L'École Primaire comme je voulais la raconter
Suite à une polémique qui a failli virer au pugilat, j'ai l'intention de développer ci-dessous ce qui ne reste que ma vision de ce qui serait une relation saine entre l'institution scolaire d'une part et, d'autre part, les « usagers » légaux, donc majeurs, de cette institution.
Je comprendrai parfaitement que des commentaires divergents soient postés sous cet article et je le prouverai en les validant. Ce que je ne supporterai pas, en revanche, c'est qu'un commentaire me traite ou traite une autre personne d'imbécile imbue d'elle-même incapable de revenir à la raison lorsque son auteur oppose sa vision, la bonne, à toutes les autres, les mauvaises.
Par ailleurs, j'ai, au cours de cet article, raisonné dans le cadre d'enfants vivant dans un pays où les services publics, la protection de l'enfance et le respect des droits de l'enfant en général sont censés être assurés. J'ai fait ce choix de manière délibérée parce que, selon moi, les familles et les enseignants ne sont en rien responsables du fait que, dans de nombreux cas, sont bafouées aussi bien la simple loi sur le droit d'avoir un refuge décent que celle qui permettrait à tout enfant en obligation scolaire de bénéficier chaque jour, dans sa propre salle de classe, d'un enseignant formé.
Une fois ces mises en garde posées, revenons-en à nos moutons.
C'est une institution qui accueille de manière obligatoire les enfants de 3 à 16 ans dont les familles n'ont pas obtenu ou cherché à obtenir le droit de les instruire à domicile.
En matière de protection de l'enfance, elle obéit à des règles qui ont été définies au cours de son siècle et demi d'existence :
→ aucune violence physique ou morale ne doit être infligée à l’enfant,
→ un enfant ne peut être privé de plus de la moitié de son temps de récréation,
→ les devoirs écrits à la maison sont interdits, y compris lorsqu'ils sont facultatifs, pendant toute la durée de la scolarité primaire (circulaire du 29 décembre 1956).
→ des visites médicales régulières sont (ou devraient être) programmées à plusieurs stades de la scolarité,
→ afin de garantir la sécurité des enfants aux abords des écoles, l'ouverture du périmètre scolaire par au moins un membre de l'équipe enseignante a lieu dix minutes avant l'heure légale de début des cours (ces dix minutes ne font pas partie des 27 h hebdomadaires auxquelles sont contraints les enseignants ; elles font en revanche partie des 35 h hebdomadaires que doit tout fonctionnaire de catégorie A à son employeur, l'État).
→ toujours afin de garantir la sécurité des enfants aux abords des écoles, les enfants de maternelle doivent être remis en main propre à leurs parents (père, mère) ou à toute personne que ceux-ci auront nommément désignée par écrit. Un enfant qui n'a pas été récupéré à l'heure dite (tolérance de 10 minutes) doit être signalé en mairie ou en gendarmerie qui sont normalement tenus de le ramener à sa famille.
→ En revanche, à l'école élémentaire, la législation n'a pas changé depuis l'époque de la marche à pied et des carrioles tirées par des chevaux et la loi stipule toujours que l'enseignant peut laisser ses élèves sortir seuls du périmètre scolaire. La loi qui contraignait au moins un enseignant à rester 10 minutes après l'horaire de sortie des enfants a disparu.
L'école obéit à des programmes, que l'on peut contester mais dont les contenus à transmettre restent néanmoins la norme à laquelle les familles et la société dans son ensemble sont en droit de s'attendre.
Ces programmes, ainsi que les horaires hebdomadaires et annuels, sont facilement consultables sur des sites largement accessibles. Les horaires hebdomadaires et annuels sont encore plus faciles d'accès et tout un chacun peut en prendre connaissance.
Dans ces programmes, malgré toutes les réserves que l'on peut émettre quant à leurs contenus (et aux contenus qu'ils imposent de transmettre), on peut noter une constante progression vers l'éducation à l'autonomie et au travail personnel. Cette progression s'étend, pour les apprentissages scolaires, de la dépendance quasi totale aux adultes de l'enfant de 3 ans à la capacité de l'adolescent de 16 à 18 ans à s'organiser, chercher, s'orienter seul. Cette progression est graduée et tient à peu près compte des capacités d'autonomie et de gestion du temps des enfants concernés.
L'année scolaire dure 36 semaines exactement. Elle commence au début septembre et s'étale jusqu'à la fin de la première semaine de juillet actuellement. Elle est coupée en 5 périodes de 5 à 10 semaines dont les 4 premières se terminent par 2 semaines pleines de vacances scolaires, lorsque la dernière précède les 7 à 8 semaines de vacances d'été.
Dans le dictionnaire (Petit Robert), nous pouvons lire la définition du nom vacances : période pendant laquelle les écoles, les universités ne sont pas en activité.
Dans le cadre de la protection de l'enfance, comme toute institution recevant des mineurs et toute personne majeure vivant sur le territoire, les membres de la communauté scolaire ont, selon les textes, le devoir de signaler aux autorités compétentes (aide sociale à l'enfance, police, justice) tout cas de maltraitance ou carence éducative, ainsi que tout fait qui leur semble suspect.
Des procédures d'aide à l'enfance peuvent être organisées dans le cadre scolaire. Un enseignant en trouve facilement la liste sur les sites des différentes instances concernées et auprès de sa hiérarchie de tutelle.
On peut néanmoins déplorer un engorgement des services, un manque d'interlocuteurs, une négligence ou une relativisation parfois abusive des faits signalés, menant de temps en temps à des drames dont les médias nous font écho.
Petit alinéa qui a son importance : L'école primaire n'est responsable ni des cantines, ni des services périscolaires (sauf à Paris, où seuls les directeurs et directrices d'école ont, il me semble, un rôle à jouer dans le contrôle des personnels municipaux que la Ville de Paris attribue à leur école).
Autre petit alinéa : Depuis quelques années, les enfants de maternelle n'ont plus besoin d'avoir acquis la maîtrise de leurs sphincters pour être scolarisés. Cette tolérance a été instaurée sans que soient changées les exigences au niveau de l'aménagement des installations relatives aux soins d'hygiène et à celui du personnel chargé de dispenser ces soins. Nous en sommes toujours aux recommandations non contraignantes qui étaient en vigueur avant cette tolérance : « Il serait souhaitable que chaque école dispose d'une douche ».
Toute famille résidant en France est tenue d'instruire ou de faire instruire son enfant, âgé de 3 à 16 ans, soit chez elle, après accord de l'Éducation Nationale, et sous son contrôle, soit dans un établissement scolaire public ou privé. Les établissements scolaires publics sont gratuits pendant toute la durée de la scolarité obligatoire. Les frais occasionnés par les achats de consommables font l'objet d'une aide financière distribuée avant la rentrée scolaire, dès l'entrée à l'école élémentaire.
La fréquentation des enfants en obligation scolaire se doit d'être régulière. Les absences injustifiées font l'objet d'un rappel qui peut aller jusqu'au signalement aux autorités légales citées plus haut lorsque des abus flagrants ont été constatés. Il est prévu dans le cadre légal que les familles défaillantes dans ce domaine soient encadrées et aidées à se conformer à la loi. Dans les faits, l'école déplore souvent un immobilisme ou une aide à la parentalité qui lui semble inefficace.
En dehors du cadre de la fréquentation scolaire, les parents ont toute latitude pour organiser l'éducation de leurs enfants comme ils le souhaitent. Ce sont eux qui, en toute liberté, choisissent le mode de vie, les horaires, l'alimentation, les loisirs, l'éducation qui leur semblent le mieux convenir à l'idée d'une famille qu'ils se font ou qu'ils peuvent assumer. Tant que ces choix ne sont pas contraires à la santé physique et mentale de leur progéniture au point de faire l'objet d'un signalement, aucune mesure d'ordre scolaire ne peut être engagée.
Tant que tout cela se passe bien, cela peut sembler très sympathique et fort bénéfique pour les enfants qui évoluent dans un univers de plus en plus large en continuant à respecter les mêmes règles, sous la houlette d'adultes responsables et tolérants, acceptant les petits travers des uns et des autres car convaincus que, malgré ces différences, le but recherché est le même..
En ce premier quart de siècle trop mouvementé, au cours duquel, pour des raisons diverses et variées, l'institution scolaire et son personnel ont perdu quasiment tout le respect que lui accordait depuis plus de 100 ans la société française dans son ensemble, il peut encore arriver qu'il reste quelques rares lieux où cette coéducation heureuse existe. Dans ce cas, ce chapitre n'a pas d'intérêt et, en croisant les doigts quand même pour conjurer le malheur, nous pouvons passer au thème suivant.
En revanche, s'il y a conflit, c'est très différent :
→ En cas de conflit général, en raison de l'écrasante supériorité numérique des familles, il est bien évident que l'enseignant, ou même l'équipe enseignante, aura du mal à faire valoir sereinement ses arguments, d'autant que notre hiérarchie ne nous défend généralement pas immédiatement. Cette dernière pratique, en effet, depuis des décennies et avec talent, la pratique du « pas de vagues », y compris en conduisant au suicide ou en laissant s'organiser l'assassinat certains de ses employés !
→ Il peut en être de même lors de conflit de personnes entre une seule famille et un ou plusieurs enseignants. Ne recevant la plupart du temps aucun soutien hiérarchique, et aucune aide des services sociaux, inexistants, débordés ou trop optimistes, nous n'avons aucun intérêt à tenter d'éduquer cette famille au même titre que nous éduquons leur(s) enfant(s).
→ En conséquence, je suis d'avis que nous nous contentions d'exercer notre métier, en respectant scrupuleusement la loi française dans son ensemble, afin de ne pas prêter le flanc à quelque critique que ce soit.
→ Il est important que nous nous fassions accompagner au besoin d'un avocat que nous fourniront les assurances professionnelles.
→ Enfin, n'hésitons pas à déposer une main courante en cas de harcèlement ou d'agression physique ou verbale.
Ce constat général m'amène à penser qu'il est important, dès l'inscription d'un élève, de soumettre aux familles un règlement intérieur qui permette à chacun de tenir son rôle sans empiéter sur celui de l'autre. Ce règlement que familles et enseignants auront signé servira toute l'année à éviter que les conflits naissent quant à la présence de personnes étrangères au service dans l'enceinte scolaire.
Après s'être expliqué sur les raisons de ces décisions (sécurité des enfants, respect de l'institution scolaire, passage du relais de responsabilité clair pour les enfants), le règlement devrait stipuler que :
⇒ Les enseignants s'engagent à :
⇒ Les familles s'engagent à :
Qu'un ou plusieurs parents d'élèves viennent participer à l'école à un atelier ou une séance d'apprentissage qui nécessite une surveillance renforcée, une aide adulte importante ou un savoir-faire particulier, voici une des idées les plus bénéfiques qui soient pour le bon déroulement de la scolarité des enfants et de la coéducation. Cette aide devient obligatoire lorsque l'école se déroule « hors les murs », afin de garantir la sécurité des déplacements et des activités.
Généralement, tout se passe bien et chacun garde un excellent souvenir de ces activités.
Cependant, comme nous sommes des êtres humains et non des clones, il arrive qu'intervenants extérieurs bénévoles et personnel de l'Éducation Nationale en service n'aient pas la même vision de cet encadrement. D'où la nécessité, dès l'inscription de l'enfant, puis à chaque rentrée scolaire, de soumettre par écrit aux familles ces quelques engagements :
⇒ Les enseignants informent que :
Ils s'engagent à :
⇒ Les parents accompagnateurs s'engagent à :
Les épisodes de confinement (années scolaires 2019/2020, puis 2020/2021) a contraint l'école et les familles à s'adapter vaille que vaille à une situation qui sortait de l'ordinaire.
Certains enseignants s'y sont découvert un talent de « programmateurs/auteurs/acteurs/vidéastes/j'en passe-et-des-meilleures » et ont envoyé dans les familles des plans de travail et activités qui leur semblaient très aboutis.
Leur hiérarchie les a poussés dans ce sens, voyant peut-être dans cette dématérialisation de la salle de classe et cette délégation des tâches du quotidien, non seulement une manière peu coûteuse de résoudre les problèmes du remplacement des enseignants absents, mais aussi éventuellement, à long terme, une source d'économies non négligeables.
Certaines familles ont joué le jeu parce qu'elles avaient le temps, les capacités et le goût de la transmission des savoirs. D'autres n'ont pas pu. Parmi ces autres, certaines avaient aux yeux de l'enseignant de l'un de leurs enfants des raisons honorables alors que d'autres étaient des ... (tout ce que vous voulez de dépréciatif...).
Parallèlement à ce problème, parmi les familles qui tentèrent de jouer le jeu, certaines furent très satisfaites du programme envoyé par les enseignants et y adhérèrent avec bonheur, trouvant dans ce type de coéducation le summum de la pédagogie.
D'autres, au contraire, bien que tout à fait décidées à collecter les documents et les faire lire/visionner/réaliser quotidiennement en famille à leur progéniture, se heurtèrent à toutes sortes de problèmes qui les découragèrent. C'était trop long ou trop court, trop difficile ou trop simple, trop précis ou trop approximatif, etc. Ils en conçurent un certain ressentiment qui a pu perdurer après la reprise des classes.
Ces jugements de valeur étaient inévitables car nous nous trouvions dans le cas où enseignants et familles se partageaient le même pré, entendant, chacun de son côté, garder la main-mise sur l'organisation du temps des enfants dont ils s'attribuaient la responsabilité principale.
Cette situation extraordinaire a été le révélateur d'un problème plus profond, qui existe depuis que, en 1881, un certain Ministre de l'Instruction Publique (c'était le nom de l'Éducation Nationale d'alors) décida que l'instruction des enfants (de 6 à 12 ans à l'époque) était obligatoire. Afin de rendre cela possible il annonça l'ouverture d'écoles publiques gratuites, dont il rémunérerait les enseignants, partout où il y avait au moins quelques enfants, pour toutes les familles qui ne souhaitaient pas transmettre cette instruction elles-mêmes ou par l'intermédiaire d'une école privée, confessionnelle ou non.
Depuis cette date (et même avant), le problème est : « À qui appartiennent ces enfants ? ». Il en annonce un autre : « Du moment où la responsabilité est conjointe, l'une des parties a-t-elle un droit de prescription sur ce que fait l'autre partie pendant son propre temps de responsabilité ? »
La réponse à ces deux questions a été donnée dans les deux premières parties de cet article et reprise ci-dessus : « Chacun dans son pré et les vaches seront bien gardées ! »
Pendant le temps scolaire, les parents qui ont fait le choix de l'école délèguent, théoriquement en toute confiance, la responsabilité de l'instruction et de l'éducation de leurs enfants à l'école qu'ils ont choisie (publique ou privée).
En contre-partie, les enseignants n'empiètent pas sur la vie privée des familles, tant que celle-ci ne leur semble pas être répréhensible aux yeux de la Loi.
Et pour que cette confiance perdure, continuons ci-dessous notre règlement :
⇒ Les enseignants s'engagent à :
⇒ Les parents s'engagent à :
Si l'École n'avait qu'une tâche instructive, et la Famille uniquement une tâche éducative, peut-être que les relations entre ces deux institutions seraient plus simples (et encore) !
Cependant, cela est très loin d'être le cas et nul ne peut démêler dans l'éducation qu'il a reçue laquelle de ces deux tâches a été le facteur principal de l'adulte qu'il est devenu.
Dès la naissance de l'enfant, la Famille commence à l'instruire tout en l'éduquant et dès son premier jour de classe, l'École se doit de l'éduquer pour pouvoir l'instruire.
Et c'est pour cela que tout est si compliqué !
Il n'est déjà pas simple – et cela occasionne déjà pas mal de conflits, justifiés ou non ! – de régler d'un côté le cas de la meilleure façon d'enseigner le complément d'objet direct, les fractions et la guerre de Cent ans et, de l'autre, les capacités à dire bonjour, au revoir, merci et s'il te plaît, se moucher proprement et faire pipi dans un pot.
Mais quand, en plus, l'école se demande pourquoi la famille du petit Timéo, qui ne parle pas en entrant à l'école, ne l'a pas instruit, n'est-ce pas plus ou moins justifié et si oui, jusqu'à quel point ? Et quand la petite Emma renverse régulièrement ses camarades dans la cour de récréation et que l'assurance des parents de ses petits camarades molestés demande des comptes à la famille, la famille est-elle en droit de se demander pourquoi son enseignant ne l'a pas éduquée à prendre garde à ses semblables lorsqu'elle est à l'école ?
C'est pourquoi il me semble nécessaire de compléter notre règlement intérieur afin qu'il favorise, autant que faire se peut, la confiance mutuelle nécessaire à une atmosphère apaisée, seule favorable à l'établissement d'une coéducation sereine :
⇒ Les enseignants rappellent que :
⇒ Les enseignants s'engagent à :
⇒ Les parents s'engagent à :
Voilà. Je crois que c'est tout. Mais il est possible que j'aie oublié quelque chose. Dans ce cas, n'hésitez pas à le signaler en commentaires, je verrai si je peux compléter.