L'École Primaire comme je voulais la raconter
La façon de mener une classe à double niveau en élémentaire dépend essentiellement de ce qu’ont vécu les élèves jusqu’alors. Si tout ou partie de leur scolarité s’est déroulée dans ce type de structure, le maître est le seul à avoir besoin de s’adapter à la nouveauté de la situation. En revanche, si c’est leur première année, il convient d’être très vigilant les premiers temps pour installer chez les élèves cette dynamique qui mène à un exercice de l’autonomie.
Dans les deux cas, c’est la mise en route de l’année scolaire, au cours du premier jour, puis des premières semaines qui donne l’impulsion et la tonalité souhaitées. Les élèves découvrent dans leur classe un lieu fait pour eux dans lequel tout concourt, dans le cadre d’une discipline librement consentie, à leur développement social, intellectuel et physique.
Le coin de regroupement, si nécessaire en maternelle, peut encore avoir son utilité pour les élèves les plus jeunes. Cependant, pour aider les élèves de CP à acquérir une latéralisation harmonieuse, l’organisation de ce coin ne doit pas empêcher d’installer les tables face au tableau. Il ne doit pas non plus restreindre l’espace d’activités libres en monopolisant trop d’espace. Il sera donc réservé aux salles de classe spacieuses à effectifs restreints[2]. Si l’enseignant y tient vraiment, il peut le jumeler avec le coin d’activités libres qui reçoit, à plusieurs reprises dans la journée, les enfants qui ont fini le travail programmé. Si l’espace manque, il peut simplement amener les élèves à participer depuis leur place aux activités collectives.
Le coin d’activités libres, héritier des coins-jeux de la maternelle, est installé en fond de classe, afin que les enfants qui s’y trouvent ne dérangent pas ceux qui sont à leurs places, pour un travail programmé. Cependant il doit être facilement contrôlable d’un seul coup d’œil afin que le calme y règne et que les règles de la classe y soient appliquées. Il est équipé de placards ouverts proposant livres, jeux sensoriels et de construction, papiers et crayons, pâte à modeler, quelques jouets[3]. S’il sert aussi de coin de regroupement, il comporte une partie « exposition » avec panneau d’affichage et présentoir. On y trouve un ou plusieurs ordinateurs (ou tablettes) et un appareil permettant de diffuser de la musique.
Si la classe est spacieuse, le coin d’activités d’arts plastiques et visuels est permanent. Il dispose d’un point d’eau, de placards accueillant le matériel et les outils, d’une surface murale sur laquelle afficher et peindre. Une ou deux grandes tables sur tréteaux, pas trop hautes, peuvent recevoir les élèves et permettre d’entreposer les travaux en cours.
La partie écriture-lecture se trouve face au tableau triptyque. Les tables sont installées par niveaux, côte à côte ou en rangées parallèles au tableau[4], afin de pouvoir mener tant des travaux en commun que deux activités en parallèle. Elles disposent toutes d’un casier dans lequel chaque élève entrepose son matériel[5]. Un coin dédié au rangement des cartables pendant la journée de classe permet d’éviter les chaises qui basculent sous leur poids et les travées encombrées !
Privilégier le collectif, aussi souvent que possible, en utilisant le disciplinaire d’un niveau comme interdisciplinaire pour l’autre permet de libérer du temps, beaucoup de temps. Exercer à l’individuel et à l’autonomie, sous forme de travail programmé, inscrit au tableau ou sur un plan de travail dégage l’enseignant de la direction d’une séance tout en accordant aux élèves l’opportunité de progresser en s’exerçant.
Dans une classe regroupant des élèves de CP et de CE1, tout en mettant à l’honneur le rôle du groupe-classe comme moteur de l’apprentissage, le maître encourage ses élèves, dès le premier jour, à faire seuls.
Pour que sa tâche soit aisée, il fait précéder les moments d’exercices en autonomie, très courts en début d’année scolaire, de moments collectifs où l’activité est abondamment pratiquée par tous les élèves réunis autour de lui. Il donne un caractère routinier au travail individuel autonome pour en faciliter la mise en place. Un élève ayant fini le travail programmé a toute latitude pour aller pratiquer une activité libre, à sa place ou dans les coins installés loin du tableau d’écriture-lecture-mathématiques. Les règles en vigueur dans cet espace de liberté sont expliquées au coup par coup, en activité.
Installer les règles en les vivant fait gagner un temps précieux. Cela permet à chaque élève de progresser par la méthode des petits pas, tant dans son comportement que dans ses acquis scolaires. C’est aussi la certitude de voir ces règles appliquées plus facilement sous l’effet de la routine.
Pour tous les domaines où l’apprentissage n’est pas forcément structuré de manière linéaire, le maître choisit de mener de front, au cours d’une même activité, les apprentissages des plus jeunes et ceux de leurs aînés. Le fond est le même, seul le degré d’exigence varie. Aux quatre domaines d’acculturation de l’ex-Découverte du Monde[7], il a arbitrairement attribué un jour de la semaine.
Il peut aussi choisir de travailler sur quatre semaines, ou quatre demi-semaines. L’important est d’avancer toujours par la méthode qui convient au rythme des enfants : peu à la fois, souvent, sous de nouveaux éclairages, pour le plaisir de se voir grandir et progresser presque à vue d’œil !
Les enfants arrivant à l’école élémentaire pénètrent parfois pour la première fois dans le monde des apprentissages structurés à progression linéaire[8]. Cette découverte n’ayant pas été étalée sur deux années scolaires[9], le passage peut sembler brutal et déstabilisant pour certains enfants.
Dans ce cas-là, le maître a pris soin de préparer une première progression d’étape très ludique, basée sur ce qui aurait pu être fait sans difficulté à l’école maternelle dès le milieu de l’année scolaire précédente. Elle doit cependant représenter presque le premier cinquième du programme d’acquisitions[10] qu’il souhaite faire partager à ses élèves, sous peine de se trouver débordé en cours d’année si une partie des enfants a un rythme d’apprentissage lent.
S’il cumule cette première difficulté avec celle de recevoir des élèves de CE1 encore très hésitants en lecture, en écriture et en calcul, il cherchera à parer au plus pressé en privilégiant le plus possible ces domaines à travers toutes les activités de la classe. Il se servira pour cela de tous les moments communs aux deux sections, pour lesquels il établit une progression interdisciplinaire de rattrapage[11] ; ceci lui permettra de faire lire et écrire les élèves de CE1, de situer tout le monde dans l’espace[12] et le temps, de donner à chacun une assurance rapide de ses capacités d’enfant de presque six ans à bientôt huit ans.
Pour se simplifier la vie et pouvoir consacrer son temps à suivre réellement ses élèves, il a choisi de s’entourer d’outils et de méthodes simples plutôt que de passer énormément de temps à préparer sa classe et à créer ses outils. Il a ainsi adopté des méthodes d’écriture-lecture et de mathématiques proposant une progression journalière pour chacun des deux niveaux[13].
Pour l’ensemble des autres matières, son critère de sélection principal a été le bon sens et la connaissance des capacités attentionnelles, inductives et déductives de l’enfant de six à huit ans ainsi que son goût du jeu, de la récompense immédiate par la réussite rapide et l’atteinte d’objectifs simples et progressifs.
Annexes :
Télécharger « Plan CPCE1 ou GSCPCE1 ou CPCE1CE2.pdf »
Télécharger « Matériel individuel CPCE1.pdf »
Télécharger « EDT - CPCE1.pdf »
Télécharger « Programme d'acquisition CP.pdf »
Télécharger « Programme d'acquisition CE1.pdf »
Tous les chapitres déjà mis en ligne sont répertoriés dans la Table des matières évolutive que vous trouverez dans la partie Sommaires.
Pour la partie présente :
I. Idées reçues ; II.1. Deux niveaux dans la même classe ; II. 2. D. Mise en route - Élémentaire - a (1) ; II. 2. D. Mise en route - Élémentaire - a (2) ; II. 2. D. Mise en route - Élémentaire - b (1) ; II. 2. D. Mise en route - Élémentaire - b (2) - c.
[1] Voir Annexe III, D.
[2] Aucune classe élémentaire ne devrait dépasser 25 élèves, a fortiori lorsqu’elle est à plusieurs niveaux. Une classe aux effectifs restreints est une classe de moins de 20 élèves.
[3] Petits personnages, véhicules, accessoires et éléments de décor permettant de les mettre en scène.
[4] Dans ce cas, les élèves de CP seront assis aux tables les plus proches du tableau et les élèves de CE1 seront derrière eux.
[5] Voir Annexe V.
[6] Voir Annexe II
[7] Questionner le Monde, depuis sept. 2016.
[8] Écriture-lecture et compter-calculer.
[9] Grande Section et Cours Préparatoire.
[10] Voir Annexe IV.
[11] EPS consacrée aux activités de latéralisation, spatialisation, succession chronologique, rangements, classements, algorithme de la numération, … ; activités plastiques servant à se repérer sur la feuille et son lignage et à assurer le geste d’écriture par l’expression graphique et les jeux de doigts ; utilisation intensive de l’écrit dans le cadre des activités du domaine Questionner le Monde : rédaction collective et relecture de courtes phrases de résumés ; lecture à voix haute par les élèves des questionnaires et descriptions contenus dans le manuel.
[12] Latéralisation, spatialisation, chronologie, sens gauche-droite de la lecture, repérage des lignes et carreaux des cahiers, etc.
[13] Je conseille :