L'École Primaire comme je voulais la raconter
J'espère que je rassurerai les collègues inquiets par cette publication qui leur prouve que j'ai bien l'intention de venir à bout du guide pédagogique de mathématiques en ce qui fut le Cycle 2 et est maintenant à cheval sur le Cycle 1 et le Cycle 2.
Cette 2e période suit la même démarche que la 1re, je vous demande donc de vous reporter à l'article : GS/CP/CE1 : Mathématiques (1) pour découvrir les grands lignes de la méthode.
Aujourd'hui, nous allons nous préoccuper de la programmation, assez différente de celles que proposent les cadors de l'édition scolaire.
Ceux d'entre vous qui ont lu la 1re période ont sans doute été frappés par le fait qu'à part lorsqu'ils partageaient les activités prévues pour les plus grands, les GS n'étaient pas encore entrés dans le numérique. Aucun chiffre, aucune file numérique, rien...
Rien ? Bah, pas vraiment... En effet, en plus de l'imprégnation « libre » qu'ils ont emmagasinée sans même s'en rendre compte en jouant avec les plus grands, leur programme leur a fait prendre conscience de quelque chose, qui, selon les recherches des neuroscientifiques, est présente dans leur esprit depuis leurs premiers instants : la notion de quantité.
En effet, avant même de savoir balbutier « Un deux kroi sept six douze ! », un petit être humain saurait que sur l'image à sa droite, il y a plus de ballons que sur l'image à sa gauche et que, sur le tapis de la crèche, il y a moins de balles que dans la piscine à balles qui se trouve sur la terrasse.
Tout cela pour dire que, selon mes bonnes vieilles habitudes, je consacre la 1re période à réviser les acquis antérieurs, depuis l'origine, dirions-nous... Et, dans un triple niveau, les CP et les CE1 qui auraient « loupé le coche » en profitent, ce qui ne peut pas leur faire de mal ! Ce qui, entre nous soit dit, constitue la grande force des classes multi-niveaux par rapport aux classes à un seul cours des écoles urbaines...
Les bases des bases sont désormais assurées, même sur des quantités assez proches. Le nombre va maintenant son statut de « symbole caractérisant une unité ou une collection d'unités considérée comme une somme », après avoir été compris parfois pendant deux ou trois ans comme une syllabe parmi d'autres au sein d'une longue comptine dépourvue de sens.
Nous allons cependant commencer petit. Même si, grâce aux activités communes, les enfants de GS commencent parfois à savoir chanter cette comptine très, très loin avec leurs camarades plus grands (les CE1 atteignant 999 à la fin de la période). Ce qui est intéressant puisque cela permet aux plus jeunes de sortir de l'idée d'un alphabet sans fin souvent induite par la file numérique jusqu'à 30 affichée au mur. Les petits « 5 ans », grâce à leur fréquentation des « 7 à 8 ans », entendent que « Ça recommence toujours pareil » et autres « En fait, c'est super fastoche, quand on sait compter jusqu'à 100, on sait compter jusqu'à 1 000 ! »
Mais pour vraiment sentir le nombre et bien le percevoir comme « une collection d'unités considérée comme une somme », il faut qu'à ces incursions se rapprochant de l'infini on ajoute un bon peu de « terre à terre »...
Un truc du genre : "Un, deux, trois, qu'est-ce que c'est ?... Et qu'est-ce que je peux en faire ?... Et, si c'était possible, comment puis-je transmettre à mes semblables les informations que j'ai découvertes ? »
C'est à cela que vont s'employer nos plus jeunes élèves, encore une fois sans pression, ni saut conceptuel inconsidéré. Jusqu'à les amener à accéder aux « phrases mathématiques » qu'ils ont découvertes grâce à leur camarades de CP et qu'ils comprennent comme ils comprendraient d'autres suite de pictogrammes.
C'est ainsi que pour eux, lire ceci et comprendre qu'ils doivent dessiner 2 fleurs dans le premier vase et 1 dans le deuxième, compter le tout et dire que ça donne 3 fleurs en tout :
ce n'est pas plus compliqué que de cocher chaque matin le bonhomme qui dit :
pour informer ses commensaux de son état d'esprit.
Le même principe régit la programmation de CP. C'est pourquoi, pendant cette 1re période, nous ne sommes pas allés plus loin que 5. En gros, le programme de PS/MS...
Mais nous l'avons fait à fond. En allant plus loin que le programme de Cycle 2 complet parfois. Par petites touches. Juste pour voir et pour délier l'esprit.
Ainsi, très jeune, l'enfant sait partager avec ses frères et sœurs ou ses camarades. Il sait même quand son partage est en parts égales ou quand il a triché en s'attribuant une plus grosse part que celle des autres.
Alors, pourquoi attendre pour rendre consciente cette faculté du jeune être humain à fractionner un nombre en une quantité de nombres égaux ? Tant que nous restons dans un champ numérique suffisamment restreint pour qu'elle s'exerce naturellement, sans pression ni saut conceptuel inconsidéré, tout le monde y arrive au moins un peu et, comme nous ne sommes pas pris par le temps et que nos élèves ont des années devant eux avant d'être obligés de savoir réellement raisonner sur des fractions, peu importe que certains n'y arrivent qu'un tout petit peu. La graine est semée, si d'autres après nous s'emploient à la faire lever, elle finira bien par devenir un bel arbre !
Nous continuons sur le même chemin, jusqu'à 9 maintenant. Chaque nombre est décortiqué sous tous ses fractionnements possibles : les sommes de deux nombres et leur réciproque mais aussi les sommes de nombres égaux, vite traduites en produits, parce que «un mathématicien, c'est un très grand paresseux qui cherche toujours à avoir le moins possible à réfléchir et surtout à écrire » !
En effet, sachez que dans vos classes, si vous adoptez ces méthodes, on cherchera à ne pas se fatiguer. Pour cela, il faudra réfléchir et trouver des « trucs ». Des tas de « trucs ». Par exemple, écrire 2 pommes + 2 pommes + 2 pommes + 2 pommes = 8 pommes, c'est long, ça prend de la place, ça oblige à recompter sans arrêt pour voir si on en a mis assez, en bref, c'est « trop nul » !
Alors qu'écrire juste qu'on avait des paquets de 2 pommes, 4 exactement, et qu'en les comptant toutes, on a réalisé que c'était égal à 8, c'est facile, c'est rapide, et ça peut rapporter gros. Regardez :
2 pommes x 4 = 8 pommes
Ce n'est pas beau, les mathématiques des paresseux ? Et en plus, ça rend intelligent ou plutôt, comme on dit maintenant, ça développe les fonctions exécutives qui se situent dans le lobe frontal. Tous ensemble, nous tenons un raisonnement cohérent, nous faisons preuve de créativité, d'abstraction aussi, nous nous organisons et nous planifions notre temps.
Et c'est notre créativité qui, aidée par celle de nos grands anciens, les adultes qui sont déjà passés par tous ces stades, nous permet de concevoir sans aucune difficulté que si 2 pommes multiplié par 4, ça fait 8 pommes, eh bien, forcément 8 pommes partagées en 4 parts égales, c'est 2 pommes pour chacun ! Et hop, réciprocité de la division par rapport à la multiplication ! »
Ça, c'est fait ! Une brindille de plus à notre tout jeune arbre ! Et on peut même déjà ajouter un petit bourgeon supplémentaire, si, histoire d'encore moins se fatiguer, on trouve un signe opératoire pour raconter ça en 5 pictogrammes ? Un truc qui voudrait dire « partagé en » ? Ça n'existe pas déjà, ça, maîtresse ? Tu nous le dis, pour aller plus vite, comme ça, on aura le temps de faire sport cet après-midi et puis musique et puis questionner le monde et même arts plastiques ? Allez, dis-le nous ! Ça ne fait rien si c'est pour les CM1, normalement. Nous, on est super forts, tu le sais ! Deux points ? Quoi, deux points ? Deux points, ça veut dire « partagé en » ? Trop bien, on sait l'écrire alors ! Regarde !
8 pommes : 4 = 2 pommes
Et on sait le lire, en plus ! Écoute !
8 pommes partagées en 4 parts égales,
c'est 2 pommes pour chacun !
Toujours la même chose pour les plus grands. Démarrer tout petit, par du concret de chez concret, pour arriver à du très grand, très réfléchi et très abstrait...
Pour cela, il faut patiemment donner beaucoup d'outils concrets. Des outils scolaires, bien sûr, des bouliers, des bûchettes, du matériel Montessori, des boîtes de Picbille, des cubes emboîtables, des réglettes Cuisenaire... Si possible variés pour que les plus terre à terre de nos élèves ne voient pas les chiffres comme des symboles traduisant une situation concrète unique, symboles qu'ils ne sauraient pas transférer à toutes les autres situations concrètes.
Mais il faut aussi donner des outils « sociaux », les boîtes d'œufs par exemple, qui permettent de travailler le couple multiplication/division grâce à tous les fractionnements en parts égales qu'elles contiennent.
Et puis la monnaie, si bien conçue pour le calcul mental avec ses pièces qui permettent de compter de 1 en 1, 2 en 2, 5 en 5, mais aussi de 10 en 10, 20 en 20, 50 en 50 ou – mais ça, c'est en Période 2 – de 100 en 100 et plus si affinités ! Ce qui permet de retrouver le fameux : « Maîtresse, c'est trop fass ! C'est toujours pareil ! » dont nous parlions plus haut.
Et enfin, quelque chose qui est complètement tombé en désuétude alors qu'il fut une grande conquête née de la Révolution Française... Le système métrique !
Quoi de mieux en effet pour réellement voir le système de la numération décimale que d'étaler devant soi des centimètres, de les échanger contre des unités 10 fois plus grandes, les décimètres, qu'on échangera ensuite, en Période 2, contre des unités encore 10 fois plus grandes, les mètres !
Mètres qu'on pourra à leur tour fractionner en 10 parts égales, les décimètres, ou en 100, les centimètres !
Jusqu'à ce que tout cela devienne totalement implicite et que les élèves n'aient jamais besoin de tableaux pour convertir des mètres en décimètres ou centimètres, des hectogrammes en décagrammes ou grammes et que, plus tard, bien plus tard, les puissances de 10 leur semblent encore un nouveau « truc » pour se simplifier la vie et avoir moins à écrire.
Parce que, par ces trois exemples, que nous pourrions transposer pour traiter de l'espace et de la géométrie, ou de temps et de la durée, que cherchons-nous avant tout ?
Avant même les connaissances qui sont là avant tout pour servir notre objectif principal : fabriquer des matheux.
Pas des enfants qui savent réciter leurs tables (d'addition, de soustraction, de multiplication et de divisions) sur le bout des doigts mais ne savent pas les utiliser rationnellement pour calculer rapidement de tête ou sur le papier. Pas des enfants qui ont besoin d'apprendre une à une les méthodes de résolution des problèmes selon leur type. Pas des enfants qui ont besoin de passer par des procédures lourdes et compliquées pour poser une addition, une soustraction et, plus tard, une multiplication ou une division.
Non, pas tout ça mais bien autre chose. Des enfants qui aiment réfléchir et résoudre des problèmes à leur niveau par la logique, le raisonnement, l'abstraction et un zeste de créativité pour le plaisir. Et tout cela, sans pression ni saut conceptuel inconsidéré, juste en cherchant à pousser chaque jour un peu plus la barrière du jardin pour aller voir si le vaste monde n'est pas encore plus intéressant que ce qu'il en a l'air...
Mais, trêve de bavardage, demain je pars en vacances une semaine, il faut conclure par du concret.
Édité le 24/07/21 : Petite erreur dans les numéros des Bilans.
Télécharger « MathsGSCPCE1-Période 2.pdf »
Je me permets de demander à toute personne qui modifierait ou adapterait ce matériel à sa classe de ne pas le diffuser sur internet. Elle peut en revanche me proposer sa version et je la citerai si j'en profite pour améliorer ma proposition.
Télécharger « MathsGSCPCE1-Matériel2.pdf »
Elle se trouve dans l'article précédent (voir liste en fin de page) et est encore susceptible de modifications.
Pour ceux qui l'auraient téléchargée avant la parution de cette Période 2, sachez que quelques petites modifications y ont été apportées.
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CE1 : Maths au CE1 - Nouvelle édition. ou Maths CE1 : Fichiers élèves toujours consultable et téléchargeable en ligne
CP : CP : Cahier de mathématiques (1) ; CP : Cahiers de mathématiques (2-3) ; CP : Cahiers de Mathématiques (4 - 5)
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