L'École Primaire comme je voulais la raconter
Vers la lecture en PS MS (extrait de PS/MS : 26 fois 26 symboles (1))
Suite de l'article La lecture (en maternelle). Nous en étions à :
Aujourd'hui que nous ne faisons plus chanter la table de multiplication, ni les départements, aujourd'hui que nous ne nous permettons de confier à la mémoire que la poésie qui a été comprise, aujourd'hui que nous avons surtout souci d'éclairer notre lanterne, nous ne pouvons laisser l'enseignement de la lecture en dehors de cette espèce de renaissance pédagogique, et nous demandons, nous recommandons une méthode rationnelle.
Nous laissons de côté la syllabe inintelligible, morte, et nous prenons pour base le langage ; il est clair comme le jour que nous ne pouvons en avoir d'autre.
Comme entrée en matière d'enseignement, il faut faire parler le petit élève. Malheureusement, l'exercice de langage a beaucoup de peine à s'acclimater dans l'école.
Est-ce parce qu'il n'y a pas encore de méthode tout d'une pièce, de livre tout fait là-dessus ? Je le crains bien un peu ! [Aujourd'hui, je conseillerais à cette personne de chercher sur internet cette conférence de Pierre Péroz, adaptable à tous les exercices de langage pratiqués en classe : raconter bien sûr, mais aussi décrire, évoquer, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue.]
Et pourtant, ce serait si intéressant, si chaque enseignant* se faisait à lui-même* son plan, ses exercices gradués, toujours en rapport avec les capacités cognitives et sociales* de ses élèves, en rapport aussi avec leurs goûts, avec leurs habitudes, avec leur milieu ! La méthode deviendrait alors si vivante et si entraînante !
Nous n'en sommes pas là ; mais nous y viendrons.
D'abord, nous prendrons ces petits qui ont deux, trois ou quatre ans et que nous trouvons à raison trop jeunes pour leur enseigner à lire.
Nous leur apprendrons le nom de toutes les choses qui les entourent.
« Ce sera vite fait », dites-vous. Tant mieux ; mais j'en doute, attendu que, sans compter les termes spéciaux à chaque milieu social*, qui transforment parfois* la langue française, nous sommes tous plus ou moins ignorants du nom exact* de chaque chose.
Dans la classe, dans la maison, dans la rue, au jardin, il y a quantité d'objets pour lesquels le terme nous manque.
Quels sont, par exemple, les enfants de CM2* qui pourraient nous nommer la flore environnante ? quels sont les enfants de maternelle* connaissant le nom des fleurs du jardin ou du bouquet qu'ils apportent* ? Le nombre en est si restreint que nous pourrions presque dire qu'il n'y en a pas.
Cet exercice de langage est donc urgent, et rien de plus facile que de le faire avec ordre et méthode. Aujourd'hui, il s'agit de la classe ; demain, de la cuisine ; après-demain[1] du jardin. Les images aidant, les sujets abondent.
Chaque mot doit être prononcé exactement, à haute et intelligible voix, scandé par syllabes écrites* [pour que, dans leur articulation, les enfants n'en escamotent pas la dernière] :
« La cham-bre, le pla-fond, l'es-ca-lier, le bu-reau »
« Le ga-zon, le mas-sif, le ro-sier, le pla-ta-ne, le pru-nier »
Vous savez sans doute, mes chers lecteurs*, que, dans les écoles de certaines circonscriptions*, l'étude du « vocabulaire » figurent sur l'emploi du temps[2]. C'est ce que nous demandons, mais un vocabulaire vivant, avec pièces à l'appui.
Après les mots, viennent les groupements de mots :
« La chambre est grande. Le plafond est blanc. L'escalier est en bois. Le bureau est verni. »
Puis les propositions liées :
« La chambre est propre, mais le plafond est noirci. L'escalier de la mezzanine* est en bois, celui qui permet de rejoindre notre classe est en béton. »
Les mots représenteront des choses utiles aux enfants : « Mon lit est chaud. » ou des choses qui leur plaisent* : « Le lapin est mignon*. », ou encore des personnes qu'ils chérissent : « Ma maman* berce mon petit frère. »
C'est le « connu » pour eux ; c'est l' « apprécié » ; c'est l' « aimé ».
Ces mêmes mots qui représentent pour les enfants des idées, ces mots groupés en phrases et traduisant des pensées à eux, faisons-les-leur maintenant envisager au point de vue de la lecture, et ceci est le second exercice préparatoire, un exercice qui viendra longtemps après le premier, quand celui-ci sera devenu tout à fait familier aux enfants.
Il y a peu*, ils scandaient les syllabes écrites* ; faites-leur maintenant détacher chaque son de l'articulation à laquelle il est lié :
« M-on... l-it... est... ch-aud. »
Cette gymnastique intellectuelle plaît beaucoup aux petits esprits chercheurs, et, sans avoir jamais vu une lettre (comprenez bien qu'il ne s'agit que du son exhalé, de l'articulation prononcée, abstraction faite de leur représentation par un signe conventionnel), l'enfant décompose, épelle phonétiquement* tous les mots qu'il a au bout de la langue.
Le jardinier* qui veut ensemencer son jardin* le tourne, le retourne de-ci de-là partout, et ne confie les graines* à la terre que lorsque celle-ci est bien préparée.
Vous avez fait comme le jardinier* ; votre terre est prête. « Mon lit est chaud. » a dit l'enfant. Il a ensuite décomposé à l'oral* : « m-on... l-it... est ch-aud... ». C'est le moment de lui dire qu'il existe un* portrait de [m] ; le voici : m ; [õ] a aussi le sien. ; puis [l] et [i]. Tout ce qu'on prononce (ou peu s'en faut) a aussi son portrait que l'on peut voir*.
Et dorénavant, partout où il retrouvera ces portraits, ces signes qu'on appelle les lettres et qui sont vraiment pour lui des portraits de connaissance, il les nommera, et ce sera bientôt pour lui une fête de les tracer* : d'écrire.
Les combinaisons de ces portraits ou lettres représenteront pour lui des idées ; ces idées auront pour ainsi dire un corps : il déchiffrera avec entrain.
Plus tard, pourra-t-il se reporter à l'époque précise où il aura appris à lire ? Eh non ! puisque la découverte de la lecture ne sera qu'un des nombreux fils dont sera tissée la toile* toute entière de son esprit.
En ce moment, nous sommes bien élevés au-dessus des syllabaires* devant lesquels se sont énervées tant de générations d'écoliers. Que nous importent les kyrielles de syllabes détachées : ra ca ni mu ; les mots à difficultés : diphtongue, esthétique et le casse-tête chinois consistant à renverser l'ordre des syllabes d'un mot (cela existe[3]) : « me -ny - no - sy » pour synonyme.
Nous faisons découvrir la lecture à l'enfant au lieu de la lui imposer. La torture d'aujourd'hui sera le charme de demain.
[Je saute ensuite une assez longue explication sur un procédé que l'auteur condamne, car ce procédé, qui consiste à confier un groupe d'enfants non-lecteurs à un enfant plus avancé pour qu'il se charge de la leçon de lecture, est aujourd'hui presque partout inutilisé. Comme les reproches que l'auteur lui fait rappelle vaguement ce qu'on rencontre dans les classes avec les AIM, si cela intéresse quelqu'un, je veux bien le copier et le commenter].
Un des procédés les plus rationnels est celui de la lecture et de l'écriture simultanées.
C'est très facile. L'enseignant* trace sur le tableau la lettre la plus simple. Cette lettre est I. Les enfants la reproduisent sur l'ardoise, à l'aide d'un bâtonnet ou d'une latte d'abord, et avec le crayon ensuite ; en la reproduisant, ils en apprennent le son* : "c'est le portrait de [i] ». Pour graver ce son [i] dans leur mémoire, on leur fait chercher des mots oraux* dans lesquels il se trouve : Émile, ville, bille, cerise, Paris.
De la lettre I on passe à une autre lettre composée de lignes droites, M par exemple, et, aussitôt que possible, on fait composer aux enfants une syllabe, même un mot si l'on peut : MIMI les intéressera tout de suite, j'en suis sûre.
Ce mot, écrit d'abord en majuscules bâtons*, sera immédiatement* reproduit en minuscules scriptes* puis en cursive*. Ne dites pas, dès l'abord, que ce sera trop difficile ; je n'admets pas que l'enfant soit arrêté par la lettre P par exemple (cette lettre qui lui permettra d’écrire tout de suite PAPA), puisqu'il n'est pas arrêté devant certains modèles de dessin linéaire, tels que la ligne mixte[4].
Oh ! Ce sera très mal écrit ! aussi mal écrit que sera mal dessiné ce que j'ai déjà demandé pour le dessin, mais nous n'avons pas à nous en inquiéter ; la calligraphie viendra plus tard. Ce qui nous importe pour le moment, c'est que l'enfant apprenne à lire d'une manière rationnelle, intéressante, sans procédés empiriques, et, de plus, qu'il n'apprenne à lire que des choses qu'il peut comprendre, que des mots qu'il peut prononcer.
Les enfants qui auront écrit et lu le mot PAPA rentreront ravis à la maison et seront pressés d'écrire et de lire le mot MAMAN, dont la représentation leur deviendra bien vite familière ; ils le prononceront bien, ils le diviseront par syllabes (la définition de ce terme grammatical leur est tout à fait inutile ; il s'agit pour eux de compter combien de fois ils ouvrent la bouche pour prononcer un mot), et, en peu de temps, ils pourront écrire et lire des phrases courtes et simples, telles que : « Papa ira à la promenade. Maman a une jolie robe », etc.
Ils feront plus encore !
« Qui est-ce qui ira à la promenade ? leur demandera-t-on.
– C'est Papa.
– Où ira votre papa ?
– Papa ira à la promenade.
– Qui est-ce qui a une jolie robe ?
– C'est maman.
– Comment est la robe de maman ?
– La robe de maman est jolie. »
Qu'est cet exercice, sinon une analyse logique, cette analyse qui est la terreur des écoliers non habitués au raisonnement ? J'insiste là-dessus, parce que ce procédé d'analyse nous conduit sans tarder à la lecture fluide*.
Quelle est, en effet, la pierre d'achoppement de la lecture courante dans nos écoles ? C'est le manque d'intelligence de la phrase lue, c'est le défaut d'analyse.
Mais dès que le lecteur a analysé, il a compris ; dès qu'il a compris, il s'intéresse, et, quand on est intéressé, on devient curieux d'aller plus loin, de savoir davantage.
Nous ne connaissons plus les anciennes castes, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de diviser la société en deux classes bien distinctes : d'un côté, il y a les gens qui lisent, ceux pour lesquels la lecture est un besoin ; et de l'autre, ceux qui ne lisent pas, soit qu'ils n'aient pas ou mal* appris à lire, soit qu'ils lisent sans comprendre. Or, dans un pays de suffrage universel, tout le monde doit lire [...] !
« Mais, me dira-t-on peut-être, grâce aux conseils que vous venez de nous donner, nous pourrons sans doute enseigner aux enfants les mots très usuels, les phrases très simples ; mais comment nous y prendre pour les difficultés ? »
Les difficultés, il faut les laisser de côté. Nous ne voulons pour nos petits élèves que ce qui est à leur portée, car il faut que l'enfant puisse assimiler ce qu'il lit. Quand il se sera rendu matériellement, et intellectuellement maître des phrases simples, c'est-à-dire quand il embrassera d'un coup d'œil toutes les combinaisons de lettres qu'on lui présentera, quand il comprendra sans effort les idées que ces combinaisons représentent, il sera armé pour vaincre les difficultés à mesure qu'il les rencontrera.
« À mesure qu'il les rencontrera », car on ne le mettra plus aux prises avec des difficultés accumulées à plaisir, avec des mots et des phrases dans le genre de ceux que j'ai cités plus haut [...].
Si l'enseignant* fait lui-même* ses modèles, s'il compose ses tableaux, s'il crée, en un mot, une méthode appropriée à ses élèves, il s'en dégagera des clartés. Or c'est la clarté, c'est la lumière qui a manqué jusqu'ici.
Le passage des ardoises ou du tableau aux livres s'effectuera sans secousse, puisque, dès les premiers jours, l'enfant aura été admis à comparer la lettre cursive* à la lettre scripte*.
Cette méthode est facile, disais-je plus haut, et je ne me dédis pas ; mais, soit que les enseignants* aient manqué d'expérience, soit que les doigts malhabiles des enfants aient enrayé les progrès, nos n'avons pas encore constaté des résultats très satisfaisants. Dans beaucoup d'écoles où l'on en a fait l'essai, des mois entiers ont à peine suffi pour apprendre quelques mots seulement, et les phrases que l'on a pu construire avec ces mots ont semblé peu variées[5].
Il est à désirer cependant que l'enfant, dès qu'il a commencé à apprendre à lire, apprenne vite. Car il semble que tout soit donné par surcroît à celui qui lit de bonne heure et qui lit bien.
Si tous les enfants de sept ans savaient lire couramment en comprenant ce qu'ils lisent, la tâche des enseignants serait extrêmement simplifiée. Le programme des écoles élémentaires*, que nous trouvons trop chargé, deviendrait tout de suite assimilable par la majorité des écoliers ; car celui qui sait lire possède la clé qui ouvre toutes les portes du domaine intellectuel, aujourd'hui cadenassées pour le plus grand nombre. Le pays des clartés, au lieu d'être hérissé de murailles quasi infranchissables, lui est accessible ; il y entre, il le parcourt librement, et chaque jour amène sa découverte.
Cherchons donc un procédé plus expéditif et tout aussi rationnel pour les enseignants* auxquels le premier n'aura pas réussi.
Nous partons toujours du principe énoncé plus haut :
L'enfant parle. Non seulement il parle couramment, mais il est exercé à scander ses phrases en mots, ses mots en syllabes, ses syllabes en sons et en articulations (sans théorie aucune, sans définitions : « Compte ce que tu dis dans "papa", "pa-pa", "p-a... p-a..").
Cette préparation est indispensable ; elle est précieuse aussi et fera aller comme sur des roulettes l'enseignement de la lecture. Elle devra invariablement précéder chaque exercice de lecture.
Notre matériel se composera :
⇒ des lettres mobiles, une petite provision pour chaque enfant et la provision de l'enseignant* ; ces lettres, ce sera d'abord l'alphabet complet ; puis les sons composés : ai, an, etc. ; puis les articulations composées : ch, gn, etc. ; ensuite la 3e personne du singulier du verbe être au présent (est) qui arrête longtemps les enfants (il sera entendu que, lorsqu'il trouvera ensemble ces trois lettres composant à elles seuls un mot, il les prononcera ainsi qu'il est impossible de les décomposer) ; enfin l'article simple du pluriel ou le pronom personnel les, l'article des, la conjonction et, etc. [l'auteur ne dit pas si ces lettres sont scriptes ou cursives, je conseille cursives]
⇒ des cartons sur lesquels ces lettres, ces sons simples et ces sons composés, ces articulations simples et ces articulations composées, et les quelques mots à difficultés que nous avons cités, seront imprimés comme sur les cartons du loto traditionnel. [Des cartons à 3 rangées de 5 ou 6 cases, donc 15 ou 18 lettres, par exemple en script]
⇒ des composteurs ou cadres en nombre égal à celui des enfants sur lesquels chacun pourra composer des mots.
[Suit la description d'une séance de langage basée sur les prénoms et les noms de famille, chaque élève énonçant les siens à voix haute. Les élèves auront ainsi prononcé (et uniquement prononcé) la plupart des articulations et voyelles utilisées pour écrire le français.
L'enseignant choisit alors un de ces prénoms, en se basant sur sa fréquence et sa simplicité : ici le prénom Marie.]
Première séance :
L'enseignant* : « Que toutes les petites filles qui s'appellent Marie lèvent la main. Encore une fois. Maintenant prononçons tous bien distinctement ce nom : Marie. Coupons-le : Ma-ri-e. Décomposons-le tout à fait : M-a-r-i-e. »
Les enfants feront plusieurs fois cet exercice collectif de décomposition, sans crier, puis séparément, surtout ceux qui sont les plus lents à comprendre.
L'enseignant* : « Voulez-vous maintenant voir le portrait de [m] ? Le voici ; ces portraits s'appellent des lettres ; voici la lettre qui se prononce [m]. Cherchez le [m] dans vos lettres, montrez-le ; c'est bien. Voyez s'il y a encore des [m], cherchez-les ; mettez-les tous devant vous sur la table (ou dans le composteur). Comptez-les. Combien y en a-t-il ? »
Ce sera un moyen de contrôle. L'enseignant* aidera celui qui ne les a pas trouvés, ou le fera aider par son voisin, plus rapide* et plus expéditif).
L'enseignant* : « Y a-t-il d'autres enfants dont le prénom* commence par [m] ? Oui, répétons ensemble : Michel, Marguerite, Madeleine, Marthe. Regardons la lettre M de leur prénom.
[Les prénoms sont écrits au tableau et les enfants montrent la lettre M au début de chacun d'eux.Les autres prénoms sont prononcés à voix haute et les enfants en isolent à l'oral la première lettre : C-atherine, J-ean, L-ouise, P-ierre.]
Deuxième séance :
L'enseignant* : « Voulez-vous maintenant que nous cherchions tous les portraits, toutes les lettres qu'il nous faut pour composer et pour lire Marie [le prénom semble écrit au tableau, en entier mais l'auteur ne le dit pas] ?
Nous avons dit « M-a-r-i-e ». Cette lettre est [m]. Cherchons [a], cherchons [r], cherchons [i], cherchons [ə]. Mettons-les à côté les unes des autres et lisons : Marie. Cherchons encore tous les M, tous les a, tous les r, tous les i, tous les e. Combien y en a-t-il de chacun ? Combien de fois pouvons-nous écrire Marie ? Écrivons-le autant de fois que nous pourrons. C'est fait. Maintenant brouillez toutes les lettres. C'est fait. Composons à nouveau le prénom Marie.
[Le même exercice se reproduira pour tous les prénoms simples apportant chaque fois des lettres nouvelles aux lettres connues.]
Le jeu du loto alphabétique
Chaque enfant a son carton ; chaque enfant a son sac de lettre. L'enseignant* tire une lettre, la prononce et la montre ; les enfants marquent sur leur carton. À la seconde partie, un enfant tire les lettres, les prononce et les montrent ; autant de parties, autant d'enfants tirent, appellent à leur tour, de manière qu'au bout de la semaine, chacun y a passé.
Composer des prénoms
Les enfants ont toutes les lettres devant eux.
L'enseignant* : « Composez Marie... Louis... Michel... » Il cite l'un après l'autre tous les noms des enfants.
Composer des noms d'animaux
L'enseignant* (qui a préalablement préparé sa liste pour éviter les temps morts) : « Cherchons des noms d'animaux : poule, cheval, fourmi, chèvre, lapin, mouton, vache, âne, lion, sole, sardine, pinson, merle, etc. »
Exercice de prononciation, de décomposition en syllabes, en sons et articulations ; composition du mot, toujours d'après le procédé cité plus haut.
L'enseignant* : « Que fait la poule pour faire naître ses poussins ?
– Elle couve. »
Exercice d'expression* : « La poule couve. » - Exercice oral* de décomposition en mots : « La - poule - couve. » (combien de mots ? comptons-les) ; décomposition orale*en syllabes, en sons et articulations. - Exercice de composition des mots sur le composteur.
[On reprend la séance plusieurs fois, au sujet de la poule (La poule a un bec. - La poule a des plumes. - La poule a des ailes.) ou d'un autre animal (Le cheval a du poil. - Le cheval porte le sac de blé.), etc.]
Composer des noms, des phrases
Cet exercice se renouvellera pour les fruits, pour les fleurs, pour tout ce que l'enfant connaît et aime.
Les petites difficultés de pluriel, de lettre inutiles et de redoublement de consonnes seront vite vaincues, d'autant plus vite qu'on ne s'y arrêtera pas.
Exemple : « André a bu le lait de notre vache brune. » La prononciation qui aura été soignée aura indiqué à l'enfant que lé doit être écarté. Restent ei ou ai, on indique* que c'est ai ; le t final pourrait être supprimé, mais la laiterie alors ? C'est pour nous rappeler qu'il y a une laiterie qu'on met un t à la fin du mot.
[Enfin un paragraphe daté !: Enfin quelque chose qui prouve que ce texte est ancien, très ancien ! Et enfin l'aboutissement de trois à quatre années d'efforts au niveau du langage oral et d'un à deux ans d'efforts au niveau du langage écrit !]
Les enfants sachant bien lire, il semblerait que la tâche fût terminée. Il me reste cependant un sujet à traiter : c'est le choix des livres de lecture courante [nous dirions des albums de littérature de jeunesse].
Quelque rationnel que soit le procédé pour enseigner à lire, l'enfant aura pris de la peine pour apprendre ; il aura fait, en tout cas, un petit effort d'attention. Cet effort renouvelé tous les jours représente, pour lui, une réelle somme d'efforts dont, en bonne justice, il doit recevoir le prix.
S'il allait se dire : « À quoi bon ? » ou : « Si j'avais su ! »[6], il se produirait certainement un arrêt de sa bonne volonté, qu'il est du devoir de l'éducateur d'empêcher. Rien de plus facile, d'ailleurs : il faut simplement que ce qu'il lit l'intéresse, l'empoigne, soit en l'émouvant, soit en l'amusant.
[Et voilà la partie horriblement datée de ce texte !]
Or si je feuillette la plupart des livres que l'on met entre les mains des enfants, si j'en regarde seulement les titres [Remarquez... doucement... ça revient... Déjà, on nous parle de leçons à apprendre à l'école maternelle...], je suis tristement persuadée que nous sommes loin de ce résultat ; sans parler des livres liturgiques ou théologiques absolument inintelligibles, et en ne considérant que les livres écrits pour les écoles, je constate que la plupart sont trop sérieux, trop pédagogiques dans la forme, peu propres à servir d'aliment à l'imagination des petits lecteurs (l'imagination ! un trésor dédaigné, calomnié !); impuissants à exciter en eux la générosité, le dévouement, l'enthousiasme, incapables de faire pleurer et de faire rire. Tout cela est morne, et l'enfant est morne aussi.
Je vous prie, mes chers lecteurs*, ne « prenez » pas un livre, choisissez-le !
Et*, pour faire un choix, il faut comparer, juger ; pour bien choisir, il faut vouloir, comme je le veux, que l'enfant vive, qu'il vibre, qu'il soit gai, qu'il soit heureux.
[1] Je me permets de vous faire remarquer le timing : un jour, ceci, le lendemain, cela, un troisième jour, encore autre chose. Conclusion : ne cherchez pas dans les dix dernières années car cette personne ne procédait pas par « séquence » ou par « thème ». Et méditez la raison qu’elle évoque : « Les sujets abondent » et ils sont tous importants.
[2] « Vous êtes sûre que cette personne n’a pas écrit ce texte cette semaine, après quelques mois de Vocabulaire Cycle I Eduscol ? »
[3] « Vraiment sûre ? Et ça, alors : Manipuler, jouer avec les syllabes ? »
[4] Une ligne mixte est composée de parties droites et courbes.
[5] Une preuve supplémentaire que ce texte n’est pas d’aujourd’hui : vous en connaissez beaucoup, vous, des « chercheurs en Sciences de l’Éducation » qui, au cours des trente dernières années, ont osé dire : « Notre théorie marche beaucoup moins bien que nous l’espérions. Nous pouvons même avouer que c’est un fiasco ! » ? Moi, pas un seul. À part ça, je crois que la personne cherche à nous dire que n'est pas Célestin Freinet qui veut et que la méthode naturelle de lecture nécessite beaucoup d'habileté pour être sûr d'amener ses élèves, tous ses élèves, en un temps suffisamment court à la lecture fluide.
[6] Euh... Là, j’ai bien peur que certains textes de lecture courante des manuels CP provoquent ce genre de réaction, hélas.
Le petit jeu concours étant terminé, voici les références de ce texte : l'auteur est Pauline Kergomard (1838 - 1925), et l'ouvrage dont l'extrait est tiré est L'Éducation maternelle dans l'école, paru en 1886.