L'École Primaire comme je voulais la raconter
Merci à Sophie Borgnet pour cette illustration, tirée de Pour une Maternelle du XXIe Siècle
Mon plus grand regret, ces derniers temps, c'est d'avoir laissé publier Pour une Maternelle du XXIe Siècle, ce bouquin qui me tient tellement à cœur depuis que, mus par de trop bons sentiments, les gouvernements successifs ont laissé primariser l'École Maternelle.
Voilà une vingtaine d'années désormais que je vois autour de moi les collègues se laisser convaincre que tout doit passer par le scolaire, le quantifiable, l'évaluable, le « notable » presque.
Je suis affolée de voir à quel point la vie quotidienne, la rencontre fortuite, l'observation de visu, le dialogue à bâtons rompus ont été évacués des salles de classe au profit :
L'arrivée d'un renouveau m'a fait un temps espérer que ça allait évoluer et que, bientôt, on n'entendrait plus parler de cahier de réussites, d'évaluation des compétences, d'exploitations d'albums, d'entrée dans l'écrit, de file numérique, etc.
Mais hélas non, les pinces à cornichons et les boules de coton, les pinces à épiler et les lentilles, les pichets d'eau en porcelaine et les verres en cristal, les cartes de géographie muettes, les perles colorées et les lettres rugueuses pour apprendre à faire des multiplications et à lire à 4 ans ont juste remplacé les puzzles de couverture d'albums sur lesquels on doit entourer le nom de l'éditeur et celui de l'illustrateur, les lettres capitales à ranger dans l'ordre prévu par la fiche piquée sur internet (que ce soit PRINCESSE, STEGOSAURE ou AFEHGEVX) ou les abécédaires en collier de nouilles qu'on affiche sur Pinterest, mais le fond est resté le même : « Je te montre, tu apprends, tu récites, je vérifie la conformité de ton action, je coche la case (ou je photographie ton exploit) et on passe à autre chose ». L'inverse exact de ce qui devrait être fait si on comptait faire des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines de vide sidéral !
C'est contre toute cette tristesse, contre cette pédagogie morte, que je comptais lutter en écrivant ce livre. J'y détaillais par le menu tout ce qui permettait de partir de la vie, de s'y raccrocher pour que les enfants progressent, dans tous les domaines, sans même s'en rendre compte, simplement parce que leur élan vital, comme disait Freinet, les y entraînait avec enthousiasme.
Et puis voilà, la mayonnaise n'a pas pris. Pourtant, tout y est. Les explications théoriques comme les installations et aménagements à mettre en place, les contenus « scolaires » comme les relations avec l'ATSEM et les familles ou l'accueil des tout-petits, les grands principes comme les petits « trucs » pédagogiques.
Et en plus, comble de tristesse, il est illustré d'images que je trouve ravissantes et que personne ne voit.
Depuis le 20 mars 2018, j'en ai une pile de 12 à la maison. Même en offrant les frais de port à qui en voudrait un, personne n'est intéressé. Bien sûr, le payant moi-même 23 € à mon éditeur, je suis bien obligée de le revendre à ce prix-là... Cela pourrait être ça qui coince, mais même pas ! Le seul que j'ai envoyé, je l'ai offert et posté à mes frais à une jeune PE1 déboussolée qui s'affolait à l'idée d'être catapultée sans formation dans une classe maternelle !
Petit rectificatif : Ce midi, au courrier, j'avais une commande pour ce livre. Je remercie VL pour sa confiance.
Nouveau petit rectificatif : Les frais postaux ayant énormément augmenté, je ne prends plus en charge les frais de port. En revanche, je les limite au maximum, ne faisant payer que les timbres (5,82 € en février 2021). Et j'accepte le paiement en plusieurs fois, il suffit de m'écrire grâce à l'onglet Contact.
Alors que je suis sûre que si j'en mettais un à un les chapitres sur ce blog, comme je l'ai déjà fait pour certains, ils seraient consultés et partagés sur les réseaux sociaux, ce qui donnerait une chance d'être connue à la pédagogie naturelle et familière – autrement nommée parfois méthode des petits pas – que cet ouvrage détaille...
Après ces quelques jours de vacances, je devais me remettre à l'ouvrage aujourd'hui parce que j'avais promis à des collègues de continuer tel projet ou d'en initier tel autre.
Mais avant cela, je tenais à « vider mon sac » et à vous exposer ce grand regret ; non pas pour que des collègues apitoyés se disent qu'après tout, la pauvre, si on lui en prenait un, ça lui remonterait le moral mais bien pour me conforter dans l'idée que je dois rester dans l'idée de partage plutôt que de vente et que ce coup dans l'eau que je viens d'exposer me le prouve.
Musique et expression en maternelle
Coller des étiquettes et changer des couches !
À la fois École et Maternelle...
Ne pas déranger ! Ici on joue…
[1] Un exemple parmi cent autres, extrait du guide pédagogique Narramus – La chasse au caribou – MS-GS : « Pour raconter une histoire, il faut bien comprendre et bien mettre dans sa mémoire tout ce qui se passe. Aujourd’hui, vous allez étudier le début de l’histoire La chasse au caribou et vous vous mettrez à la place du personnage, un garçon, pour essayer de comprendre ce qu’il pense, veut, ressent. ». Comme au collège, au lycée, à l'université, le professeur énonce un théorème qu'il va faire appliquer à ses étudiants au cours d'un ou plusieurs exercices d'entraînement, espérant ainsi que ceux-ci sauront ensuite le transférer à d'autres histoires, d'autres contes, d'autres écrits... On se croirait chez Topaze ! Triste...