Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'École Primaire comme je voulais la raconter

OrthoGraph' : Dictées ou chasses aux fautes ?

Dictée ou chasse aux fautes
Tiré d'un document à la vente sur Internet. Je ne vous donnerai pas le nom
car ce n'est pas une bonne idée.

En ce début de deuxième trimestre, les dictées de CE1 et de CE2 s'allongent dans la méthode OrthoGraph'. Ainsi, la première semaine, les dictées de CE1 : Orthographe graphémique (3) ont de 15 à 34 mots, et celles de CE2 : Orthographe graphémique (3), de 29 à 42 mots, sachant que lorsque la dictée comporte plus de mots, c'est que ceux-ci sont moins longs à écrire.

Écrire moins ?

Certains collègues dont les élèves écrivent trop lentement ont pensé qu'il valait mieux les faire écrire un peu moins en ne faisant la dictée qu'un jour sur deux.

Je leur répondrai qu'il vaut mieux peu mains souvent que beaucoup de temps en temps. Une dictée tous les deux jours, cela veut dire seulement 10 occasions de s'interroger sur sa propre orthographe d'ici aux prochaines vacances pour les enfants de la zone A, 12 pour ceux de la zone C et 14 pour ceux de la zone B.

Et 10, 12 ou 14 occasions longues !... Ce qui n'encourage aucun enfant à écrire plus vite.

Croyez-moi, il vaut mieux ne dicter que la moitié de la dictée sur l'ardoise ou sur le cahier, tous les jours, et l'autre moitié en écrivant soi-même au tableau sous la dictée des élèves qui épellent chacun leur tour un, deux ou trois mots (le nom avec son article, ou la préposition, l'article et le nom) et se font conseiller par leurs camarades, plutôt que de supprimer des dictées ou d'avancer deux fois moins vite parce qu'on ne veut pas en supprimer.

Peut-être pouvez-vous aussi instaurer un système de récompense collective (les « Rois de la dictée », par exemple, avec distribution de couronne virtuelle) les jours où la classe réussit à finir toute la dictée dans le temps imparti ?

Peut-être pouvez-vous prendre en APC « écriture » ceux d'entre eux qui ralentissent tout le monde parce qu'ils n'ont pas assez pratiqué ou mal pratiqué l'écriture cursive en GS et/ou CP ? Les cahiers de Laurence Pierson, chez MDI, que ce soit niveau GS, CP ou CP/CE1 sont de très bons outils et devraient vous permettre de les "récupérer" rapidement.

Enfin, vous pouvez, comme je le conseille dans la méthode, ne dicter qu'une partie de la dictée le matin, sur l'ardoise ou sur le tableau (voir ci-dessus la « dictée épelée »), et l'autre partie en début d'après-midi, sur le cahier du jour, sachant que toutes les dictées, même les plus longues ne devraient pas excéder 20 à 30 minutes, grand maximum. Si ça menace de durer plus longtemps, c'est que vous n'aidez pas assez, et que vous attendez trop avant d'aider.

Petit exemple avec la dictée de Jeudi, au CE1 :

OrthoGraph' : Dictées ou chasses aux fautes ?

Écrivez : « Nous allons écrire la phrase : "La maman a mis son enfant sur le banc pendant que les gendarmes défilent ; il est content." Nous commençons par "La maman...". Quelle lettre au début de "La", Amin ? Une majuscule, très bien. Et le "an de maman", Baptiste ? Non, ce n'est pas pas E.N. ; Célia, tu sais ? Oui, A.N. Très bien. »

« Écrivez "La... avec sa majuscule... maman... avec son "an" qui s'écrit A.N. »

Laisser 10 secondes. Aider X et Y en restant derrière eux et en oralisant : "Lllllaaaa... à côté... mmmmaaaammmmaaannn...".

« Posez le crayon, je prends la craie. Donovan, épelle : "La maman". » Écrire sous la dictée.

« Qui a écrit comme ça ? Oui, très bien. Alors je continue : "La maman... a... mis..." Attention, il y a un s à la fin de mis pour dire "mise" au féminin. Écrivez "a... mis..." sans oublier le s muet à la fin. »

Laisser 10 secondes. Aider X et Y en oralisant.

« Elina, épelle "a... mis...". » Prendre le bâton de craie, écrire au tableau sous la dictée d'Elina.

« Qui a écrit comme ça ? Ah, Baptiste, quel mot as-tu mal orthographié ? Mis, tu as oublié le s. Dépêche-toi de recopier "mis, M.I.S", pour dire mise en-dessous, nous t'attendons. » Laisser 5 secondes.

« Fini ? Je continue. La maman a mis... "son... enfant..." Félix, comment écrivons-nous "son" ? Oui, S.O.N, pourquoi ? Tu ne sais plus ? Gaëlle ? Non plus ? Alors, je vous le dis : c'est son enfant à elle, le sien (geste montrant sa poitrine). Mon enfant, ton enfant, son enfant (gestes montrant sa poitrine, la poitrine du voisin, sa poitrine). Le déterminant démonstratif "son" qui s'écrit S.O.N. Donc, son, S.O.N, et après "enfant", c'est difficile. Tu sais, ça, Félix ? Il y a trois difficultés... Vas-y : le premier "an", E.N., le deuxième, A.N., et un T muet pour dire "enfantin, enfantine, enfantillage".  C'est parfait. »

« Allez-y, écrivez, la maman a mis... son... le déterminant possessif, S.O.N,... enfant, premier "an", E.N, deuxième "an", A.N., et le T muet pour dire "enfantin, enfantine, enfantillage". »

Laisser 10 secondes. Corriger en 10 autres secondes.

Etc.

En continuant à ce rythme-là, sans se dépêcher, en laissant les élèves parler un peu mais sans non plus autoriser les digressions, on arrive, en 20 minutes 55 secondes, à faire les deux premières phrases, corrections comprises. Et le mieux est alors de laisser la 3e phrase (Comment appelles-tu ton chat ?) pour un autre moment, au tableau, pourquoi pas.

Ne plus écrire du tout ?

D'autres se sont dit qu'ils pourraient remplacer cette dictée par une « chasse aux fautes » telle qu'on en présente une sur le document en tête d'article.

Là, je n'hésiterai pas à dire que c'est une très mauvaise idée qui cumule plusieurs inconvénients.

En effet, les enfants n'écrivent plus, ce n'est donc pas un exercice de dictée pendant lequel cerveau, bouche, yeux et main communiquent de concert. L'attention se dilue, l'intérêt aussi, surtout chez les plus faibles, car ils ne se considèrent plus comme réellement acteurs puisque leurs mains ne sont pas sollicitées. 

Dans le cadre de la dictée réussie, moment d'apprentissage de l'orthographe, on passe totalement à côté du volet kinesthésique de cet apprentissage, on ne convoque pas cette main qui a la mémoire du geste, celle qui est le prolongement de l'œil et donne à voir aux autres et à soi-même ce que le cerveau « conçoit à l'intérieur ».

Enfin, l'enseignant donne « le mauvais exemple », celui de l'élève qui malgré de longues années d'école ne sait toujours pas, celui qui invente des fautes au lieu de chercher à les éviter.

Et ceci est encore plus grave lorsque les enfants à qui on fait pratiquer cet exercice n'ont que l'école pour leur apprendre l'orthographe (enfants de REP ou REP+ par exemple).

C'est une forme de mépris que de croire que, parce qu'ils parlent mal ou pas du tout le français chez eux, parce que leurs parents, lorsqu'ils l'écrivent, le font avec des fautes grosses comme ça, on peut leur délivrer un sous-enseignement moins sérieux, moins ambitieux, moins exigeant qu'aux bons petits enfants d'ingénieurs, médecins, professeurs et autres CSP+.
Rappelons-nous que c'est au contraire pour donner à ces enfants l'occasion de découvrir autant de choses que leurs camarades plus chanceux que l'école pour tous a été créée.

Croyez-moi, il vaut mieux ne dicter qu'une phrase tous les matins en arrivant, une autre en rentrant de récréation, une troisième en début d'après-midi et la dernière après la récréation de l'après-midi et habiller un peu cela en tamponnant un « passeport pour l'orthographe » à quatre reprises à tous les élèves, qu'ils aient fait des fautes ou pas, qu'ils les aient toutes corrigées ou pas, en leur disant que bravo, plus ils écriront, et plus ils écriront vite, plus ils auront à réfléchir sur l'orthographe des mots avec leur corps tout entier, main comprise, et moins ils feront de fautes.

Nous pouvons aussi, pour les encourager et leur donner un vrai challenge à battre, leur montrer que nous pouvons garder les yeux fermés pendant que notre main écrit au tableau tous les mots de la dictée sans se tromper, tellement elle a bien été programmée quand nous étions enfants nous-mêmes.

Nous pouvons, nous devons tout faire pour nous adapter à eux de façon à les adapter à l'école, par l'ambition et l'amusement réunis, par l'émulation et la bienveillance associés et, le plus important de tout, par la mise à mal de tous les tabous qui entachent la réputation des enfants de REP, ces nouveaux parias de la société, ces enfants au rabais qui n'auraient besoin que d'une culture au rabais.

Éloge de la lenteur et de la souplesse

Je vais finir par croire que les promoteurs des TBI, TNI et autres Témachinchozi sont en train de tuer le peu d'enseignement de l'orthographe qui restait, tellement ces objets deviennent des « pousse-au-crime » qui nous entraînent tous à faire à l'avance du joli, du clinquant, du magique qui émerge de nulle part par la vertu d'un clic de souris.

L'orthographe, celle qui permet étymologiquement d'écrire droit, il faut qu'elle naisse d'une main munie d'une craie ou d'un feutre qui trace patiemment ses lettres sur la surface noire, verte ou blanche d'un tableau

Il faut que la main puisse effacer d'un coup de chiffon l'erreur inopinée, qu'elle puisse souligner d'un trait, d'une vague, d'un pointillé ce que les enfants nous signalent, qu'elle puisse reprendre facilement une règle oubliée en écrivant juste à côté quelques mots qui la rappellent et qu'elle l'efface dès qu'elle est revenue en mémoire.

C'est de la main de l'artisan que l'apprenti découvre les gestes de sa profession, c'est avec sa propre main qu'il les reproduit ensuite, d'abord lentement et maladroitement, puis de plus en plus vite et de plus en plus aisément.

De même, c'est de la main de son enseignant que l'enfant apprend les gestes et les usages de l'écriture et c'est de sa propre main qu'il les reproduit ensuite. Cette reproduction, pour devenir rapide et aisée, doit, après enseignement, être exercée quotidiennement pour devenir un véritable mode d'expression.

Pensez-y !

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Bonjour,<br /> Merci pour tous vos conseils. J'ai une question, j'ai deux élèves dys suivis par une orthophoniste. Malgré mes nombreuses aides, ils n'arrivent pas à retenir les mots de la dictée, le plus fragile malgré les mots écrits sur son ardoise n'arrive pas à les écrire sans faire d'erreur, il ne sait malheureusement toujours pas écrire les déterminants, les mots outils. Je ne sais pas comment l'aider pour apprendre l'orthographe des mots et réussir la dictée. Auriez-vous des conseils?<br />  <br /> Cordialement<br />  
Répondre
J
Bonsoir Madame<br /> Pour information, le TBI n'empêche pas d'écrire à la main et c'est ce que je fais tous les jours avec mes élèves. Il apporte un plus puisque je peux écrire sur un vraie feuille Seyes sans avoir à refaire les lignes tous les matins... 
Répondre
J
Bonjour, l'écriture et l'orthographe ne passeraient donc que par la craie et le tableau ? Autant je suis parfaitement d'accord avec vous sur le principe de votre dictée, que j'ai pratiquée de la sorte pendant de nombreuses années, autant la conclusion de votre commentaire me déroute. Pas du tout mais du tout d'accord avec vous !
Répondre
S
Merci pour cet article qui nous remet en perspective. Me voilà confortée et remotivée pour la période.Je vous souhaite une belle nouvelle année :)<br />  
Répondre
L
Un grand merci pour cet article et votre travail. C'est un bonheur de travailler de cette façon !
Répondre
D
Merci !! je suis bien d'accord avec vous quand vous dites que sous couvert de bienveillance, on minore /simplifie les exigences. C'est pour moi un véritable mépris !!<br /> Je garde à l'esprit de scinder la dictée en 2 si cela dépasse 30 minutes. Personnellement j'alterne travail sur l'ardoise et cahier du jour, mais j'avoue je fais pas assez souvent la dictée à l'enseignant. je vais peut-être du coup scinder en 3 moments: adulte, ardoise et l'après-midi cahier du jour.<br /> Merci pour votre travail et bonne année !
Répondre