L'École Primaire comme je voulais la raconter
Les démolisseurs, ce sont les formateurs, CPC et IEN qui, en deux années d'IUFM, d'ESPE ou d'INSPE ou pendant les 18 h annuelles de formation, n'ont pas trouvé le temps d'apprendre aux Professeurs des Écoles futurs ou présents la base de la base de leur mission alors qu'ils leur ont farci la tête sur l'accessoire et le superflu !
ç'aurait été de leur apprendre à lire l'article du Code du Travail (cité ici) et modifié par amendement (voir ici), calculette à la main.
Les apprentis enseignants auraient lu que la durée du travail de certains fonctionnaires, dont les Professeurs des Écoles, a été fixée en France à 1 607 h annuelles.
Ils leur auraient fait calculer que 1 607 h ÷ 36 semaines, cela représente 44 h 37 min de travail par semaine si l'on ne travaille pas durant les congés scolaires et que, si pendant les congés scolaires, on ne se réserve que 5 semaines de vraies vacances sans penser à l'école( ce qui correspond aux 5 semaines de congés payés des autres professions) , ça fait 34 h 11 min par semaine sur 47 semaines.
Ils leur en auraient fait déduire, toujours calculette à la main, que, puisque l'administration exige d'eux 24 heures de classe effective par semaine, récréations comprises, et 108 h annualisées de manière à ce qu'ils effectuent 27 h de travail à heures fixées administrativement, il leur restait 7 h 11 min par semaine pour « le reste ».
Et ils auraient conclu le premier cours de l'année scolaire par la lecture des attributions des fonctionnaires de la catégorie A qui regroupe tous ceux qui ont vocation à être cadres comme nous pouvons le lire sur le site de la Fonction Publique [sans toutefois faire partie des agents de catégorie A+ qui occupent notamment des emplois d’encadrement supérieur et de direction] :
« La catégorie A correspond aux fonctions de conception et de direction. »
Et qu'il blesse même méchamment !
De la faute des formateurs qui, déjà, bien contents de ne pas leur avoir expliqué cela, se débrouillent parfois pour exiger des PE débutants beaucoup plus de ces 7 h 11 par semaine, ce qui est un scandale qui devrait leur être sévèrement reproché.
C'est déjà très grave pour le PE débutant et même après, lorsqu'il peut voler de ses propres ailes mais qu'il continue à croire qu'il est un mauvais enseignant parce qu'il ne passe pas ses soirées, ses mercredis après-midis, ses week-ends et ses petites vacances à trimer, seul devant son ordinateur, son imprimante, son massicot, sa plastifieuse et les applications des sites institutionnels !
Que nous disent ces formateurs et ces supérieurs hiérarchiques sur ces fonctions d'encadrement intermédiaire et sur l'utilisation de ces 7 h 11 dues, je le rappelle, à l'administration au même titre que les 27 autres, mais utilisables à peu près comme bon nous semble, comme c'est d'usage pour tous les métiers d'encadrement ?
Je schématise mais, en gros, c'est toujours à peu près la même chose :
« Faites des fiches, des fiches et encore des fiches... Des fiches de programmation... des fiches de progressions, dans tous les domaines et pour toutes les activités[1]...des fiches de préparation pour toutes les activités d'une journée de classe avec les objectifs, les compétences, capacités et notions culturelles visées... [et puis, actuellement, parce que c'est la mode du fonctionnement en ateliers : ] des fichiers et des fichiers d'exercices gradués... et puis votre cahier-journal... avec la colonne pour vous évaluer que vous n'oublierez pas de compléter... et puis les feuilles pour le PPCR... et puis... et puis... et puis... [j'en oublie certainement] »
Et puis :
« Remplissez vos logiciels personnels d'évaluation... Tous les soirs après l'école... et puis pendant les vacances... et puis à la place des APC pour les évaluations nationales... et puis la nuit parce que le serveur sera moins pris d'assaut... et sans oublier le LSU... que vous n'avez pas le droit de boycotter parce que sinon on vous le déduira sur votre paie ! »
Ou pas grand monde, il suffit de voir les taux de participation aux grèves dont le mot d'ordre était d'empêcher cette infantilisation de la profession.
Il y en a même qui en rajoutent et se délectent à assortir tout leur petit matériel. Ceux-là passent parfois bien plus que ces 7 heures hebdomadaires à fréquenter les grandes chaînes de « bébeilles et bidouilles » pour trouver LA série de boîtes dans lesquelles seront rangés les AIM (ateliers individuels de manipulation), à rogner sur leur sommeil, allant jusqu'à perdre carrément leurs 5 semaines de congés payés, tout occupés qu'ils sont à concevoir, imprimer, découper, plastifier, partager leurs décorations de porte, leurs affichages « obligatoires[2] », leurs tableaux de programmation, leurs ateliers de fluence, leurs cahiers d'autonomie, leurs ..., leurs ..., leurs ... (ad libitum) !
C'est quand ils apprennent, comme ça, par hasard, que le portail de l'école ne s'ouvre pas tout seul et que les enfants qui stationnent devant, seuls ou accompagnés, doivent être accueillis dans de bonnes conditions, de manière à ce qu'ils puissent rejoindre leurs salles de classe en toute sécurité. Surtout quand on leur rajoute que ces bonnes conditions passent par 10 minutes paraît-il « supplémentaires » à ajouter à « leurs 27 heures » !
Tout ça de la faute de leurs formateurs qui, lors de leur premier jour de présence à l'IUFM, ESPE, INSPE, ont totalement oublié de détailler, en plus de l'existence de ces fameuses 7 h 11 de travail personnel, ce que sous-entend le statut de cadre !
Pourtant, c'est tout simple ! Imaginez une infirmière, personnel d'encadrement elle aussi. Elle commence à l'hôpital à 13 h. À 12 h 50, elle arrive, revêtue de ses vêtements civils dans le vestiaire de son étage. Elle ouvre son casier, en sort sa tenue du jour, l'enfile, se lave les mains et s'attache les cheveux de manière à être à 13 h sonnantes dans le local des infirmières de son service. Imaginez un commissaire de police, même chose, il rejoint son bureau, traversant les locaux et disant bonjour aux membres de son équipe, boit éventuellement un café avec eux, vérifie son agenda et est prêt à l'heure du début de son service. En revanche, le jour où ils sont un peu à la bourre, ils peuvent finir de boutonner leur tenue ou de ranger leurs dossiers dans leurs pochettes dans les couloirs et le jour où ils se retrouvent dans un vestiaire ou un couloir en même temps que leur collègue Marcel ou leur copine Josette, ou même qu'ils reçoivent un coup de téléphone, ils ont encore le droit de répondre et de bavarder d'autre chose que de la piqûre du monsieur de la chambre 131 ou du planning pour le service de sentinelle devant le Ministère de l'Éducation Nationale de la semaine prochaine...
Notre matériel à nous, bien plus que les fiches de préparation, les Espaces Numériques de Travail et autres cahiers d'autonomie, ce sont de jeunes êtres humains, appartenant tous à la catégorie des mineurs, catégorie réputée pour sa difficulté à s'assumer seule.
C'est pourquoi nous sommes censés arriver tous 10 minutes avant l'heure légale de début des classes (article D321-12 du Code de l’éducation) de manière à assurer la sécurité et le regroupement de tous ces petits mineurs qui ne peuvent, pas plus que le planning des interventions du commissaire de police ou la blouse blanche de l'infirmière, se mettre seuls en marche de façon rationnelle.
Et c'est tout ! Tout ce que les formateurs, IEN et CPC vous ont raconté d'autre, les accueils en classe, et surtout la mise à profit à des fins d'enseignement de ces 10 minutes, c'est du flan ! Vous pouvez très bien rester à papoter entre collègues dans la cour de l'école jusqu'à l'heure fatidique pendant que les enfants arrivent [ effectuant à l'occasion 20 des 30 minutes d’activité physique quotidienne réclamées par le Ministère de l'Éducation Nationale], du moment où vous assurez leur sécurité et leur regroupement[3] !
Oubliez les injonctions infantilisantes de vos formateurs !
Arrêtez de passer des heures et des heures à préparer des trucs et des machins qui vous coûtent des sous et n'ont jamais fait preuve de leur efficacité ou, tout du moins, retirez de ces heures 10 minutes par demi-journée de classe puisque vous savez que ces 10 minutes sont largement aussi importantes et obligatoires que la préparation de tout ce matériel !
Arrêtez aussi de faire de ces 10 minutes d'accueil un temps d'enseignement ! Installez-vous dans la cour, votre tasse de café ou de thé à la main, chaudement couverts l'hiver et bien protégés du soleil l'été, et accueillez vos élèves (et éventuellement leurs familles) dans la joie et la bonne humeur de manière à donner une tonalité bienveillante et positive à votre journée de travail. Si en plus, petit à petit, vous équipez votre cour de jeux sportifs (balles, ballons, cerceaux, pneus, cordes à sauter, élastiques, assiettes chinoises, grands emballages de carton, etc.), vous aurez mis en place, à peu de frais, et sans prendre sur le temps d'enseignement, les deux tiers des 30 minutes d'activité physique quotidienne réclamées par notre hiérarchie.
Et enfin arrêtez de râler parce que votre statut de professeur des écoles vous condamne à arriver 10 minutes avant l'heure de début des cours puisque maintenant vous savez que c'est normal !
En revanche, continuez à râler, et râlez beaucoup plus fort, pour que votre salaire soit en accord avec votre statut de cadre de catégorie A.
Syndiquez-vous – en évitant soigneusement ceux des syndicats qui ont activement collaboré à cette démolition et continuent à professer que notre « professionalité » se tient dans l'art de la réunion, du « projet collectif » et dans l'emploi de méthodes qui nécessitent un maximum de préparations pour un minimum d'acquis scolaires –, allez aux réunions syndicales, apprenez à vous battre pied à pied ! Comme le dit un intervenant ci-dessous : cette appartenance à la catégorie A « est difficile à croire tant ce "surclassement" s'est accompagné d'une paupérisation massive et d'un abrutissement presque aussi massif, mais c'est bien le cas. »
Ne vous laissez pas plus appauvrir qu'abrutir et revendiquez un salaire à la hauteur de vos responsabilités !
[1] Il y en a qui vont jusqu’à exiger des progressions en pâte à modeler, en Lego® et même en fréquentation des sanitaires en TPS et PS !
[2] Je rappelle que les seuls affichages obligatoires dans une classe sont : 1) La liste des élèves avec leur âge – 2) L'emploi du temps – 3) Le règlement intérieur de l'école – 4) Les consignes d'évacuation des locaux – 5) La liste des élèves bénéficiant du PAI (Projet d'Accueil Individualisé) et le protocole à suivre en cas de besoin (source : La Classe). Donc les alphabets, frises numériques, calendriers et autres, c'est du superflu !
[3] Ce qui sous-entend quand même un intérêt certain pour ces charmantes têtes rousses, blondes ou brunes que le statut de mineurs irresponsables condamne à une fâcheuse propension à faire n’importe quoi dès lors qu’on ne s’intéresse pas suffisamment à eux...