L'École Primaire comme je voulais la raconter
Avant-propos du livre du maître accompagnant le manuel de lecture CE1.
Il éclairera, j'espère, tous ceux qui, après l'apprentissage premier de l'écriture-lecture, au CP, peinent à trouver des textes et des méthodes permettant aux élèves de continuer à progresser, de gagner en autonomie, d'utiliser la lecture et l'écriture comme un moyen supplémentaire de savoir et de s'exprimer.
Lecture et Expression au CE
Avant-Propos
Objectif général
« On apprend à lire toute sa vie », ai-je appris au cours de ma formation initiale et continue. Personne ne peut nier cela, à condition de faire abstraction des vérités que nos formateurs nous assenaient conjointement à cet axiome de base de la pédagogie moderne.
Pour appuyer leurs dires, ils intervertissaient volontiers son et sens, sens et son, jusqu'à faire disparaître et l'un et l'autre ; ils démontraient, sans preuves concrètes, que l'étude de l'un contrariait l'acquisition de l'autre ; ils allaient et vont toujours même jusqu'à assurer qu'il conviendrait de les dissocier largement en cours d'apprentissage, jusqu'à ne travailler le son qu'à l'oral ou sur des pseudo-mots alors que le sens devrait être décortiqué procédé par procédé, presque à vide, quand il s'agit de la lecture faite par l'élève1 ou laissé à sa libre interprétation au cours de lectures longues souvent effectuées par le maître.
Pour nous expliquer comment il convenait d'amener nos élèves à l'écrit autonome, on appelait à la rescousse une autre série de « compétences », qui, si elles devaient impérativement trouver leur source dans les écrits lus, souvent par l'adulte, n'avaient pas cependant à y faire provision de repères orthographiques, syntaxiques ou lexicaux à réinvestir à court et à long terme.
Seul le type d'écrit comptait et la libération des talents d'écrivain de l'enfant considéré comme déjà capable de maîtriser la forme et le fond. L'orthographe surtout, parent pauvre de l'éducation depuis une trentaine d'années, en était évacuée ; on s'appuyait pour justifier cela sur le principe des compétences indépendantes des connaissances, un peu à la manière de Pierre Dac et Francis Blanche qui, dans un sketch célèbre, affirmaient qu'ils pouvaient le faire mais ne le faisaient jamais ! L'enfant peut écrire sans faire de fautes mais il n'a surtout pas à le prouver lorsqu'il écrit.
Dans la plupart des classes, on écrit d'ailleurs très peu malgré les « cahiers de l'écrivain » et les grands projets destinés à être exposés en version papier ou numérique à travers les larges fenêtres que l'école doit ouvrir sur l'extérieur. Il faut dire que le temps manque et qu'il est difficile, même après de très nombreux allers-retours entre auto-évaluations et réécritures, d'obtenir de ses élèves ces résultats dignes d'être exposés ! Surtout lorsqu'on commence par la fin et qu'on attend de petits enfants sachant lire et écrire seulement depuis quelques mois des compétences dignes d'un Victor Hugo ou d'un Daniel Pennac !
L'ambition de ce manuel est tout autre. Il procède pas à pas, rassemblant sur chacune de ses pages, mille compétences différentes qui, prises individuellement, ne servent à rien mais qui, associées les unes aux autres, triturées, malaxées ensemble, font des jeunes enfants de six à sept ans de petits lecteurs, très vaguement écrivains, certes, mais des lecteurs écrivains qui maîtrisent ce qu'ils sont capables de réaliser pour le moment.
Notre objectif, en écrivant cet ouvrage, est de voir la lecture et l'écriture faire peu à peu partie de la vie quotidienne de nos élèves. À sa suite, ils navigueront de l'oral à l'écrit et de l'écrit à l'oral selon les besoins et les moments : de la lecture de mots simples, destinés à renforcer les compétences de bases, à la lecture à voix haute théâtralisée de scénettes, de la rédaction collective de courtes phrases à l'écriture autonome de textes simples mais complets, tout est mis en œuvre pour que les enfants quittent le CE1 en ayant intégré la langue écrite à leurs pratiques d'expression, de documentation, d'instruction et de communication.
Grâce à une pédagogie basée sur l'écoute et l'expression orale développée lors de toutes les séances, les élèves vont continuer à parfaire leur langage oral, chacun à son niveau mais tous ensemble pour les progrès de tous : la langue écrite enrichit la langue orale qui, à son tour, s'enrichit des savoirs lexicaux de chacun. La théâtralisation de certains textes, la lecture expressive et l'apprentissage par cœur des poésies régulièrement présentées aident les élèves à corriger leur articulation et à s'imprégner de mots, expressions et tournures recherchés.
Enfin les illustrations, réalisées pour ce manuel par une artiste connaissant le monde de l'enfance puisqu'elle est aussi professeur des écoles, servent à leur tour la méthode de perfectionnement de l'écriture-lecture mise en œuvre. Elles ont pour mission d'éclairer le texte sans le déflorer, de favoriser l'expression, orale et écrite, d'encourager les élèves à se servir eux-mêmes du dessin pour suppléer momentanément à leurs difficultés d'expression écrite ou pour enrichir leur expression plastique personnelle.
Organisation pratique au quotidien2
1) Lecture du texte :
À la rentrée des classes, placés face à un texte de deux à trois lignes, nos élèves peuvent le déchiffrer à voix haute, parfois très lentement, en hésitant beaucoup3, parce que les deux mois de vacances ont tassé leur fond de connaissances et qu'elles demandent à être réactivées doucement.
Après cette lecture oralisée, ils peuvent raconter, avec leurs mots, ce que cette courte lecture leur a appris ; cela correspond bien entendu à ce que toute la classe et le maître ont aussi appris. Ils pensent à demander des explications sur les mots qu'ils ne comprennent pas et savent, après information, les réutiliser dans des phrases qu'ils inventent eux-mêmes.
Lors de la lecture du paragraphe suivant, sans qu'on ait besoin de travailler ces compétences à part pendant un autre temps scolaire, ils font le lien avec le précédent, comprennent l'implicite des situations simples qu'ils découvrent et reconnaissent les personnages, les animaux et les choses dans les reprises nominales et pronominales qui évitent les répétitions.
C'est ainsi qu'après une relecture complète des quatre à cinq paragraphes de chaque texte, ils sont prêts à aller plus loin et se pencher sur une analyse plus fine de ce qu'ils viennent de lire.
2) Analyse et synthèse à partir du texte lu :
Nous savons lire :
Ils vont d'abord réactiver ce fond de connaissances graphémiques indispensable à une lecture plus rapide et plus fluide. Pour ce faire, surtout pas de pseudo-mots : l’œil et le cerveau doivent apprendre à travailler conjointement. S'il a été une étape de l'apprentissage où il fallait nécessairement passer par l'encodage lettre à lettre, nos élèves doivent désormais dépasser ce stade et apprendre à déchiffrer très vite les mots les plus fréquents du vocabulaire français, dans une reconnaissance presque instantanée. La lecture va ainsi nourrir l'orthographe qui, à son tour, rendra la lecture plus rapide. S'il le faut, quelques indications feront des mots inconnus, ravalés au rang de pseudo-mots par les élèves, de vrais mots, identifiables par le décodage et identifiés par leur compréhension.
Nous expliquons :
Le déchiffrage et la compréhension sont à nouveau à l'honneur ensemble dans l'exercice suivant. Les élèves relisent les mots et expressions rares qu'ils ont découverts dans la lecture, puis en découvrent ou redécouvrent1 le sens. Le langage oral est immédiatement appelé à la rescousse pour des reformulations, des exemples, des anecdotes mettant en scène ces mots. Le vocabulaire passif devient actif, il sera réemployé aussi souvent que possible dans la vie de la classe les jours suivants.
1Voir dans la description des premières leçons.
Nous réfléchissons :
L'enrichissement de la compréhension continue avec l'exercice de la réflexion. Autant que faire se peut, ces questions sont conçues pour être très ouvertes. Elles ne reprennent pas mot à mot le sens exact du texte car il a été déblayé lors des lectures de paragraphes. Leur but n'est pas non plus d'obtenir qu'un bon élève réponde très vite à la première par quelques monosyllabes avant de passer à la suivante ; au contraire, elles cherchent à élargir le débat et permettre à chacun de s'exprimer à son niveau avant de s'intéresser au débat collectif5. Ces questions constituent donc un guide non exhaustif pour le maître qui pourra en approfondir certaines, en supprimer d'autres, rajouter les siennes et surtout toutes celles que leurs élèves choisiront de débattre entre eux6.
Ces questions peuvent aussi faire l'objet d'un travail d'expression écrite, collectif en début d'année, puis de plus en plus individualisé au fur et à mesure que les élèves acquièrent des réflexes orthographiques et une vitesse d'écriture compatible avec un travail autonome de qualité. Cette solution, après un temps d'apprentissage collectif obligatoire garantissant le respect de l'orthographe et de la syntaxe, peut constituer une excellent solution lorsque le maître est à la tête d'une classe à plusieurs niveaux et qu'il a intérêt à favoriser l'autonomie des élèves pour qu'ils puissent travailler de front, même lorsqu'il s'occupe d'autres enfants.
Nous nous exerçons :
L'exercice suivant vise aussi à enrichir l'expression orale et écrite des élèves en proposant un travail autour du vocabulaire ou de la syntaxe. Il travaille intuitivement toutes les notions qui, plus tard, seront structurées de manière plus formelle au cours des leçons de vocabulaire, d'orthographe et de grammaire du programme de français. Les notions reviennent souvent, sous des habillages différents, afin que chacun puisse opérer les transferts nécessaires entre ce qu'il pressent intuitivement et ce qu'il a déjà appris, à d'autres moments, parfois même dans d'autres domaines du savoir scolaire. Son exécution sera soit orale, soit écrite, toujours selon le niveau de la classe, le temps mobilisable et la disponibilité du maître.
Nous nous exprimons :
Le dernier exercice permet enfin de réutiliser tous ces nouveaux acquis par l'expression personnelle ; de l'oral à l'écrit, en passant par le dessin, tout ce que les élèves savent déjà faire est sollicité, réemployé en association avec ce qui n'est pour le moment que très superficiellement connu. Le maître est là, tout proche, guidant le travail afin que, de plus en plus, et toujours à petits pas, tous progressent et prennent une autonomie réelle car construite et étayée par des savoirs sûrs qui s'automatisent progressivement.
Tout au long de l'année, ces exercices seront repris, enrichis, complétés par d'autres, toujours dans le but d'offrir à tous l'occasion de progresser, d'enrichir leurs connaissances, de les assurer pour pouvoir les mobiliser seuls mais de manière correcte et habituelle : lecture à haute voix fluide, compréhension immédiate du sens général, utilisation du contexte pour pratiquer des inférences et comprendre l'implicite, maîtrise du sens des mots et découverte de règles régissant leur construction, acquisition de réflexes orthographiques et syntaxiques, rédaction autonome de paragraphes de trois à quatre phrases correctement orthographiés et ponctués.
Les textes de lecture s'enrichiront, ils permettront la découverte d'autres lieux, d'autres temps, d'autres connaissances ; ils élargiront le quotidien des enfants de CE1 en continuant à étoffer leur connaissance du patrimoine littéraire accessible aux jeunes enfants.
Nous espérons qu'ainsi disparaîtra des classes l'horrible malédiction frappant depuis quelques décennies la plupart des enfants qui n'ont que l'école pour découvrir la richesse de la langue française, son écriture, sa lecture et sa littérature. Puisse ce manuel ouvrir la porte à de nombreux autres, bien décidés à considérer comme lui que si l'on apprend à lire toute sa vie, il est nécessaire que les enfants soient entraînés et guidés dans cet apprentissage et qu'il ne convient pas de les précipiter tout jeunes encore dans une utilisation de moins en moins suivie des vingt-six lettres qui constituent le fond de tous les possibles s'ouvrant à eux à l'aube de leur septième anniversaire.
A) Lecture Année 1 :
Annexe 2 : Rédaction collective d'une phrase
B) Lecture Année 2 :
Lecture et Expression, Année 2 (1) ; En cours de rédaction
C) Dictées :
CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (1) ; CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (2) ; CE1-CE2 : Dictées Lecture et Expression (3)
D) Foire aux questions :
CE : Utiliser Lecture et Expression (FAQ 1) ; LECE: Comment faire en CE1 CE2 ? ; CE1 : Lecture et Expression au quotidien
Notes :
1 Les dernières « modes » sont la recherche d'inférences, sur des textes très courts, décontextualisés, et la fluence, sur des textes lus et relus, jusqu'à obtenir une rapidité de façade, cachant parfois une récitation du texte que l'élève ne regarde même plus.
2 Bien que nous soyons souvent pris par le temps, il est impératif que la lecture, association du son produit et du sens découvert, soit pratiquée au quotidien et qu'elle fasse toujours l'objet d'une exploitation visant à la rendre naturelle chez les enfants. Chaque double page est conçue comme un tout qui doit faire l'objet d'une séance collective quotidienne. Pour être efficace, l'étude de la page de droite doit suivre immédiatement la lecture effectuée sur la page de gauche. Le travail sur les deux pages ne doit pas excéder 30 à 45 minutes, quitte à ne pas utiliser l'écriture manuscrite au cours de la phase d'analyse et de synthèse.
3 Pour les élèves qui n'en sont même pas encore là, nous développerons dans la description des premières leçons ce qu'il conviendra de faire pour différencier l'apprentissage ou les aider à combler rapidement leur retard afin de les raccrocher le plus vite possible au groupe.
4 Voir dans la description des premières leçons.
5 Voir Pédagogie de l'écoute, Pierre Péroz , destiné à l'école maternelle, mais valable jusqu'à la fin du CE1 et même plus : http://www.cndp.fr/crdp-reims/ressources/conferences/peroz/peroz.htm
6 Attention cependant à ne pas déborder du cadre horaire et délayer ainsi le bénéfice de la lecture quotidienne, devenue lourde et pesante pour les élèves les plus éloignés de la culture scolaire.