L'École Primaire comme je voulais la raconter
Quand on a un piano dans son école et qu'on est soi-même pianiste, on peut, comme avec tout autre instrument, accompagner les enfants lorsqu'ils chantent en chorale. L'énorme avantage par rapport au chant a cappella, c'est de réussir à garantir la justesse : les enfants et nous-mêmes restons dans le ton, même si la chanson comporte plusieurs couplets. Un autre avantage, par rapport aux accompagnements enregistrés cette fois, c'est de pouvoir faire varier le tempo progressivement, ou encore de pouvoir faire travailler et retravailler un passage difficile vocalement plusieurs fois de suite, note à note s'il le faut.
On peut ajouter à cette utilisation habituelle :
→ des exercices d'attention et de discrimination auditive (Jacques a dit musical ; écoute et repérage d'une phrase musicale ; repérage d'accords harmonieux ou dissonants ; ...)
→ des notions de musique
→ de travail vocal (vocalises, jeux vocaux, ...),
→ d'accompagnement rythmique d'une mélodie jouée au piano (percussions corporelles, petites percussions),
→ expression corporelle sur des morceaux joués par l'enseignant
Pour la sensibilisation à la gamme diatonique et à l'accord parfait, j'utilise une petite chanson, en trois versions successives, que nous avions inventées avec un ami professeur de musique. Cette petite chanson dont la mélodie suit une gamme diatonique, avec les altérations nécessaires, dit :
1) de DO à SOL (puis de RÉ à LA, puis de MI à SI, etc.) : « Monte l'escalier, Descends l'escalier ».
2) en ajoutant les trois notes de l'accord parfait ascendant puis descendant : «Monte l'escalier, Descends l'escalier, Tout en haut, Tout en bas »
3) En utilisant la gamme complète : « Monte l'escalier jusqu'en haut, Descends l'escalier jusqu'en bas, Vraiment en haut, Vraiment en bas ».
L'avantage du piano, c'est que les enfants voient les "marches de l'escalier" et associent le sens gauche droite de cet escalier au sens gauche droite de l'écriture et de la lecture.
Ensuite, plus les enfants grandissent et plus leurs connaissances musicales augmentent et plus la découverte de l'instrument peut être poussée : nom des notes, figures de notes, touches noires et touches blanches, la gamme chromatique, création d'un code de lecture, l'escalier des notes et la partition, etc.
On peut aussi partir de l'observation de l'intérieur de ce piano pour lancer un projet de création d'instruments à cordes frappées, pincées, frottées, avec ou sans caisse de résonance. Les plus grands pourront étudier leur propre système phonatoire et comprendre en expérimentant comment les cordes vocales émettent en vibrant un son qui est amplifié par les différentes composantes du conduit vocal.
On observera ensuite des instruments sans cordes pour comprendre comment naît le son qu'ils propagent. Ceci donnera lieu à des fabrications, des expérimentations, des orchestrations...
Nota bene : Comme vous le savez, je ne suis pas partisane des projets longs, pratiqués une seule année scolaire et dont le domaine est ensuite laissé en friche les autres années de la scolarité. Je ne saurai donc trop vous conseiller de mener ce projet tous les ans, dans toutes les classes, par des échanges de service au besoin, en mettant en lumière chaque année un peu toutes les composantes du projet, juste pour faire faire un petit pas en avant aux enfants plutôt que pour leur faire produire un chef d'œuvre qu'on rangera ensuite dans un coin où il prendra la poussière et sera bien vite enterré sous des tonnes d'autres projets aussi rapidement oubliés.
« Petits » bonus :
→ en pratiquant le chant choral, on apprend aux élèves à travailler ensemble sur un même projet, à s'écouter les uns les autres, à chercher l'harmonie
→ en exerçant l'attention auditive autour d'un piano, on aide les enfants à être plus attentifs aux sons en général (et ça dispense de commencer la phono par les syllabes dès la PS ou la MS)
→ en exerçant la discrimination auditive, toujours autour d'un piano, on apprend aux enfants à être capables de différencier les sons, y compris ceux du langage oral
→ en travaillant les notions musicales, en pratiquant les vocalises, on apprend à moduler sa voix, à être attentif aux sons que l'on produit, à acquérir un rythme interne plus souple, plus modulable, plus posé.
→ en jouant soi-même d'un instrument même très simple pour accompagner le piano, on acquiert peu à peu attention et discrimination auditive, capacité à suivre un rythme, écoute et prise en compte des autres, capacité à participer à un travail collectif de plus en plus exigeant
→ et encore toutes sortes de « petits bonus » qui dispenseront de bien des rituels et bien des subterfuges destinés à apprendre à un groupe d'enfants de 2 à 11 ans à vivre en harmonie, 24 heures par semaine, au sein d'un espace commun.
Et bonnes vacances !