L'École Primaire comme je voulais la raconter
« À quoi sert l’école ? À apprendre ce que nous ne savons pas encore. »
Voici la réponse que nos élèves devraient tous connaître. Aux enseignants de s’appliquer à transmettre ce message, en paroles peut-être, en actions sûrement.
Nous partons avec l’hypothèse d’une classe où les élèves de CE2 sont déjà bons lecteurs et ceux de CE1, lecteurs au moins mot à mot.
Après une très brève présentation, le maître installe les élèves à leurs places où tout leur matériel de classe[1] est déjà rangé. Les élèves de CE2 trouvent sur leur bureau leur cahier de classe dans lequel a été préparé le travail des vingt premières minutes : quelques lignes d’écriture (minuscules dans l’ordre alphabétique et majuscules de la première série : A, N, M) et un exercice de préparation à la première leçon d’étude de la langue (les mots, les lettres). Ils copient la date écrite au tableau puis s’attellent à leur tâche.
Pendant ce temps, les élèves de CE1 ont découvert leur livre de lecture[2] et l’ont ouvert à la première page. Les élèves de CP se sont installés face à eux sur un banc pour profiter de leur lecture. Cette première histoire est un embryon de récit, au vocabulaire simple, aux phrases courtes et répétitives, pour aider à retrouver les réflexes de l’année scolaire précédente[3]. L’intrigue est évidente pour que tous la suivent sans difficulté. Si de plus elle est amusante, le maître part à coup sûr gagnant ! Après cette lecture, parfois très, très hésitante, le maître relit, en surjouant la scène, de manière à capter l’intérêt de tous. L’utilisation de marionnettes ou de petits personnages permettra de faire comprendre l’histoire aux élèves à l’intérêt le plus dispersé.
Puis il laisse les enfants s’exprimer. Les plus jeunes sont sollicités les premiers, les plus âgés, encouragés à les écouter pour compléter, préciser ensuite ce qui a été dit. Le maître relance l’intérêt par des questions de sens, de vocabulaire, des encouragements à préciser, à reformuler. Il sollicite les hypothèses, la verbalisation de l’implicite, les rapprochements sémantiques, l’interprétation des motivations des héros de l’histoire…
Puis, pas à pas, après avoir demandé aux aînés d’arrêter leur travail écrit pour les rejoindre, il entraîne la classe entière vers l’analyse de la première notion de grammaire qu’il compte faire aborder à tous. Ce qui sera apprentissage grammatical pour les plus âgés sera analyse du langage oral, découverte du principe alphabétique ou même tout simplement vocabulaire pour ceux du Cours Préparatoire. La notion découverte par les élèves eux-mêmes est alors travaillée à l’oral et au tableau, pour tous. Seul le niveau des questions et des attentes distinguera les plus âgés des plus jeunes.
Lorsque la leçon collective est finie, les élèves de CE1 ouvrent leur cahier[4] et apprennent comment ils doivent présenter leur première journée de travail en suivant les balises que le maître y a placées à l’avance et reproduites au tableau. Deux lignes d'écriture cursive complètent le tableau, elles concernent le même geste que celui travaillé par les élèves de CP (la boucle) de manière à pouvoir jumeler les deux leçons si toutefois un élève de CE1 se révélerait en trop grande insécurité pour pouvoir mener le travail correctement en autonomie. Elles sont juste observées et seront réalisées plus tard, lorsque le travail d'EDL sera terminé.
Les élèves de CE2 quant à eux continuent les exercices qu’ils avaient commencés avant la leçon puis se préparent à leur exercice de dictée en étudiant les mots que le maître a copiés pour eux au tableau.
Les élèves de CP rejoignent leurs places et s’installent face au tableau pour observer le geste d’écriture que le maître souhaite leur voir pratiquer. Comme il sait qu’il ne pourra pas être présent pendant la séance, il a volontairement ciblé l’exercice bien en-deçà des capacités de ses élèves[5] et ne s’attend pas à des miracles. Ce peut-être un coloriage de la ligne d’écriture sur le cahier seyes agrandi, des suites de cinq ou six boucles à tracer sur une feuille blanche qu’on apprend à placer correctement sur la table, un coloriage appliqué de petites surfaces ou une ligne de la lettre qu’on étudiera ensuite, si ses élèves ont la chance d’avoir été initiés à l’écriture cursive et à la gestion d’un cahier à lignes l’année précédente.
Les premières dictées des élèves de Cours Élémentaire sont très courtes et très simples. Elles visent juste à mettre le pied à l’étrier et à apprendre aux élèves à se concentrer sur leur travail pendant que le maître dicte un nouveau segment à l’autre groupe. Elles auront été préparées par la leçon d’étude de la langue qui a précédé et viseront à synthétiser un de ses acquis, sans prétention ni ambition[6]. Comme elle est amplement commentée à voix haute par le maître et par les élèves invités à s’exprimer, à épeler, à vérifier leur travail, la correction en est rapide, ou même inutile puisque tout le monde a juste !
Les élèves de CE1 passent alors à leur premier exercice écrit en autonomie, proposé sur fichier et amplement commenté pendant la leçon de grammaire du matin. Les élèves de CE2 reprennent leur cahier de classe pour continuer les leurs ou préparent leur lecture de l’après-midi en la lisant silencieusement. Certains, ayant tout mis à jour, se dirigent vers le fond de la salle, pour choisir une activité libre (voir III. 2. D. Mise en route - CP/CE1/CE2 (1)).
Pendant ce temps, les élèves de CP sont invités à feuilleter leur manuel de lecture et à en observer attentivement la première page de leçon. Cela permettra au maître d’arriver tout de suite dans le vif du sujet devant quelques élèves ayant déjà pris quelques repères.
Les élèves de CE1 vont alors évoluer un long moment seuls. Leurs capacités d’écriture et d’autonomie étant encore très limitée après deux mois d’interruption, le travail sur fichier, très balisé et ne nécessitant pas beaucoup d’écriture leur convient bien. Cependant, afin qu’ils progressent en habileté et en rapidité, ils ont besoin de reprendre un entraînement au geste d’écriture qu’ils réaliseront sur leur cahier de classe après s’être entraînés à la grammaire.
Enfin, les élèves de Cours Élémentaire doivent savoir qu’une fois leurs tâches accomplies, ils auront toute latitude pour aller pratiquer une des nombreuses activités libres permises par l’installation de coins d’activités et l’exposition en libre-service de jeux, jouets, matériaux, livres, etc.
Pendant ce temps, le maître s’installe avec ses élèves de CP pour leur première séance de lecture de l’année scolaire. Il sait quelle importance revêt cet apprentissage pour ces petits enfants et leurs familles et ne saurait différer plus longtemps cette attente[7].
Observation d’images ou d’objets, expression orale, écoute et attention auditive, observation et attention visuelle, geste d’écriture, le tout toujours sous-tendu par la compréhension lexicale et technique, se succèdent alors, selon l’ordre recommandé par le livre du maître de la méthode de lecture utilisée[8].
La séance se termine par cinq minutes d’observation attentive du geste d’écriture permettant d’écrire seul, et correctement, la ou les lettres étudiées dans cette première leçon. Ce travail d’observation débouchera sur une dictée de ces lettres, au tableau, enfant après enfant, dans le cas de classes qui découvrent réellement l’écriture cursive, sur l’ardoise ou même sur le cahier si le maître en sait les élèves capables.
Selon les usages de l’école. En rural, le plus souvent, les maîtres participent tous à la surveillance de la cour, chacun étant responsable de tous les enfants présents. Une cour de récréation trop petite ou mal aménagée ou bien quelques enfants très difficiles faisant régner le chaos peuvent cependant nécessiter que les classes s’y succèdent. La récréation faisant partie du temps de travail des professeurs des écoles, rien ne s’oppose à ce que nous soyons « de service » tous les jours, à toutes les récréations.
Après la récréation, la première séance de mathématiques débute dans la cour ou la salle polyvalente de façon à ce que les élèves, de CP comme de CE, vivent corporellement les mathématiques. Ce qui sera découverte pour les plus jeunes sera renforcement pour les plus âgés ; quant à ce qui pourrait être découverte au CE, il n’est vraiment pas dangereux que les élèves de CP s’y trouvent confrontés, en auditeurs libres, prêts à en assimiler quelques bribes, sans pression ni attente de la part de l’adulte…
De retour en classe, on continue les manipulations au tableau, dans le coin de regroupement, avec du matériel concret. Ceux qui savent déjà écrire font profiter de leur savoir les plus jeunes qui découvrent ce super-pouvoir digne des meilleurs super-héros !
Ce n’est qu’en fin de séance que chaque groupe s’individualise pour réaliser quelques exercices propres à rendre inutile une leçon de mathématiques copiée dans un cahier et apprise par cœur à la maison, comme dans un bon vieux temps fantasmé qui n’a jamais existé.
Les fichiers choisis sont faciles d’accès et reprennent point par point les acquis des séances collectives en extérieur puis en classe ; le maître navigue entre ses élèves et les aident à se repérer. Si la classe est calme et déjà disciplinée, il peut choisir de se tenir à un bureau auprès duquel les élèves se succéderont par niveaux ou par tout petits groupes pour une correction rapide, dès qu’un exercice est fini. Cela lui permettra de ranger les fichiers en fin de séance et de n’avoir plus à y revenir ensuite.
Tous les chapitres déjà mis en ligne sont répertoriés dans la Table des matières évolutive que vous trouverez dans la partie Sommaires.
Pour la partie présente
I. Idées reçues ; III.1. Trois niveaux dans la même classe ; III. 2. D. Mise en route - CP/CE1/CE2 (1) ; III. 2. D. Mise en route - CP/CE1/CE2 (2) ; III. 2. D. Mise en route - CP/CE1/CE2 (3)
[1] Voir Annexe V.
[2] L’utilisation d’un manuel de lecture, composé de contes et de récits complets, adaptés aux capacités de lecture d’un enfant de tout juste sept ans, complété d’exercices de compréhension et de vocabulaire, est un confort qui nous est souvent refusé aujourd’hui. Rien ne nous empêche cependant de nous en concocter un, mêlant textes « classiques » et extraits de romans « modernes ». Pour ceux qui n’auraient pas le temps de faire ce travail, j’en ai composé un, utilisable au CE1 mais aussi sans doute au CE2. Je l’envoie, accompagné de son guide pédagogique, à qui le veut, sans frais, au format .pdf.
[3] Certains élèves n’auront pas lu une ligne de tout l’été, il faut le savoir.
[4] Voir Annexe V.
[5] Voir site Écriture-Paris déjà cité.
[6] Les fichiers Étude de la langue proposent tous deux « les lettres, les syllabes et les mots » comme première leçon. On peut par exemple envisage que la dictée de ce premier jour soit, pour le CE1, celle de l’alphabet, lettres séparées par des virgules (comme il évoque aussi les syllabes, la dictée peut être le prétexte pour séparer en syllabes quelques mots très simples) et pour le CE2, les trois phrases qui constituent la leçon qui vient d’être apprise…
[7] Un jeune Nans était revenu fort dépité de sa première matinée de CP et avait reproché à sa mère : « Tu m’avais dit qu’au CP, j’apprendrais à lire et on n’a rien fait ! À cause d’elle, je ne sais toujours pas lire ! »
[8] Voir II. 2. C. Mise en route - GS/CP (2), pour un exposé plus détaillé des tenants et des aboutissants de cette première séance de lecture au CP. Voir aussi la mise en garde quant aux méthodes de lecture que nous évoquons dans cet ouvrage.