L'École Primaire comme je voulais la raconter
M. me demande :
Bonjour Catherine,
Je me demande pourquoi introduire les signes mathématiques +, - et = en GS et ce dès la 2ème période ? D'après l'Inspectrice, c'est à proscrire en maternelle car il s'agit d'un concept trop abstrait pour les élèves et les notions qu'ils sous tendent ne sont pas encore en place. J'aimerais donc en savoir plus sur le choix que vous faites dans votre méthode.Merci beaucoup !
Et voici ma réponse :
J'introduis ces signes en tant que « pictogrammes » plutôt que pour désigner une véritable abstraction mathématique.
Ainsi, le signe + est abordé comme remplaçant de la conjonction de coordination et, le signe – est la traduction de l'expression j'en enlève, le signe = traduit l'expression c'est pareil que. Plus tard, lorsque les signes x et : apparaissent, les enfants ont compris le rôle opératoire des signes mathématiques et aucun n'est dérouté par leur emploi.
Je sais qu'actuellement, c'est une idée qui n'a pas très bonne presse. Mais, si nous nous tournons vers un passé très récent, entre les années 1990 et 2015, dans certaines circonscriptions et certains instituts de formation des maîtres, dire à un enfant de cinq à sept ou même huit ans que la lettre A traduisait (souvent) le son [a], la lettre B, le son [b] et ainsi de suite était complètement prohibé, au prétexte que c'était faux puisqu'il existait des mots comme aimer, autre, eau, main, plomb dans lesquels ces lettres n'obéissaient pas à la règle que nous, pauvres Béotiens, nous apprêtions à apprendre à nos élèves. Il était même de notoriété publique que c'était cet apprentissage qui avait rendu les élèves français totalement illettrés pendant une bonne centaine d'années !
Mais je sais aussi que, comme cette idée loufoque qui a pourtant été unanimement partagée par la totalité de la hiérarchie de l'Éducation Nationale, et corroborée par l'unanimité des chercheurs en Sciences de l'Éducation, cette contre-vérité au sujet des signes opératoires disparaîtra sans doute un jour.
Et comme mes petits élèves de GS ont su pendant des années transformer peu à peu la lecture de la phrase mathématique 5 + 3 = 8, de « Cinq et trois, c'est la même chose que 8. » en « Cinq plus trois égal huit. », je continue à leur proposer dès le mois de décembre les signes +, – et =, qu'ils savent reproduire beaucoup plus facilement que et, j'en enlève, c'est pareil que.
C'est cependant une idée que je garde pour moi et pour les personnes qui s'intéressent à ce que je fais et tentent de l'appliquer dans leur classe, sans préjugés. Je sais trop bien que, depuis les années 1990, la « base » n'a pas bonne presse dans notre hiérarchie qui préfère manier des concepts savants et mener des enquêtes dont les résultats sont priés d'obéir par avance aux théories qu'elles sont censées corroborer plutôt que constater des faits concrets sur le terrain.
Il est donc totalement inutile à mon avis de contrarier votre IEN sur ce point, vous ne gagnerez que son mépris ou pire sa rancune. En revanche, le jour où un chercheur imposera au ministère des programmes de GS où on conseillera aux enseignants de se servir de pictogrammes simples, tels que +, –, =, x, : et même / pour traduire le résultat de leurs recherches (4 + 2 = 6 ; 6 - 3 = 3 ; 2 x 2 = 4 ; 8 : 2 = 4, ½ de 10 = 5), vous aurez la joie secrète de sourire intérieurement en pensant aux doctes conseils de votre IEN en décembre 2023...
Passez une bonne dernière semaine et de belles fêtes de fin d'année !