cycle 1 (la GS) pour mettre en place puis atteindre cet « attendu de fin de cycle », encore bien trop déroutant pour de jeunes enfants dont l’environnement extérieur a bien peu préparé le terrain pour leur permettre de facilement :
- Reconnaître les lettres de l’alphabet et connaître les correspondances entre les trois manières de les écrire : cursive, script, capitales d’imprimerie.
Bien que n’amenant pas directement à un « apprentissage fondamental savant », notre travail sera pourtant d’une importance capitale, puisqu’il s’agira de rendre nos élèves aptes à découvrir, mémoriser et retenir ces 26 symboles sans fatigue ni efforts inconsidérés ! Comme un jardinier qui ne se contente pas de jeter 26 graines à la volée en attendant qu’elles germent, croissent et produisent des fruits, nous travaillerons en amont de ces 26 symboles. Notre tâche visera à construire et élargir la représentation symbolique en pratiquant au quotidien langage oral[2], discrimination visuelle et compréhension des représentations symboliques.
Le premier symbole visuel que l’être humain a utilisé semble être la représentation figurative par le dessin. Ce mammouth dessiné sur la paroi de rocher, cette main plaquée comme un pochoir représentent l’un un mammouth réel absent et l’autre une trace pouvant tenir lieu de preuve de sa présence en ce lieu mais en d’autres temps... Nos petits enfants de TPS ou de PS mais aussi parfois de MS n’ont pas encore les capacités à s’exprimer par l’intermédiaire de ce médium. Il arrive même qu’ils ne le « voient » pas ou ne le reconnaissent pas, soit par faute de connaissances ou de vocabulaire, soit parce c’est à l’école qu’ils voient leurs premières représentations visuelles en deux dimensions.
À tous ces enfants-là, nous allons apporter des mots pour enrichir leur langage et pouvoir ainsi comprendre et communiquer. Ces mots, nous allons les représenter par l’image qui sera le vecteur d’une première représentation symbolique. Plus tard, nous ajouterons à ces images d’autres symboles, moins proches du réel transmis par une photographie en couleurs, et nous combinerons ces symboles pour communiquer entre nous. Nous en serons alors aux dernières semaines de la MS et nous aurons préparé nos élèves à collecter, analyser et synthétiser facilement 26 autres symboles : ceux de notre alphabet latin.
Voici la première série de 26 et le mode d’emploi des 18 premières séries. Les mots qu’elles proposent de retenir si, en plus de ce petit jeu quotidien et de la mise à disposition dans un atelier dédié des cartes qui composent le matériel, l’enseignant s’attache à lire de nombreux albums, faire apprendre de nombreux chants, comptines et poèmes, proposer des activités plastiques qui réutilisent, tout au long de l’année scolaire, les mots de ces séries. Le lexique qu’elles proposent passera du statut de vocabulaire passif à celui de vocabulaire actif, immédiatement mobilisable en cas de besoin. Elle permettra à nos futurs (mais encore lointains) lecteurs d’être prêts non seulement à mémoriser les 26 lettres de l’alphabet dans leurs trois écritures mais aussi de combattre dès la racine les difficultés d’accès au sens, directement issues des carences de vocabulaire ou de difficultés de représentation mentale des enfants qui arrivent à l’école élémentaire.
Suivront bientôt les séries suivantes et, à partir de la dix-neuvième, les consignes complémentaires de mode d'emploi.
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PS/MS : 26 fois 26 symboles (1bis)
[1] Petit néologisme inventé par une amie qui, comme moi, peine à comprendre l’importance des mots « programmation » et « progression » et considère qu’après tout, le nom sur le flacon importe peu du moment que le contenu y est. et qu'il est riche et fécond.
[2] Dont la fréquentation orale du langage écrit sous la forme de lectures offertes et de dictées à l’adulte.