L'École Primaire comme je voulais la raconter
Merci à Écriture Paris pour cette illustration tirée du cahier Écriture CP
J'avais décidé d'arrêter d'écrire un article par jour ou presque, histoire de ne pas lasser les abonnés qui doivent bien se demander ce qui m'arrive cette semaine. Et puis voilà que je reçois lundi un très joli petit cahier, à la couverture toute douce, aussi bien à la vue qu'au toucher. Et que ça me donne envie d'en parler.
C'est un cahier 17x22, aux coins arrondis. Exactement le petit cahier qui fait grand pour les enfants de cinq à six ans et petit pour les adultes qui les instruisent et les éduquent.
Le titre de la collection est écrit en haut, en cursive (police Belle Allure), accompagné du nom de l'auteur. Il est simple, clair et illustré d'un crayon.
En dessous, en script, le titre du cahier, gros et rouge. Je vois déjà les jeunes enfants de 5 à 7 ans le suivre du doigt en disant : « Il y a écrit É...cri... ture ! C'est mon cahier d'écriture ! »
Plus bas, illustré d'un petit animal ailé en forme de bulle et d'une indication du niveau, toujours pour que les petits qui se veulent grands s'y repèrent, une étiquette pour les vieillards qui savent lire, ceux de 7 à 107 ans :
On sent bien que ça, c'est pour l'Inspecteur, pour qu'il comprenne ce qu'on fait en classe. Pas pour les enfants.
Pour eux, en-dessous, il y a une belle illustration qui raconte exactement la même chose : « Dans ce cahier, les petits garçons et les petites filles (aidés par un bon génie à l'allure de bestiole ailée bleu ciel) vont apprendre à écrire en attaché tout petit sur des lignes ! »
Vous avez le nom de l'éditeur en prime, comme ça vous savez où vous adresser pour l'acheter.
Je l'ouvre... Tiens, la deuxième de couverture est occupée... Ce sont des conseils pour les enfants qui écrivent de la main gauche. Un petit mémo pour eux (et pour l'adulte qui aura charge de l'enseignement ; merci Laurence !)
Allons donc jeter un petit coup d'œil à la troisième de couverture... Eh oui, comme vous vous en doutiez, c'est un mémo pour ceux qui écrivent de la main droite (et pour l'adulte, n'est-ce pas, on peut être droitier, écrire à peu près correctement et ne pas savoir du tout comment s'y prendre pour donner la bonne impulsion pour le départ à un enfant qui sait à peine tenir son crayon);
Puisque nous y sommes, observons la quatrième. Elle est résolument « pour les grands ». Sauf deux ou trois petits clins d'œil aux enfants, sous forme d'illustrations représentant les personnages de la méthode qui se baladent sur la page, pour bien montrer qu'ils restent là, avec leurs amis, les enfants de CP.
La page de titre reprend les éléments de la couverture, mais l'illustration est remplacée par une étiquette à personnaliser.
Ah ! C'est vrai, ça... dans une classe, il va falloir mettre une étiquette pour les distribuer après consultation par l'enseignant, chaque soir, après l'école (quand il n'y a pas « animation pédagogique », ou « conseil des maîtres », ou « conseil d'école », tous ces trucs qui détournent les enseignants de leur véritable mission, grrrrr)... Il n'y a pas beaucoup de place... Ah voilà, j'ai trouvé ! Sur les renseignements pour l'Inspecteur ! Bien au milieu pour ne pas cacher la bestiole...
Ensuite, pages 2 et 3, c'est la présentation... Page résolument pour les adultes. Passionnante pour tous ceux qui veulent comprendre comment enseigner l'écriture aux enfants. Un petit résumé ?
- Méthode d'apprentissage de l'écriture :
mise au point par Laurence Pierson, rééducatrice en écriture, formatrice sur l'écriture-lecture, professeur des écoles, membre fondatrice de l'association 5E.
- Deux cahiers pour une progression spiralaire :
Dédiés à l'apprentissage des minuscules cursives.
Objectif : acquérir progressivement une écriture lisible, fluide et indolore.
- Une préparation systématique avant l'écriture :
pour maîtriser les fondamentaux et découvrir les bons gestes.
- Un format adapté aux enfants de CP, droitiers ou gauchers :
format cahier d'écolier, lignage Seyès 3 mm.
- Des modèles de lettres conformes aux programmes :
forme des lettres normalisée.
- Progression liée au geste d'écriture :
elle part de la forme la plus élémentaire, la boucle, et avance pas à pas en s'appuyant sur l'acquis.
- Un lien facilité avec la lecture :
Forcément différente et plus rapide que la progression de lecture, la progression d'écriture peut néanmoins aider l'élève en ne présentant les lettres qu'avec leur valeur la plus fréquente et dans des mots entièrement déchiffrables.
- Un rythme de travail quotidien :
utilisation quotidienne recommandée : 20 à 30 minutes.
Et là, c'est moi qui insiste : la dame a dit « Une utilisation quotidienne de 20 à 30 minutes », c'est important ! Très important !
Pourquoi certains élèves sortent du CP avec une écriture de GS en début d'apprentissage ? Pourquoi certains souffrent le martyr et se retrouvent classés dys-quelque-chose ? Parce qu'ils n'ont pas assez écrit, tout simplement. C'est comme les CE1 qu'on ne fait plus lire en classe, ça... pas étonnant qu'ils ne progressent pas, les pauvres choux...
- Des rubriques régulières
qui aident l'élève de CP à prendre ses repères : « Je m'entraîne », « J'écris des mots » (et toc, les syllabistes enragés), « Je complète », « Je copie et je dessine », « Je continue la frise ».
Parce que la routine est indispensable à l'enfant pour se sentir stable et compris. Le ludico-époustouflo-distrayant, ce sont les adultes aux sens émoussés qui en ont besoin pour se sentir vivants, pas les enfants.
- Un site compagnon pour les enseignants
où l'on trouve des ressources supplémentaires et un guide pédagogique.
Et puis, on entre dans le vif du sujet.
Très claires, illustrées de photos et accompagnées de conseils si simples qu'on se demande pourquoi il faut en plus un guide pédagogique. Il y a même la petite touche « métacognition » de temps en temps ! C'est monsieur l'Inspecteur qui va être content...
Je conseille sincèrement aux jeunes collègues qui choisiront ce cahier d'éprouver eux-mêmes les exercices qui y sont proposés, en se comportant en droitiers comme en gauchers, pour comprendre ce que doivent intégrer les enfants. Cependant, attention à agrandir les distances pour l'exercice du yoyo, sinon ils risquent de ne pas visualiser et éprouver dans leurs muscles et articulations le mouvement du pouce.
Je leur conseille aussi de ne pas se contenter de l'à-peu-près auquel sont parfois habitués certains enfants sortant de maternelle, surtout quand celle-ci, poussée par une hiérarchie peu au fait des capacités psychomotrices des tout-petits, a plongé ses élèves dans des exercices de « graphisme » ou d'« écriture » qu'ils ne pouvaient qu'échouer, prenant ainsi de très mauvaises habitudes :
Peut-être faudra-t-il pour cela y passer un peu de temps et fournir du papier de brouillon ?... à voir.
Elles sont simples, répétitives, routinières même, et font autant que faire se peut appel aux capacités de lecteurs des jeunes élèves qui entrent au CP.
Les illustrations sont présentes, juste ce qu'il faut, pour ne pas perturber le nécessaire travail d'attention et de concentration de l'enfant, tout en lui rendant le travail appétent.
Se reporter au Guide Pédagogique pour bien s'imprégner des consignes et de la manière de les faire appliquer aux enfants.
Dans le domaine de la lecture, la progression est nette, on passe d'aucune acquisition en première page où l'enfant est juste prié de croire son enseignant sur parole lorsqu'il désigne chaque illustration par une suite de lettres (élève - loup), au repérage auditif d'une lettre dans un mot, puis d'une syllabe lors des pages suivantes.
À la page 23, donc, si on a respecté le rythme quotidien de 20 à 30 minutes, vers la cinquième semaine de classe, ça y est, l'enfant sait déchiffrer, seul, des mots signifiants en en comprenant le sens : il lit ! Et le prouve en illustrant ce qu'il a lu d'un dessin représentatif (d'où l'importance de renforcer le dessin représentatif pour tous les élèves qui arrivent de maternelle en n'y ayant que très très peu dessiné, par l'usage quotidien lui aussi).
Volontairement sérieux sans être pour cela tombé dans le piège de l'austérité obligatoire, ce petit cahier plaira aux enfants, j'en suis sûre. Il se révèlera sans doute très utile dans toute classe de CP, quelle que soit la méthode utilisée en lecture.
Mais il pourra aussi être utile :
Pour tous ceux qui voudraient en savoir plus, je les encourage vivement à lire l'article de Laurence Pierson, sur son site « Écriture Paris » et à aller consulter le guide pédagogique sur le site de MDI.
Vous pourrez même feuilleter le spécimen en ligne pour vous rendre compte par vous-mêmes. Le cahier y est en entier.
Par ailleurs, comme il n'est pas cher et que l'éditeur propose une offre spéciale ne pénalisant pas les petites écoles rurales qui n'ont pas forcément 25 élèves de CP chaque année, on peut se payer le luxe de ne pas passer par la photocopie, quitte à demander 3,60 € aux familles si vraiment les crédits alloués pour les fournitures scolaires sont trop ridiculement étriqués.