L'École Primaire comme je voulais la raconter
Oui, c'est indispensable. Du CP au CM2. En cette époque de préparation de la rentrée où chacun cherche comment évaluer ses élèves, je peux vous garantir qu'en deux ou trois semaines, vous serez capables de déterminer sans coup férir les élèves qui lisent tous les soirs avec un adulte de ceux qui n'ont que le temps de lecture en classe pour s'entraîner à lire.
C'est tellement indispensable et tellement évident pour moi que j'ai oublié de le mentionner dans les guides pédagogiques de Écrire et Lire au CP et de Lecture et Expression au CE. Heureusement que je l'ai indiqué dans Nino et Ana, j'ai l'air moins étourdie comme cela.
À la maison, à l'étude, à l'aide aux devoirs, n'importe où mais il faut la faire relire pendant tout le CP et tout le début du CE1 (premier trimestre environ).
Après, à partir du deuxième trimestre du CE1, on peut commencer à demander aux élèves de préparer leur lecture à la maison au lieu de leur demander une relecture qui commence à les lasser et que les familles laissent souvent tomber.
Cependant, cette technique ne sera mise en place que si l'on est sûr que les familles ou les organismes d'aide aux devoirs joueront le jeu. Il est important de les avertir par écrit de ce changement de procédure afin qu'ils prennent conscience de son enjeu et qu'ils l'appliquent consciencieusement.
Et on continue cette bonne habitude jusqu'au 1er juillet du CM2, sachant que les plus grands peuvent aussi lire seuls, plutôt que sous la surveillance d'un adulte.
Donner systématiquement comme "devoirs" la lecture à relire, pour les petits, ou la lecture à découvrir, pour les plus grands.
Le lendemain, pour les élèves de CE1 à CM2 qui ont préparé un nouveau texte et non relu l'ancien, avant de les faire lire à voix haute (ah oui, je précise, à l'école primaire, on lit tous les jours à voix haute, ça fait gagner un temps fou d'avoir des élèves lecteurs et ça évite bien des ateliers fluence, compréhension, inférences, etc.), on demande incidemment : « Alors ?... Ce texte ?.... » puis on les laisse s'exprimer quelques minutes. Ça permet d'avoir l'air moins perdus à ceux qui n'ont pas lu parce que papa pas disponible, maman qui rentre tard, tatie qui a autre chose à faire que faire lire un gamin et autres animateurs municipaux qui trouvent que lire, c'est trop nul (ne me dites pas que ça n'existe pas, j'en connais une...)
CP : Au début de l'année, la durée de l'exercice doit être inférieure à 5 minutes. En cours d'année, elle augmente progressivement jusqu'à 10 à 15 minutes maximum.
CE1/CE2 : 15 minutes maximum
CM1/CM2 : 15 à 20 minutes, dont une partie silencieuse.
C'est pour eux qu'on le fait, ce serait dommage de les en priver. Surtout que c'est en partie grâce à cela qu'ils vont perdre rapidement cette étiquette.
Ils lisent toute la page du jour, surtout quand c'est du code. (si c'est de la lecture compréhension, pendant toute la première moitié de l'année et même un peu plus, l'adulte la leur lit puis il lui fait lire une page de code, celle de la veille s'il le faut, ou celle du lendemain).
On peut même signaler aux parents que ce serait bien que leur enfant ayant des difficultés, lise plusieurs fois cette page de lecture (très aérée en début d'année) :
♥ le soir en rentrant de l'école (même s'il est resté à l'étude et qu'il y a lu sa page du jour),
♥ une autre fois avant de se coucher
♥ et, si les horaires familiaux le permettent, le matin avant de partir à l'école.
Dans la deuxième moitié de l'année, quand les textes commencent à devenir longs mais totalement déchiffrables, on peut proposer aux parents d'enfants lents les aménagements ci-dessous.
Ils lisent toute la lecture du jour, ou celle du lendemain (à partir du deuxième trimestre seulement au CE1).
Normalement, elle a été choisie par l'enseignant en rapport avec les capacités de lecture (taille de caractères, longueur, vocabulaire, intérêt) d'un enfant de 7 à 9 ans et doit se lire en moins d'un quart d'heure.
Si c'est trop laborieux, on peut toutefois proposer des aménagements :
→ lecture « à deux voix », une phrase chacun puis un paragraphe chacun, à condition que l'enfant reste attentif et suive du doigt et du regard ce que lui lit l'adulte.
→ lecture fractionnée :
♥ un paragraphe en arrivant de l'école,
♥ le suivant avant le repas du soir,
♥ le troisième avant d'aller dormir
♥ et le dernier le matin avant de partir à l'école.
Ce sera encore plus efficace si à partir du deuxième paragraphe l'adulte relit d'abord à l'enfant, en suivant du doigt, assez lentement pour que l'enfant puisse suivre du regard et de l'oreille en même temps, la partie que l'enfant a déjà lue seul précédemment.
La lecture à haute voix n'est plus indispensable même si elle peut s'avérer encore utile à certains, et agréable à tous.
On peut suggérer aux parents de faire lire à leur enfant un paragraphe à voix haute, en s'appliquant sur l'intonation dès la première lecture (s'il n'en est pas capable, c'est qu'il n'a pas assez lu depuis la fin de son CP, retourner au paragraphe précédent), puis de continuer silencieusement et seul.
Cependant, pour des élèves en grande difficulté, il vaut mieux se reporter au paragraphe précédent et utiliser les techniques de la lecture à deux voix ou de la lecture fractionnée.
On peut aussi, dans le cas d'élèves en grande difficulté, ne demander de lecture à voix haute qu'après avoir soi-même lu cette portion de texte à voix haute, en suivant du doigt ce qu'on lit.
Bien sûr qu'un enfant qui lit « a... 5 secondes d'attente... mmm... 5 secondes d'attente... iiii... 5 secondes d'attente... aammm... 5 secondes d'attente... mmmiii... 5 secondes d'attente... aaaammmiii... 5 secondes d'attente... a-mi ?... » ne peut pas comprendre ce qu'il lit !
En revanche, un enfant qui, en fin de CP, ou début de CE1, a encore besoin de hacher sa lecture et lit, lentement mais sûrement : « Au... jour... d'hui... aujourd'hui... Mi... mi... Mimi... est... de... re... tour... Aujourd'hui... Mimi... est... de... re... tour... retour. Aujourd'hui, Mimi est de retour. » est un enfant dont la lecture, bien que lente, est efficace.
Il faut alors expliquer à leurs parents que Rome ne s'est pas faite en un jour et qu'eux aussi, quand ils avaient 6 ou 7 ans ânonnaient leur lecture tout en comprenant ce qu'elle racontait.
La lecture à la maison doit être un moment partagé agréable, sans tensions ni courses à la vélocité. Il vaut mieux passer cinq minutes à lire un seul mot de chaque phrase, mais blotti près de papa ou maman, ou de la grande cousine qui lit mieux le français, à rire avec le Bêta qui porte son oie d'or sous le bras, suivi par une cohorte de gens, pleurer avec Cosette et son grand seau plein d'eau glacé ou découvrir le Far West, juché sur un chariot à côté de Laura Ingalls, que 15 minutes infernales à lire de plus en plus vite un texte, ou pire une liste de mots sans suite.
Mais elle doit aussi être un moment sérieux, pendant lequel parent comme enfant s'engagent à faire du mieux qu'ils peuvent, à leur rythme certes mais en ayant conscience que lire, c'est déchiffrer et comprendre en simultané.