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L'École Primaire comme je voulais la raconter

Ils n'entendent pas les sons !

Ils n'entendent pas les sons ! Merci à Boutdegomme pour son exemple de jeu de phonologie à usage des CP qui n'entendent pas les sons.

Remarque récurrente de collègues qui se demandent s'ils peuvent, dès les premiers jours de classe, présenter des lettres à leurs élèves. S'ils ne les entendent pas, comment vont-ils pouvoir les retenir et les lire, se demandent-ils ? Et lorsque, contre toute attente, ils se rendent compte que, bon an mal an, certains de ces élèves apparemment totalement insensibles aux sonorités de la langue apprennent à lire, ils sont perplexes : comment peut-on lire ce qu'on n'entend pas ?
Si vous le voulez bien, nous allons commencer par :

un peu d'histoire.

Autrefois, entre 1880 et 1950 dirons-nous, à part de très rares exceptions, les maîtres et maîtresses de CP employaient des méthodes de lecture synthétiques : ils présentaient à leur élèves des lettres, le plus souvent accompagnées de petites illustrations visant à donner à leurs élèves des « repères phonétiques ».
La leçon de lecture commençait par l'observation de l'illustration dont le maître extrayait un élément.

Dans ce livre1, par exemple, pour la première leçon, la lettre i est associée au dessin d'une bougie dont la forme est évocatrice de celle de la lettre. Nous avons pour ainsi dire l'ancêtre de la méthode des Alphas.

Ils n'entendent pas les sons !

Le livre du maître est inclus dans le manuel sous la forme de cinq courtes consignes : il propose de commencer par une séance de langage oral :

- description de l'image par les élèves
- recherche des inférences, toujours par les élèves : si la mère allume la bougie, c'est très certainement parce qu'il y a eu une coupure d'électricité
- écoute active : la bougie... i... avec participation des élèves qui doivent répéter et prendre conscience de ce son [i] à la fin du mot bougie
- chasse aux sons et enrichissement du lexique, toujours à l'oral : chercher et définir des mots contenant le son [i].

Il continue par un moment interdisciplinaire où lecture, écriture et dessin se mêlent dans une frise alternant la lettre i en minuscule scripte avec des bougies. Puis on propose l'écriture, en cursive, de cette lettre i. Et, enfin, en arts visuels, la confection d'une bougie en pâte à modeler.
Un programme « léger » et attrayant pour une première journée de cours préparatoire après deux mois et demi de vacances d'été ! Une transition toute en douceur avec l'école maternelle ou la classe enfantine, pour ceux qui y étaient allés précédemment.
Ce programme s'étoffait peu à peu de lecture de syllabes et surtout de mots, dès que l'apprentissage d'une consonne permettait d'opérer des fusions phonémiques.
Les enfants lisaient et écrivaient ces mots, très vite sous la dictée, sans apprentissage par cœur préalable, par synthèse des éléments connus. Dès que cela était possible, toujours par synthèse des éléments connus, on lisait et écrivait des phrases, sans doute pas souvent impérissables mais en tout cas signifiantes afin que les élèves comprennent, si toutefois ils ne l'avaient pas fait avant, « à quoi cela sert de lire ».

Cependant, depuis les années 1920 à 1930 environ, sous l'impulsion d'Ovide Decroly ou de Célestin Freinet, un autre courant était né qui se développa surtout à partir des années 1950. C'est ce qu'on a appelé la méthode globale pour Decroly ou la méthode naturelle pour Freinet.
En France, c'est surtout cette dernière qui a été employée, avec succès, dans les années 1960 à 1990. La méthode globale stricte, celle où l'on n'en vient jamais ou presque à l'utilisation des lettres et de la combinatoire, a été fort peu employée et n'a pas laissé de très bons souvenirs aux personnes qui y ont été soumises étant enfants. Les échecs étaient assez nombreux, surtout sur des enfants jeunes, et laissaient un fort sentiment d'insécurité qui persistait même après ce qu'on n'appelait pas encore « remédiation ».

La méthode naturelle de Célestin Freinet partait quant à elle de courtes phrases que maître et élèves écrivaient ensemble quotidiennement en s'écoutant (c.à. d. en faisant de la phono) et en transcrivant toujours ensemble et au tableau, son à son et mot à mot, le compte-rendu d'une activité vécue en classe ou racontée par l'un des leurs. C'est ce qu'on peut appeler une méthode analytique puisqu'elle part d'un énoncé global qu'on analyse successivement en mots puis en sons et en lettres, passant de l'oral à l'écrit, pour revenir à l'oral à plusieurs reprises pendant la rédaction.
Cette phrase était ensuite copiée sur un cahier et illustrée par une partie de la classe pendant que d'autres élèves la composaient, à nouveau lettre à lettre et son à son, au moyen de caractères d'imprimerie afin de la reproduire pour leurs cahiers de vie, ceux de leurs correspondants et, très souvent, pour le journal de la classe.
Dès que les élèves commençaient à se repérer dans les sons qui composaient les mots, le maître leur proposait d'écrire eux-mêmes leurs propres textes, en  analysant oralement leur discours puis en synthétisant leurs acquis d'écriture-lecture. Les auteurs de textes les proposaient ensuite à leurs camarades pour le texte du jour et qui, après correction et remise en forme collective au tableau (à nouveau analyse et synthèse) ou individuelle avec l'aide du maître, étaient copiés et illustrés dans un cahier réservé à cet effet. Ils apprenaient donc à lire autant grâce à l'analyse du langage oral et écrit qu'ils pratiquaient quotidiennement que grâce à la synthèse des sons et des lettres à laquelle ils avaient recours lors de leurs rédactions collectives ou en autonomie.

Ils n'entendent pas les sons !
Merci à Coop'Icem pour ce témoignage

Cette méthode qui permettait de raconter quelque chose dès le premier jour de classe a été copiée par les auteurs et éditeurs scolaires qui ont inventé des enfants fictifs, leur ont fait vivre des aventures d'enfants de six  ans2 et, pour rassurer les maîtres habitués aux méthodes synthétiques de naguère, continuaient à présenter une lettre par leçon dès la rentrée (ou presque, pour certaines à départ plus global) : les méthodes analytico-synthétiques étaient nées. Elles furent plus connues à leur époque sous le nom de méthodes mixtes mais ce terme ayant été totalement dévoyé ces toutes dernières années, je préfère ne pas l'employer.
Peu à peu, les élèves apprenaient à repérer les sons à l'oreille pour les transcrire sous la dictée après avoir appris à les lire et les écrire sous forme de lettres isolées et cachés dans des mots.

Ils n'entendent pas les sons !
Daniel et Valérie, Houblain et Vincent, F. Nathan, 1964 - Leçon 2.

Si l'on considère ces trois méthodes, on voit qu'à aucun moment, l'école n'attend que les élèves entendent tous les sons avant de les mettre à l'ouvrage.
Que l'on fasse comme Freinet, qui écrit avec ses élèves en entraînant leur oreille à l'analyse du langage oral puis engage le travail de synthèse en présentant les 26 lettres de l'alphabet dans une casse d'imprimerie, ou comme les éditeurs de manuels qu'ils soient synthétiques ou analytico-synthétiques, jamais on n'attend que l'enfant ait de lui-même pris conscience que lorsqu'il dit qu'il s'appelle Paul-Alexandre, il prononce successivement [p], [ɔ], [l], [a], [l], [ɛ], [k], [s], [ã], [d], [r]...

de l'API à la posture du lecteur expert

C'est au tournant des années 1980 que sont apparus dans les classes de nouvelles méthodes analytico-synthétiques. Elles commençaient par une phase globale beaucoup plus longue, de six semaines environ, pendant laquelle les enfants ne procédaient qu'à la première analyse, celle de la phrase en mots.
Ces mots, plus difficiles à écrire que les simples lettres des anciennes méthodes, même celles qui présentaient des mots dès le début, étaient souvent fournis sur des étiquettes que les élèves manipulaient pour les dictées d'un nouveau genre visant à les faire mémoriser, tous, plus ou moins comme des images3.

Ils n'entendent pas les sons !
Lecture en Fête, Méthode de lecture, 1983 - Première leçon

Les premières semaines de classe étaient donc réservées à l'apprentissage de ce « corpus » de mots, en stimulation visuelle et auditive seulement, grâce à la lecture oralisée ; l'entrée sensorielle par le geste d'écriture était mise de côté et ne participait plus à cette imprégnation.
Parallèlement à ces exercices de va-et-vient entre vue et parole, on conseillait des exercices uniquement oraux dans un premier temps de discrimination de phonèmes voisins grâce à « véritables exercices de phonologie », de situation d'un phonème dans des mots, d'épellation phonétique de mots courts, puis longs, ainsi que d'initiation à la syllabe orale au prétexte que ces tâches « sont suffisamment importantes et nouvelles pour qu'on en écarte, dans un premier temps, les transcriptions  graphiques[4] ».
Au bout de quelques semaines (traditionnellement après les vacances de Toussaint, situées à l'époque après 6 semaines de classe), commençait l'étude des graphies grâce à des tableaux de sons présentant à l'analyse tous les mots du corpus actuel et toutes les graphies d'un même son, selon leur position dans le mot.

Ils n'entendent pas les sons !
Lecture en fête - 1ers tableaux de correspondance entre phonies et graphies 

Ces tableaux étaient suivis d'une phase de synthèse permettant la lecture de mots nouveaux, combinaisons de graphèmes à partir de mots connus.
Nous étions bien encore dans des méthodes analytico-synthétiques même si, déjà, pointait l'idée qu'on visait plus une discrimination visuelle globale et une familiarisation avec les structures de la langue qu'un entraînement à la synthèse.
Enfin, lorsque, avec le recul, on lit la fin de la conclusion de la présentation de la méthode, on sent poindre la théorie de la posture de lecteur expert, seule propre à lecturiser les élèves, là où les méthodes anciennes se contentaient de les alphabétiser.

Mais on ne peut pas perdre de vue que l'essentiel, en lecture, est bien de développer chez les enfants l'envie de lire des écrits porteurs de sens, l'envie de les comprendre et de les utiliser à des fins personnelles.
LES AUTEURS. 

Il ne restait plus qu'à passer à la dernière phase : celle où seule était avancée cette posture de lecteur. C'est la période du bain d'écrit. Les élèves utilisent l'écrit comme des grands, depuis les premières journées de CP. On les place devant des écrits de tous types (albums, notices, recettes, prospectus publicitaires, partitions, annuaires, ...) et ils font des hypothèses qu'ils confrontent à celles de leurs camarades. De ce conflit sociocognitif  jaillira le déclic qui donnera à chacun le statut de lecteur expert.
La lettre étant considérée selon les promoteurs de cette méthode comme un danger propre à écarter durablement l'élève de la lecture, forcément silencieuse, nous n'irons pas plus loin dans les explications.
En effet peu chalait aux instituteurs soudain bombardés professeurs des écoles que leurs élèves entendent les sons puisque la lecture oralisée était le diable et qu'il convenait de l'éviter à tout prix.

retour des sons et des lettres

Petit à petit, cependant, de 1995 à 2007, on changeait. Peut-être certains élèves avaient besoin d'un soutien oral ? Peut-être était-ce en raison de ce manque de repères phoniques que certains échouaient ? Peut-être convenait-il de former les élèves et de développer chez eux les compétences du lecteur expert avant de les précipiter dans le grand bain sans bouée ni brassards ni tuba ?

Et comme on était en plein développement du concept de compétence, on a listé toutes celles qui faisaient qu'un individu était lecteur expert :

- il aimait lire
- il lisait vite, semblant reconnaître les mots instantanément, par voie directe
- il comprenait ce qu'il lisait
- il s'informait avec plaisir sur les nouveautés éditoriales, les auteurs vedettes et leurs productions
- ses saccades oculaires étaient régulières et bien orientées
- il discriminait facilement les sons proches
- il discriminait facilement les graphies proches

J'en oublie certainement mais, puisque j'ai cité la phono, tout va bien... Je sens que le lecteur se décourage devant mon nouveau pavé !

Il convenait donc de traiter, dès le plus jeune âge, toutes ces compétences indépendamment de façon à pouvoir les évaluer sans risque d'influences trompeuses ! Ces évaluations répétées permettraient de mettre en place des remédiations, ce qui immanquablement résoudrait le problème récurrent de l'échec scolaire. La méthode intégrative était née (rebaptisée depuis peu méthode mixte, mais comme cela entretient la confusion avec les méthodes analytico-synthétiques présentées plus haut, je garde celui d'intégrative).
Les élèves lisent dès le début des écrits vrais, comme dans la méthode par hypothèses, en tirant du sens de tout ce qui entoure le texte et, lors d'activités décloisonnées, ils intègrent des compétences. Quand ils les auront toutes intégrées, ils liront couramment, de manière fluide, en comprenant ce qu'ils lisent et sans jamais s'emmêler les pinceaux dans la jungle des graphies proches et des sons voisins.

Parallèlement à cette voie officielle, un courant prônait le retour à la source des sources : la méthode synthétique. Elle n'est défendue par aucun IEN et aucune ESPE à ma connaissance. Nous n'en parlerons pas, d'autant que nous en avons longuement parlé plus haut.
Un courant est en train de poindre, avec quelque succès, c'est celle d'un retour à la méthode analytico-synthétique. Il est représenté par des manuels tels Taoki, Bulle ou Écrire et Lire au CP. Nous en avons déjà parlé plus haut.
Ces méthodes-là présentant conjointement lettres et sons qui sont le cœur de leur projet, les faisant étudier, écrire, lire, combiner, entendre, réutiliser jour après jour font en sorte que, rapidement, les élèves comprennent comment on traduit un son par une (ou plusieurs) lettre(s) et comment on produit du son en écrivant des lettres. Elles ne sont donc que très peu victimes de la pathologie qui nous préoccupe.

des enfants qui n'entendent pas les sons ?

Ceux-ci, en revanche, sont très souvent décrits par tous les utilisateurs de méthodes intégratives : ils  reconnaissent les mots, et les lettres si on leur en présente, ont compris le principe des hypothèses, écrivent les lettres et les syllabes qu'on leur dicte mais, devant un exercice de phonologie, ils restent secs, perdus !
Ce qui est très ennuyeux parce qu'ils ne valident pas les compétences relatives à la discrimination auditive. Du coup, ils ne sont pas considérés comme des lecteurs experts.

En début d'année, ils sont parfois si nombreux dans une même classe que leurs enseignants hésitent à leur proposer autre chose que des jeux de phonologie orale et qu'ils reculent le moment où ils introduiront les lettres, ce qui les oblige à ne travailler que le plaisir de lire, la fréquentation d'écrits sur lesquels on les entraîne à formuler des hypothèses, qui tournent vite en rond faute de matière...
Tout le monde se décourage ; on va de remédiation en remédiation, de soutien en soutien, d'aide personnalisée en aide personnalisée. On médicalise un peu, beaucoup, passionnément. On sollicite un poste de maître surnuméraire. On cherche à rendre plaisant ce qui se transforme en corvée.

et pourtant, ils entendent, ces enfants-là...

Dites-leur pipi au lieu de papa, caca au lieu de kaki ou, si vous ne voulez pas être vulgaires, appelez Chloé, Cléo ou prononcez-le [ ʃ l o e ] et vous verrez s'ils n'entendent pas les sons ! Employez « pain » au lieu de « bain », « gomme » au lieu de « comme », et vous remarquerez qu'ils distinguent même très bien les sons proches. Jouez à individualiser vous-mêmes les sons en écrivant au tableau : « t...u  a(s)... v...u  l...e  ch..a(t) » ou «M...a...r...i(e)  c...r...i(e)  : M...i...mi ! M...i...m...i » et vous constaterez bientôt qu'ils arrivent tout aussi bien que vous à individualiser les sons du moment où ils comprennent à quoi vous voulez en venir.

Ils ne sont donc pas sourds, ils sont justes complètement perplexes devant une activité vide de sens qui ne leur apporte plus rien depuis longtemps.
Une petite anecdote, datant de ma tendre enfance :
L'un de mes grands-pères avait pour langue maternelle l'allemand. Il avait donc une façon assez indistincte de prononcer les [k] et les [g], les [t] et les [d]. Son grand jeu, à chacun de nos anniversaires, était de nous demander : « Qu'est-ce que tu préfères : un bon [kato] ou un beau [kato] ? »
Lorsque nous étions tout petits, à deux et trois ans, cela nous énervait, pépé disait n'importe quoi et on ne comprenait rien. Plus tard, à quatre et cinq ans, cela nous faisait hurler de rire et nous lui faisions répéter plusieurs fois "gâteau", "cadeau", essayant de l'aider à se corriger de ce handicap tellement drôle !

Et puis, après, vers cinq ans et demi ou six ans, cette plaisanterie ne nous faisait plus rire. Elle nous ennuyait plutôt, comme celle des fraises et des c'rises ou celle des camarades et des caramels, qu'il affectionnait aussi tout particulièrement.

L'âge où l'on est "toute ouïe" pour apprendre à parler et prononcer, c'est celui de la maternelle. Celui des comptines, des bouts rimés, des virelangues et autres ritournelles...Celui où on joue, à l'oral, avec les sonorités de la langue.

Au CP, et même en GS, on attend plus et mieux, maintenant que le langage oral est à peu près maîtrisé. On veut de la correspondance phonie/graphie qui fait avancer. On veut des lettres qui se combinent entre elles pour créer des mots qui font sens !
Le meilleur moyen de faire entendre les sons à un enfant, c'est de les lui faire lire et écrire, le plus vite possible de manière signifiante, c'est-à-dire au cœur d'un mot.
Ils ne sont plus à l'âge des compétences isolées mais à celui où on prend le problème à bras le corps, dans toute sa complexité, parce qu'apprendre à lire et à écrire, ça ne se fait pas à l'aide de briques posées les unes auprès des autres, ça se construit avec du ciment qui relie les éléments et les soude entre eux de manière indissociable.

osez innover et vous verrez !

En GS, je vous conseille l'excellent De l'écoute des sons à la lecture qui emmène justement les enfants de cinq ans de leur envie d'écoute et de discrimination des sons, grâce à des instruments de musique et des comptines, à la connaissance conjointe des lettres, de leur graphie et de leur son pour déboucher en fin d'année sur la lecture intelligente de petits textes entièrement décodables.
Il se complète agréablement par les petits personnages de la Planète des Alphas qui apporte un côté affectif aux lettres, propre à attirer tous les élèves même les moins scolaires.

Au CP, si certains de vos élèves n'arrivent pas à décoller malgré vos bonnes résolutions, n'hésitez pas à commander ou vous faire offrir cet ouvrage et profitez des séances de musique pour apprendre petit à petit à vos élèves à être toute ouïe. Apprenez vous-mêmes les gestes Borel-Maisonny et utilisez-les systématiquement lorsque vous faites déchiffrer des syllabes et des mots aux enfants ou que vous leur en dictez.
Choisissez une méthode de lecture analytico-synthétique de préférence (Bulle, Écrire et Lire au CP, Taoki) car elle associe déchiffrage et compréhension dès le premier jour de classe, ou à la rigueur synthétique[5], sachant que vous devrez alors faire très attention à ce que vos élèves comprennent bien que le but est de comprendre ce qu'on lit et ce qu'on écrit et non pas seulement de faire du bruit avec sa bouche.

Dans ces cas-là, il se pourra que vos élèves, les premiers jours, n'entendent pas encore très bien les sons et qu'ils aient du mal à les individualiser mais, grâce à un entraînement conjoint de leurs sens (vue, ouïe, toucher), vous verrez que ce trouble étonnant disparaîtra comme s'il n'avait jamais été constaté[6].

Sur l'apprentissage conjoint de l'écoute, de l'écriture et de la lecture de 5 à 7 ans, consulter aussi :

 Apprendre à lire, c'est vraiment simple (2) 

 Apprendre à lire, c'est vraiment simple (3) !

 Apprendre à lire, c'est vraiment simple (4) !

Apprendre à lire, c'est vraiment simple (5) !

Apprendre à lire, c'est vraiment simple (6)

Notes :

1 En regardant les images, Aumont, Lehéricy, Aumont, Magnard, 1949.

2 Nous citerons les plus connues : Rémi et Colette (Magnard), Daniel et Valérie (Nathan), Poucet et son ami l'écureuil (Rossignol) mais il y en a bien d'autres.

3 Mais pas vraiment. C'est assez difficile à expliquer et tout le monde s'y perd à le tenter. Les enfants ont par exemple, un stock de 8 étiquettes portant chacune un mot différent qu'ils connaissent (voir exemple) : C'est – Pierre – Magali – Olivier – l'école – A – j'ai – joué – avec. Ils ne savent pas les déchiffrer mais savent qu'il n'y a que ceux-là. Ils vont donc prendre des repères du type : « C'est », c'est celui qui commence par une grande corne et n'est pas très long, « Magali », c'est celui qui a une montagne au début et un point à la fin, etc.

[4]  Lecture en fête, Bonnevie, De Coster, Luini, Vian, Hachette, 1983, Présentation de la méthode.

[5]  La meilleure est sans contestation possible Bien Lire et Aimer Lire, de C. Silvestre de Sacy, chez ESF. Elle est un peu chère mais vraiment parfaite. Prendre les tomes 1 et 3, de manière à avoir des exercices écrits où la phonologie débouche sur de l’écriture et de la lecture.

[6]  En 40 années de CP, je n’ai jamais vu ce trouble perdurer au-delà des deux à trois premières semaines de classe. Pour des élèves vraiment réfractaires, pensez à utiliser les Alphas. Un pense-bête associant chaque personnage à l’écriture cursive a miraculeusement aidé un élève très intelligent mais complètement réfractaire à cette histoire de sons qu’on entendrait là où lui n’entendait que du sens et n’arrivait pas à s’en extraire.

 

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S
Je suis confrontée à ce problème avec ma fille. Elle peine à entendre les sons dans les mots. J'ai vu son classeur et il y a beaucoup d'erreurs dans les exercices de phono quand il faut colorier si on entend où pas ou classer des images selon le début ce qui commence par ma ou mi...... Pourtant en lecture elle est hyper motivée ils utilisent Bulle, elle lit bien les petites phrases, elle a envie de lire et essaye de lire sur tout et n'importe quoi. Je lui ai acheté des petits livres Sami et Julie qu'on lit ensemble. Je l'aide un peu mais elle adore. J'ai peur pour le passage à l'écrit. Du coup aujourd'hui, j'ai essayé de lui faire une dictée de syllabe, sur certaines pas de problème et blocage sur ri elle mettait bien le r et elle entendait pas i c'est curieux non? Je peine à comprendre en fait.
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R
Je suis très étonnée de ce qui est arrivé à votre fils avec Bulle. J'ai utilisé cette méthode avec bonheur pendant mes années CP. Mes collègues en ont fait de même et tous les résultats sont excellents. Depuis notre départ, les jeunes instits arrivées ont repris la méthode et il n'y a plus de non-lecteurs dans notre école de ZEP. Ce qui m'étonne le plus, c'est cette histoire de "réciter la lettre de Milo". Dans la méthode, il n'est pas question de réciter la moindre lettre, mais bien de lire une courte phrase au début, puis un texte de plus en plus long, entièrement déchiffrable, en rapport avec cette lettre. La première leçon est "Tata Sara a un rat.", suivi d'exercices de lecture du type : tata, rata, taratata.<br /> Je ne comprends pas comment votre fils pouvait se précipiter sur la lettre de Milo et la "lire" pour en connaître le contenu alors que dans le livre du maître, s'il est suivi à la virgule près, il est clairement précisé que la lettre de Milo est lue uniquement par l'enseignant. Votre fils est peut-être tombé sur un maître qui, au contraire, a interprété la méthode à son idée.<br /> Il n'y a aucun assemblage de mots sur étiquettes prévu dans la méthode Bulle, à ma connaissance.<br /> Il y a des exercices du type "coche la syllabe où tu entends le son [o], très classiques, dans le livret d'exercices. Il y a aussi des "fusées" demandant d'indiquer si on entend le son au début, au milieu ou à la fin, que personnellement je n'utilisais pas car elles me semblent peu intéressantes. Sur ce point, je suis d'accord avec vous. Mais la rigueur de la méthode, sa richesse linguistique et l'intérêt suscité chez les élèves en font, à mon sens, un excellent outil de travail.<br /> Bien entendu, si on veut travailler la grammaire de manière solide, il vaut mieux utiliser la méthode Ecrire et lire au CP, qui a un niveau beaucoup plus avancé en la matière. Mais pour la lecture stricto sensu, Bulle est un très bon manuel.<br />  
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M
Bonjour,<br />  <br /> Merci pour cet article très intéressant, clair et explicite avec les pages de manuels en exemple.<br /> Voici mon témoignage.<br /> Un de mes enfants a très bien appris la devinette en lecture avec un enseignant qui appliquait à la virgule près la méthode Bulle, avec tous les exercices du livret du maître. Mon enfant se précipitait sur les textes proposés au début de chaque leçon de Bulle (des lettres envoyées à l'élève) et les "lisait" pour en connaître le contenu. Devinette garantie. Il y avait des exercices d'assemblage de mots écrits sur des étiquettes, des exercices avec une flèche horizontale représentant un mot et l'enfant devait situer si un certain son était au début, au milieu ou à la fin de la flèche (c'est à dire du mot; j'ai trouvé cet exercice particulièrement illogique, confus et créateur de confusion).<br /> Une fois l'habitude de deviner solidement "neuro-câblée", il a fallu pratiquer plusieurs fois par semaine et par séquences de 10-15 minutes pendant le CE1, le CE2, et un peu moins pendant le CM1, de la lecture de syllabes sous forme de pseudo-mots, de mots inconnus et finalement de pratiquer un exercice tiré des pratiques de Gisèle Gelbert, la lecture en ping-pong (deux personnes lisent une syllabe tour à tour) pour que vers la fin du CM1 la devinette soit réduite à moins d'1 mot sur 50 environ, alors qu'elle était d'1 mot sur 10 en CE1. J'ajoute que je suis certaine que mon enfant, testé, n'a aucun problème cognitif, plutôt des facilités, et verbales en plus.<br /> Mon deuxième enfant a appris avec moi avec la méthode Venot et le livre "Méthode syllabique d'apprentissage de la lecture"  de Cécile Patry-Morel qui, si j'ai bien compris, est synthétique. Ceci a été commencé en GS et terminé en début de CP. Il est passé du CP au CE1 à Noël et c'était à ce moment-là le meilleur lecteur de sa classe (les autres ayant appris avec Bulle). Il lisait mieux que mon premier enfant, en CE2 à cette époque. Il n'a jamais non plus uniquement "fait du bruit avec sa bouche" mais toujours aimé les contenus et il lit beaucoup. Je suis surprise que l'on pense que ceci soit possible et j'avoue ne pas le comprendre :  si l'enfant a accès à du vocabulaire, il me semble qu'il ne peut "physiquement" pas en rester à faire du bruit avec sa bouche. Il me semble que l'accès au sens est immédiat dans le cerveau si on possède le lien "mot phonétique"sens. Ce n'est pas votre avis ?<br /> Alors franchement, Bulle a été pour mon premier enfant (et pour moi) un pensum, une agression et un vol de son temps d'enfance. Quand on doit réparer la lecture et qu'il faut y passer du temps, on réduit son temps de jeu.<br /> Je viens de retrouver la méthode de lecture de mon CP (le lisais à Noël) : Mico mon petit ours, dans les années 70.
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A
Bonsoir,<br /> Je lisais le ras le bol de la Méthode Montessori et les commentaires avec la planète des Alphas.<br /> Mon fils a appris à lire avec la Planète des Alphas avec Madame HUGUENIN en Suisse.<br /> Je reste convaincue qu'une méthode alphabétique couplée à l'écriture reste une bonne solution; Il faut juste bien travailler les sons au départ. Juste un avis.<br /> Je vous remercie de vos conseils : je vais utiliser mon matériel Planète des Alphas que je trouve très bien ou bien la méthode Martinière pour retravailler quelques sons.<br /> Les dictées préparées l'ont beaucoup aidé...<br /> Une maman avec 3 filous
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A
Bonjour,<br /> J'ai lu avec grand intérêt votre analyse sur l'étude des sons.<br /> J'aimerai avoir votre point de vue sur l'omission ou l'inversion de lettres par les enfants ?<br /> Je vous donne un exemple, lorsqu'un enfant écrit ABRE au lieu de ARBRE.<br /> Est ce parce qu'il n'a pas assez travaillé sur les sons comme IR, UR, AR ?<br /> Merci à vous,<br />  <br /> AMV
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S
Bien sûr, MC, on ne change pas une équipe qui gagne !
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M
Zut. je continuerai.
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M
Merci pour votre réponse. Je continuerais à utiliser Bien lire et aimer lire (couplé à une importante production d'écrit de la part de mes élèves et à des textes variés que je construis), avec lequel je n'ai moi non plus jamais rencontré ce problème.<br /> MC
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M
Bonsoir Double casquette.<br /> Dans votre conclusion, vous écrivez "Choisissez une méthode de lecture analytico-synthétique de préférence (Bulle, Écrire et Lire au CP, Taoki) car elle associe déchiffrage et compréhension dès le premier jour de classe, ou à la rigueur synthétique"  <br /> Il me semblait pourtant que vous aviez utilisé Bien lire-aimer lire pendant de nombreuses années. Finalement, vous conseilleriez plutôt aujourd'hui de travailler à partir de Bulle que de Bien lire -aimer lire, c'est cela ? <br /> MC
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L
Oh là là, que cela m'a l'air encore très intéressant !!  Dommage que je doive aller me reposer ... je reviendrai !
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S
Merci pour cet éclairage à propos des différentes démarches utilisées au cours de ces dernières années pour apprendre à lire aux petits !<br /> J'en conclus que j'ai adopté une démarche analytico-synthétique grâce à la méthode syllabique Mico mon petit ours !
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